Indemnité d’éviction : 29 février 2024 Tribunal judiciaire de Bobigny RG n° 22/10439

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Indemnité d’éviction : 29 février 2024 Tribunal judiciaire de Bobigny RG n° 22/10439

29 février 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG
22/10439

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 FEVRIER 2024

Chambre 5/Section 2
AFFAIRE: N° RG 22/10439 – N° Portalis DB3S-W-B7G-W36E
N° de MINUTE : 24/00286

DEMANDEUR

S.C.I. RIO IMMO, agissant poursuites et diligences en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Karine KANOVITCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1438

C/

DEFENDEUR

Monsieur [F] [P]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Maître Florence GOMES de l’AARPI G.B AVOCATS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN 314

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Mechtilde CARLIER,, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Khedidja SEGHIR, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 21 Décembre 2023.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Mechtilde CARLIER, assistée de Madame Khedidja SEGHIR, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 25 septembre 1995, M. [I] venant aux droits de M. et Mme [B] a renouvelé le contrat de bail octroyé à Mme [L] [P], Mme [M] [P] et M. [F] [P] venant aux droits de M. [E], et portant sur un local sis [Adresse 1], à [Localité 5] (93) à savoir « – une boutique prolongée par deux terrasses fermées donnant l’une sur la [Adresse 6] et l’autre sur la [Adresse 7], WC, cabine téléphonique, grande cuisine, jardin avec garage, plus petit bâtiment dans ce jardin de deux pièces, douche. – au premier étage, 2 pièces lambrissées, cabinet de toilette douche, grenier sur les deux côtés sous toiture », pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1994 soit jusqu’au 31 décembre 2003, moyennant un loyer trimestriel de 8.000 frs hors taxes, et pour y exercer l’activité de « Café – Bar – Brasserie – Restaurant – Vins à emporter et toutes activités connexes et complémentaires ».

Le bail s’est poursuivi par tacite prolongation à compter du 1er janvier 2004.

Par exploits des 19 et 21 juin 2017, M. [A] a fait signifier à M. et Mme [P] un congé avec offre de renouvellement moyennant une hausse du loyer.

Par exploit du 2 novembre 2020, la société Rio Immo a fait délivrer un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction.

Par exploit du 13 octobre 2022, la société Rio Immo a assigné M. [F] [P] devant le tribunal judiciaire de Bobigny au visa des articles L. 145-14, L. 145-28 du code de commerce et 1289 du code civil, aux fins de voir :
– Prononcer la validité du congé avec refus de renouvellement en date du 2 novembre 2020
– Constater que le bail venu à terme 1e 30 juin 2021 et fixer l’indemnité d’éviction principale à la somme de 48.734€ et les indemnités accessoires à la somme de 4.566€, soit un total de 53.300€,
– Donner acte à la SCI RIO IMNIO de son offre de régler la somme de 53.300€, à Monsieur
[P] lorsque celui-ci aura restitué les locaux, avant déduction des sommes dues au titre de l’indemnité d’occupation,
– Fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 19.526€/an à compter du 1er juillet 2021 et ordonner la compensation entre la créance du locataire et celle du bailleur,
– Condamner Monsieur [P] au paiement de la moitié des frais d’expertise ainsi qu’à la somme de 3.500€ sur 1e fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Aux termes de ses conclusions régularisées par voie électronique le 8 mars 2023, M. [P] demande au tribunal, au visa des articles L. 145-9 et suivants du code de commerce, de
-Déclarer Monsieur [F] [P] recevable et bien fondé en ses demandes fins et conclusions
A TITRE PRINCIPAL
-Dire le congé sans offre de renouvellement du 2 novembre 2020 à effet au 30 juin 2021 nul et nul d’effets
-Débouter la SCI RIO IMMO de l’ensemble de ses demandes
A TITRE SUBSIDIAIRE
Pour le cas où le Tribunal devait retenir la validité du congé délivré le 2 novembre 2020,
-Fixer le montant de l’indemnité d’éviction à verser à Monsieur [F] [P] à hauteur de 67.976 €, indemnités d’éviction principale et accessoires compris
Fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 10.348,38 € par an HT/HC à compter du 1er juillet 2021
A TITRE INFINIMENT SUBSIDAIRE
-Fixer le montant de l’indemnité d’éviction à verser à Monsieur [F] [P] à hauteur de 60.660 €, indemnités d’éviction principale et accessoires compris
-Fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 12.916 € par an HT/HC à compter du 1 er juillet 2021
EN TOUT DE CAUSE
-Condamner SCI RIO IMMO à verser une somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judicaire
-Ne pas écarter l’exécution provisoire

Il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour un exposé de leurs prétentions et de leurs moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 7 juillet 2023 par ordonnance du même jour.

Par conclusions du 4 décembre 2023, la société Rio Immo a sollicité le rabat de la cloture. Par conclusions du 5 décembre 2023, M. [P] s’est opposé à la demande de rabat de clôture.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de « dire/juger/constater » qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

Sur la demande de rabat de clôture

La bailleresse indique que M. [P] a cessé de payer les loyers et qu’elle lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire lui permettant de solliciter la résiliation du bail commercial sans paiement d’une indemnité d’éviction.

Le preneur soutient que la situation d’impayé ne s’est pas révélée postérieurement à la clôture dans la mesure où les loyers sont impayés depuis le 1er trimestre 2023. Le preneur ajoute que la bailleresse lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 7 avril 2023 et qu’elle avait la faculté de solliciter l’acquisition de la clause résolutoire dans l’instance en cours avant la clôture du 7 juillet 2023.

L’article 803 du code de procédure civile dispose que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

En l’espèce, la situation d’impayé de loyers est apparue dès le 1er trimestre 2023 soit antérieurement à l’ordonnance de clôture prononcée le 7 juillet 2023. Ainsi, aucune cause grave ne s’est révélée postérieurement à l’ordonnance de clôture. La demande de rabat de clôture sera rejetée.

Sur la demande de nullité du congé signifié le 2 novembre 2023

M. [P] soutient que le congé avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction signifié le 2 novembre est nul car il a été signifié en cours de bail. En effet, d’après M. [P], le bail a été renouvelé par l’effet du congé avec offre de renouvellement signifié les 19 et 21 juin 2017 pour une nouvelle durée de 9 ans de sorte que la signification d’un congé avec refus de renouvellement n’est pas conforme aux termes du bail courant à compter du 1er juillet 2017.

L’article L. 145-9 du code de commerce prévoit que les baux commerciaux ne cessent que par l’effet d’un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l’avance.

A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat, conformément à l’article 1738 du code civil et sous les réserves prévues à l’alinéa précédent.

Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l’effet d’une notification faite six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l’événement prévu au contrat.

S’agissant d’un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l’expiration de l’une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l’alinéa premier ci-dessus.

Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

Selon l’article L. 145-11 du code de commerce, le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l’article L. 145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l’article L. 145-10, faire connaître le loyer qu’il propose, faute de quoi le nouveau prix n’est dû qu’à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d’État.

En vertu de ces textes, le nouveau bail commence à courir à compter de la date d’effet du congé avec offre de renouvellement, bien que le loyer n’en ait pas encore été fixé.

En l’espèce, le bail renouvelé le 25 septembre 1995 s’est poursuivi par tacite prolongation à compter du 1er janvier 2004. Le bailleur a fait délivrer un congé avec offre de renouvellement les 19 et 21 juin 2017 à effet le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l’avance soit le 31 décembre 2017 opérant ainsi un renouvellement du bail pour une nouvelle période de 9 ans à compter du 1er janvier 2018 et jusqu’au 31 décembre 2026.

La signification d’un congé sans offre de renouvellement le 2 novembre 2020 est donc intervenue en violation de la durée statutaire du bail commercial en vigueur entre les parties à compter du renouvellement du 1er janvier 2018.

Le congé sans renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction signifié le 2 novembre 2020 sera annulé.

Par voie de conséquence, compte tenu de l’annulation du congé, la demande de voir constater le terme du bail au 30 juin 2021 sera rejetée ainsi que la demande de fixation de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La société Rio Immo, partie qui succombe, sera condamnée aux entiers frais et dépens.

Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, la société Rio Immo, condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à M. [P] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, applicable à l’espèce, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire sans qu’il soit nécessaire pour le tribunal de l’ordonner ou le rappeler.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort:

Déboute la société Rio Immo de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

Annule le congé sans renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction signifié le 2 novembre 2020 ;

Déboute la société Immo de sa demande de voir constater le terme du bail au 30 juin 2021, de sa demande de fixation de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation ;

Condamne la société Rio Immo aux dépens ;

Condamne la société Rio Immo à verser à M. [P] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

La minute de la présente décision a été signée par Madame CARLIER, Juge, assistée de Madame Khedidja SEGHIR, Greffier présente lors de son prononcé.

LE GREFFIERLE JUGE

MADAME SEGHIRMADAME CARLIER

 


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