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25 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG n°
22/04626
Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
25 JANVIER 2024
N° RG 22/04626 – N° Portalis DB22-W-B7G-Q2ZY
Code NAC : 30F
DEMANDERESSE :
La société MNR FINANCES, société à responsabilité limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro
801 304 874 dont le siège social est situé [Adresse 5], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Maître Olivia AUBERT de la SELARL ASSERT, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.
DÉFENDEUR :
Monsieur [V] [W]
né le 28 Janvier 1975 à [Localité 6] (PORTUGAL),
demeurant [Adresse 1],
représenté par Maître Jean-Pierre ANTOINE, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Thierry LAUGIER, avocat plaidant au barreau de PARIS.
ACTE INITIAL du 05 Septembre 2022 reçu au greffe le 07 Septembre 2022.
DÉBATS : A l’audience publique tenue le 07 Décembre 2023, Madame GARDE, Juge, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame LOPES
DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au
25 Janvier 2024.
* * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 1er juillet 2009, Madame [N] [G], aux droits de laquelle se trouve Monsieur [V] [K] [D], a donné à bail commercial à la société l’Origan divers locaux situés [Adresse 5] à [Localité 2] (78), à destination de tous commerces, pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2009, moyennant un loyer annuel en principal de 13.200 €.
Le 28 février 2017, la société l’Origan a cédé son fonds de commerce à la société MNR Finances.
Par exploit du 27 décembre 2017, Monsieur [K] [D] a fait signifier à la société MNR Finances un congé pour le 30 juin 2018 et lui a offert le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2018 moyennant un loyer annuel de 21.600 €. Par acte en réponse signifié le 16 janvier 2018, la société MNR Finances a accepté le renouvellement du bail mais a demandé que le loyer renouvelé soit fixé au plafond indiciaire.
Aux termes d’un jugement rendu le 9 novembre 2018 et signifié le
17 décembre 2018, le juge des loyers commerciaux de [Localité 8] a
constaté le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2018 et fixé
le montant du loyer du bail renouvelé au plafond indiciaire, soit 14.266,14 €.
Monsieur [K] [D] a alors, par acte du 15 janvier 2019, exercé son droit d’option et offert à la société MNR Finances le paiement d’une indemnité d’éviction.
C’est dans ces conditions que, par exploit introductif d’instance délivré le
16 décembre 2020, la société MNR Finances a fait assigner Monsieur [K] [D] devant le tribunal judiciaire de Versailles en désignation d’un expert judiciaire pour fixer le montant de l’indemnité d’éviction due. L’affaire a été enrôlée sous le numéro de RG 20/06661.
Par jugement du 31 août 2021, la présente juridiction a ordonné une mesure d’expertise, commis pour y procéder Monsieur [Y] [U] et radié l’affaire du rôle de la 3ème chambre civile dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 7 avril 2022. Il conclut au caractère transférable de l’activité, évalue le montant de l’indemnité d’éviction à
hauteur de 69.000 € et estime le montant de l’indemnité d’occupation
annuelle à 17.085 €.
L’affaire a été rétablie au rôle, à l’initiative de la société MNR Finances,
le 7 septembre 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 22 mai 2023, la société MNR Finances demande au tribunal de :
Vu les articles L.145-14, L. 145-57 et suivants du code de commerce,
Vu les articles R.145-30 et suivants du code de commerce,
Vu la jurisprudence applicable en la matière,
Vu le rapport d’expertise,
– Prendre acte de l’exercice du droit d’option par Monsieur [K] [D] dans son mémoire signifié par exploit d’huissier du 15 janvier 2019,
– Constater que ce droit d’option entraîne le versement d’une indemnité d’éviction par Monsieur [K] [D] au profit de la société MNR Finances qui bénéficie du droit à la propriété commerciale,
– Fixer le montant de l’indemnité d’éviction de remplacement au montant de 138.659 €,
– Fixer le montant des frais de licenciement au montant de 5.709,34 € (à parfaire),
o 2.195, 90 euros indemnité de licenciement (à parfaire),
o 3.194.04 euros indemnité de préavis,
o 319,404 euros (sic) d’indemnité de congés payés sur préavis,
o Indemnité de congés payés (à déterminer),
– Faire droit à la demande d’abattement de 30 % de l’indemnité d’occupation,
– Faire droit à la demande en remboursement de tous les frais exposés à l’occasion de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé et de l’indemnité d’éviction,
En conséquence,
– Condamner Monsieur [K] [D] à verser à la société MNR Finances la somme de 138.659 € au titre de l’indemnité d’éviction de remplacement,
– Condamner Monsieur [K] [D] à verser à la société MNR Finances la somme de 5.709,34 € (à parfaire) au titre du remboursement des frais de licenciement,
– Fixer le montant de l’indemnité d’occupation au montant annuel de 14.070 € HT et HC, soit 1.172,5 € HT et HC / mois,
– Condamner Monsieur [K] [D] à verser à la société MNR Finances la somme de 2.077,07 € en remboursement des frais exposés à l’occasion de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé,
– Condamner Monsieur [K] [D] à verser à la société MNR Finances la somme de 3.248,69 € HT (3.898,43 € TTC) au titre des frais d’expertise engagés lors de la fixation de l’indemnité d’éviction,
– Condamner Monsieur [K] [D] à verser à la société MNR Finances la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner Monsieur [K] [D] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 15 mai 2023, Monsieur [K] [D] demande au tribunal de :
Vu l’article L. 145-14 du code de commerce,
Vu les articles L. 145-57 et suivants du code de commerce,
– Dire et juger que Monsieur [K] [D] ayant exercé son droit d’option par exploit en date du 15 janvier 2019, celui-ci devra acquitter au profit de la société MNR Finances une indemnité d’éviction,
– Fixer le montant de ladite indemnité à la somme de 84.979 €,
– Fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 20.100 € par an HT et hors charges à compter du 1er juillet 2018,
– Débouter la société MNR Finances de toute autre demande plus ample ou contraire,
– La condamner au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Dire et juger que les dépens seront partagés par moitié, tout spécialement les frais et honoraires d’expertise de Monsieur [U], expert judiciaire,
– Dire et juger qu’il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au corps du jugement pour un exposé détaillé des moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023.
MOTIFS
Sur la fixation du montant de l’indemnité d’éviction
Monsieur [K] [D] a exercé son droit d’option le 15 janvier 2019 s’agissant du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2018. Il est donc redevable, à l’endroit de la société MNR Finances, d’une indemnité d’éviction, étant précisé que cette dernière occupe toujours, à la date du présent jugement, les locaux donnés à bail.
Il est de principe que si la consistance de l’exploitation ou du fonds est évaluée à la date du congé, la valeur de l’exploitation est évaluée à la date la plus proche possible du départ du locataire.
Sur la fixation de l’indemnité principale
Sur la nature de l’indemnité principale
La société MNR Finances réfute le caractère transférable de son activité. Elle explique que le local de transfert identifié par l’expert, situé à plusieurs centaines de mètres, pâtit d’un environnement commercial moins favorable et d’une visibilité réduite. Elle indique qu’il n’est pas adapté à son activité, aucune pièce ne pouvant faire office de cabine de soins. Elle ajoute qu’il n’est plus disponible, ayant entre-temps été loué à la société Elite Bike. Eu égard à l’absence de tout autre local, elle demande, par conséquent, que son indemnité d’éviction soit une indemnité de remplacement.
Monsieur [K] [D] reconnaît que le local envisagé pour le transfert de l’activité a été loué à un tiers. Il relève néanmoins que ce local se trouvait à proximité immédiate des locaux litigieux, dans une galerie commerciale en plein air, avec une commercialité de nature à compenser la perte de visibilité alléguée. Il ajoute que la société MNR Finances aurait été en mesure d’avertir sa clientèle de son déménagement.
Dans son rapport, l’expert judiciaire indique que le fonds de commerce est transférable, le bailleur proposant un local de remplacement situé [Adresse 5] dont la moindre visibilité entraînera, néanmoins, une perte partielle de clientèle.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
A défaut pour le bailleur de rapporter la preuve d’un préjudice moindre, la perte du fonds de commerce est présumée.
En l’espèce, les locaux initialement identifiés par l’expert judiciaire comme pouvant accueillir l’activité de la société MNR Finances ont été donnés à bail à un tiers et Monsieur [K] [D], auquel incombe la charge de la preuve, ne propose pas d’autres locaux de remplacement à la consistance équivalente. Il s’ensuit que le caractère transférable de l’activité n’est pas démontré.
Dès lors, c’est une indemnité de remplacement qui est due à la société MNR Finances.
Sur la valeur du droit au bail
La société MNR Finances fait grief à l’expert judiciaire d’avoir retenu, pour la valorisation du droit au bail, un coefficient multiplicateur de 2. Elle rappelle que ses locaux bénéficient d’un bon emplacement, à proximité de la mairie et des halles de la commune, ainsi qu’un important linéaire de vitrine. Elle retient, dès lors, un coefficient de 5, pour une valeur du droit au bail de 36.820 €.
Monsieur [K] [D] soutient que le coefficient multiplicateur retenu par l’expert judiciaire pour la valorisation du droit au bail est conforme à la commercialité de la commune d’[Localité 2] et qu’il n’y a pas lieu de le rehausser.
Dans son rapport, Monsieur [Y] [U] expose que les locaux litigieux sont situés dans le centre-ville d’[Localité 2], à l’angle de l’[Adresse 5] et de la [Adresse 7]. L’[Adresse 5] est une voie à circulation automobile en double sens qui relie l’[Adresse 3] à l’[Adresse 4]. La [Adresse 7] est quant à elle une voie à circulation automobile principalement à sens unique mais en double sens sur le tronçon considéré. Les locaux bénéficient d’une visibilité renforcée depuis l’[Adresse 5] grâce à un important linéaire de vitrine (13,17 mètres sur l’[Adresse 5] et 6,16 mètres sur la [Adresse 7]). D’une surface de 99,92 m2, il sont répartis sur deux niveaux et en bon état d’entretien apparent. Cela étant, les cabines de soin ne disposent pas de lavabos. L’expert conclut à une assez bonne situation sur un axe principal bénéficiant d’un bon flux de chalands, à proximité de la mairie et des halles de la commune. Il retient, compte tenu de la configuration des locaux, une surface pondérée de 79,46 m2p et ce, en application des principes de pondération pour les boutiques dont la surface totale n’excède pas 600 m2. Il cite divers termes de comparaison (nouvelles locations et renouvellements de baux) et en déduit un prix unitaire de marché de 280 € / m2p pour une valeur locative, au 1er juillet 2018, de 22.250 €. Il explique que le coefficient de commercialité est lié aux seuls prix de marché et conclut à un coefficient de commercialité de 2. Il évalue in fine la valeur du droit au bail à 15.000 € ([22.250 – 14.886] x 2).
Sur ce,
Le droit au bail peut être défini comme l’élément qui mesure l’intérêt pour un exploitant d’être situé à un emplacement donné pour exploiter un commerce donné moyennant un loyer donné. La valeur du droit au bail est déterminée par la capitalisation de la différence entre la valeur locative de marché et le loyer, à laquelle est appliqué un coefficient multiplicateur variant de 3 à 12 pour les boutique de centre-ville en fonction de l’emplacement.
Le différentiel de loyer entre la valeur de marché retenue par l’expert (22.250 €) et le plafond indiciaire au 1er juillet 2018 (14.266,14 €) est de 7.983,86 € (la somme de 14.886 € correspond au plafond indiciaire indexé au 1er juillet 2021, cf. page 8 du rapport).
Dans son rapport, l’expert judiciaire produit un tableau associant chaque coefficient à une fourchette de prix unitaire (ex : coefficient 2 pour un prix unitaire < à 250 €). Néanmoins, tant le prix unitaire retenu par l’expert judiciaire (280 € / m2p) que ses constatations quant à la situation géographique des locaux et leur commercialité (assez bonne situation dans un quartier de faible densité commerciale) justifient de revoir ce coefficient légèrement à la hausse. La valeur du droit au bail sera par conséquent fixée à hauteur de : (valeur de marché - plafond indiciaire au 1er juillet 2018) x coefficient de commercialité = 22.250 - 14.266,14 = 7.983,86 x 3 = 23.951,58 € arrondi à 23.952 €. Sur la valeur du fonds de commerce La société MNR Finances rappelle, s’agissant de la valorisation du fonds de commerce, qu’il est d’usage de prendre en compte les trois derniers exercices comptables, à condition qu’ils reflètent une activité normale. Elle demande ainsi au tribunal d’écarter les chiffres de l’exercice 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19, et de se fonder uniquement sur les exercices 2021 et 2022. Elle réplique que le rapport d’expertise judiciaire a été déposé avant que le dernier bilan comptable ne soit dressé, raison pour laquelle l’expert judiciaire n’en a pas eu connaissance. Elle reproche à l’expert judiciaire, dans son analyse par le chiffre d’affaires, d’avoir retenu un ratio de 90 % aux motifs que le chiffre d’affaires réalisé était inférieur à celui du cédant, alors même que le chiffre d’affaires était en déclin depuis 2015 et qu’il progresse désormais de façon constante. Elle applique ainsi un ratio de 105 % du chiffre d’affaires, pour une valorisation de 93.438 €. Avec une approche par la rentabilité à hauteur de 144.972 €, elle conclut ainsi à une indemnité d’éviction principale de 119.205 € Monsieur [K] [D] s’oppose à la prise en compte, pour la fixation de l’indemnité d’éviction, des données issues des exercices comptables 2021 et 2022 , au motif que ceux-ci n’ont pas été communiqués à l’expert judiciaire en temps utile. Il ajoute que le chiffre d’affaires réalisé par la société MNR Finances en 2020 a été similaire à celui réalisé lors de l’exercice 2017. Il critique le coefficient 4 retenu par l’expert judiciaire pour la valorisation du fonds de commerce par la rentabilité et demande qu’il soit remplacé par un coefficient 3. De la même manière, et s’agissant de l’approche par le chiffre d’affaires, il retient un ratio de 0,8 et non de 0,9, l’expert judiciaire ayant retenu la fourchette haute du référentiel. Dans son rapport, l’expert judiciaire adopte deux méthodes, l’une par la rentabilité et l’autre par le chiffre d’affaires. Il explique, tout d’abord, que la rentabilité de l’exploitation est obtenue en ajoutant à l’excédent brut d’exploitation le loyer figurant au bilan, puis en déduisant la valeur locative de marché. Il obtient, sur la base des exercices 2017 à 2020, une valeur de 83.144 € arrondie à 83.000 € et un multiple d’excédent brut d’exploitation de 3,14. Il indique, ensuite, que le chiffre d’affaires moyen pondéré 2018 / 2020 ressort à 77.432 € et s’inscrit en baisse de 35 % par rapport à ceux antérieurs à l’acquisition. Compte tenu de divers critères, parmi lesquels les travaux de rafraîchissement réalisés par le locataire, la valeur du droit au bail, la rentabilité du fonds et le potentiel d’augmentation du chiffre d’affaires, il retient un taux de 90 % du chiffre d’affaires moyen hors taxes, soit 72.569 € arrondie à 73.000 €. Il opère finalement une moyenne, pour une valorisation du fonds de commerce à hauteur de 78.000 €. Sur ce, Ainsi que cela a été précédemment rappelé, la valeur de l’exploitation est évaluée à la date la plus proche possible du départ du locataire. Il convient, par conséquent, de tenir compte des derniers exercices comptables de la société MNR Finances et de neutraliser les chiffres de l’année 2020 qui, compte tenu de l’épidémie de Covid-19, ne sont pas utilement exploitables. Corrélativement, la pondération inversée sera abandonnée. Sur la base de la méthode de calcul de l’expert judiciaire, la valorisation du fonds de commerce peut être évaluée à : Méthode par la rentabilité EBE 2019 : 24.311 € x 1 = 24.311 € EBE 2021 : 27.974 € x 2 = 55.948 € EBE 2022 : 27.324 x 3 = 81.972 € EBE moyen : 27.038,50 € arrondi à 27.039 € Locations immobilières 2020 : 13.200 (pas d’information pour 2019) x 1 = 13.200 € Locations immobilières 2021 : 13.220 € x 2 = 26.440 € Locations immobilières 2022 : 13.033 € x 3 = 39.099 € Loyer moyen : 13.123,17 € arrondi à 13.123 € Quote-part de rentabilité provenant du bail : 22.250 - 13.123 = 9.127 € Quote-part de rentabilité provenant du loyer : 27.039 - 9.127 = 17.912 € Si Monsieur [K] [D] conteste le coefficient 4 retenu par l’expert, il ne développe aucune analyse susceptible de contredire celle de Monsieur [U]. Ce coefficient sera donc entériné. Valeur du fonds si le loyer était fixé au prix du marché : 17.912 x 4 = 71.648 € Partie générée par l’exploitation : 71.648 € Partie générée par le bail (droit au bail) : 23.952 € Valorisation du fonds de commerce : 95.600 € Multiple d’EBE : 95.600 / 27.039 = 3,54. Méthode par le chiffre d’affaires Chiffre d’affaires 2019 : 83.665 x 1 = 83.665 € Chiffre d’affaires 2021 : 81.263 x 2 = 162.526 € Chiffre d’affaires 2022 : 95.915 x 3 = 287.745 € Chiffre d’affaires moyen : 88.989 € Ainsi que le relève à juste titre la société MNR Finances, son chiffre d’affaires est désormais en progression, ce qui justifie de retenir un pourcentage de 95 % en lieu et place de 90 % (les ratios retenant une fourchette entre 50 et 100 %). Valorisation du fonds de commerce : 84.539,55 € arrondie à 84.540 €. Moyenne des deux approches : (95.600 + 84.540) / 2 = 90.070 € La valeur du fonds de commerce étant supérieure à la valeur du droit au bail, l’indemnité principale d’éviction sera fixée à hauteur de 90.070 €. Sur la fixation des indemnités accessoires Les frais de remploi La société MNR Finances et Monsieur [K] [D] évaluent les frais de remploi à hauteur de 10 % de l’indemnité principale. Sur ce, Les frais de remploi sont destinés à couvrir les coûts d’acquisition d’un fonds de commerce ou droit au bail équivalent en valeur et comprennent les droits de mutation, les commissions et honoraires d’assistance juridique. Les parties s’accordent pour les fixer à hauteur de 10 % de l’indemnité principale, soit 9.007 €. Les frais de réinstallation La société MNR Finances ne formule aucune demande de ce chef. Monsieur [K] [D] propose une somme de 5.000 €, conforme aux préconisations de l’expert judiciaire. Sur ce, Les frais de réinstallation sont les frais nécessaires à la reprise de l’activité du locataire dans les nouveaux locaux. L’indemnité d’éviction a pour objet de réparer le préjudice né de l’éviction des locaux donnés à bail et de permettre au preneur de poursuivre son exploitation dans de nouveaux locaux, aux prestations similaires. Dès lors, et à défaut pour le bailleur de rapporter la preuve qui lui incombe d’un préjudice moindre, il n’y a pas lieu pour la présente juridiction de limiter le montant des frais de réinstallation dus au preneur en raison de l’absence d’aménagements spécifiques ou de l’état d’usage des locaux litigieux. Le bailleur propose un montant de 5.000 € qui, à défaut d’être utilement contesté, sera retenu. Les pertes sur stock La société MNR Finances et Monsieur [K] [D] évaluent les pertes à 10 % du stock. Sur ce, Les fonds se vendent hors stock. Il convient de distinguer le stock périssable et non périssable, seul ce dernier pouvant être indemnisé. Les parties s’accordent pour évaluer les pertes à 10 % du stock soit 903 € pour l’année 2022. Le trouble commercial La société MNR Finances et Monsieur [K] [D] évaluent le trouble commercial sur la base d’un mois d’excédent brut d’exploitation par an pendant trois ans. Sur ce, Le trouble commercial à indemniser est lié à l’indisponibilité temporaire de l’exploitant en raison de la gestion de l’éviction et la mise en œuvre d’un nouveau site d’exploitation. Les parties s’accordent pour retenir un mois d’excédent brut d’exploitation par année soit : EBE 2019 : 24.311 / 12 = 2.025,91 arrondi à 2.026 € EBE 2021 : 27.974 / 12 = 2.331,16 arrondi à 2.331 € EBE 2022 : 27.324 / 12 = 2.277 Le trouble commercial sera ainsi indemnisé à hauteur de 6.634 €. Les indemnités de licenciement La société MNR Finances évalue ses frais de licenciement à titre provisionnel à hauteur de 5.709,34 €. Monsieur [K] [D] indique qu’à défaut de justificatif comptable ou salarial, cette demande doit être rejetée. Sur ce, Les indemnités de licenciement sont dues si les licenciements sont causés par la disparition du fonds. Dans ces conditions, les indemnités de licenciement seront réservées et devront être acquittées sur justificatifs. Les indemnités accessoires s’élèvent ainsi à une somme totale de 21.544 €. Par conséquent, le montant de l’indemnité d’éviction que Monsieur [K] [D] doit payer à la société MNR Finances s’élève à la somme globale de 111.614 €. Sur la fixation de l’indemnité d’occupation La société MNR Finances considère que les circonstances de l’affaire justifient un abattement de 30 % sur le montant de l’indemnité d’occupation. Elle explique qu’elle venait tout juste d’acquérir son fonds de commerce lorsqu’elle s’est vu délivrer un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel revalorisé et que l’exercice par le bailleur de son droit d’option s’est combiné avec diverses crises sociales et sanitaires fragilisant son activité. Elle ajoute que la valeur locative retenue par l’expert judiciaire est bien supérieure au plafond indiciaire retenu par le juge des loyers commerciaux dans son jugement rendu le 9 novembre 2018, ce qui lui cause grief. Monsieur [K] [D] rappelle que la société MNR Finances est restée délibérément dans les lieux dans l’attente de la fixation de son indemnité d’éviction et considère que l’abattement de 30 % sur l’indemnité d’occupation n’est pas justifié. Dans son rapport, l’expert judiciaire retient un prix unitaire encadré (par application des articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants du code de commerce) de 230 € / m2p pour une valeur locative de 18.276 € qu’il majore de 10 % compte tenu de la clause de destination contractuelle “tous commerces”, pour un total de 20.100 €. Il préconise un abattement pour précarité de 15 %, le congé ayant été délivré peu de temps après l’entrée en jouissance de la société MNR Finances. Sur ce, L’article L. 145-28 du code de commerce dispose qu’aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des articles L. 145-33 et suivants du code de commerce compte tenu de tous éléments d'appréciation. Il est de principe que si le créancier d’une indemnité d’éviction a droit au maintien dans les lieux, c’est uniquement jusqu’à l’exercice du droit de repentir du bailleur ou au paiement effectif de ladite indemnité. La poursuite de l’activité du preneur dans les locaux donnés à bail étant subordonnée aux décisions prises par le bailleur, il est dès lors justifié d’appliquer un abattement au titre de la précarité de l’occupation. Les parties s’accordent sur la valeur locative déterminée par l’expert mais s’opposent sur l’abattement pour précarité susceptible d’être pratiqué. En l’espèce, il est établi que la situation de précarité de la société MNR Finances a été aggravée par la délivrance d’un congé quelques mois à peine après son entrée en jouissance puis le choix du bailleur, à l’issue de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé, d’exercer son droit d’option et de renoncer au renouvellement précédemment acté. Cela étant, le bailleur n’est responsable ni de la situation sociale (crise des gilets jaunes) ni de la situation économique (épidémie de Covid-19) auxquelles la société MNR Finances a été confrontée. De plus, les pièces comptables versées aux débats démontrent qu’en dépit de ces circonstances, la société MNR Finances a réussi à poursuivre son exploitation et à faire progresser son chiffre d’affaires, progression prise en compte dans l’évaluation de son indemnité d’éviction. Enfin, il n’y a pas lieu pour la présente juridiction de subordonner le montant de l’indemnité d’occupation susceptible d’être mise à la charge de la société MNR Finances au montant de l’indemnité d’éviction fixé en parallèle, le preneur n’ayant pas un droit acquis au renouvellement de son bail au plafond indiciaire. Dans ces conditions, l’abattement pour précarité sera limité à 15 % de la valeur locative encadrée, pour une indemnité d’occupation annuelle, à compter du 1er juillet 2018, de 17.085 €, cette indemnité n’étant pas soumise à la TVA. Sur les frais exposés pendant l’instance en renouvellement La société MNR Finances considère que, dans la mesure où il a exercé son droit d’option, Monsieur [K] [D] doit s’acquitter de tous les frais exposés dans le cadre des instances en fixation du loyer du bail renouvelé et fixation des indemnités d’éviction et d’occupation. Monsieur [K] [D] s’oppose au remboursement des frais postaux et honoraires d’avocat exposés dans le cadre de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé, considérant que ces frais-là ne rentrent pas dans les prévisions de l’article L. 145-57 du code de commerce. Sur ce, L’article L. 145-57 du code de commerce dispose que pendant la durée de l'instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer. Dans le délai d'un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais. Faute par le bailleur d'avoir envoyé dans ce délai à la signature du preneur le projet de bail conforme à la décision susvisée ou, faute d'accord dans le mois de cet envoi, l'ordonnance ou l'arrêt fixant le prix ou les conditions du nouveau bail vaut bail. En l’espèce, Monsieur [K] [D] a exercé son droit d’option et refusé le renouvellement du bail. Il est donc tenu de s’acquitter des frais exposés par la société MNR Finances dans le cadre de l’instance en renouvellement du bail, quelle qu’ait pu être la décision du juge des loyers commerciaux sur les frais irrépétibles et/ou les dépens. Il sera donc condamné à payer à la société MNR Finances la somme de 2.077,07 € correspondant aux frais postaux, frais d’huissier et frais d’avocat exposés. En revanche, les frais d’expertise judiciaire engagés dans le cadre de la fixation des indemnités d’éviction et d’occupation ne rentrent pas dans le champ d’application de l’article L. 145-57 du code de commerce. Ils sont compris dans les dépens de la présente instance. Sur les autres demandes Sur les dépens Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Monsieur [K] [D], qui succombe en ses demandes, sera condamné aux dépens de l’instance, à l’exception des frais d’expertise judiciaire qui seront partagés par moitié entre les parties. Sur les frais irrépétibles Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Partie tenue aux dépens, Monsieur [K] [D] sera condamné à payer à la société MNR Finances la somme qu’il est équitable de fixer à 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits. Sur l’exécution provisoire En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, FIXE le montant de l’indemnité d’éviction due par Monsieur [V] [K] [D] à la société MNR Finances pour les locaux situés [Adresse 5] à [Localité 2] (78) à la somme totale de 111.614 € dont : - 90.070 € d’indemnité principale de perte de fonds de commerce, - 21.544 € d’indemnités accessoires, DIT que les frais de licenciement en lien de causalité direct et certain avec l’éviction devront être indemnisés sur présentation des justificatifs, FIXE l’indemnité d’occupation statutaire due par la société MNR Finances à Monsieur [V] [K] [D], pour les locaux situés [Adresse 5] [Adresse 5] à [Localité 2] (78), à la somme de 17.085 € par an à compter du 1er juillet 2018 et ce, jusqu’à la date de paiement effectif de l’indemnité d’éviction avec libération des lieux et remise des clés, CONDAMNE Monsieur [V] [K] [D] à payer à la société MNR Finances la somme de 2.077,07 € au titre des frais exposés dans le cadre de l’instance en fixation du loyer du bail renouvelé, CONDAMNE Monsieur [V] [K] [D] aux dépens de l’instance, à l’exclusion des frais d’expertise judiciaire qui seront partagés par moitié entre les parties, CONDAMNE Monsieur [V] [K] [D] à payer à la société MNR Finances la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour la défense de ses droits, REJETTE les autres demandes des parties, RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit. Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 JANVIER 2024 par Madame GARDE, Juge, assistée de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement. LE GREFFIERLE PRÉSIDENT Carla LOPES DOS [J] [Z]