3 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/02107
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 03 JUIN 2022
(n° 2022/ , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02107 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBMDC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/09092
APPELANTE
SCI DU GÉNÉRAL LECLERC immatriculée au RCS de Créteil sous le n° 381 020 270, représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée et assistée de Me Guillaume NORMAND, avocat au barreau de PARIS,
toque : G770
INTIMÉE
SA IMMO MOUSQUETAIRES immatriculée au RCS de Paris sous le n° 323 347 880 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Rose NGO BEGUE de la SELAS PFB Avocats, avocat au barreau de PARIS
assistée de Me Jean -marie LAFRAN de la SELARL LAFRAN ET ASSOCIES ,avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue 25 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Claude CRETON, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude CRETON, président de chambre
Mme Monique CHAULET, conseillère
Mme Muriel PAGE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Claude CRETON, président de chambre et par Mme Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
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La SCI du Général Leclerc est propriétaire à Paris de locaux à usage de commerce qu’elle a mis en vente.
La société Immo Mousquetaires, après avoir visité ces locaux, a écrit le 27 juin 2017 à la SCI du Général Leclerc : ‘Pour faire suite à notre rendez-vous du 22 juin 2017, je vous confirme l’intérêt de notre groupe pour l’acquisition d’un local commercial [Adresse 1] aux conditions suivantes :
En cas d’accord avec l’objet des présentes, nous vous remercions de bien vouloir nous retourner un exemplaire paraphé, daté, contresigné et revêtu de la mention ‘Bon pour accord’ par le propriétaire’.
Le 29 juin, la SCI du Général Leclerc a donné son accord.
Faisant valoir qu’une vente a été conclue au prix de 4 800 000 euros, la SCI du Général Leclerc a assigné la société Immo Mousquetaires aux fins de constater la conclusion de la vente et en paiement de la somme de 4 800 000 euros au titre du prix de vente. A titre subsidiaire, se fondant sur une rupture abusive des pourparlers, elle a réclamé la condamnation de la société Immo Mousquetaires à lui payer différentes sommes à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 8 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté ces demandes et condamné la SCI du Général Leclerc à payer à la société Immo Mousquetaires la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que par la lettre du 27 juin 2017, la société Immo Mousquetaires a seulement manifesté son intérêt pour acquérir le bien litigieux en proposant à la SCI du Général Leclerc d’entrer en pourparlers. Il a ajouté que les parties étant seulement entrer en pourparlers, la SCI du Général Leclerc n’avait pas l’obligation de résilier les baux en cours pour négocier avec la société Immo Mousquetaires.
La SCI du Général Leclerc a interjeté appel de ce jugement.
Elle fait valoir que dans sa lettre du 27 juin 2017, la société Immo mousquetaires, qui avait obtenu l’accord de son comité d’investissement, avait émis une offre d’achat qui contenait tous les éléments nécessaires à la formation du contrat puisque y figurait une description du bien, sa superficie approximative, son prix, la date d’expiration de cette offre et l’indication que le bien devait être libre de toute occupation. Elle ajoute que le courriel auquel était joint cette lettre indique ‘vous trouverez en PJ l’offre pour l’acquisition du local’, ce qui confirme que la société Immo mousquetaires avait l’intention ferme de s’engager et non seulement de manifester son intérêt pour le local litigieux. Elle conteste qu’il existait une difficulté liée à l’identification des lots puisque les notaires disposaient de tous les éléments pour recevoir l’acte de vente.
A titre subsidiaire, la SCI du Général Leclerc reproche à la société Immo mousquetaires d’avoir abusivement rompu les pourparlers pour avoir engagé et poursuivi les négociations en vue de l’acquisition du bien alors qu’elle n’avait pas l’intention de contracter.
Elle conclut à l’infirmation du jugement et à la condamnation de la société Immo mousquetaires, à titre principal en se fondant sur l’existence d’un contrat que celle-ci a refusé d’exécuter et à titre subsidiaire sur une rupture abusive des pourparlers, en paiement des sommes suivantes :
– 150 000 euros au titre de l’indemnité de résiliation anticipée du bail commercial ;
– 380 000 euros au titre des loyers non-perçus entre le 1er juin 2018 et le 3 mars 2020, outre 10 666 euros au titre de la taxe foncière qui était à la charge du preneur ;
– 80 000 euros au titre de la perte de chance de vente à un autre acquéreur entre le 29 juin 2017 et le 28 mars 2018 ;
– 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Immo mousquetaires conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la SCI du Général Leclerc à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste l’existence d’un contrat liant les parties comme une rupture abusive des pourparlers. Elle explique qu’un accord n’a pu être conclu puisqu’il existait une incertitude sur la superficie du local, ce que confirme le fait que sa lettre d’intérêt fait état d’une superficie de 1 422 m² environ alors que dans son assignation la SCI du Général Leclerc indique une superficie de 1 261 m² environ, soit une différence de 161 m² correspondant à un déficit de superficie de 11 %. Elle ajoute que l’identification matérielle des lots était incertaine compte tenu de l’importance des travaux réalisés par les locataires successifs sans modification de l’état descriptif de division, ce qui l’a amenée à s’interroger sur la différence entre la superficie annoncée et celle mentionnée sur le titre du vendeur et le risque que certaines surfaces comprises dans la vente ne lui appartiennent pas ou empiètent sur les parties communes.
A titre subsidiaire, elle conteste l’existence des préjudices allégués.
SUR CE :
Attendu que par un acte du 27 juin 2017 intitulé ‘Lettre d’intérêt concernant l’acquisition d’un local commercial au [Adresse 1]’, la société Immo mousquetaires, après avoir obtenu l’accord de son ‘comité d’investissement’ a déclaré son intérêt pour acquérir le local litigieux qui y était clairement désigné avec l’indication du prix ; qu’il y est mentionné que ‘cette proposition est valable jusqu’au 30 juin 2017 à 19 h’ ; que le 29 juin 2017, la SCI du Général Leclerc a retourné un exemplaire de cet acte en y ajoutant que seule la superficie ‘loi Carrez’ mesurée par le diagnostiqueur sera prise en compte suivi de la mention ‘Bon pour accord au prix de 4 000 0000 euros HT, dans les conditions ci-dessus énoncées’ ; qu’il résulte de ces éléments qu’en adressant à la SCI du Général Leclerc la lettre du 27 juin 2017, nonobstant l’intitulé ‘Lettre d’intérêt concernant l’acquisition d’un local commercial au [Adresse 1]’, que la société Immo mousquetaires a manifesté son intention d’acheter le local litigieux au prix de 4 000 000 euros HT ; que la SCI du Général Leclerc ayant ensuite, dans le délai indiqué pour la validité de cette offre d’achat, donné son accord en rappelant seulement que la superficie prise en compte sera celle mesurée précisément par le diagnostiqueur selon les préconisations de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, précision qui ne fait que rappeler les dispositions légales applicables, il en résulte qu’il y a eu accord sur la chose et sur le prix et qu’un contrat a été conclu entre les parties en vue de la vente du bien ;
Attendu que la société Immo mousquetaires ayant ensuite refusé de poursuivre la vente et de signer l’acte préparé par le notaire aux conditions qui avaient été convenues, celle-ci a manqué à ses obligations et engage sa responsabilité contractuelle envers la SCI du Général Leclerc ;
Attendu qu’en réparation du préjudice subi par la SCI du Général Leclerc, il convient de condamner la société Immo mousquetaires à lui payer les indemnités suivantes ;
Attendu, d’abord, que si la SCI du Général Leclerc a procédé à la résiliation anticipée du bail conclu le 16 mars 2016 avec MM. [P], [D] et [M], il résulte de l’acte constatant cette résiliation que celle-ci résulte d’un accord entre les parties pour mettre fin au litige qui les opposait, la SCI du Général Leclerc s’engageant à payer aux locataires une indemnité d’éviction de 150 000 euros ; que le paiement de cette somme ne constitue donc pas un préjudice en relation de causalité avec les manquements reprochés à la société Immo mousquetaires, de même que les sommes mises en compte au titre de la perte de loyers et du montant de la taxe foncière qui avait été stipulée à la charge du preneur ; qu’ensuite, le préjudice moral allégué par la SCI du Général Leclerc n’est justifié par aucun élément ; qu’enfin, il y a lieu, en revanche, d’indemniser la SCI du Général Leclerc en raison de l’immobilisation du bien en lui allouant la somme de 50 000 euros ;
PAR CES MOTIFS : statuant publiquement
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Constate l’existence d’un accord entre la SCI du Général Leclerc et la société Immo mousquetaires en vue de la vente au prix de 4 000 000 euros du local situé à [Adresse 6] et [Adresse 1] ;
Condamne la société Immo mousquetaires à payer à la SCI du Général Leclerc la somme de 50 000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice ;
La déboute du surplus de ses demandes ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Immo mousquetaires et la condamne à payer à la SCI du Général Leclerc la somme de 5 000 euros ;
La condamne aux dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, par Maître Normand conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. .
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,