27 septembre 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
20/03257
N° RG 20/03257 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KSUA
N° Minute :
C1
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
Me Mathieu WINCKEL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 27 SEPTEMBRE 2022
Appel d’un Jugement (N° R.G. 18/03997) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 28 septembre 2020, suivant déclaration d’appel du 21 Octobre 2020
APPELANTES :
S.E.L.A.R.L. AJ UP prise en la personne de Maître [H] [V], ès qualités de Commissaire à l’exécution du plan de la Société COMETAL SERRURES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
S.A.R.L. COMETAL SERRURES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentés par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, et Me François VERCRUYSSE , avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.C.I. AURIA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mathieu WINCKEL, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Emmanuèle Cardona, présidente
Laurent Grava, conseiller,
Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 juin 2022, Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par un acte authentique en date du 22 octobre 2014, la SARL Cometal Serrures a conclu avec la SCI Auria, un bail dérogatoire portant sur un bâtiment d’activités comprenant ateliers et bureaux, situé à [Adresse 5], pour une durée de seize mois à compter du 1er novembre 2014 pour se terminer le 29 février 2016, moyennant un loyer annuel de 24 000 euros, soit un loyer mensuel de 2 000 euros hors taxe.
Concomitamment, les parties ont conclu une promesse unilatérale de vente aux termes de laquelle la SCI Auria s’est engagée à vendre les locaux précités pour un prix net vendeur de 550 000 euros. La promesse a été signée sous plusieurs conditions suspensives dont l’obtention d’un prêt d’un montant de 200 000 euros et l’obtention d’une décision ferme et définitive de l’avis des domaines confirmant le versement à la SARL Cometal Serrures d’une indemnité d’éviction pour ses anciens locaux d’un montant minimum de 350 000 euros.
L’indemnité d’éviction n’ayant pas encore été versée à la SARL Cometal Serrures, les parties ont prorogé, par acte notarié du 12 février 2016, la durée du bail dérogatoire jusqu’au 31 octobre 2017, date d’expiration des trois années prévues légalement pour un bail dérogatoire.
Par jugement en date du 25 avril 2017, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé l’ouverture du redressement judiciaire de la SARL Cometal Serrures et l’a autorisée à poursuivre son activité.
La SELARL AJ UP a été nommée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Par un acte authentique en date du 30 octobre 2017, les parties ont régularisé une convention d’occupation précaire. Il était stipulé que la convention était acceptée pour une durée définitive de 12 mois à compter du 1er novembre 2017, pour une redevance mensuelle de 4 800 euros TTC et un dépôt de garantie de 25 575 euros a été versé par M. [B] [E], gérant de la SARL Cometal Serrures.
Le 8 octobre 2018, la SCI Auria a fait signifier à l’occupant la date de fin de la convention d’occupation précaire.
Par acte en date du 18 octobre 2018, la SARL Cometal Serrures et la SELARL AJ UP ont attrait la SCI Auria devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins de :
– juger que la convention d’occupation précaire notariée du 30 octobre 2017 n’est pas valide, qu’elle constitue un bail déguisé destiné à l’empêcher de bénéficier d’un bail commercial soumis au statut des baux commerciaux,
– juger que la SARL Cometal Serrures est titulaire d’un bail commercial à compter du 1er novembre 2017,
– condamner la SCI Auria à lui rembourser la somme de 21.575 euros au titre du dépôt de garantie du bail commercial applicable au 1er novembre 2017, à titre subisidiaire, dire que cette somme portera intérêt au taux pratiqué par la banque de France pour les avances sur titre au profit de la SARL Cometal Serrures,
– rejeter toutes les demandes de la SCI Auria,
A titre subsidiaire,
Si la qualification de bail commercial est refusée,
– requalifier la clause d’astreinte en clause pénale et ne prononcer aucune indemnité à l’encontre de la SARL Cometal Serrures,
– condamner la société défenderesse à lui verser la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre paiement des entiers dépens de l’instance.
Par jugement contradictoire du 28 septembre 2020 le tribunal judiciaire de Grenoble a :
– débouté la SARL Cometal Serrures et la SARL AJ UP, en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan, de leur demande principale en requalification du contrat de convention d’occupation précaire, conclu le 30 octobre 2017 avec la SCI Auria, en bail commercial ainsi que de toutes leurs demandes subséquentes liées à l’application d’un bail commercial à compter du 1er novembre 2017 ;
– rappelé que la restitution du dépôt de garantie sera faite à la libération des lieux aux conditions de la convention ;
– ordonné l’expulsion de la société SARL Cometal Serrures ;
– fixé l’indemnité d’occupation due par la SARL Cometal Serrures à la SCI Auria à la somme mensuelle de 4 800 euros TTC à compter du 1er novembre 2018 jusqu’à la complète libération des lieux ;
– dit que les charges prévues à la page 12 de la convention précaire devront être acquittées pour la période du 1er novembre 2018 au 28 septembre 2020, selon un compte établi entre les parties et sur justification des factures ;
– condamné la SARL Cometal Serrures à payer à SCI Auria la somme de 10 euros par jour à compter du 1er novembre 2018 jusqu’à la complète libération des lieux au titre de l’astreinte conventionnelle, après une réduction de la clause pénale ;
– débouté la SCI Auria du surplus de ses demandes ;
– condamné la SARL Cometal Serrures à payer à SCI Auria somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SARL Cometal Serrures aux entiers dépens ;
– rejeté la demande d’exécution provisoire du présent jugement.
La SARL Cometal Serrures et la SARL AJ UP ont interjeté appel de cette décision par acte du 21 octobre 2020.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 13 juillet 2021, la SARL Cometal Serrures et la SELARL AJ UP (Me [H] [V]), ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SARL Cometal Serrures, demandent à la cour de :
A titre principal,
– réformer la décision du 28 septembre 2020 en ce qu’elle a débouté la SARL Cometal et la SARL AJ UP en qualité de commissaire à l’exécution du plan, de leur demande principale en requalification en bail commercial la convention d’occupation précaire conclu le 30 octobre 2017 avec la SCI Auria ainsi que toutes leurs demandes subséquentes liées à l’application d’un bail commercial à compter du 1er novembre 2017 ;
– dire et juger que la convention d’occupation précaire notariée du 30 octobre 2017 n’est pas valable en l’absence de circonstance légitimant la précarité et de redevance modique conformément aux dispositions de l’article 145-5-1 du code de commerce ;
– dire et juger que la convention d’occupation précaire notariée du 30 octobre 2017 est un bail déguisé destiné à empêcher la SARL Cometal Serrures de bénéficier d’un bail commercial soumis aux statuts des baux commerciaux, le bail dérogatoire du 22 octobre 2014 ne pouvant plus être régularisé à son terme ;
– dire et juger que la SARL Cometal Serrures est titulaire d’un bail commercial depuis le 1er novembre 2017 soumis aux statuts des baux commerciaux visés aux dispositions des articles 145-1 et suivants du code de commerce ;
– condamner la SCI Auria à rembourser la somme de 21 575 euros au titre du dépôt de garantie au titre du bail commercial applicable dès le 1er novembre 2017 pour limiter le dépôt de garantie à 1 mois de loyer.
A défaut, à titre subsidiaire,
– dire que cette somme de 21 575 euros portera intérêt au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, au profit de la SARL Cometal Serrures à partir du 1er novembre 2017 ;
– rejeter purement et simplement toutes les demandes de la SCI Auria .
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire votre cour considère que la SARL Cometal Serrures n’est pas titulaire d’un bail commercial et se maintient sans droit ni titre,
– constater que la SCI Auria a renoncé dans ses conclusions n°1 à demander l’expulsion de la SARL Cometal Serrures ;
– requalifier la clause d’astreinte en clause pénale et prononcer aucune indemnité à l’encontre de la SARL Cometal Serrures ;
– condamner la SCI Auria à payer à la SARL Cometal Serrures la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l’instance.
Elles exposent les éléments principaux suivants au soutien de leurs écritures :
– elles rappellent les faits et la procédure ;
– concernant la requalification elle indique que les conditions tenant à la validité de la convention d’occupation ne sont pas réunies ;
– la cause de la précarité doit être objective, ce qui suppose l’existence d’un aléa qui est contesté en l’occurrence ;
– la redevance fixée doit être modique ;
– en prenant appui sur les clauses prévues au contrat au titre de la redevance, des charges locatives, de l’obligation d’entretien, du paiement du dépôt de garantie et de la clause résolutoire, le contrat est un bail commercial déguisé, en fraude des dispositions impératives du statut des baux commerciaux ;
– la requalification du contrat et le remboursement d’une partie du dépôt de garantie doivent être ordonnés ;
– elle s’oppose à la demande d’augmentation du loyer qui contreviendrait aux règles statutaires du bail commercial et au paiement d’une astreinte compte tenu du fait qu’il s’agit d’une clause pénale manifestement excessive ;
– sur le versement de la somme de 25 575 euros par M. [E], gérant, ce dernier n’a pas agi en tant que caution mais il a avancé les fonds et dispose depuis d’une créance en compte courant au sein de la société à ce titre ;
– l’astreinte doit être requalifiée en clause pénale.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2021, la SCI Auria demande à la cour de :
– constater l’occupation sans droit ni titre depuis le 1er novembre 2018 ;
– constater les man’uvres de la SARL Cometal Serrures ;
– constater la fonction comminatoire et distincte de l’astreinte conventionnelle pour la libération des locaux ;
– confirmer partiellement le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
– débouter la SARL Cometal Serrures et la SELARL AJ UP en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner SARL Cometal Serrures au titre de la liquidation de l’astreinte prévue dans l’acte notarié du 30 octobre 2017, soit 50 euros par jour depuis le 1er novembre 2018 ;
– condamner SARL Cometal Serrures à ce titre à la somme de 44 000 euros au titre de l’astreinte liquidée au 1er avril 2021 et à parfaire ;
– condamner SARL Cometal Serrures et la SELARL AJ UP à 5 000 euros pour procédure abusive ;
– condamner SARL Cometal Serrures et la SELARL AJ UP à 6 000 euros d’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :
– elle rappelle la chronologie des faits ;
– elle se prévaut de l’indivisibilité de la convention d’occupation précaire et de la promesse de vente ;
– la convention prévoyait expressément que ce titre n’était octroyé que dans le but de laisser du temps à la SARL Cometal Serrures afin d’obtenir paiement de l’indemnité d’éviction, indispensable pour mener à bien l’opération d’acquisition des locaux ;
– il est parfaitement justifié dans la convention d’un motif légitime de précarité et des aléas liés à la réalisation des conditions suspensives ;
– les critères visés par l’occupant pour qualifier le contrat ne sont pas déterminants ;
– la convention d’occupation fait échec aux règles de l’article L. 145-5 du code de commerce ;
– l’occupant n’a commencé à exploiter le fonds dans les locaux litigieux qu’à compter du 14 juin 2018 et il n’ a aucunement été laissé en possession des locaux puisqu’il lui a été signifié par exploit d’huissier la fin de la convention ;
– la somme de 25 575 euros correspond à un cautionnement de M. [B] [E], gérant de la société, donnée en garantie de la bonne exécution du contrat ;
– elle se prévaut de la mauvaise foi de son partenaire contractuel qui lui a toujours indiqué, à tort, être dans l’impossibilité de rester dans ses précédents locaux compte tenu de la procédure d’expropriation et des négociations en cours autour de l’indemnité d’éviction ;
– l’astreinte n’est pas une clause pénale ;
– elle sollicite le mise en oeuvre de l’astreinte prévue au contrat en cas de maintien dans les lieux ainsi que le paiement d’une indemnité d’occupation correspondant à son préjudice (6 000 euros mensuel).
La clôture de l’instruction est intervenue le 24 novembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
À titre liminaire :
Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.
Par prétention, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.
Par voie de conséquence, les expressions telles que « juger » « dire et juger », « déclarer », « dégager » ou « constater » ne constituent pas de véritables prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre la décision entreprise et dans la discussion des prétentions et moyens, mais pas dans le dispositif même des conclusions.
En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la demande de requalification de la convention conclue le 30 octobre 2017 :
La SARL Cometal Serrures demande la requalification de la convention d’occupation précaire conclue le 30 octobre 2017 en bail commercial.
L’article 12 du code de procédure civile impose au juge doit donner ou de restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée, notamment dans le cadre contractuel.
Le code de commerce précise, en son article L. 145-5-1 que « n’est pas soumise au présent chapitre [du bail commercial] la convention d’occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties ».
En l’espèce, la convention litigieuse passée entre la SCI Auria, propriétaire des locaux, et la SARL Cometal Serrures, occupante, indique expressément que :
– il s’agit d’une convention d’occupation précaire ;
– M. [B] [E] a expliqué qu’il lui était impossible de libérer les locaux au 31 octobre ;
– ses difficultés actuelles étaient liées au retard pris dans le versement de l’indemnité d’éviction de ses anciens locaux ;
– le versement de cette indemnité de 200 000 euros lui était indispensable pour mener à bien l’opération d’acquisition escomptée depuis la régularisation de la promesse de vente du 22 octobre 2014 ;
– cette situation était indépendante de sa volonté.
Les parties ont explicitement convenu que l’occupant avait sollicité du propriétaire l’autorisation d’occuper provisoirement les lieux à titre précaire pour lui permette d’obtenir définitivement le montant de l’indemnité d’éviction et ainsi permettre d’acquérir les locaux occupés par sa société.
À cet égard, les parties ont également convenu de proroger la promesse de vente sus-évoquée pour le même délai prévu à la convention d’occupation précaire.
Ainsi, il ressort clairement de l’acte que les parties se sont rapprochées en vue de conclure une convention d’occupation précaire tenant compte des circonstances particulières liant les parties et légitimant le caractère précaire des droits de l’occupant, voulu par elles et ce, en conformité avec les dispositions de l’article L. 145-5-1 du code de commerce.
Dès lors la contestation de la SARL Cometal Serrures ne présente pas un caractère sérieux.
En effet, force est de constater que l’occupation des lieux n’a bien été autorisée qu’à raison des circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties puisque le bénéfice de l’indemnité d’éviction relevait d’une décision émanant d’un tiers et que l’opération réellement désirée entre les parties consistait à terme en la vente des locaux.
De plus, le moyen tiré du caractère non modique de la redevance, du paiement des charges locatives et d’un dépôt de garantie excessif, de l’obligation d’entretien et de garantie de l’occupant, ne sont pas probants pour apporter la preuve d’un bail déguisé conclu en fraude des dispositions impératives du statut des baux commerciaux, étant relevé que si les conventions d’occupation précaire se caractérisent souvent par la modicité de la redevance, ces critères ne sont pas déterminants.
Dans la mesure où le propriétaire justifie d’un motif sérieux et légitime pour ne pas consentir un bail assujetti à la réglementation des baux commerciaux, aucune fraude à la loi n’est donc caractérisée.
La SARL Cometal Serrures doit, par conséquent, être déboutée de sa demande de requalification et de ses demandes subséquentes liées à l’application d’un bail commercial à compter du 1er novembre 2017 dont notamment les demandes relatives à la réduction de la somme due au titre du dépôt de garantie dans le cadre de la convention litigieuse pour le cas d’une requalification en bail commercial.
Le dépôt de garantie devra être remboursé lors du départ effectif, aux conditions de la convention.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les conséquences de la non-requalification :
1) L’expulsion :
L’occupant qui se perpétue dans les lieux postérieurement au terme convenu par les parties ou après dénonciation de la convention, est dépourvu de titre et s’expose à l’expulsion.
Les documents produits aux débats confirment qu’à la date du 8 octobre 2018, le propriétaire des locaux a bien signifié à l’occupant, par exploit d’huissier, la fin de la convention d’occupation précaire pour une libération des locaux au 31 octobre 2018.
Dès lors, étant occupant sans droit ni titre depuis le 1er novembre 2018, la SARL Cometal Serrures a généré un trouble manifestement illicite qui a conduit le propriétaire à demander son expulsion.
Le premier juge y a très justement fait droit.
En cause d’appel, la SARL Cometal Serrures et la SELARL AJ UP estiment que la SCI Auria ne sollicite pas l’expulsion.
La lecture attentive des conclusions de cette dernière permet de constater qu’il n’en est rien.
En effet, la SCI Auria demande à la cour d’une part qu’elle prononce une confirmation partielle du jugement et d’autre part sollicite qu’il soit statué à nouveau sur la question l’astreinte.
Ainsi, les éléments de la décision de première instance autres que l’astreinte (dont notamment l’expulsion et l’indemnité d’occupation) sont contenus dans la demande de confirmation partielle.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
2) L’indemnité d’occupation :
Un occupant sans droit ni titre qui ne libère pas les lieux reste redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’à la restitution définitives des locaux.
En l’espèce, la SARL Cometal Serrures s’est maintenue dans les locaux malgré l’envoi de plusieurs courriers l’invitant à quitter les lieux au 31 octobre 2018.
Elle est de facto débitrice d’une indemnité d’occupation, dont la fixation relève du pouvoir d’appréciation du juge du fond, qui prend en compte le préjudice subi par le propriétaire.
Au soutien de sa demande de fixation d’une indemnité mensuelle de 6 000 euros, la SCI Auria se prévaut de la mauvaise foi de l’occupant qui lui a causé préjudice. Il indique que son cocontractant lui a, d’une part, exposé à tort être dans l’impossibilité de se maintenir dans les anciens locaux et d’autre part, lui a caché le fait qu’il s’était vu reconnaître une indemnité d’éviction de 190 000 euros suivant délibération du 8 novembre 2017, soit dans le cadre conventionnel fixé dans la promesse de vente.
En l’absence de demande expresse d’exécution forcée de la promesse de vente, la SARL Cometal Serrures a continué de régler les sommes dues au titre du loyer tel que fixé dans la convention d’occupation précaire.
L’expert, mandaté par l’occupant, a bien estimé la valeur locative des locaux à la somme annuelle de 48 000 euros le 21 septembre 2018.
Dans ces conditions, l’indemnité d’occupation mensuelle doit être fixée au montant de la redevance acceptée par les parties dans la convention d’occupation précaire, soit 4 800 euros TTC à compter du 1er novembre 2018 jusqu’à la complète libération des lieux.
Les loyers versés depuis cette date seront qualifiés d’indemnités d’occupation et vaudront paiement de cette dernière.
Les charges dues par le locataire et prévues à la page 12 de la convention ne peuvent peser sur le propriétaire pour la période antérieure à la fixation judiciaire de l’indemnité d’occupation, elles devront donc être acquittées par la SARL Cometal Serrures entre le 1er novembre 2018 et le 28 septembre 2020, selon un compte établi entre les parties et sur justification des factures.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
3) L’astreinte contractuelle :
La SCI Auria entend se prévaloir d’une clause prévue à la convention litigieuse qui prévoit dans le paragraphe « durée de la convention » que « si les lieux loués n’étaient pas effectivement rendus libres du fait de l’occupant pour la date d’expiration du présent acte, ce dernier supportera une astreinte de 250 euros par jour de retard, sans que ce règlement ne l’autorise à différer son départ ».
Il résulte de l’article 1231-5 du code civil que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Dans le présent dossier, la clause d’astreinte en cas de retard fautif de l’occupant doit s’entendre comme une clause pénale et être requalifiée ainsi.
En effet, une telle clause pénale se caractérise par le fait que les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Si l’occupation sans droit ni titre génère un préjudice financier et d’immobilisation du bien pour le propriétaire, qui est supérieur à la simple valeur d’un loyer dû au titre d’une occupation légitime, il convient de retenir que l’importance du montant conventionnellement fixé (250 euros par jour de retard) apparaît manifestement disproportionné par rapport au préjudice effectivement subi par la SCI Auria.
En conséquence, le montant de la clause pénale doit être réduit à la somme journalière de 50 euros à compter du 1er novembre 2018.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce seul chef du montant de la clause pénale.
Sur les dommages-intérêt pour procédure abusive :
Agir en justice est un droit qui peut néanmoins dégénérer en abus lorsque l’action en justice est exercée de mauvaise foi ou, à tout le moins, sans aucun fondement sérieux.
En l’espèce, les moyens soulevés par l’appelant méritaient un débat et ne présentaient pas une dimension dilatoire ou une absence de sérieux.
La demande de dommages-intérêts sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SARL Cometal Serrures, dont l’appel est rejeté, supportera les dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés.
Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI Auria les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d’appel. La SARL Cometal Serrures sera condamnée à lui payer la somme complémentaire de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement entrepris du seul chef relatif au montant de l’astreinte conventionnelle requalifiée en clause pénale ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL Cometal Serrures à payer à SCI Auria la somme de 50 euros (cinquante euros) par jour à compter du 1er novembre 2018 jusqu’à la complète libération des lieux au titre de l’astreinte conventionnelle, requalifiée en clause pénale et réduite ;
Déboute la SCI Auria de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne la SARL Cometal Serrures à payer à SCI Auria la somme complémentaire de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne la SARL Cometal Serrures aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE