Indemnité d’éviction : 3 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11488

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Indemnité d’éviction : 3 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11488

3 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG
22/11488

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 03 FEVRIER 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11488 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7V3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Juin 2022 -Président du TJ de MELUN – RG n° 21/00694

APPELANTE

ASSOCIATION LES ENFANTS DE [Localité 3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX, toque : 10

INTIMEE

COMMUNE DE [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée par Me Audrey OBADIA, avocat au barreau de MELUN, toque : 14

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier, lors de la mise à disposition.

La commune de [Localité 3] est propriétaire d’une parcelle de terrain cadastrée OB n°[Cadastre 2] située à l'[Adresse 5] et du [Adresse 5] à [Localité 3].

L’association dite Société de tir « les enfants de [Localité 3] » a pour objet la pratique des disciplines sportives régies par la fédération française de tir.

A l’origine, le stand de tir se trouvait dans le village. Afin d’éloigner le danger inhérent à cette activité, la commune de [Localité 3] a décidé, dans le courant des années 1980, de mettre un terrain à la disposition de l’association sur lequel elle a fait édifier une construction.

Les travaux ont été financés au moyen d’un prêt souscrit par la commune et remboursé par moitié par l’association, accord matérialisé dans une convention du 1er mars 1987, réitérée le 15 septembre 1996 après remboursement anticipé du prêt.

Le 19 octobre 2020, la commune de [Localité 3], faisant suite à une délibération du conseil municipal du 15 octobre 2020, a notifié à l’association sa décision de mettre fin à la convention de mise à disposition du local, avec une restitution des locaux fixée au plus tard le 31 août 2021.

Par acte du 6 décembre 2021, la commune de [Localité 3] a assigné l’association Société de tir les enfants de [Localité 3] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Melun afin de voir dire que l’association occupe sans droit ni titre les locaux et le terrain, en tant que de besoin, constater la résiliation de la convention et, en tout état de cause, ordonner son expulsion.

Par ordonnance contradictoire du 3 juin 2022, le juge des référés a :

constaté la résiliation de la convention de mise à disposition du 15 septembre 1996 à compter du 1er septembre 2021 ;

ordonné l’expulsion de l’association Société de tir « les enfants de [Localité 3] » des lieux qu’elle occupe : parcelle de terrain cadastrée OB n°[Cadastre 2] située à l’angle de la [Adresse 5] et du [Adresse 5] à [Localité 3] (77), dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance ;

dit qu’à défaut, elle pourra être expulsée ainsi que ses biens et toute personne occupant les lieux avec elle, et ce avec le concours de la force publique s’il y a lieu ;

ordonné le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meuble au choix de la bailleresse et en garantie de toutes les sommes qui pourraient être dues ;

condamné l’association Société de tir « les enfants de [Localité 3] » à payer à la commune de [Localité 3], à titre de provision, une indemnité d’occupation d’un montant mensuel de 300 euros, charges d’exploitation en sus – fluides notamment – à compter du 1er septembre 2021 et jusqu’à libération effective des lieux ;

débouté l’association Société de tir « les enfants de [Localité 3] » de l’ensemble de ses demandes, y compris sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné l’association à payer à la commune de [Localité 3] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné l’association aux dépens.

Par déclaration du 16 juin 2022, l’association les enfants de [Localité 3] a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 septembre 2022, elle demande à la cour de :

à titre principal,

infirmer le « jugement » en toutes ses dispositions ;

juger qu’il existe une contestation sérieuse ;

inviter la commune de [Localité 3] à mieux se pourvoir ;

à titre subsidiaire,

juger qu’elle bénéficie d’un bail commercial ;

en conséquence juger nul et non avenu le congé délivré comme dépourvu de toute offre d’indemnité d’éviction ;

à tout le moins,

ordonner une expertise confiée à tel expert avec pour mission de chiffrer l’indemnité d’éviction qui lui est due ;

à titre infiniment subsidiaire,

condamner la commune de [Localité 3] à lui payer la somme de provisionnelle de 80.000 euros ;

lui accorder 24 mois de délais à titre gratuit afin de quitter les lieux ;

condamner la commune de [Localité 3] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 octobre 2022, la commune de [Localité 3] demande à la cour de :

confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

débouter l’association les enfants de [Localité 3] de l’ensemble de ses demandes ;

ajoutant à la décision de première instance,

condamner l’association les enfants de [Localité 3] à lui payer une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d’appel ;

condamner l’association les enfants de [Localité 3] à lui payer les dépens d’appel, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Caroline Hatet-Sauval.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

Selon l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Selon l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le juge des référés peut, en application de ces textes, constater l’acquisition de la clause résolutoire d’un bail lorsqu’elle est mise en oeuvre régulièrement ou encore ordonner l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre du terrain d’autrui, le maintien dans les lieux d’un occupant sans droit ni titre étant constitutif d’un trouble manifestement illicite.

Il ne saurait en revanche prononcer la résiliation d’un contrat de bail ou d’une convention de mise à disposition ni ordonner l’expulsion d’un occupant disposant d’un titre d’occupation.

En l’espèce, la commune de [Localité 3] ne qualifie pas les conditions d’occupation des lieux litigieux par l’association les enfants de [Localité 3] mais il est constant que celle-ci a bénéficié d’un titre d’occupation en 1987, renouvelé en 1996 et maintenu depuis lors jusqu’à la résiliation unilatérale décidée par la commune en octobre 2020.

En effet, la convention signée par les parties le 1er mars 1987, intitulée « convention entre commune de [Localité 3] et club de tir « les enfants de [Localité 4] », porte principalement sur les modalités de règlement de l’emprunt souscrit par la commune pour la construction du stand de tir, mais précise in fine que « le stand de tir restera à la disposition du club de tir « les enfants de [Localité 4] » et que « ce bâtiment restera propriété de la commune ».

La nouvelle convention signée par les parties le 15 septembre 1996, portant le même intitulé, prévoit également les modalités de reversement des annuités du prêt – remboursé par anticipation par la commune -, par l’association « les enfants de [Localité 4] » et ajoute in fine que, « comme par le passé, la commune met à la disposition du club de tir « les enfants de [Localité 4] » les locaux du stand de tir et le terrain attenant, ensemble dont elle reste propriétaire ».

Aucun terme n’est fixé à cette convention, dont le caractère précaire n’est pas stipulé.

Dans le silence total de la convention, il n’entre pas dans les pouvoirs de la cour, statuant en appel d’une décision du juge des référés, de la qualifier ni de l’interpréter afin de déterminer son terme ou ses modalités de résiliation.

Il ne lui appartient pas davantage de requalifier cette convention en bail commercial comme le sollicite l’appelante.

En conséquence, la demande de la commune tendant à ce que soit constatée la résiliation de la convention liant les parties à la suite de sa décision du 15 octobre 2020 de « mettre fin à la mise à disposition gracieuse du local » excède les pouvoirs de la cour et il n’y a pas lieu à référé, l’ordonnance entreprise étant infirmée de ces chefs.

L’appelante ne sollicitant une provision de 80.000 euros pour enrichissement sans cause de la commune qu’à titre subsidiaire et sa demande principale étant accueillie, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande qui, en tout état de cause, excédait également les pouvoirs de la cour statuant en appel d’une décision de référé.

La commune de [Localité 3] sera tenue aux dépens de première instance et d’appel et, par suite, condamnée à régler à l’appelante la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes des parties ;

Y ajoutant,

Condamne la commune de [Localité 3] aux dépens de première instance et d’appel ;

La condamne à payer à l’association les enfants de [Localité 3] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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