Indemnité d’éviction : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00170

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Indemnité d’éviction : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00170
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25 juillet 2023
Cour d’appel de Reims
RG n°
23/00170

ARRET N°

du 25 juillet 2023

N° RG 23/00170 – N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJDU

[U]

c/

S.E.L.A.R.L. [S] [W]

S.E.L.A.R.L. [S] [W]

S.A. SAFER GRAND EST

Formule exécutoire le :

à :

la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

la SELARL FOSSIER NOURDIN

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 JUILLET 2023

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 15 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de CHALONS- EN-CHAMPAGNE

Madame [I] [U]

[Adresse 1]

[Localité 12]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro du 10/01/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Aldric SAULNIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. [S] [W], prise en la personne Me [S] [W] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire du SCEA FERME DES AJAUX selon jugement du TGI de [Localité 16] du 16/05/2017 et ordonnance du 09/03/2016

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Chéryl FOSSIER-VOGT de la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocat au barreau de REIMS

S.E.L.A.R.L. [S] [W], prise en la personne Me [S] [W] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire [I] [U] selon jugement du 15/03/2016 et ordonnance du 09/03/2016

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Chéryl FOSSIER-VOGT de la SELARL FOSSIER NOURDIN, avocat au barreau de REIMS

S.A. SAFER GRAND EST

[Adresse 3]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean-Baptiste DENIS de la SCP BADRE HYONNE SENS-SALIS DENIS ROGER DAILLENCOURT, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

SCP CHANEL-[Y] prise en la personne Me [Y] prise en sa qualité de mandataire ad’hoc du SCEA FERME DES AJAUX ayant son siège [Adresse 4]

Non comparante, non représentée bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MAUSSIRE, conseillère, et Madame MATHIEU, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. EIles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée

DEBATS :

A l’audience publique du 12 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 juillet 2023,

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Par jugement en date du 16 novembre 2004, le tribunal de grande instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de Madame [I] [U], procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 mars 2005.

Par requête en date du 6 octobre 2021, Maître [S] [W], mandataire liquidateur de Madame [I] [U], demande à obtenir la résiliation d’un bail rural dont Madame [I] [U] est preneuse à hauteur de 50 %.

Par ordonnance rendue le 7 juillet 2022, le juge commissaire a notamment :

– autorisé la résiliation du bail rural existant entre la SAFER et Madame [I] [U] moyennant le versement d’une indemnité de 27.715 euros portant sur les terres agricoles suivantes :

Commune d’AUTRUCHE (08) :

– parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 20], cadastrée section ZH n°[Cadastre 7], d’une contenance de 51ha 79a l0ca

– parcelle en naturede terre, lieudit [Localité 21], cadastrée section ZI n°[Cadastre 5], d’une contenance de O6ha 49a 34ca

– parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 19], cadastrée section ZC n°[Cadastre 10], d’une contenance de 06ha 09a 60ca

Commune d'[Localité 17] (08) : parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 22], cadastrée section ZB n°[Cadastre 9], d’une contenance de 24ha 64a l0ca

Commune de [Localité 24] (08) : parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 18], cadastrée section Z0 n°[Cadastre 14], d’une contenance de 02ha 38a 58ca

Commune d'[Localité 23] (08) : parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 15], cadastrée ZN n°[Cadastre 6], d’une contenance de 19ha 44a 70ca,

soit une superficie totale de l10ha 85a 42ca.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 15 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Châlons en Champagne a confirmé l’ordonnance du juge commissaire du 7 juillet 2022 et ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Par un acte en date du 30 janvier 2023, Madame [I] [U] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 12 mai 2023, Madame [I] [U] conclut à la réformation du jugement déféré et demande à la cour de débouter Maître [W], ès-qualités de toutes ses demandes.

Elle invoque l’absence de motivation du jugement déféré.

Elle estime que la procédure de préemption est irrégulière dans la mesure où il n’est produit aucune offre préalable, ni justification d’une quelconque notification.

Elle fait valoir qu’elle dispose d’un droit propre et que son intérêt est en opposition avec celui défendue par le liquidateur et insiste sur le fait qu’elle a été convoquée en ce sens devant la juridiction de première instance.

Elle estime que l’objection de la SAFER relatif au non respect du délai de recours devant le tribunal judiciaire est irrecevable et précise que la cour est saisie d’un recours contre le jugement et non contre l’ordonnance du juge-commissaire.

Elle soutient que l’absence de culture des terres ne peut constituer une référence utile puisqu’elle résulte de la décision de liquidation judiciaire et s’insurge contre le principe du caractère forfaitaire de l’indemnité d’éviction allouée.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 27 avril 2023, Maître [W], ès-qualités, conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner Madame [I] [U] à lui payer la somme de 750 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Elle explique que Madame [I] [U] bénéficiait d’un bail rural sur des terres appartenant aux époux [E] suivant acte du 9 mai 1987, laquelle avait elle-même mis ce bail à disposition de la SCEA [U]’; qu’ensuite de la liquidation judiciaire de la SCEA [U] prononcée par le tribunal de grande instance de Paris, les actifs de la SCEA [U], dont le bail rural, ont été cédés à la SCEA FERME DES AJAUX laquelle était elle-même en liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne, suivant décision du 16 mai 2017 ayant désigné Maître [S] [W] en qualité de liquidateur’; qu’un mandataire ad hoc en la personne de la Scp Chanel [Y] a été désigné par jugement du 15 juin 2017 pour représenter la SCEA FERME DES AJAUX dans le cadre de la liquidation.

Elle indique que les deux co-preneurs se trouvant dans l’incapacité juridique d’exploiter les terres données à bail, la SAFER ayant acquis le 21 septembre 2021 les terres données à bail, celle-ci a saisi le liquidateur des deux co-preneurs d’une demande de résiliation du bail, offrant une indemnité d’éviction d’un montant total de 55.430 euros et que c’est dans ces conditions que le juge commissaire a été saisi.

Elle soutient que la liquidation judiciaire emporte de plein droit arrêt immédiat de l’activité, sauf maintien de l’activité ordonnée par le tribunal en vertu de l’article L 641-10 du code de commerce, pour une durée encadrée.

Elle fait valoir qu’en l’absence d’exploitation des terres louées permettant de recueillir des données chiffrées, l’indemnité d’éviction a été fixée de façon forfaitaire à 500 euros par hectare.

Elle ajoute que ni Madame [U] ni la SCEA FERME DES AJAUX n’ont été en mesure de régler le moindre loyer au bailleur.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 19 mai 2023, la SAFER conclut à l’irrecevabilité de l’appel de Madame [I] [U], subsidiairement à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner Madame [I] [U] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Elle dénie la capacité à agir de Madame [I] [U] et considère que si en application de l’article L 641-9 du code de commerce, il a été consacré la possibilité pour le débiteur d’exercer ses droits propres, cependant il ne s’agit pas d’un droit général d’action, lequel est limité aux seules situations touchant un droit propre du débiteur.

Elle fait valoir que depuis le 15 mars 2005 a été prononcée la liquidation judiciaire de Madame [I] [U] sans poursuite d’activité, de sorte que celle-ci n’est plus exploitante ni titulaire du bail rural.

Elle soutient que le délai de recours de l’ordonnance du juge-commissaire devant le tribunal est de 10 jours à compter de la notification et que ce n’est que par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juillet 2022 que Madame [I] [U] a formé un recours contre l’ordonnance du 7 juillet 2022, soit hors délai.

Subsidiairement, elle précise que les griefs invoqués par l’appelante concernent l’ordonnance du 7 juillet 2022 non concerné par l’appel et non le jugement du 15 novembre 2022.

Elle expose que l’acte de vente du 20 septembre 2021 prévoyait un paragraphe relatif au purge du droit de préemption des preneurs, de sorte qu’aucune violation dudit droit n’est encourue.

Elle insiste sur le fait que Madame [I] [U] a perdu la qualité de preneur à bail depuis le 28 juillet 2005 et que les parcelles concernées sont inexploitées et aucun fermage n’est versé depuis le 16 mai 2017, date de la liquidation judiciaire de la SCEA FERME DES AJAUX.

La déclaration d’appel a été signifiée à la Scp Chanel-[Y], en qualité d’administrateur ad-hoc de la SCEA FERME DES AJAUX, par acte remis à Madame [L], personne habilitée à recevoir l’acte le 7 mars 2023 et les conclusions de la SAFER ont été signifiées par acte remis à étude le 22 mai 2023. Celle-ci n’a pas conclu

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

*Sur la recevabilité de l’appel

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort expressément du jugement critiqué que Madame [U] n’était ni présente, ni représentée à l’audience à laquelle a été retenue l’affaire et qu’aucune demande d’aide juridictionnelle n’avait été réceptionnée au moment où les premiers juges ont statué.

Devant la cour, Madame [U] bénéficiant de l’aide juridictionnelle en vertu d’une décision du 10 janvier 2023, il y a lieu de constater qu’elle est recevable en son appel interjeté suivant acte du 30 janvier 2023, le débat de la régularité du recours contre l’ordonnance du juge-commissaire, étant sans objet, puisque la cour est uniquement saisie de l’appel du jugement sur opposition à ordonnance du juge-commissaire.

Il est constant qu’en application de l’article L 641-9 du code de commerce, bien qu’il soit dessaisi de ses droits et actions par l’effet du jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire, le débiteur dispose d’un droit propre à former un recours contre l’ordonnance autorisant le liquidateur à résilier un bail et percevoir une indemnité d’éviction, dès lors que cette dernière a notamment, pour objet la cession d’un actif dépendant de la liquidation judiciaire.

De plus, il convient de relever que Madame [U] avait été convoquée devant la juridiction de première instance, sans qu’à l’époque la SAFER n’invoque un défaut de capacité d’agir.

Dans ces conditions, il convient de déclarer Madame [U] recevable en son recours.

*Sur la demande de résiliation du bail et le versement d’une indemnité d’éviction

A titre liminaire, il y a lieu de souligner que si la formule utilisée par Madame [U] dans son dispositif, à savoir «’mettre le jugement entrepris du 15 novembre 2022, à néant, et le réformant et statuant à nouveau’» est maladroite, elle tend cependant à l’infirmation de la décision critiquée par application de l’article 542 du code de procédure civile qui dispose que l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

Il résulte des pièces produites que Madame [U] a exploité les parcelles louées dont s’agit dans le cadre d’une mise à disposition au profit de la SCEA [U] en application de l’article L 411-37 du code rural et de la pêche maritime.

Suite au prononcé de la liquidation judiciaire de la SCEA [U] suivant jugement du 28 juillet 2005 par le tribunal de grande instance de Paris, le bail a été transféré à la SCEA FERME DES AJAUX, de sorte que Madame [U] a perdu la qualité de preneur à compter de cette date.

La SCEA FERME DES AJAUX ayant, à son tour, fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, suivant jugement rendu par le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne du 16 mai 2017, les deux co-preneurs à bail des terres concernées par la présente instance étant en procédure collective, les bailleurs se sont retrouvés sans être payés d’un quelconque loyer.

C’est donc de manière légitime que les bailleurs (les consorts [E]) ont cédé les parcelles inexploitées à la SAFER suivant un acte authentique dressé le 20 septembre 2021. En l’absence de valorisation desdites terres depuis 2005 et Madame [U] ne justifiant d’aucun élément de comparaison pour contrecarrer le prix offert par la SAFER, la cour estime, comme les premiers juges, que l’évaluation de la SAFER à raison de 500 euros l’hectare est conforme à l’intérêt de Madame [U] et de la SCEA FERME DES AJAUX.

Dans ces conditions, c’est à bon droit que le jugement a autorisé la résiliation du bail existant entre la SAFER et Madame [I] [U] moyennant le versement d’une indemnité de 27. 715 euros portant sur les terres agricoles suivantes :

Commune d’AUTRUCHE (08) :

– parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 20], cadastrée section ZH n°[Cadastre 7], d’une contenance de 5lha 79a l0ca

– parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 21], cadastrée section ZI n°[Cadastre 5], d’une contenance de 06ha 49a 34ca

– parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 19], cadastrée section ZC n°[Cadastre 10], d’une contenance de 06ha 09a 60ca

Commune d'[Localité 17] (08) : parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 22], cadastrée section ZB n°[Cadastre 9], d’une contenance de 24ha 64a l0ca

Commune de [Localité 24] (08) : parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 18], cadastrée section ZO n°[Cadastre 14], d’une contenance de 02ha 38a 58ca

Commune d'[Localité 23] (08) : parcelle en nature de terre, lieudit [Localité 15], cadastrée ZN n°[Cadastre 6], d’une contenance de l9ha 44a 70ca,

soit une superficie totale de ll0ha 85a 42ca,

et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Il y a lieu de rappeler que la rédaction et/ou la publication de la résiliation seront régularisées en l’étude notariale THIENOT et associés, [Adresse 8] à [Localité 11] et qu’il appartiendra au notaire d’accomplir l’ensemble des formalités, notamment en termes de publicité.

Eu égard à la solution donnée au présent litige, il convient d’ordonner l’emploi des dépens d’appel en frais privilégiés de la procédure collective.

Les circonstances de l’espèce commandent de condamner Madame [I] [U] à payer à la SAFER et à Maître [W], ès-qualités, à chacune, la somme de 750 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Déclare Madame [I] [U] recevable en son appel.

Confirme le jugement rendu le 15 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Châlons en Champagne, en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne Madame [I] [U] à payer à la SAFER GRAND EST et à Maître [W], ès-qualités,à chacune, la somme de 750 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Ordonne l’emploi des dépens d’appel en frais privilégiés de la procédure collective.

Le greffier Le conseiller faisant fonction de présidente de chambre

 


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