Indemnité d’éviction : 26 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00319

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Indemnité d’éviction : 26 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00319
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26 mai 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/00319

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00319 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H5MK

CS

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

27 juin 2019

RG:18/04886

[U]

Société DE [Localité 5]

C/

[Z]

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT DU 26 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Arrêt du Cour d’Appel de MONTPELLIER en date du 27 Juin 2019, N°18/04886

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Mai 2023, prorogé au 23 Mai 2023, puis au 26 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTS :

Monsieur [L] [U]

né le 10 Mai 1956

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Thomas BRUNEL de la SCP BRUNEL/PIVARD/REGNARD, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

SCEA DE [Localité 5]

Société Civile d’Exploitation Agricole

inscrite au RCS de MONTPELLIER sous le n° 435 270 665

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Thomas BRUNEL de la SCP BRUNEL/PIVARD/REGNARD, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [L] [Z]

né le 23 Avril 1951 à [Localité 10]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Hachim FADILI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Statuant en matière de baux ruraux après convocation des parties par lettres simples et lettres recommandées avec avis de réception du 17 juin 2021.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement, après renvoi de la Cour de cassation, et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 26 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE :

La société civile d’exploitation agricole de [Localité 5], dont le gérant est M. [U], est locataire des parcelles cadastrées A [Cadastre 1] et A [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 7] (34) au titre d’un bail rural du 7 janvier 2008.

Elle a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier, par requête en date du 27 mars 2017, afin qu’il soit reconnu qu’elle n’avait commis aucun agissement de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, son bailleur, M. [Z], lui ayant reproché d’avoir arraché la totalité des plants de vigne sur ses parcelles.

Par acte du 30 mars 2017, M. [Z] a saisi la même juridiction en résiliation du bail pour faute lourde du preneur.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement du 20 septembre 2018, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier a notamment :

– prononcé la résiliation du bail liant les parties, retenant que l’arrachage total des vignes en 2016 avait été abusivement opéré ;

– ordonné l’expulsion de la SCEA de [Localité 5] et de M. [U], au besoin avec l’assistance de la force publique ;

– ordonné l’exécution provisoire de cette décision ;

– condamné la SCEA de [Localité 5] et de M. [U] à payer à M. [Z] la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;

– rejeté les autres demandes.

Sur appel de la SCEA de [Localité 5] et de M. [U], par arrêt en date du 27 juin 2019 , la cour d’appel de Montpellier a confirmé le jugement entrepris écartant cependant un arrachage fautif du preneur, mais retenant le mauvais entretien des vignes constaté en mai 2016 et, y ajoutant, a constaté qu’il avait déjà été procédé à l’expulsion de la SCEA en novembre 2018, a rejeté les demandes de mise hors de cause de M. [U] et de dommages et intérêts formulée par M . [Z] et a condamné les appelants aux dépens ainsi qu’à la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de la SCEA de [Localité 5] et de M. [U], la Cour de cassation, par arrêt du 12 novembre 2020, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d’appel de Montpellier et remis, en conséquence, les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Nîmes.

Ensuite de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation faite par la SCEA de [Localité 5] et de M. [U], l’affaire a été appelée, devant la cour d’appel de Nîmes, à l’audience du 12 octobre 2021.

Par arrêt du 14 décembre 2021, la cour d’appel de Nîmes a :

– infirmé le jugement prononcé le 20 septembre 2018, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant, a notamment :

– dit n’y avoir lieu à déclarer M. [U] hors de cause ;

– débouté M. [Z] de sa demande de résiliation du bail rural conclu le 7 janvier 2008 avec la SCEA de [Localité 5] et son gérant, M. [U], sur les parcelles cadastrées A [Cadastre 1] et A [Cadastre 3] sur le territoire de la commune de [Localité 7] (34) au titre d’un bail rural du 7 janvier 2008 ;

– débouté la SCEA de [Localité 5] et M. [U] de leurs demandes tendant à :

– voir ordonner à M. [Z] de libérer les parcelles et de les mettre à disposition de la SCEA de [Localité 5] sous peine d’astreinte ;

– voir déclarer inopposable le bail conclu entre M. [W] [Z] et M. [L] [Z];

– voir ordonner à M. [Z] de remettre à la SCEA de [Localité 5] tous documents administratifs et de douanes lui permettant d’exploiter les terres ;

– faire interdiction à M. [Z] et autres d’accéder à ces parcelles, sous astreinte ;

– condamné M. [Z] à payer à la SCEA de [Localité 5] la somme de 6.000 euros à titre de provision à valoir sur les préjudices liés à son éviction des lieux loués ;

– ordonné une expertise et désigné M. [X] [S], demeurant [Adresse 8], avec pour mission de :

– se faire remettre tous documents utiles ;

– établir un état des parcelles cadastrées A [Cadastre 1] et A [Cadastre 3] sur le territoire de la commune de [Localité 7] (34) appartenant à M. [Z] ;

– préciser les conditions dans lesquelles les parcelles ont été libérées ;

– fournir tous éléments techniques permettant à la cour de déterminer et d’évaluer les préjudices subis par la SCEA de [Localité 5] , suite à son éviction injustifiée des lieux loués, et notamment les dommages matériels et immatériels pouvant résulter de la situation ;

– dit que l’expert pourra recourir à un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne ;

– réservé les autres demandes ;

– renvoyé l’affaire à l’audience du 13 décembre 2022 à 14 heures;

– réservé la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par ordonnance du 24 janvier 2022, M. [A] [T] a été désigné en remplacement de M. [S] empêché.

Le rapport d’expertise judiciaire a été déposé le 2 août 2022.

A l’ audience, la SCEA de [Localité 5] et de M. [U], en leur qualité d’appelants, assistés de leur conseil, exposent leurs prétentions et moyens et s’en rapportent à leurs conclusions, notifiées le 13 mars 2023, pour le surplus.

Les appelants demandent à la cour, au visa de l’article 625 du code de procédure civile, L 111-10 al 2 et L 111-11 du code des procédures civiles d’exécution ainsi que les articles 1240 et suivants du code civil, de:

A titre principal,

– condamner M. [Z] à payer à la SCEA de [Localité 5] et M. [U] la somme de 180.567 euros au titre des préjudices subis liés à leur expulsion des terres, objets du litige du mois de novembre 2018 au mois d’avril 2022 ainsi que la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral ;

– condamner M. [Z] à poursuivre le bail rural, objet du litige, avec la SCEA De [Localité 5] et M. [U], preneurs en place;

A titre subsidiaire, et si par impossible, la juridiction ne faisait pas droit à la demande de la poursuite du bail rural, objet du litige, alors elle ne pourra que:

– condamner M [Z] à leur payer la somme de 251.172 euros, ainsi que la somme de 30.000 euros pour leur préjudice moral;

A titre infiniment subsidiaire, et si par impossible la juridiction de céans ne faisait pas droit à la demande de la poursuite du bail rural, objet du litige, alors elle en pourra que :

– condamner M. [Z] à leur payer la somme de 174.226,55 euros ( coût des travaux réalisés 89.402,55 euros) + 24.75 euros (coût de l’immobilisation financière, perte de subvention Agrimer et coût de complantation) + indemnité d’éviction de 49.000 euros et 11.000 euros de perte de chance);

– le condamner à la somme de 30.000 euros au titre du préjudice moral;

En tout état de cause,

– condamner M. [Z] à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens comprenant le coût de l’expertise judiciaire.

Les appelants exposent qu’un mois après le prononcé du jugement rendu en première instance, M. [Z] a donné à bail les parcelles litigieuses à son fils [W] si bien qu’à compter du mois de novembre 2018, le SCEA ne pouvait plus exploiter lesdites parcelles et poursuivre le programme de planification consistant à renouveler les plants de vigne.

Ils considèrent que l’exécution prématurée d’une décision de justice exécutoire doit donner lieu à restitution au profit du débiteur de ses droits soit en nature soit par équivalent de façon à la replacer dans la situation qui était la sienne avant l’exécution de la décision anéantie.

Aussi, considérant avoir été empêchés d’exploiter les parcelles cadastrées A [Cadastre 1] et A [Cadastre 3] du mois de novembre 2018 au mois de mars 2022 en lien avec leur expulsion en exécution du jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier, ils réclament l’indemnisation de leurs entiers préjudices résultant de leur privation de jouissance.

Ils précisent que sans l’exécution provisoire de cette décision, la totalité des parcelles aurait été replantée dès 2020 et les premières récoltes de l’ensemble des vignes auraient été effectives en septembre 2022.

Les appelants revendiquent une perte d’exploitation d’une durée de 3 années et demi de novembre 2018 à mars 2022 étant rappelé qu’au jour de leur expulsion, 2,5 ha de vigne étaient plantés et le reste des terres devait l’être en 2019 et 2020. Ils rappellent à cet égard qu’avant leur expulsion, les terres étaient prêtes à être replantées et qu’une commande de plants avait été passée pour la deuxième tranche de travaux devant intervenir en mars 2019.

L’expert judiciaire propose une évaluation distinguant le préjudice certain qui correspond au manque à gagner de la parcelle plantée avant l’expulsion (2,5 ha) et le préjudice éventuel correspondant aux parcelles qui n’ont pu être plantées (4,5 ha).

S’agissant de la parcelle de 2.5 ha, les appelants contestent l’approche de l’expert judiciaire qui, en dépit de la perte d’une somme de 24.755 euros (immobilisation financière, perte de subvention…) a retenu la réalisation d’économies, qu’il chiffre à la somme comprise entre 60.041 et 65.875 euros, par la non exploitation de la parcelle plantée puisque celle-ci n’a pas produit ni en 2020, ni en 2021 et 2022 du fait de « la grillure de 2019 », du gel de 2021 et de la grêle tombée en juin 2022. Sur la base de ce raisonnement, l’expert n’a pas reconnu l’existence d’un préjudice sur cette parcelle.

Ils soulignent le manque de professionnalisme de M. [Z] [W] et soutiennent qu’ils auraient pu faire face à cet aléa climatique. Selon eux, si la « grillure de 2019 » peut expliquer un défaut de production pour l’année 2019, tel ne peut être le cas en septembre 2020 (soit 15 mois après) ; de même, le gel de 2021 aurait pu être évité par des pratiques culturales adaptées ainsi que la taille tardive pour éviter un débourrement précoce. Ils se réfèrent en ce sens aux productions de leurs autres parcelles qu’ils exploitent dans un secteur proche soulignant qu’aucune absence de récolte n’est à relever. Enfin s’agissant de la grêle, les pertes auraient pu être compensées par une indemnité versée dans le cadre de leur contrat d’assurance souscrit depuis 2017 ; les appelants se réfèrent à cet égard à des indemnisations versées pour des parcelles situées à moins de 60 mètres des parcelles litigieuses.

S’agissant des autres parcelles, ils affirment que 4,5 ha de terres étaient concernés par le programme de plantation avec une première phase en mars 2019 concernant 2.5 ha et une seconde en mars 2020 concernant 2 ha si bien qu’ils excluent l’hypothèse envisagée par l’expert selon laquelle il n’est pas possible de connaître l’effectivité des opérations de plantations aux dates envisagées. Ils affirment que sans l’expulsion, les vignes seraient aujourd’hui en pleine production et qu’ils auraient pu réinscrire les parcelles en conversion pour une labellisation en bio nouvelle en juin 2019 si bien que le manque à gagner est considérable.

Ils exposent également que les 4,5 ha de vigne ne seront pas en production avant 2025 avec une plantation prévue au printemps 2024 du fait de l’impossibilité de commander les plants plus tôt en présence d’une reprise des parcelles survenues seulement en avril 2022. La privation des parcelles a retardé leurs projets et occasionne un préjudice économique qui ne peut être ignoré.

Selon eux, le préjudice tiré du manque à gagner est de 180.567 euros correspondant à la perte de récolte pour les années 2020, 2021 et 2022 qu’ils évaluent sur la base d’une production annuelle de 35hl/ha et 30hl/ha pour une jeune vigne avec un prix à l’hectolitre de 520 euros et des charges annuelles évaluées à la somme de 5.000 euros/ha l’année avant la première récolte puis de 8.786 euros dès la première récolte. Ainsi, en application de ces critères de valeur, ils affirment que le préjudice est de 38.605 euros pour la parcelle plantée et de 117.187 euros pour les parcelles devant être plantées en 2019 et 2020.

Ils revendiquent également l’existence d’un préjudice moral provoqué par la précipitation avec laquelle M. [Z] à exécuter la mesure d’expulsion illustrant une volonté manifeste de leur nuire. Ils déplorent également des propos tenus dans le journal « Le midi libre » à la demande de l’intimé qui a fait part de cette expulsion en l’expliquant par une mauvaise exploitation des terres par les appelants.

En réponse aux conclusions de l’intimé, ils réclament à titre principal la continuation du bail rural ainsi qu’une indemnité de privation de jouissance des parcelles, objets du litige. Sur le premier point, ils soulignent qu’aucun texte propre au statut du fermage ne limite la restitution en nature et considèrent que du fait du départ de M. [W] [Z] des terres litigieuses, la poursuite du bail à ferme est matériellement possible.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour ne fait pas droit à la demande de poursuite du bail rural, la condamnation de M. [Z] à les indemniser de leur préjudice jusqu’au terme du bail, soit le 6 janvier 2026, s’impose puisqu’ils étaient en mesure, sans cette expulsion, d’exploiter les terres jusqu’aux vendanges 2025. Ils réclament à titre infiniment subsidiaire les indemnités en lien avec le coût des travaux réalisés sur les parcelles et la replantation, une indemnité d’éviction et une perte de chance d’exploiter et obtenir un droit au renouvellement.

M. [Z], en sa qualité d’intimé, représenté par son conseil, expose ses prétentions et moyens et s’en rapporte à ses conclusions en date du 14 mars 2023 pour le surplus.

L’intimé demande à la cour, au visa des articles L 411-27 , L 411-31 , L 415-8, L 621-1 et enfin D 665-1 à D 665-13 du code rural et de la pêche maritime ainsi que les articles 1719, 1722, 1764 et 1766 du code civil, de :

– juger que dans le cadre de son droit fondamental de la défense et à l’accès au juge, M. [Z] n’a commis aucune faute pour avoir respecté et appliqué trois décisions de justice de première et seconde instances;

– annuler sa condamnation à payer à la SCEA de [Localité 5] la somme de 6.000 euros à titre de provision à valoir sur les préjudice liés à son éviction des lieux loués,

– ordonner le remboursement solidaire de M. [L] [U] et la SCEA de [Localité 5] de la somme de 6.000 euros ;

– les condamner solidairement à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’intimé soutient en premier lieu que la cour de cassation a procédé par erreur manifeste d’appréciation et par totale dénaturation pour rendre un arrêt qui méconnaît le principe de sécurité juridique.

Il affirme que le départ des appelants ne procède d’aucune éviction forcée des lieux loués et encore moins d’une éviction injustifiée puisque les preneurs ont spontanément libéré les lieux en application d’une décision de justice assortie de l’exécution provisoire valant autorité de la chose jugée de sorte que la provision accordé par la cour d’appel de Nîmes n’est nullement justifiée.

M. [Z] conteste plus encore le principe de l’indemnisation tant en raison du départ volontaire des appelants que de l’existence d’une décision judiciaire ordonnant leur expulsion. Aucune faute ne lui est imputable de sorte qu’aucun préjudice ne peut lui être opposé sauf à remettre en cause la notion d’autorité de la chose jugée de trois décisions dont la dernière rendue par le Premier Président de la cour d’appel.

L’indemnisation ne peut dès lors donner lieu qu’à restitution.

Sur les préjudices allégués, il affirme que les appelants ont dévitalisé en 2015 puis arraché les vignes en mai 2016 en totale illégalité alors que leur intention n’a jamais été celle de les replanter contrairement à ce qu’a pu indiquer la cour d’appel de Nîmes. La preuve est rapportée par l’absence de réclamations par les appelants des crédits de replantation générés par cet arrachage et qui sont périmés à la date du 31 juillet 2018. Dans ce contexte, M. [L] [U] et la SCEA de [Localité 5] ont attendu l’été 2018 pour replanter partiellement durant le cours du délibéré de la décision devant être rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier.

Cette intention de ne pas replanter les parcelles explique la position de l’expert qui tient compte dans son rapport et dans l’appréciation du préjudice de cette incertitude.

Il considère encore que le préjudice ne saurait s’apprécier sans tenir compte des années d’exploitation du 26 décembre 2007 au mois de mai 2015 dont la qualité se discute. L’intimé soutient le mauvais d’entretien général des terres et un défaut d’exploitation excluant l’existence d’un préjudice.

Sur le rapport d’expertise, il précise que les vignobles continuent à bénéficier pour leurs récoltes du droit à l’appellation d’origine contrôlée soit au plus tard jusqu’à l’année 2025. Il conteste tout préjudice rappelant les propos de l’expert qui a relevé l’absence de rentabilité des parcelles, que les terrains A[Cadastre 1] et A [Cadastre 3] étaient à bout de souffle et enfin que le coût de production dépasse les revenus que procure la parcelle. Aussi, en présence d’un préjudice éventuel et non certain, la demande ne pourra qu’être rejetée.

Enfin, il conteste la demande de poursuite du bail rural alors qu’il a donné à bail à son fils [W] [Z] l’ensemble des parcelles concernées par le litige suivant un acte sous-seing privé enregistré au service de la publicité foncière de [Localité 10] le 26 octobre 2018. Ce bail est toujours en cours d’exécution et les parcelles continuent à être exploitées par son fils, de sorte que cette demande ne saurait prospérer.

Pour finir, il s’oppose aux diverses indemnisations réclamées rappelant qu’en matière de droit rural, la demande d’indemnité d’éviction est inexistante et que l’expert n’a pas retenu l’existence d’une perte de chance.

Il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur l’indemnisation :

– Sur le droit à indemnisation :

Les parties s’opposent sur l’existence d’un droit à indemnisation, les appelants considérant pour leur part avoir été privés de l’exploitation de parcelles du fait d’une exécution prématurée d’une décision de justice, qui se trouve aujourd’hui anéantie, alors que l’intimé estime que cette exécution n’est pas fautive dans la mesure où d’une part, la preuve de l’expulsion des preneurs n’est pas rapportée en présence d’un départ spontané et d’une exécution volontaire de la décision entreprise, et d’autre part que la libération des parcelles repose sur une décision de justice rendue le 20 septembre 2018 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier, exécutoire par provision, et qui a autorité de la chose jugée écartant de ce fait toute faute de sa part.

Dans l’arrêt rendu le 14 décembre 2021, la cour d’appel de Nîmes a considéré que la SCEA de [Localité 5] a indûment quitté les parcelles louées et a subi des préjudices liés à ce départ précipité et injustifié dont elle est en droit de réclamer l’indemnisation. Dans cet esprit, elle a accordé une provision de 6.000 euros à valoir sur les préjudices liés à son éviction des lieux loués.

Le principe d’un droit à indemnisation a été acté dans le premier arrêt de sorte qu’il ne peut plus donner lieu à discussion à ce stade de la procédure.

Il conviendra néanmoins de rappeler aux parties les échanges intervenus entre leurs conseils respectifs, à la suite de la décision rendue le 20 septembre 2018, desquels il résulte qu’à la demande émanant du conseil de la SCEA De [Localité 5] et M. [U] sur les intentions du bailleur quant à l’exécution du jugement, la réponse de Me [P] va dans le sens de la volonté d’exécuter la décision en cause puisqu’il est dit :

‘est vaine votre mention ‘officiel’ pour me demander par courriel et par télécopie du 19 courant si mon client entend laisser la SCEA De [Localité 5] exploiter les vignes durant la procédure d’appel, laquelle reflète une incompréhension du dispositif du jugement du 20 septembre dernier à savoir la résiliation et l’expulsion avec exécution provisoire’ (pièces 7 et 8- appelants).

Par ailleurs, en réponse à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire présentée par les appelants devant la cour d’appel de Montpellier à laquelle s’est opposé M. [Z], le premier président n’a pas fait droit à cette requête soulignant notamment l’existence ‘d’actes d’exécution accomplis’ et la conclusion, par acte sous-seing privé du 2 octobre 2018, enregistré le 26 octobre 2018, d’un bail rural portant sur les parcelles en cause entre l’intimé et son fils qui se voit attribuer la qualité d’exploitant.

Il ne peut donc être fait grief aux appelants d’avoir exécuté de manière volontaire une décision assortie de l’exécution provisoire, l’intention de M. [Z] n’étant alors nullement de les autoriser à poursuivre l’exploitation des parcelles dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel.

De surplus, en application des dispositions de l’article 526 du code de procédure civile, il est de jurisprudence constante que ‘même autorisée à titre provisoire, l’exécution d’une décision de justice frappée d’appel n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui de réparer, en cas d’infirmation de la décision, le préjudice qui a pu être causé par cette exécution, sans qu’il y ait lieu de relever de faute dans l’exécution de cette décision’.

Ainsi, l’argumentation développée par M. [Z] dans ses écritures s’avèrent inopérantes tant au regard des circonstances de fait susvisées que de la règle de droit applicable.

Le principe de la réparation reconnue par la cour d’appel de Nîmes dans l’arrêt du 14 décembre 2021 est donc incontestable et ne peut que justifier le rejet de la demande présentée par l’intimé consistant à annuler sa condamnation à payer à la SCEA de [Localité 5] la somme de 6.000 euros à titre de provision à valoir sur les préjudice liés à son éviction des lieux loués.

– Sur la demande principale en réparation :

La SCEA de [Localité 5] et M. [L] [U] sollicitent à titre principal la somme de 180.567 euros correspondant aux préjudices subis du fait de leur expulsion des terres sur la période de novembre 2018 à avril 2022, ainsi que la poursuite du bail en cause.

Dans l’arrêt rendu le 14 décembre 2021, la cour d’appel de Nîmes a notamment débouté la SCEA de [Localité 5] et M. [U] de leurs demandes tendant à voir ordonner à M. [Z] de libérer les parcelles et de les mettre à disposition de la SCEA de [Localité 5] sous peine d’astreinte, ainsi que de voir déclarer inopposable le bail conclu entre M. [W] [Z] et M. [L] [Z].

La cour a, en effet, considéré, après avoir rejeté la demande de résiliation du bail rural présentée par M. [Z], que la réintégration sollicitée n’est pas prévue par le code rural et de la pêche maritime sauf en cas de reprise prévue à l’article L411-66, avec cette précision que la cour de cassation veille à une application restrictive de ces dispositions.

Ainsi, la demande principale des appelants, qui implique une réintégration et une reprise du bail, ne saurait prospérer au regard des constatations faites par la cour dans cette première décision.

– Sur les demandes subsidiaires :

En application de l’article 526 du code de procédure civile, l’exécution d’une décision de justice exécutoire par provision n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui de restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.

La restitution en nature ayant été exclue dans la décision précédente, les appelants peuvent prétendre à une restitution par équivalent.

Au visa de ces dispositions, la SCEA de [Localité 5] et M. [L] [U] sollicitent, à titre subsidiaire, la somme de 251.172 euros ventilée comme suit:

-226.397 euros correspondant au manque à gagner du fait de la privation de la jouissance des parcelles soit :

* 109.210 euros portant sur la parcelle de 2,5 ha de 2018 au 6 janvier 2026, correspondant au terme du bail;

* 117.187 euros portant sur la parcelle de 4,5 ha soit :

– s’agissant de la parcelle de 2 ha devant être plantée en 2019 avec une première production en 2021 : 195.000 euros à déduire un montant de charges de 122.325 euros;

– s’agissant de la parcelle de 2,5 ha devant être plantée en 2020 avec une première production en 2022: 124.800 euros à déduire un montant de charges de 80.288 euros;

– 24.775 euros correspondant au coût de l’immobilisation financière, la perte de subvention Agrimer et le coût de complantation.

Ils réclament enfin la somme de 30.000 euros pour leur préjudice moral.

A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent la somme de 174.226,55 euros ventilée comme suit :

– 89.402,55 euros correspondant au coût des travaux réalisés;

– 24.775 euros correspondant au coût de l’immobilisation financière, la perte de subvention Agrimer ainsi que le coût de complantation;

– indemnité d’éviction de 49.000 euros;

– 11.000 euros de perte de chance d’exploiter et d’obtenir un droit au renouvellement du bail.

Ils réclament la reconnaissance d’un préjudice moral à hauteur de 30.000 euros.

M. [Z] s’oppose à cette demande rappelant au besoin que le droit à indemnisation des appelants ne saurait prospérer du fait du mauvais entretien des vignes ainsi que d’un arrachage abusif. Il soutient en second lieu que l’intention première des preneurs n’a jamais été de procéder à la replantation des parcelles louées, ces derniers ayant d’ailleurs laissé arriver à la date de péremption les crédits applicables pour 2ha 44a 74ca. Enfin, le bailleur nie l’existence d’une perte d’exploitation considérant l’absence de preuve de la bonne exploitation du fonds sur la période du 26 décembre 2007 au mois de mai 2015, seule référence applicable dans l’appréciation du préjudice.

Le premier moyen est inopérant puisque dans l’arrêt rendu le 14 décembre 2021, la cour d’appel de Nîmes n’a pas retenu la mauvaise exploitation du fonds loué ni l’existence d’une faute lourde correspondant à une dévitalisation des vignes.

Le second argument est également sans emport dans la mesure où la cour d’appel a, dans son précédent arrêt, relevé que le défaut de respect des articles D 665-6 et D 665-11 du code rural ne démontre pas que les appelants n’avaient pas l’intention de replanter les parcelles litigieuses. Il a été encore dit que les appelants ‘ont commencé à replanter, interrompus dans leur action par le jugement de première instance. Leur intention de restructurer les vignes pour rendre leur exploitation rentable ne saurait être mise en doute puisque dès la requête saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier reçue le 27 mars 2017, ils demandaient que M. [Z] soit condamné à supporter les frais de replantation’. La cour a également relevé l’existence des travaux de préparation du sol en vue de préparer le terrain à la replantation tout en se référant à une fiche technique établie le 12 septembre 2018 prévoyant un prévisionnel de plantations sur les dix ans à venir.

Dans le cadre de leurs dernières écritures, les appelants produisent une attestation émanant de M. [C] [I], pépiniériste et gérant des Pépinières [M] et [C] [I], qui confirme ‘avoir reçu une commande du [Adresse 6] pour la campagne 2018-2019. Il s’agit d’une plantation de 13.000 Syrah et 6.000 Consault sur les parcelles cadastrées A [Cadastre 1] et A [Cadastre 3] au [Adresse 9] à [Localité 7]. Cette commande s’inscrit dans un projet global qui a débuté sur la campagne 2017-2018 avec 17.212 Syrah implantés en juillet 2018″ (pièce 11- appelants).

Enfin, sur le troisième argument, le raisonnement de M. [Z] ne saurait prospérer dans la mesure où les appelants ont procédé à la dévitalisation puis à l’arrachage de l’intégralité des vignes localisées sur les parcelles cadastrées A [Cadastre 1] et A [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 7] en raison de l’obsolescence du vignoble qui a été constatée par [R] [D], ingénieur des techniques agricoles (pièce 5-appelants), lequel a indiqué que les parcelles ont perdu toute rentabilité.

La perte d’exploitation ne saurait donc valablement reposée sur les chiffres et données comptables antérieures à 2018, comme le suggère M. [Z], alors que le manque à gagner revendiqué par les appelants repose sur la récolte attendue de nouvelles plantations dont les appelants ont été privés du fait de la perte de jouissance des parcelles.

En l’état, le rapport d’expertise complété de l’évaluation des préjudices financiers faite par Mme [O], expert-comptable, retiennent les préjudices suivants :

– Les investissements perdus : 4.947 euros correspondant au coût de l’immobilisation financière étant précisé qu’il n’y a aucun préjudice sur les investissements dans la mesure où l’indemnité à percevoir à la fin du bail est égale à la valeur brute de l’investissement;

– Le manque à gagner :

* Pour la parcelle plantée, l’économie réalisée correspondant à une période de non-récolte d’un montant compris entre – 60.041 euros et – 65.875 euros est supérieure au manque à gagner donc aucun préjudice n’est retenu ;

* Pour les deux parcelles non plantées, le préjudice éventuel est compris entre 66.257 euros et 76.045 euros si le programme de plantation est respecté, exclusion faite des récoltes de 2021 (gel) et 2022 (grêle) ; le coût de complantation est de 7.828 euros (614 pieds de vigne morts)

– La perte de chance :

* Droits de plantation : le préjudice pour ne pas avoir respecté les calendriers administratifs peut être compensé sans coût supplémentaire de sorte que le locataire ne subit aucun préjudice ;

* Absence de subvention : suite à la plantation de 2.5 ha de vignes en juillet 2018, une aide à la replantation aurait dû être encaissée par la SCEA à hauteur de 12.000 euros (soit 4.800 euros/ha).

Ces montants sont contestés par les appelants qui critiquent la prise en compte d’événements climatiques dans l’appréciation du manque à gagner, dont les conséquences pouvaient être limitées par des gestes adaptés émanant de professionnels de la vigne, ce qui n’est pas le cas de M. [W] [Z] chargé de l’exploitation des parcelles, alors même que pour l’épisode de grêle aurait donné droit à une indemnisation de la part de leur assurance, élément qui n’a pas été pris en compte par l’expert judiciaire.

En l’état, en raison de l’exécution du jugement rendu le 20 septembre 2018 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier et de l’impossibilité d’une reprise du bail avec réintégration, les appelants sont privés de la jouissance et de l’exploitation des parcelles A [Cadastre 1] et A [Cadastre 3] du mois d’octobre 2018 au 6 janvier 2026, terme du bail rural, auxquels ils pouvaient légitimement prétendre compte-tenu de l’infirmation de cette décision.

Les appelants se trouvent ainsi privés des fruits de l’exploitation attendue de la parcelle replantée en juillet 2018, qui occupe une surface de 2,5ha, et ce jusqu’au 6 janvier 2026, tout comme ils ont été privés de la possibilité de procéder à la replantation de la parcelle de 4,5 ha avec une première opération en 2019 puis une deuxième en 2020, puis de son exploitation jusqu’au 6 janvier 2026.

Sur les investissements perdus, l’expert a relevé que de novembre 2015 à octobre 2018, les appelants justifient de la réalisation de travaux pour un montant justifié de 100.959 euros HT. Il considère que l’indemnité à percevoir par le sortant est égale à la valeur nette comptable des améliorations apportées sur les parcelles plafonnée à la plus-value apportée au fonds. En l’absence d’amortissement, l’indemnité à percevoir lors de la fin du bail est égale à la valeur brute de l’investissement. Le seul préjudice subi est celui du coût de l’immobilisation financière qui représente la somme de 4.947 euros.

Cette analyse ne donne lieu à aucune critique fondée de la part des parties. Elle sera donc entérinée.

S’agissant du manque à gagner, il convient de distinguer la parcelle plantée de la parcelle non plantée qui devait l’être à compter de 2019 et en 2020 pour une superficie totale de 4,5ha, hypothèse retenue par la cour au regard des éléments susvisés.

S’agissant de la première parcelle plantée, l’expert a considéré qu’il n’y avait pas de préjudice en raison de la réalisation d’économie d’un montant compris entre – 60.041 euros et – 65.875 euros correspondant à la période de non-récolte, qui est supérieure au manque à gagner sur la période avec un report de la première récolte en 2023 en présence d’événements climatiques excluant toute récolte à savoir la grillure en 2019, le gel en 2020 et la grêle tombée en 2022.

L’analyse est confortée par les tableaux produits notamment dans les annexes 1et 4 pour l’essentiel du rapport qui exclut l’existence d’un manque à gagner jusqu’à l’exercice 2025/2026 inclus, avec des marges négatives jusqu’à l’exercice 2023/2024 et la réalisation de marges positives sur les deux exercices qui s’avèrent cependant insuffisantes pour constituer un manque à gagner probant au regard du montant de l’économie réalisée.

Les arguments exposés par les appelants tenant aux aléas climatiques et aux techniques de culture ne sauraient être validés en l’absence de pièces démontrant d’une part que les prestations fournies par M. [W] [Z] sont contestables et n’ont pas permis la préservation des vignes notamment lors de l’épisode de gel de 2021. S’agissant de l’indemnisation par l’assurance de l’épisode de grêle survenu en 2022, il n’est produit aucune pièce permettant d’apprécier le montant de l’indemnisation auquelle aurait pu prétendre les appelants de sorte que cet élément sera rejeté dans l’appréciation du préjudice.

Cette analyse sera donc entérinée et il convient de débouter les appelants de leur demande indemnitaire.

S’agissant de la parcelle de 4,5 ha, l’intention des appelants de replanter ne fait pas débat au regard des éléments susvisés. L’expert propose un préjudice compris entre la somme de 66.257 euros et 76.045 euros excluant là aussi le manque à gagner sur les années 2021 et 2022 en raison des épisodes climatiques susvisés.

Le préjudice fixé à la somme de 76.045 euros repose sur l’annexe 5 correspondant à l’hypothèse d’un début de récolte en N+2, qui sera retenue en l’espèce, en l’absence d’élément contraire pertinent.

Sur ce dernier point, il sera précisé que l’évaluation du manque à gagner, telle qu’elle résulte des écritures établies par les appelants, n’est pas probante dans la mesure où elle repose sur cinq années d’exploitation avec une première récolte en 2021 ou 2022 ce qui ne correspond pas aux éléments retenus précédemment en présence d’épisodes climatiques excluant toute production.

Enfin, l’expert propose un coût total de complantation d’un montant de 7.828 euros correspondant à la replantation de 614 de pieds de vigne morts comprenant le coût de la main d’oeuvre, des plants, des piquets en bambous et du carburant. Cette analyse, qui n’est l’objet d’aucune critique sera entérinée.

Sur la perte de chance, l’expert souligne l’absence d’aide à la replantation en provenance de France Agrimer d’un montant de 12.000 euros qui aurait du être encaissée par la SCEA [Localité 5]. Sur ce point, l’expert a observé que la somme de 12.000 euros d’aides à la reconversion ont été perdus du fait du départ des appelants. Ce préjudice sera donc retenu.

L’expert écarte les droits de plantation considérant que le préjudice pour ne pas avoir respecté les calendriers administratifs peut être compensé sans coût supplémentaire compte-tenu de l’existence d’options gratuites offertes à chaque partie. Cette analyse sera confirmée en l’absence d’élément contraire probant.

Les appelants revendiquent une perte de chance, qu’ils chiffrent à la somme de 11.000 euros, constitué, selon eux, de la perte de chance d’exploiter et d’obtenir un droit au renouvellement du bail.

La perte d’exploiter les parcelles ne saurait être retenue dans la mesure où il a été fait droit à la perte d’exploitation qui tient compte de l’absence d’exploitation des parcelles louées du fait de leur départ consécutif à la décision de première instance. Enfin, s’agissant du droit au renouvellement du bail, celui-ci est hypothétique et ne peut de ce fait ouvrir droit à réparation.

Sur l’indemnité d’éviction, il est sollicité par les appelants la somme de 49.000 euros, soit 7.000 euros sur 7 années.

Cette indemnité comprend la perte de revenu subie par l’exploitant évincé avant la fin du bail rural. Elle n’est pas proposée par l’expert qui a calculé la perte d’exploitation pour chacune des parcelles à compter de 2018 au 6 janvier 2026, qui correspond au terme du bail.

Ce chef de demande sera donc rejeté.

Pour finir, les appelants, et principalement M. [U], réclament un préjudice moral considérant avoir été particulièrement affectés par les conditions dans lesquelles ils ont été contraints de quitter les terres, soulignant la précipitation dont a fait preuve M. [Z] dans l’exécution de la décision de première instance et ce dans la seule intention de leur nuire, mais également les propos mensongers tenus par leur bailleur dans le journal le Midi Libre en lien avec une mauvaise exploitation des parcelles.

En l’état, il n’y a pas lieu de rechercher l’intention de nuire de M. [Z], mais de constater qu’effectivement, les appelants ont dû libérer les parcelles louées en raison de la volonté de leur bailleur de faire exécuter la décision du tribunal paritaire des baux ruraux, exécutoire par provision, qu’il a été donné localement une publicité à ce départ (article du Midi Libre) alors que M. [U] occupait des fonctions de maire de la commune et que les terres en cause ont été données à bail au fils de M. [Z] avant même que la cour d’appel ne statue. Ces circonstances ont causé à M. [U] un préjudice moral qu’il convient d’indemniser, par référence aux dispositions de l’article 526 du code de procédure civile, par l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euros.

Le préjudice subi par les appelants se formalise donc de la manière suivante :

– coût de l’immobilisation financière : 4.947 euros,

– manque à gagner : 76.045 euros,

– coût de complantation : 7.828 euros,

– absence subvention Agrimer : 12.000 euros,

– préjudice moral de M. [U] : 3 000 euros.

Il convient en conséquence de condamner M. [Z] à régler aux appelants la somme de 100.820 euros, dont il conviendra de déduire la somme de 6 000 euros accordée à titre de provision par arrêt du 14 décembre 2021, et à M. [U], celle de 3 000 euros. L’économie réalisée sur la parcelle plantée ne sera pas déduite de cette indemnisation dans la mesure où elle a déjà été prise en compte dans l’exclusion du préjudice lié au manque à gagner de la parcelle plantée.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et des frais irrépétibles n’ayant pas été exactement réglé par le premier juge, il convient de condamner M. [L] [Z], qui succombe, aux dépens, et à régler aux appelants la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, il convient d’accorder aux appelants, contraints d’exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. M. [Z], qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance d’appel qui comprennent le coût de l’expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l’arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d’appel de Nîmes,

Après expertise,

Dit n’y avoir lieu de statuer à nouveau sur le droit à indemnisation des appelants,

Déboute la SCEA de [Localité 5] et M. [L] [U] de leur demande de poursuite du bail rural avec réintégration et indemnisation,

Déboute M. [L] [Z] de la demande relative à l’annulation de sa condamnation à payer à la SCEA de [Localité 5] la somme de 6.000 euros à titre de provision à valoir sur les préjudices liés à son éviction des lieux loués,

Condamne M. [L] [Z] à payer à la SCEA de [Localité 5] et à M. [U] la somme de 100.820 € à titre de dommages et intérêts comprenant :

– coût de l’immobilisation financière : 4.947 euros;

– manque à gagner : 76.045 euros;

– coût de complantation : 7.828 euros;

– absence subvention agrimer : 12.000 euros,

dont il conviendra de déduire la somme de 6 000 euros accordée à titre de provision par arrêt du 14 décembre 2021,

Condamne M. [L] [Z] à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral,

Déboute la SCEA de [Localité 5] et M. [U] de leurs demandes indemnitaires complémentaires,

Condamne M. [L] [Z] à payer à la SCEA de [Localité 5] et M. [U] la somme de 3 000 €, en première instance, et de 5.000 € en appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [L] [Z] aux dépens de la procédure d’appel comprenant le coût de l’expertise judiciaire.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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