Indemnité d’éviction : 3 janvier 2024 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01608

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Indemnité d’éviction : 3 janvier 2024 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01608
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3 janvier 2024
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/01608

MINUTE N° 1/24

Copie exécutoire à

– Me Valérie SPIESER

– Me [Y]

Le 03.01.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 03 Janvier 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01608 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HRH5

Décision déférée à la Cour : 22 Janvier 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG – Greffe du contentieux commercial

APPELANT :

Monsieur [Z] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A.R.L. EXELIUM

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me LAVERNE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme RHODE, Conseillère, un rapport de l’affaire ayant été présenté à l’audience.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur [Z] [B] et Madame [H] [J] ont réalisé en 2006 un investissement en vue d’une optimisation fiscale par l’intermédiaire de la société EXELIUM.

La société EXELIUM a proposé aux époux [B] un investissement locatif loi DEMESSINE, en zone de revitalisation rurale, sur dix ans, dans la résidence [Adresse 5], cette résidence de tourisme devant disposer de prestations permettant de solliciter auprès de l’administration un classement 4 étoiles.

L’acquisition d’un lot au sein de cette résidence était assortie d’une réduction d’impôt de 25 % dans le cadre d’une acquisition de logement neuf en RTC selon l’article 199 decies E à G du code général des impôts.

La Caisse de Crédit Mutuel OSTWALD a concomitamment proposé aux époux [B] la mise en place d’un emprunt sur dossier pour un montant de 197 567 euros au taux variable de 4 % pour une durée de 20 ans.

L’acte authentique d’achat en l’état futur d’achèvement, des lots 46 et 146 dans l’ensemble immobilier en cours de construction, a été dressé et signé après procuration donnée par les époux [B] à clercs de notaire le 26 décembre 2006, et dès le 29 décembre 2006, les époux [B] ont par nouvel acte authentique, donné à bail à loyer, à titre commercial à la société ‘RHODE TOURISME’ les locaux pour en assurer l’exploitation.

Exposant que les résidences d’ESTARIS ont dû fermer au mois d’avril 2009, compte tenu de l’instabilité du talus situé en amont, et que le classement 4 étoiles annoncé par la plaquette, permettant de bénéficier des avantages fiscaux, n’a jamais été obtenu, les consorts [B] ont, par acte en date du 17 mars 2016, fait délivrer assignation à la SARL EXELIUM devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de STRASBOURG, pour engager sa responsabilité en sa qualité de conseiller fiscal, de conseiller en gestion et d’agent immobilier et l’entendre condamnée au paiement de 208 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les frais financiers qui se sont élevés à 60 506 euros.

Par jugement rendu le 22 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

DIT et JUGE prescrite l’action de monsieur et madame [B] contre la société EXELIUM.

CONSTATE que l’action éventuelle de l’administration fiscale contre la défiscalisation opérée par monsieur et madame [B] sur les six années consécutives à leur investissement est à ce jour prescrite.

DEBOUTE monsieur et madame [B] de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société EXELIUM.

CONDAMNE les époux [B] à payer à la société EXELIUM la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE les époux [B] aux dépens.

M. [Z] [B], qui s’est vue attribuer le bien litigieux suite au partage consécutif au divorce, a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 15 mars 2021.

La SARL EXELIUM s’est constituée intimée le 29 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions en date du 5 novembre 2023, notifiées par voie électronique le 6 novembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, M. [Z] [B] demande à la cour de :

DECLARER le concluant recevable et fondé en son appel

Y FAISANT DROIT

INFIRMER le jugement entrepris et statuant à nouveau

DECLARER le concluant recevable et bien fondé en sa demande

En conséquence

CONDAMNER la société EXELIUM à payer au concluant :

– la somme de 198 000 euros

– la somme de 93 555,53 euros au titre des intérêts de l’emprunt

– la somme de 45 626,63 euros au titre de l’assurance de l’emprunt avec intérêts légaux à compter de la demande

Subsidiairement tout pourcentage de ce montant qu’il plaira à la Cour d’arbitrer sur la base d’une perte de chance.

DEBOUTER la société EXELIUM de l’intégralité de ses fins et conclusions.

CONDAMNER la société EXELIUM aux entiers dépens des deux instances et à payer au concluant la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du CPC.

Dans ses dernières écritures datées du 2 novembre 2023 et notifiées par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, la SARL EXELIUM demande à la cour de :

– JUGER que l’appel de Monsieur [B] ne peut tendre qu’à la confirmation du jugement attaqué.

A TITRE SUBSIDIAIRE

– JUGER Monsieur [B] irrecevables en ses demandes

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE

– CONFIRMER la décision du Tribunal en ce qu’il a jugé les époux [B] irrecevables en leurs demandes pour prescription ;

– CONFIRMER la décision du Tribunal en ce qu’il a condamné les époux [B] à régler à la société EXELIUM la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE

– CONFIRMER la décision au fond et :

Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société EXELIUM ;

*CONDAMNER Monsieur [B] à régler à la société EXELIUM la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

*CONDAMNER Monsieur [B] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, SI LA COUR DEVAIT RETENIR L’EXISTENCE D’UNE PERTE DE CHANCE,

*DEDUIRE l’avantage fiscal définitivement acquis pour un montant de 55.891 euros du préjudice ;

*DEDUIRE les loyers perçus pour un montant de 17.101,32 euros du préjudice ;

*DIVISER par deux le taux de perte de chance.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 8 novembre 2023 et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoirie du 15 novembre 2023.

MOTIFS :

Sur le périmètre de l’appel :

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile, que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement (Cass. 2ème chambre civile, 17 Septembre 2020 – n° 18-23.626).

En l’espèce, dans ses conclusions M. [B] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de statuer à nouveau, en condamnant l’intimée à lui payer les sommes de 198 000 euros, 95 555,53 euros et 45 626,63 euros.

Ainsi, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement est bien sollicitée par M. [B], de sorte que la cour peut examiner les moyens présentés par ce dernier, sans être tenue de confirmer la décision rendue.

Sur la recevabilité de la demande :

– Le fondement juridique :

L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l’espèce, la société EXELIUM demande à la Cour de déclarer M. [B] irrecevable en ses prétentions arguant du fait qu’il ne précise à aucun moment le fondement juridique de son action.

Or, l’absence de fondement juridique ne constitue pas une fin de non-recevoir.

A titre superfétatoire, il sera relevé que M. [B] fait valoir qu’aucun contrat ne le lie à la société EXELIUM qui devait, en sa qualité de conseiller en investissement, l’informer sur les caractéristiques essentielles de l’investissement proposé, de sorte qu’il se déduit que l’appelant agit à l’encontre de l’intimée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.

– La prescription :

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, M. [B] fait valoir que la société EXELIUM n’a pas rempli son devoir d’information et de conseil, en ne lui présentant pas les caractéristiques essentielles de l’investissement proposé, notamment quant à la procédure d’obtention du classement de la résidence et quant aux caractéristiques propres des baux commerciaux (risque de non-perception des loyers en cas de déconfiture du preneur, indemnité d’éviction). Il considère que son préjudice correspond à la valeur d’achat du bien, soit 198 000 euros, outre les intérêts de l’emprunt à hauteur de 93 555,53 euros et les frais d’assurance de 45 626,63 euros. Il précise que le bien acquis a désormais une valeur nulle.

Or, il résulte des pièces produites à la procédure que :

– Les consorts [B] n’ont perçu aucun loyer au titre de leur bail commercial qui devait prendre effet au 20 décembre 2006,

– Les services de la préfecture des Hautes Alpes ont émis un avis défavorable pour le classement de la résidence Les ESTARIS, renommée LA GRANDE AUTANE, le 27 août 2008,

– La société RHODE TOURISME a gelé le paiement des loyers aux termes d’un courrier du 3 février 2009,

– La résidence LES ESTARIS, renommée LA GRANDE AUTANE, est fermée depuis juin 2009,

– Dans un courrier du 10 septembre 2009, le maire de la commune d'[Localité 6] a demandé à ce que des travaux de sécurisation des abords de la résidence soient réalisés exposant que le talus amont n’était pas correctement protégé et qu’il présentait une pente très importante,

– Dans son arrêté n°2015/68, le maire de la commune d'[Localité 6] relève que l’immeuble litigieux a été fermé sur décision collective des copropriétaires en 2009 au motif que la détérioration continue de la structure de l’immeuble faisait courir un risque trop important à ses occupants,

– Dans un courrier du 1er octobre 2015, le syndic précise que la résidence est fermée depuis de nombreuses années en raison d’un problème de sécurité juridique mettant en danger la vie des personnes : non tenue du talus arrière qui menace la résidence d’un glissement de terrain,

– Une expertise judiciaire était en cours dès 2009 (ordonnance du 25 février 2009), concernant la mise en sécurité des abords de la résidence et les opérations d’expertise ont été étendues à l’ensemble des copropriétaires selon ordonnance du 18 août 2010.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que dès l’année 2009 les consorts [B] avaient connaissance de leur dommage dans toute son ampleur et disposaient des éléments leur permettant d’exercer une action en justice à l’encontre de la société EXELIUM, pour obtenir l’indemnisation du préjudice invoqué : la défaillance du locataire dans le paiement des loyers, l’absence de classement de la résidence et les vices de construction affectant le talus, générant un risque pour la sécurité des personnes et ayant contraint à la fermeture de la résidence et à l’introduction d’une procédure à l’encontre des constructeurs.

Le point de départ du délai de prescription ne peut être reporté à la date du dépôt du rapport d’expertise, ou d’un pré-rapport dans la procédure opposant les copropriétaires aux constructeurs et à leurs assureurs. La lecture de ces documents, dont seuls des extraits sont produits, n’apporte pas d’information supplémentaire, mais ne fait que confirmer le problème de sécurité concernant la stabilité générale du talus.

L’action en responsabilité de la société EXELIUM a été introduite par les consorts [B], selon assignation du 17 mars 2016.

La plainte des consorts [B], sans constitution de partie civile devant un juge d’instruction, ne peut interrompre le délai de prescription susvisé.

En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a dit l’action engagée par les consorts [B], à l’encontre de la société EXELIUM, prescrite.

Il y a lieu de compléter sa décision, en déclarant M. [B] irrecevable en ses prétentions à l’encontre de la société EXELIUM.

Sur les demandes accessoires :

M. [B], succombant, assumera la charge des dépens, le jugement étant confirmé sur ce point.

L’équité commande d’infirmer la décision de première instance et de dire qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des parties tant pour la procédure de première instance que celle d’appel.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

DEBOUTE la société EXELIUM de sa demande tendant à faire juger que l’appel de Monsieur [B] ne peut tendre qu’à la confirmation du jugement attaqué,

CONFIRME le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG le 22 janvier 2021, en ce qu’il a :

– DIT et JUGE prescrite l’action de Monsieur et Madame [B] contre la société EXELIUM

– CONDAMNE les époux [B] aux dépens,

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE la société EXELIUM de sa demande tendant à voir déclarer M. [B] irrecevable en ses prétentions, en l’absence de mention d’un fondement juridique,

DECLARE M. [B] irrecevable en ses prétentions présentées à l’encontre de la société EXELIUM pour cause de prescription,

CONDAMNE M. [Z] [B] aux dépens de la procédure d’appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :

 


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