Indemnité d’éviction : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00030

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Indemnité d’éviction : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00030
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27 juillet 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
22/00030

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/00030 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FUW2

Minute n° 23/00139

S.A.S. GENERALE IMMOBILIERE

C/

S.C.I. TRUBLION

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 05 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 18/01243

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 27 JUILLET 2023

APPELANTE :

S.A.S. GENERALE IMMOBILIERE Représentée par son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.C.I. TRUBLION Représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me Bruno HUCK, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 07 Mars 2023 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 27 Juillet 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Trublion est propriétaire d’un immeuble, sis [Adresse 1] à [Localité 11], qu’elle a acquis de la Caisse d’Assurance Accidents Agricoles de la Moselle, selon acte authentique du 15 décembre 2017.

La SAS Générale Immobilière est locataire de locaux sis au rez-de-chaussée de cet immeuble, selon acte sous seing privé du 23 janvier 1969, bail qui a été reconduit le 5 août 1988 puis le 19 septembre 2006, et enfin le 1er juillet 2015 pour une durée de neuf ans, soit jusqu’au 30 juin 2024.

Le 22 décembre 2017, la SCI Trublion a fait signifier à la SAS Générale Immobilière un congé pour le 30 juin 2018, afin de réaliser un projet de réhabilitation et d’importants travaux sur l’immeuble, en proposant la mise à disposition d’un local correspondant aux besoins du locataire pendant les travaux sur les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 9] puis, à l’issue des travaux, un local équivalent dans le nouvel ensemble immobilier.

Par acte d’huissier du 20 mars 2018, la SAS Générale Immobilière a fait assigner la SCI Trublion devant le tribunal de grande instance de Metz aux fins, selon ses dernières conclusions récapitulatives, de voir:

– constater que le congé d’un bail commercial délivré par la SCI Trublion en date du 22 décembre 2017 ne respectait pas les dispositions d’ordre public du code de commerce,

– constater que les articles L145-4 et L145-18 sont d’ordre public,

– en conséquence, dire et juger le congé délivré nul et de nul effet,

– subsidiairement, constater que les conditions d’applicabilité des articles L145-4 et L145-18 du code de commerce ne sont pas remplies,

– en conséquence, dire et juger le congé irrecevable,

– plus subsidiairement, dire et juger que le congé est mal fondé,

– en conséquence, en débouter la SCI Trublion,

– débouter également la SCI Trublion de toutes ses demandes et prétentions additionnelles,

– plus subsidiairement encore, ordonner une expertise par tel expert judiciaire qu’il plaira au tribunal de désigner afin de déterminer la réalité du projet, son contenu, la nature exacte des travaux à entreprendre, l’assiette concernée et l’impossibilité de maintenir l’activité dans les lieux,

– lui réserver ses droits à chiffrer toutes les indemnités complémentaires qui pourraient lui être dues du fait du déplacement de son activité ainsi que toute demande de dommages et intérêts à raison d’un éventuel exercice frauduleux du droit de reprise du bailleur qui tenterait de se soustraire au paiement d’une indemnité d’éviction en offrant un local de remplacement,

– lui réserver ses droits quant à solliciter toute expertise judiciaire pour déterminer l’indemnité d’éviction qui pourrait lui être due,

– surseoir à statuer sur l’expertise et l’appréciation de tous les postes de préjudice jusqu’à ce qu’il soit statué préalablement sur les nullités et l’irrecevabilité soulevées ainsi que sur la détermination de la réalité des travaux qui seront entrepris afin d’établir si elle peut ou non se maintenir dans les biens actuellement loués,

– condamner la SCI Trublion à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les frais et dépens,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

En réponse, la SCI Trublion, a demandé au tribunal de :

– déclarer la SAS Générale Immobilière irrecevable en tout cas mal fondée en ses demandes,

– l’en débouter ainsi que de l’intégralité de ses prétentions,

– la condamner aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu’au paiement d’une somme de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– lui réserver le droit de chiffrer son préjudice résultant de l’impossibilité de démarrer son opération de restructuration immobilière du fait de la SAS Générale Immobilière,

– lui donner acte qu’elle accepte de verser à la SAS Générale Immobilière une indemnité d’éviction de 41.000 euros outre indemnités accessoires sur justificatifs,

– fixer l’indemnité d’occupation due par la SAS Générale Immobilière à compter du 1er juillet 2018 à 21.600 euros HT et HC par an, jusqu’à déménagement de la SAS Générale Immobilière et restitution des lieux,

– au besoin l’y condamner,

– dire que ce montant sera assorti des intérêts légaux sur le différentiel entre l’indemnité payée et l’indemnité due à compter de chaque échéance mensuelle,

– avant-dire-droit, en cas de contestation de la SAS Générale Immobilière, ordonner une expertise et commettre tel expert qu’il plaira au tribunal avec pour mission notamment de  :

*fournir tous éléments utiles à l’estimation de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant pour la SAS Générale Immobilière soit du déplacement, soit de la perte de son fonds de commerce et ce compte tenu de la valeur marchande du fonds déterminée selon l’usage de la profession outre les indemnités annexes conformément aux dispositions de l’article L. 145-14 du code de commerce,

*réunir tous les éléments permettant à la juridiction d’apprécier le montant de l’indemnité d’occupation dû par la SAS Générale Immobilière à compter de la date d’effet du refus de renouvellement du bail soit le 1er juillet 2018, et jusqu’à la date de libération effective des locaux loués, et ce dans les conditions de l’article L. 145-28 du code de commerce,

*dire que l’avance des frais d’expertise sera opérée par moitié pour chacune des parties,

*lui donner acte qu’elle concluera plus amplement à la suite du dépôt d’expertise,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Metz a:

– déclaré la SAS Générale Immobilière recevable en son action,

Sur le fond,

– rejeté les exceptions de nullité du congé délivré le 22 décembre 2017 soulevées par la SAS Générale Immobilière,

– dit que le congé délivré le 22 décembre 2017 par la SAS Générale Immobilière avait mis fin à compter du 1er juillet 2018 au bail la liant à la SCI Trublion portant sur les locaux situés [Adresse 1] [Localité 11],

– débouté la SAS Générale Immobilière:

*de sa demande d’expertise pour déterminer l’étendue du projet de construction et la possibilité de maintenir son activité dans les lieux,

*de sa demande de sursis à statuer sur la demande d’expertise et les postes de préjudice,

*de ses demandes de réserve de ses droits,

– réservé la demande de la SCI Trublion relative au préjudice imputable à la SAS Générale Immobilière résultant de l’impossibilité pour elle de commencer l’opération immobilière,

– invité la SCI Trublion à préciser le fondement et le quantum de cette demande et la SAS Générale Immobilière à conclure sur cette demande,

– dit que la fin du bail a ouvert le droit pour la SAS Générale Immobilière au paiement d’une indemnité d’éviction et ouvert le droit pour la SCI Trublion au paiement d’une indemnité d’occupation à compter du 1er juillet 2018,

Avant-dire-droit au fond sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard,

– ordonné une expertise et désigné en qualité d’expert: M. [S] [R], avec pour mission de fixer le montant de l’indemnité d’éviction due à la SAS Générale Immobilière et le montant de l’indemnité d’occupation due par cette dernière depuis la fin du bail

– renvoyé la cause et les parties à l’audience de mise en état silencieuse qui se tiendra le 18 janvier 2022 à 9 heures en cabinet,

– réservé les autres demandes, y compris les dépens et l’article 700 du code de procédure civile jusqu’à l’issue des opérations d’expertise et du dépôt du rapport,

– prononcé l’exécution provisoire du présent jugement.

Le tribunal a d’abord rappelé qu’il n’était pas tenu de répondre aux demandes tendant à voir «dire», «juge» ou «constater» lorsqu’elles développent en réalité des moyens, conformément aux dispositions des articles 4 et 768 du code de procédure civile. Il a aussi considéré que l’action de la SAS Générale Immobilière était recevable, aucun moyen d’irrecevabilité n’étant soulevé par la SCI Trublion ou devant être soulevé d’office.

Le tribunal a ensuite considéré que le congé signifié le 22 décembre 2017 par la SCI Trublion à la SAS Générale Immobilière n’encourait pas la nullité.

Il a, d’une part, estimé que l’erreur sur la mention du délai de recours du locataire constituait un vice de forme insusceptible d’entraîner la nullité du congé faute pour la SAS Générale Immobilière de prouver l’existence d’un grief causé par celui-ci, cette dernière ayant agi en justice dans le délai légal de l’article L145-18 du code de commerce.

Il a, d’autre part, considéré que l’omission dans le congé d’indications concernant les nouvelles conditions de location était sans emport sur sa validité en l’absence de dispositions légales en ce sens. Il a rappelé au surplus que la SCI Trublion avait proposé à sa locataire le paiement d’une indemnité d’éviction à compter de la fin du bail censée mettre un terme à toute discussion sur ce point.

Il a, en outre, considéré que l’absence d’intention sérieuse de reconstruire de la SCI Trublion n’était pas démontrée, rappelant que la sincérité du propriétaire lors de l’exercice de son droit de reprise était présumée.

Le tribunal a également estimé que la demande d’expertise aux fins de détermination de l’étendue du projet de construction n’était pas fondée. Il a en outre observé que la signification du second congé était sans emport sur la validité du premier et que ce second congé n’avait pas été contesté.

Le tribunal a rappelé que le bailleur refusant le renouvellement du bail commercial était tenu au paiement d’une indemnité d’éviction aux termes de l’article L145-14 du code de commerce. Eu égard à l’impossibilité pour la SAS Générale Immobilière de se maintenir dans les lieux et à la situation conflictuelle entre les parties, il a ordonné une expertise afin d’en déterminer le montant ainsi que celui de l’indemnité d’occupation. Il a aussi débouté la SAS Générale Immobilière de sa demande de réserve de dommages-intérêts, faute de démontrer que la SCI Trublion comptait de soustraire de son obligation de paiement de l’indemnité d’éviction. Le tribunal a débouté la SAS Générale Immobilière de ses demandes de sursis à statuer sur l’expertise et l’appréciation des postes de préjudice, celle-ci ne pouvant plus se maintenir dans les lieux loués.

Le tribunal a réservé à la SCI Trublion le droit de chiffrer le préjudice résultant de l’impossibilité pour elle de commencer l’opération immobilière, imputable à sa locataire.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 30 décembre 2021, la SAS Générale Immobilière a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement infirmation du jugement rendu le 5 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Metz dans toutes ses dispositions (reprises dans la déclaration) à l’exception de celle la déclarant recevable en son action.

Par conclusions déposées le 2 janvier 2023, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SAS Générale Immobilière demande à la cour de:

– recevoir son appel et le dire bien fondé,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il: a rejeté les exceptions de nullité du congé ; a dit que le congé avait mis fin au bail à compter du 1er juillet 2018 ; l’a déboutée de sa demande de sursis à statuer sur la demande d’expertise et les postes de préjudices, ses demandes de réserve de ses droits ; a réservé la demande de la SCI Trublion relative au préjudice qui lui est imputable et résultant de l’impossibilité pour elle de commencer l’opération immobilière ; a invité la SCI Trublion à préciser le fondement et le quantum de cette demande et l’a invitée à conclure sur cette demande ; a dit que la fin du bail avait ouvert le droit pour elle au paiement d’une indemnité d’éviction et ouvert le droit pour la SCI Trublion au paiement d’une indemnité d’occupation à compter du 1er juillet 2018 ; a prononcé l’exécution provisoire du jugement ; a rejeté ses demandes tendant:

*à voir constater que le congé délivré le 22 décembre 2017 ne respecte pas les dispositions d’ordre public du code de commerce,

*à voir déclarer que le congé délivré le 22 décembre 2017 est nul et de nul effet,

*subsidiairement à voir déclarer le congé du 22 décembre 2017 irrecevable,

*plus subsidiairement à voir déclarer le congé du 22 décembre 2017 mal fondé,

*au rejet de l’ensemble des demandes de la SCI Trublion,

*à voir réserver au locataire ses droits à chiffrer toutes les indemnités complémentaires qui pourraient lui être dues du fait du déplacement de son activité ainsi que toute demande de dommages et intérêts à raison d’un éventuel exercice frauduleux du droit de reprise du bailleur qui tenterait de se soustraire au paiement d’une indemnité d’éviction en offrant un local de remplacement,

*à voir surseoir à statuer sur l’expertise et l’appréciation de tous les postes de préjudices jusqu’à ce qu’il soit statué préalablement sur les nullités et l’irrecevabilité soulevées ainsi que sur la détermination de la réalité des travaux qui seront entrepris afin d’établir si la SAS Générale Immobilière peut ou non se maintenir dans les biens actuellement loués,

*à la condamnation de la SCI Trublion aux dépens ainsi qu’à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

Vu les articles L145-4 et suivants du code de commerce,

– constater et déclarer que le congé d’un bail commercial délivré par la SCI Trublion en date du 22 décembre 2017 ne respecte pas les dispositions d’ordre public du code de commerce,

– rappeler que les articles L145-4 et L145-18 sont d’ordre public,

– en conséquence, déclarer le congé délivré le 22 décembre 2017 nul et de nul effet, ou en tant que de besoin prononcer la nullité du congé délivré le 22 décembre 2017,

– subsidiairement, constater que les conditions d’applicabilité des articles L145-4 et L145-18 du code de commerce ne sont pas remplies,

– en conséquence, déclarer le congé irrecevable, ou en tant que de besoin prononcer l’irrecevabilité du congé,

– plus subsidiairement, déclarer que le congé est mal fondé,

– en conséquence, en débouter la SCI Trublion,

– débouter également la SCI Trublion de toutes ses demandes, fins et prétentions additionnelles,

– lui réserver ses droits à chiffrer toutes les indemnités complémentaires qui pourraient lui être dues du fait du déplacement de son activité ainsi que toute demande de dommages et intérêts à raison d’un éventuel exercice frauduleux du droit de reprise du bailleur qui tenterait de se soustraire au paiement d’une indemnité d’éviction en offrant un local de remplacement,

– surseoir à statuer sur l’expertise et l’appréciation de tous les postes de préjudice jusqu’à ce qu’il soit statué préalablement sur les nullités et l’irrecevabilité soulevées ainsi que sur la détermination de la réalité des travaux qui seront entrepris afin d’établir si elle peut ou non se maintenir dans les biens actuellement loués,

– condamner la SCI Trublion à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SCI Trublion en tous les frais et dépens d’instance et d’appel.

A titre liminaire, la SAS Générale Immobilière soutient que ses demandes tendant à voir «dire et juger», «constater» et «déclarer» constituent bien des prétentions et non un rappel des moyens invoqués, de sorte que la cour est tenue d’y répondre.

A titre principal, elle soutient que le congé encourt la nullité.

D’abord, elle soutient que le congé ne respecte pas les formes et délais légaux requis pour sa validité. Elle explique en effet que le délai de contestation d’un congé aux fins de reconstruction de l’immeuble objet du bail n’est pas de deux ans, tel qu’il est mentionné dans le présent congé, mais de trois mois à compter de sa notification conformément aux dispositions de l’article L145-18 du code de commerce. Elle argue du caractère dolosif de cette erreur commise par la bailleresse. Elle précise en tout état de cause ne pas être tenue de démontrer l’existence d’un grief en l’espèce, cette nullité étant d’ordre public.

Ensuite, elle expose que le congé ne précise, ni les nouvelles conditions de location du local de remplacement, ni les caractéristiques de celui-ci, contrairement aux exigences des dispositions des articles L145-18 alinéa 3 et L145-9 alinéa 5 du code de commerce.

Enfin, elle allègue l’absence de sincérité de la bailleresse quant à son projet de reconstruction immobilière au jour de la délivrance du congé, cette dernière ayant notamment attendu plus de trois ans avant de déposer un permis de construire à ce titre. Elle note aussi que les documents versés aux débats par la SCI Trublion ne démontrent pas le sérieux de ses intentions, celles-ci n’en étant encore qu’au stade de projet au jour de la délivrance du congé.

En parallèle, elle indique que la SCI Trublion lui a fait délivrer un second congé le 21 décembre 2020 afin de couvrir la nullité du premier. Elle précise que ce second congé encourt la nullité pour les mêmes vices que ceux susvisés au titre du premier congé.

La SAS Générale Immobilière soutient également que le congé est irrecevable, et subsidiairement mal fondé.

Elle affirme que les travaux allégués ne prévoient pas la destruction et la reconstruction totale de l’immeuble, s’agissant uniquement de travaux de transformation, de sorte que la bailleresse ne pouvait pas lui délivrer un congé. Elle soutient que les travaux envisagés n’entravent pas la continuité de sa location. Elle rappelle en tout état de cause l’absence d’intention sérieuse de la bailleresse quant à ce projet et précise que les documents versés aux débats ne peuvent prouver ses allégations, puisqu’ils ont été établis à sa demande par son architecte et ne sont pas suffisamment précis.

Elle ajoute que la SCI Trublion lui a fait délivrer un second congé afin de pallier les écueils du premier, la fiabilité et la faisabilité de l’opération immobilière litigieuse n’ayant été confirmées que par l’obtention postérieure d’un permis de construire. Elle ajoute avoir contesté ce dernier et en déduit que le congé est mal fondé.

Elle déclare que le local de remplacement initialement proposé par la bailleresse est inadéquat aux besoins de son activité d’agent immobilier et a vocation à être partiellement détruit du fait des travaux.

Elle soutient que le congé est irrecevable et subsidiairement mal fondé aux termes de l’article L145-4 du code de commerce en ce que la SCI Trublion n’a pas l’intention de reconstruire elle-même l’immeuble litigieux, mais au contraire de le revendre. Elle ajoute que les travaux envisagés ont un but spéculatif, notamment aux fins d’augmentation du loyer auquel elle serait ensuite tenue.

Elle reproche aussi à la bailleresse de ne pas lui avoir proposé de local de remplacement correspondant à ses besoins le jour de la délivrance du congé.

Subsidiairement, si un tel local lui était proposé, elle demande des dommages-intérêts au titre de: la privation temporaire de jouissance d’un local commercial du fait du déménagement de son activité lui ayant causé une perte de chiffre d’affaires ou des frais d’aménagement du nouveau local; la moins-value du fonds de commerce résultant d’une perte de clientèle du fait du déménagement, frais normaux de déménagement. Elle demande à la cour de lui réserver le droit de chiffrer ces demandes, ainsi que celui de lui demander des dommages-intérêts en cas d’établissement d’une fraude de la bailleresse dans l’exercice de son droit de reprise.

Très subsidiairement, elle demande à la cour de lui réserver le droit de conclure sur l’indemnité d’éviction qui lui sera due après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire aux termes de l’article L145-18 du code de commerce.

Par conclusions déposées le 2 mai 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SCI Trublion demande à la cour de:

– déclarer la SAS Générale Immobilière mal fondée en son appel,

– l’en débouter, ainsi que de l’intégralité de ses demandes,

– confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

– condamner la SAS Générale Immobilière aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel,

– condamner la SAS Générale Immobilière à lui payer une indemnité de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

A titre liminaire, la SCI Trublion fait valoir que les demandes tendant à voir «dire et juger», «constater», «déclarer» et «réserver» ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, de sorte qu’elles doivent être rejetées.

Elle soutient, d’une part, que le congé qu’elle a délivré à la SAS Générale Immobilière le 22 décembre 2017 est valable.

D’abord, elle soutient que tous les délais de recours devant figurer dans le congé ont bien été mentionnés. Elle ajoute que le délai erroné de deux ans est sans emport sur la validité du congé faute pour la SAS Générale Immobilière de démontrer l’existence d’un grief à ce titre, cette dernière ayant malgré cette erreur agi en justice dans le délai légal de trois mois suivant la signification du congé.

Ensuite, elle affirme que l’imprécision de l’offre au locataire d’un local équivalent dans le congé a seulement pour conséquence le paiement par le bailleur d’une indemnité d’éviction au locataire, de sorte que la nullité du congé n’est pas encourue à ce titre. Elle rappelle en tout état de cause avoir proposé une telle indemnité à la SAS Générale Immobilière, mettant ainsi fin à tout litige sur ce point.

Enfin, elle souligne que la locataire ne démontre pas l’absence de sincérité de son projet de reconstruction immobilière. Elle indique en ce sens que le long délai entre la délivrance du congé et le dépôt du permis de construire s’explique au regard de l’ampleur et de la complexité du projet entrepris, lequel a nécessité de nombreuses réunions, consultations, autorisations et modifications. La présomption de sincérité du projet étant maintenue, elle en conclut qu’il n’existe aucun doute sur le sérieux de ses intentions ainsi que sur la validité du congé.

Par ailleurs, elle note que le second congé est sans emport sur la validité du premier, celui-ci n’ayant ni vocation à le remplacer ni à l’annuler. Elle affirme en outre que le second congé n’est affecté d’aucun vice de forme.

Elle soutient, d’autre part, que l’exercice de son droit de reprise est justifié, car elle a pour projet de détruire et reconstruire l’immeuble objet du bail. Elle précise avoir versé aux débats les documents attestant de ses démarches en cours. Elle conteste ainsi les allégations contraires de la locataire sur ce point.

Elle expose enfin que le moyen relatif à la proposition d’un local inadapté aux besoins de la locataire n’est pas fondé. Elle rappelle en ce sens que cette dernière a refusé son offre d’un local de remplacement, de sorte que seule une indemnité d’éviction lui est à présent due.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la portée de l’appel

La déclaration d’appel ne vise pas les dispositions du jugement ayant déclaré l’action de la SAS Générale Immobilière recevable.

Dès lors la cour n’en est pas saisie.

Par ailleurs, si dans sa déclaration d’appel, la SAS Générale Immobilière indique que l’appel tend à l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’expertise pour déterminer l’étendue du projet de construction et la possibilité de maintenir son activité dans les lieux, il convient de relever que l’appelante n’invoque aucun moyen tendant à remettre en cause cette disposition. Celle-ci sera donc confirmée.

Enfin, il convient de relever que si la SCI Trublion sollicite la confirmation du jugement dans son intégralité, elle ne forme plus de demande d’indemnisation de son préjudice résultant de l’impossibilité pour elle de commencer l’opération immobilière et n’invoque aucun moyen tendant à voir confirmer les dispositions du jugement ayant réservé sa demande à ce titre. Le jugement sera donc infirmé sur ce point ainsi que dans ses dispositions invitant la SCI Trublion à préciser le fondement et le quantum de cette demande et celles invitant la SAS Générale Immobilière à conclure sur cette demande.

Sur les demandes tendant à voir «constater» , «dire et juger», «déclarer» et «réserver»

L’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

En l’espèce, si la SCI Trublion demande dans le corps de ses conclusions «d’écarter» des conclusions de la SAS Générale Immobilière les demandes tendant à voir «constater, dire et juger, déclarer et réserver», elle ne reprend pas cette prétention dans le dispositif de ses conclusions.

Dès lors, la cour, qui n’en est pas saisie, n’a pas à statuer sur ce point.

Sur la demande en nullité du congé délivré le 22 décembre 2017

* Sur le fondement des délais de contestation indiqués

Il résulte des articles L145-4 et L145-9 alinéa 5 du code de commerce que, dans le cadre d’un bail commercial, le bailleur qui entend donner congé en invoquant notamment les dispositions des articles L145-18, L145-21 du même code doit le délivrer par acte extrajudiciaire. « Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.».

Par ailleurs, selon les dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité des actes d’huissier (désormais de commissaire de justice) est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

Dès lors, le congé délivré par la SCI Trublion le 22 décembre 2017 ne peut être déclaré nul pour vice de forme que si la SAS Générale Immobilière prouve le grief que lui cause l’irrégularité qu’elle invoque.

Le congé délivré par acte d’huissier du 22 décembre 2017 est justifié par le motif suivant : «le bailleur envisage de réaliser un projet de réhabilitation d’ampleur comportant d’importants travaux qui impliquent notamment l’édification d’un immeuble de taille équivalente à celui sis [Adresse 1] et «accolé» à ce dernier, moyennant le déplacement latéral de la façade gauche de l’immeuble abritant votre local. Ils rendront impossible, pendant la durée des travaux, le maintien de votre activité en son lieu actuel. A l’issue des travaux, il vous sera proposé une surface équivalente à celle de votre local actuel dans l’ensemble immobilier reconstruit sur les parcelles référencées au cadastre sous les n° [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 4] et [Cadastre 7]».

L’acte précise, page 2: «si vous entendez contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, vous devez saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de ce jour». Ce délai de deux ans est également rappelé au titre de la reproduction des dispositions de l’article L145-9 du code de commerce.

Puis il est précisé au titre du rappel des dispositions de l’article L145-18 du code de commerce que «lorsque le bailleur invoque le bénéfice du présent article, il doit, dans l’acte de refus de renouvellement ou dans le congé, viser les dispositions de l’alinéa 3 et préciser les nouvelles conditions de la location. Le locataire doit, dans un délai de trois mois, soit faire connaître par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception son acceptation, soit saisir la juridiction compétente dans les conditions prévues à l’article L145-56 ».

A supposer qu’il résulte une ambiguïté née de la mention d’un délai de deux ans et d’un délai de trois mois pour contester, il n’est pas établi que la SCI Trublion ait volontairement choisi d’entretenir cette ambiguïté puisque le congé précise page 2 que le bailleur entend se soustraire au paiement d’une indemnité d’éviction. Or l’article L145-9 du code de commerce précise que le preneur qui entend contester le congé ou « demander le paiement d’une indemnité d’éviction » doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de 2 ans. L’intimée était donc tenue de rappeler ces dispositions.

En outre, le délai de 3 mois de l’article L145-18, qui est invoqué comme le seul délai applicable, est bien mentionné dans le congé puisqu’il est rappelé dans la reproduction de cet article.

Enfin, la SAS Générale Immobilière ne justifie d’aucun grief puisqu’elle a contesté le congé dans le délai de trois mois susvisé en saisissant le tribunal par acte d’huissier du 20 mars 2018, étant rappelé, de plus, que l’appelante est une professionnelle de l’immobilier.

C’est donc à juste titre que le tribunal a rejeté ce moyen.

* Sur le fondement d’une omission d’une disposition d’ordre public

Selon l’article L145-18 du code de commerce, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l’immeuble existant, à charge de payer au locataire évincé l’indemnité d’éviction prévue à l’article L145-14. Cet article précise que «toutefois, le bailleur peut se soustraire au paiement de cette indemnité en offrant au locataire évincé un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent».

L’alinéa 5 de ce texte ajoute que «lorsque le bailleur invoque le bénéfice du présent article, il doit, dans l’acte de refus de renouvellement ou dans le congé, viser les dispositions de l’alinéa 3 et préciser les nouvelles conditions de location».

Il convient de relever que ni ce texte, ni l’article L145-9 du code de commerce ne prévoient la nullité du congé lorsque le congé ne précise pas les nouvelles conditions de location.

La mention dans le congé des nouvelles conditions de location, qui comprennent le montant du loyer et des précisions sur la situation du local de remplacement, n’est exigée qu’à titre de condition pour permettre au bailleur de s’exonérer du paiement d’une indemnité d’éviction.

En l’espèce, le congé indique que le bailleur «entend se soustraire au paiement d’une indemnité d’éviction, conformément à l’article L145-18 du code civil, en vous offrant un local correspondant à vos besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent, à savoir : une surface commerciale équivalente située sur les parcelles référencées au cadastre sous les n°[Cadastre 7] et [Cadastre 9] (actuellement magasin Bonnie/Redskins donnant sur la [Adresse 1])».

A supposer que ces mentions ne soient pas suffisamment précises, notamment en raison d’absence d’indications sur le montant du loyer, il faut considérer que cette absence de précision des nouvelles conditions de location n’est pas de nature à entraîner la nullité du congé.

Les moyens invoqués à ce titre doivent donc être rejetés. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

* Sur le fondement d’une absence de sincérité des motifs du congé

La déclaration de reprise du bailleur fondée sur l’article L145-18 du code de commerce est présumée sincère. Il appartient donc à la SAS Générale Immobilière de rapporter la preuve contraire, étant précisé que l’article précité n’oblige pas le bailleur à obtenir préalablement à la délivrance d’un tel congé un permis de construire.

La SCI Trublion produit un mail qui lui a été adressé par la mairie de [Localité 11] le 29 mai 2018 duquel il résulte que l’intimée avait transmis son projet de travaux (démolition des bâtiments existants et reconstruction) par l’intermédiaire de son architecte à la mairie de [Localité 11] dès le premier semestre 2017 et qu’il devait être soumis à de multiples autorisations, dont l’autorisation d’urbanisme.

D’ailleurs, l’intimée justifie que son projet a été évoqué lors de la réunion de «la commission locale du secteur sauvegardé » du 29 novembre 2017.

Il ressort du document émanant de son architecte daté du 7 mai 2018 que le projet consiste à démolir complètement l’immeuble se trouvant sur la parcelle [Cadastre 5] (donnée à bail à la SAS Générale Immobilière) et à construire un nouveau bâtiment sur cette parcelle ainsi qu’une partie des parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 8] et [Cadastre 10]. Les plans et la notice complémentaire annexés à la demande du permis de construire déposé par la SCI Trublion précisent que la façade visible de l’immeuble situé sur la parcelle [Cadastre 5] sera déposée pour être remontée 7 mètres plus loin et que le reste de l’immeuble sera démoli pour permettre la reconstruction d’un nouveau bâtiment sur les parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 4], [Cadastre 8] et [Cadastre 10].

Le permis de construire versé aux débats a été délivré par la mairie de [Localité 11] par arrêté du 9 novembre 2020, «en vue de réhabiliter un ensemble immobilier sur des parcelles cadastrées section [Cadastre 3], n°[Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] à [Cadastre 10] situées au [Adresse 2] à [Localité 11]».

Il est donc justifié de justifié de l’intention sérieuse de la SCI Trublion d’effectuer les travaux tels que mentionnés dans les motifs rappelés précédemment, même si la validité du permis de construire est contestée par la SAS Générale Immobilière.

Par ailleurs, les motifs invoqués dans le second congé délivré par la SCI Trublion le 21 décembre 2020, et qui, lui, propose une indemnité d’éviction, n’ont pas d’incidence sur la validité des motifs invoqués dans le congé objet du litige. Il sera de plus observé que ce second congé indique expressément qu’il est délivré sans préjudice du congé délivré le 22 décembre 2017 et qu’il ne vaut pas renonciation au-dit congé.

D’autre part, les modifications architecturales apportées au cours du projet, notamment quant à l’aspect de la reconstruction ne remettent pas en cause l’intention du bailleur de démolir l’immeuble afin de le reconstruire ni sa sincérité dans la délivrance du congé.

Enfin, il ne peut être déduit de la durée de réalisation du projet l’absence de réelle intention d’entreprendre les travaux dans la mesure où le projet de construction est d’importance et concerne des bâtiments du centre ville, nécessitant de nombreuses autorisations.

Dès lors, les moyens invoqués par la SAS Générale Immobilière doivent être rejetés.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les exceptions de nullité du congé délivré le 22 décembre 2017 soulevées par la SAS Générale Immobilière.

Sur les demandes tendant à voir déclarer le congé irrecevable

Les moyens invoqués ne relèvent pas de l’irrecevabilité du congé mais de ses conditions d’applications.

Dès lors la SAS Générale Immobilière sera déboutée de sa demande tendant à voir déclarer le congé délivré le 22 décembre 2017 irrecevable.

Sur le bien fondé du congé

Il résulte du descriptif des travaux envisagés qu’il s’agit bien d’une démolition totale et d’une reconstruction de l’immeuble donné à bail à la SAS Générale Immobilière, étant souligné que le nouvel immeuble sera décalé de 7 mètres. Le fait de conserver les pierres constituant la façade n’est pas suffisant pour considérer qu’il n’y a pas de démolition totale dans la mesure où cette façade sera décalée et que tout le reste de l’immeuble sera détruit.

Les conditions de délivrance du congé pour construire ou reconstruire l’immeuble existant sont donc respectées.

Par ailleurs, ainsi qu’il l’a été indiqué plus haut, le congé délivré sur le fondement de l’article L145-18 du code de commerce n’est pas subordonné à l’obtention préalable d’un permis de construire, ni à l’exigence que ce permis soit déclaré valable. Les moyens invoqués à ce titre sont donc indifférents.

En outre, la SAS Générale Immobilière ne produit aucun élément permettant d’établir que le but du congé est uniquement spéculatif et que la SCI Trublion n’a pas l’intention de reconstruire l’immeuble mais de le revendre.

En revanche, l’article L145-18 du code de commerce ne permet au bailleur de se soustraire au paiement d’une indemnité d’éviction que s’il offre au locataire évincé «un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent». Il doit alors, dans le congé, «préciser les nouvelles conditions de location».

En l’espèce, le local de remplacement proposé à la SAS Générale Immobilière par la SCI Trublion dans le congé est décrit ainsi: «une surface commerciale équivalente située sur les parcelles référencées au cadastre sous les n°[Cadastre 7] et [Cadastre 9] (actuellement magasin Bonnie/Redskins donnant sur la [Adresse 1])».

Il n’est mentionné aucune précision sur les nouvelles conditions de location, notamment sur le montant du loyer ou la surface des nouveaux locaux.

Le local de remplacement doit exister à la date du congé et permettre au preneur d’exercer son activité dans des conditions similaires.

Il résulte de l’acte de vente par lequel la SCI Trublion a acquis les locaux donnés à bail à la SAS Générale Immobilière que ceux-ci font une superficie de 108 m² avec vitrine et cours intérieure attenante.

Si la description donnée par le congé laisse penser que les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 9] correspondent à la surface donnée à bail à la SAS Générale Immobilière, il convient de relever que selon les documents annexés à la demande de permis de construire déposée par la SCI Trublion, il est prévu la destruction de la parcelle [Cadastre 9].

L’intimée, qui ne produit aucun autre document sur ce point, ne justifie donc pas que le local de remplacement proposé dans le congé est de nature à lui permettre d’exercer dans des locaux de surface équivalente et dans des conditions similaires.

Ainsi qu’il l’a été indiqué dans les motifs susvisés, la sanction d’une absence de proposition d’un local de remplacement et de précisions sur les nouvelles conditions de proposition de location n’est pas l’absence d’effet du congé mais l’obligation pour le bailleur de payer au preneur une indemnité d’éviction.

Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, il faut considérer que c’est à juste titre que le premier juge a dit que le congé délivré le 22 décembre 2017 avait mis fin au bail, étant observé que le jugement comporte une erreur matérielle qu’il conviendra de rectifier puisqu’il mentionne que le congé a été délivré par la SAS Générale Immobilière au lieu de la SCI Trublion. Le jugement sera donc infirmé sur ce point afin de rectifier cette erreur.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a dit que la fin du bail avait ouvert le droit pour la SAS Générale Immobilière au paiement d’une indemnité d’éviction et ouvert le droit pour la SCI Trublion au paiement d’une indemnité d’occupation à son bénéfice à compter du 1er juillet 2018, étant relevé que le congé était délivré pour le 30 juin 2018.

Au regard des motifs ci-dessus, il n’y a pas lieu de statuer sur les prétentions formées par la SAS Générale Immobilière, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour aurait retenu l’existence d’un local de remplacement.

Sur la demande de sursis à statuer

Par arrêt du 16 décembre 2021, la cour d’appel de Metz a confirmé l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Metz du 1er juin 2021 dans toutes ses dispositions, notamment en ce qu’elle a ordonné une expertise afin de déterminer, d’une part, l’indemnité d’éviction qui pourrait être due au 1er juillet 2021 à la SAS Générale Immobilière par référence aux critères posés par l’article L145-14 du code de commerce et, d’autre part, l’indemnité d’occupation qui pourrait être due par la SAS Générale Immobilière passé le 30 juin 2021 jusqu’à son départ des lieux.

Afin d’éviter toute contrariété entre les mesures, il n’est pas opportun que deux expertises portant sur le même objet soient diligentées, l’une sur le fondement du congé délivré le 22 décembre 2017, l’autre sur le fondement du second congé délivré le 21 décembre 2020, étant observé que seul le montant de l’indemnité d’éviction est important et doit être fixé par expert, non la date de son application qui relève de l’appréciation du juge.

En conséquence, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient de réserver à la SAS Générale Immobilière le droit de chiffrer ses demandes complémentaires, notamment au titre de l’indemnité d’éviction et de surseoir à statuer sur le surplus des prétentions formées par la SAS Générale Immobilière dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise de Mme [X] [K], expert désignée par l’ordonnance de référé du 1er juin 2021 confirmée par l’arrêt de la présente cour du 16 décembre 2021.

Il appartiendra à la SAS Générale Immobilière de poursuivre la présente instance après dépôt du rapport d’expertise.

En conséquence, les dispositions du jugement ayant ordonné une expertise et désigné M. [R] en qualité d’expert, afin de fixer le montant de l’indemnité d’éviction ainsi que le montant de l’indemnité d’occupation, seront infirmées.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a réservé les autres demandes, y compris les dépens et l’article 700 du code de procédure civile jusqu’à l’issue du rapport d’expertise de M. [R].

Statuant à nouveau, il convient de réserver les dépens ainsi que l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de l’appel ainsi que les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel seront également réservées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 5 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a :

– rejeté les exceptions de nullité du congé délivré le 22 décembre 2017 soulevées par la SAS Générale Immobilière,

– débouté la SAS Générale Immobilière de sa demande d’expertise pour déterminer l’étendue du projet de construction et la possibilité de maintenir son activité dans les lieux ainsi que de sa demande de sursis à statuer sur cette demande d’expertise et les postes de préjudice

– dit que la fin du bail avait ouvert le droit pour la SAS Générale Immobilière au paiement d’une indemnité d’éviction et ouvert le droit pour la SCI Trublion au paiement d’une indemnité d’occupation à compter du 1er juillet 2018,

L’infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,

Dit que le congé délivré le 22 décembre 2017 par la SCI Trublion a mis fin à compter du 1er juillet 2018 au bail la liant à la SAS Générale Immobilière portant sur les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 11] ;

Réserve à la SAS Générale Immobilière le droit de chiffrer ses demandes complémentaires, notamment au titre de l’indemnité d’éviction ;

Réserve les dépens de première instance ainsi que les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Y ajoutant,

Déboute la SAS Générale Immobilière de sa demande tendant à voir déclarer le congé délivré le 22 décembre 2017 irrecevable

Ordonne le sursis à statuer sur le surplus des prétentions formées par la SAS Générale Immobilière dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise de Mme [X] [K], expert désignée par l’ordonnance de référé du 1er juin 2021 du président du tribunal judiciaire de Metz confirmée par l’arrêt de la présente cour du 16 décembre 2021.

Dit qu’il appartiendra à la SAS Générale Immobilière de poursuivre la présente instance après dépôt du rapport d’expertise ;

Réserve les dépens d’appel ainsi que les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour.

Le Greffier La Présidente de Chambre

 


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