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25 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
20/07852
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
C. exécutoires
délivrées le :
■
18° chambre
1ère section
N° RG 20/07852
N° Portalis 352J-W-B7E-CST2I
N° MINUTE : 3
Assignation du :
24 Août 2020
contradictoire
JUGEMENT
rendu le 25 Janvier 2024
DEMANDERESSE
S.C.I. [Adresse 2]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Catherine MUTELET de la SELARL LP-CM, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0676
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. 2CF NET
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Gérard ABADJIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0543
Décision du 25 Janvier 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 20/07852 – N° Portalis 352J-W-B7E-CST2I
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Madame Pauline LESTERLIN, Juge,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,
assistées de Christian GUINAND, Greffier principal,
DEBATS
A l’audience du 03 Octobre 2023, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
Puis, le délibéré a été prorogé jusqu’au 25 janvier 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
FAITS
Par acte sous seing privé non daté, la SCI [Adresse 2] a consenti à la société 2CF NET, en renouvellement de conventions locatives antérieures, un bail commercial portant sur le lot 12 d’une superficie de 165,70 m² dans l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3], pour une durée de 3, 6 ou 9 années à compter du 19 juin 2009.
Par acte sous seing privé du 13 novembre 2008, la SCI [Adresse 2] a consenti à la société 2CF NET une autorisation de sous-louer les locaux.
Cette autorisation est libellée comme suit :
« La présente sous-location est consentie et acceptée à titre gratuit.
La présente autorisation de sous-location est conclue pour une durée commençant à courir à compter de la date de prise d’effet le 1er décembre 2002 sans que cette durée ne puisse excéder celle du bail principal ».
Par acte extrajudiciaire du 21 juin 2018, la SCI [Adresse 2] a notifié congé au preneur à effet du 31 décembre 2018, en lui faisant offre de payer l’indemnité d’éviction due dans les termes de l’article L 145-14 du Code de commerce, sous réserve qu’elle remplisse les conditions pour pouvoir bénéficier du statut des baux commerciaux et du droit au renouvellement prévu par ledit statut.
Aux termes d’un procès-verbal de constat dressé par Maître [R] le 1er avril 2019, à la demande de la SCI DES [Adresse 2], les locaux donnés à bail à la société 2CF NET sont occupés par :
– la société VEGA ONE, société dirigée par l’associé-gérant de la société 2CF NET, les deux entités partageant un bureau de 22,7 m², un bureau de 15,6 m² (celui du gérant des sociétés 2CF et VEGA ONE) et l’ensemble des remises et espaces communs, et ce sans contrepartie de la part de la société VEGA ONE,
– Madame [H], auto-entrepreneur exerçant une activité de traductrice, occupant seule et gracieusement un bureau de 14 m²,
– la société TRENDIA, sous-locataire à titre onéreux d’un bureau de 34,1 m².
Par assignation en référé du 15 novembre 2018, la SCI [Adresse 2] a sollicité la désignation d’un expert judiciaire afin d’évaluer l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation, sous la réserve expresse que la société 2CF NET soit en droit de solliciter le paiement de l’indemnité d’éviction dont elle demandait l’évaluation.
Par ordonnance du 12 mars 2019, le juge des référés du Tribunal de grande instance de PARIS a ordonné une mesure d’expertise confiée à Monsieur [I] [W].
Monsieur [W] a déposé son rapport le 11 mars 2020, aux termes duquel il a considéré que le fonds de commerce exploité par la société 2CF NET était transférable et a évalué l’indemnité d’éviction à :
– 91.300 €, en retenant uniquement le préjudice résultant de la perte des surfaces utilisées par la société 2CF ;
– ou 114.200 €, en retenant le préjudice résultant de la perte de l’ensemble des surfaces données à bail, incluant celles sous-louées par la société 2CF à des tiers.
Monsieur [W] a, par ailleurs, évalué l’indemnité d’occupation due par la société 2CF NET au montant annuel de 29.800 € HT.
Par acte du 24 août 2020, la SCI [Adresse 2] a assigné la société 2 CF NET devant le tribunal judiciaire de Paris afin de demander, à titre principal, la résiliation judiciaire du bail, l’expulsion de la société 2CF NET sans versement d’aucune indemnité d’éviction et la fixation de l’indemnité d’occupation sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et subsidiairement, dans l’hypothèse où il serait jugé que les manquements reprochés à la société 2CF NET ne seraient pas suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail, la fixation de l’indemnité d’éviction revenant à la société 2CF NET au montant évalué par Monsieur [W], ainsi que la fixation de l’indemnité d’occupation sur le fondement de l’article L 145-28 du Code de commerce.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 2 septembre 2021, la SCI [Adresse 2] demande au tribunal de :
– DÉCLARER la SCI [Adresse 2] recevable et bien fondée en ses demandes et l’y accueillant,
A titre principal :
– PRONONCER la résiliation du bail et la déchéance du droit au maintien dans les lieux de la société 2CF NET,
– ORDONNER par conséquent l’expulsion de la société 2CF NET et de toute personne dans les lieux de son fait et ce, avec l’assistance de la force publique s’il y a lieu, sous astreinte de 500 € par jour de retard, 8 jours après la signification du jugement à intervenir,
– FIXER le montant de l’indemnité d’occupation en principal due sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, au montant annuel de 41.400 € HT, soit 49.680 € TTC, outre les charges et taxes dues dans les termes de la convention locative expirée,
– DIRE ET JUGER que l’indemnité d’occupation sera indexée annuellement en fonction de la variation annuelle de l’indice INSEE du coût de la construction du 2° trimestre, le 1er janvier de chaque année et pour la première fois le 1er janvier 2020, en fonction de l’évolution de l’indice INSEE du coût de la construction entre le 2° trimestre 2018 et le 2° trimestre 2019,
– CONDAMNER la société 2CF NET à payer à la SCI [Adresse 2] ladite indemnité, outre les charges et taxes dues dans les termes de la convention locative expirée, à compter du 1er janvier 2019, jusqu’à libération totale des lieux,
A titre subsidiaire :
– FIXER à 87.500 € le montant de l’indemnité d’éviction due à la société 2CF NET,
– FIXER le montant de l’indemnité d’occupation annuelle en principal due sur le fondement de l’article L.145-28 du Code de commerce à 29.826 € HT, soit 35.791,20€ TTC, outre les charges et taxes dues dans les termes de la convention locative expirée,
– DIRE ET JUGER que l’indemnité d’occupation sera indexée annuellement en fonction de la variation annuelle de l’indice INSEE du coût de la construction du 2° trimestre, le 1er janvier de chaque année et pour la première fois le 1 er janvier 2020, en fonction de l’évolution de l’indice INSEE du coût de la construction entre le 2° trimestre 2018 et le 2° trimestre 2019,
– CONDAMNER la société 2CF NET à payer à la SCI [Adresse 2] ladite indemnité, outre les charges et taxes dues dans les termes de la convention locative expirée à compter du 1er janvier 2019, jusqu’à libération totale des lieux,
– ORDONNER la compensation à due concurrence entre l’indemnité d’éviction et les rappels d’indemnité d’occupation,
En toute hypothèse :
– DÉBOUTER la société 2CF NET de toutes demandes contraires,
– CONDAMNER la société 2CF NET au paiement d’une somme de 5.000 euros à la SCI [Adresse 2] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– CONDAMNER la société 2CF NET en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL MUTELET PRIGENT & ASSOCIÉS dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 4 mai 2021, la société 2CF NET demande au tribunal de :
– DEBOUTER la SCI [Adresse 2] de toutes ses demandes concernant la résolution du bail et l’expulsion de la société 2CF NET sans aucune indemnité
– DIRE que la société 2CF NET disposera à compter du Jugement à intervenir d’un délai de six (6) mois pour pouvoir déménager, celle-ci s’acquittant de l’indemnité d’occupation fixée par le Tribunal
– DIRE que le montant annuel de l’indemnité d’occupation sera de 26.500 euros
– FIXER l’indemnité d’éviction à la somme de 132.700 euros
– FIXER l’indemnité pour perte de clientèle à la somme de 5.000 euros
– DIRE qu’il serait parfaitement inéquitable de laisser à la société 2CF NET les frais irrépétibles
et, en conséquence,
– CONDAMNER la SCI [Adresse 2], Bailleresse, à verser à la société 2CF NET la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Sur le fondement de l’article 695 du CPC,
– CONDAMNER la SCI [Adresse 2] aux entiers dépens qui comprendront les frais d’Huissiers de Justice comme de tout autre auxiliaire de justice nécessaires pour procéder à la signification et obtenir l’exécution de la décision à intervenir.
Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2022 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 3 octobre 2023.
MOTIFS
Les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, auxquelles le tribunal doit répondre, en ce qu’elles se trouvent dépourvues de tout effet juridictionnel.
A titre liminaire, il n’est pas contesté par les parties que le bail les liant, portant sur les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] a pris fin le 31 décembre 2018 à 24 heures, par l’effet du congé délivré par le bailleur le 21 juin 2018.
Par conséquent, la demande de résiliation judiciaire du bail formulée par la SCI est sans objet, le bail ayant pris fin le 31 décembre 2018 à 24h00. Le tribunal n’examinera donc que la question de la déchéance du droit au maintien dans les lieux et du droit à indemnité d’éviction.
Sur la demande principale de déchéance du droit au maintien dans les lieux et du droit à indemnité d’éviction
Au soutien de sa demande, la SCI fait valoir que la société 2CF NET a manqué à ses obligations, d’une part, en consentant à la société TRENDIA un contrat de sous-location à titre onéreux et d’autre part, en manquant à son obligation d’appeler le bailleur à concourir aux actes de sous-location conclus ; que l’avenant au bail, conclu le 13 novembre 2008, autorisait la sous-location, uniquement à titre gratuit, or la société TRENDIA est locataire à titre onéreux ; que la société TRENDIA a bénéficié de la sous-location d’une partie des locaux loués, soit environ 20% moyennant un loyer annuel représentant 37% du loyer global, ce qui représente une disproportion et dès lors un enrichissement du locataire ; que la longévité de la sous-location de la société TRENDIA est confirmée par l’expert judiciaire qui constate au cours de l’expertise que le bureau sous-loué est toujours occupé par la société TRENDIA ; qu’en outre, la société 2CF NET n’a appelé le bailleur à concourir à aucun des actes de sous-locations, consentis à la société VEGA ONE et à Mme [N] [H], à titre gratuit ; que l’éventuelle prétendue connaissance par le bailleur de l’existence de ces sous-locations n’a aucune incidence sur leur irrégularité, son concours aux actes de sous-location étant une formalité substantielle, qui lui permet de connaître les conditions du sous-bail et le cas échéant, de prétendre à un réajustement du loyer du bail principal en application de l’article L.145-31 du code de commerce.
En réponse, la société 2CF NET fait valoir que l’autorisation de sous-location par avenant au bail du 13 novembre 2008 doit nécessairement s’interpréter comme stipulant que c’est l’autorisation de sous-location qui est donnée à titre gratuit et non que les sous-locations qui devront être accordées à titre gratuit ; que l’autorisation de sous-louer donnée postérieurement à la signature du bail ne peut permettre au bailleur de déplafonner le loyer ; que l’autorisation de sous-louer ne limite nullement la surface autorisée ; que le bailleur était parfaitement informé de l’existence de ces sous-locations par l’intermédiaire de sa gérante, Mme [D], qui recevait le courrier des sous-locataires, le leur remettait et avait autorisé la pose de plaques dans le hall de l’immeuble pour signaler la présence des sous-locataires ; que le loyer facturé pour la sous- location n’a jamais été supérieur au loyer principal.
Il ressort de l’article L.145-28 du code de commerce que le locataire qui peut prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction a droit, jusqu’au paiement de cette indemnité, au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré ; qu’il peut ainsi être déchu de son droit au maintien dans les lieux et de son droit à indemnité s’il commet, postérieurement à la délivrance du congé ou au cours de la période de maintien dans les lieux, une infraction aux clauses du bail suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.
Aux termes de l’avenant du 13 novembre 2008, « La présente sous-location est consentie et acceptée à titre gratuit.
La présente autorisation de sous-location est conclue pour une durée commençant à courir à compter de la date de prise d’effet le 1er décembre 2002 sans que cette durée ne puisse excéder celle du bail principal ».
En l’espèce, il ressort des débats que la société 2CF NET ne conteste pas avoir donné partiellement en sous-location le local loué à la société VEGA ONE et à Mme [N] [H] à titre gratuit et à la société TRENDIA, à titre onéreux, sans avoir appelé le bailleur aux actes de sous-location, lesdits actes de sous-location n’étant pas produits aux débats. Seuls les avis d’échéance pour l’année 2018 de la société TRENDIA, produits aux débats, permettent d’établir que la sous-location a débuté a minima en janvier 2018.
Le tribunal relève cependant que l’existence de ces sous-locations n’a nullement été dissimulée par le preneur, celui-ci ayant expressément sollicité la conclusion d’un avenant au bail visant l’autorisation de sous-louer et le bailleur ne contestant pas l’apposition dans les parties communes des plaques correspondant aux sociétés sous-locataires avec l’accord d’une employée du bailleur ainsi que la remise de courriers à ces dernières, adressés à l’adresse du local commercial. Par ailleurs, le bailleur ne peut utilement prétendre qu’il pensait que les sous-locataires correspondaient à de simples domiciliations, au regard de l’avenant au bail qui avait été sollicité dès 2008 par son preneur aux fins de sous-location. Par conséquent, le bailleur aurait eu la possibilité d’exercer une éventuelle action en réajustement du loyer sur le fondement de l’article L.145-31 du code de commerce bien avant la délivrance du congé sans offre de renouvellement du 21 juin 2018.
Les manquements résultant de la mise en sous-location à titre onéreux et de l’absence de concours du bailleur aux actes de sous-location ne sont donc pas apparus pendant la période de droit au maintien dans les lieux et le bailleur en avait connaissance ou a minima aurait pu en avoir connaissance avant la délivrance du congé, justifiant dès lors éventuellement la délivrance d’un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction sur le fondement de l’article L.145-17 du code de commerce en lieu et place du congé avec offre d’indemnité d’éviction délivré le 21 juin 2018.
Par conséquent, les manquements précédemment évoqués ne constituent pas des manquements nouveaux. Par ailleurs, ces manquements ne présentent pas une gravité suffisante dès lors que la société locataire occupe les lieux depuis vingt ans et qu’il n’est allégué d’aucun autre manquement, notamment dans le paiement des loyers, y compris pendant les périodes incluant une sous-location partielle des locaux.
Par conséquent, les manquements dénoncés ne présentent pas une gravité suffisante pour justifier la déchéance du droit au maintien dans les lieux et du droit à indemnité d’éviction et la SCI est déboutée de sa demande en ce sens ainsi que des demandes subséquentes.
La société 2CF NET bénéficiant d’un droit à indemnité d’éviction, il convient désormais d’examiner les demandes des parties en fixation de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation.
Sur les demandes subsidiaires
Sur la fixation de l’indemnité d’éviction
Aux termes de son rapport, l’expert judiciaire propose de fixer l’indemnité d’éviction, basée sur le transfert de fonds, de la manière suivante :
– indemnité principale : valeur du droit au bail : 67.000 euros/ L’expert précise que si la seule surface exploitée par la société 2CF NET doit être prise en compte (117,60m2), la valeur du droit au bail est de 47.700 euros.
– indemnité de remploi : 14.900 euros / 11.300 euros, en cas de prise en compte uniquement des surfaces exploitées par la société 2CF NET,
– trouble commercial : 17.000 euros,
– double loyer : 2.500 euros,
– frais de déménagement : 9.800 euros,
– frais de réinstallation : 0 euro,
– frais administratifs et divers : 3000 euros
Soit une somme totale de 114.200 euros, réduite à 91.300 euros en cas de prise en compte uniquement des surfaces exploitées par la société 2CF NET.
La société 2CF NET sollicite la fixation de l’indemnité d’éviction à la somme de 132.700 euros, augmentée d’une indemnité de perte de clientèle de 5.000 euros, exposant être connue de ses clients à cette adresse depuis vingt ans et conteste les points suivants du rapport d’expertise, faisant valoir que l’expert a minimisé les préjudices :
– le coefficient de capitalisation devrait être fixé à 5, au lieu de 4,5, amenant une valorisation supplémentaire de 7.500 euros,
– le trouble commercial doit être calculé sur la base de trois mois, au lieu de deux mois, ce qui représente un supplément de 8.487 euros,
– l’indemnité au titre du double loyer doit être fixée à hauteur de trois mois, ce qui est l’usage et non deux mois, soit un supplément de 2.500 euros.
En réponse, la SCI demande que l’indemnité d’éviction soit fixée à la somme de 87.500 euros faisant valoir que :
– l’activité de la société 2CF NET est transférable, s’agissant d’une activité de grossiste et que l’indemnité d’éviction équivaut au droit au bail, analyse confirmée par l’expert,
– le prix unitaire de la valeur de marché, proposé par l’expert, soit 250 euros/m2 devra être retenu ; que parmi les termes de comparaison relevés par l’expert, ceux situés dans le même ensemble immobilier et notamment trois d’entre eux apparaissent plus pertinents compte tenu de la configuration des locaux loués en fond de cour et en rez-de-chaussée, ainsi que de l’activité de grossiste exercée,
– les surfaces sous-louées doivent être exclues, seul le préjudice subi par le preneur devant être réparé par le versement de l’indemnité d’éviction, soit l’exclusion des surfaces suivantes : 34 m2 sous-loués à la société TRENDIA, 14m2 sous-loués à la société CF TRAD, soit une surface de 117,60 m2 uniquement au lieu de 165,70 m2, soit une valeur locative de marché de 29.400 euros (117,60m2 x 250 euros/m2) et une différence de 10.593 euros (29.400 euros – 18.807 euros), le loyer résultant du bail devant être calculée de la façon suivante (26.500 euros x (117,60 m2/ 165,70m2) = 18.807 euros),
– le coefficient de situation de 4,5 proposé par l’expert doit être retenu, soit une valeur du droit au bail de 47.668,50 euros (10.593 euros x 4,5),
– la demande d’indemnité de perte de la clientèle à hauteur de 5.000 euros apparaît infondée, la société 2CF NET étant leader sur le marché de la vente de cartes téléphoniques prépayées et a insisté sur le fait qu’elle a su créer avec ses clients une relation de confiance, ce qui rend peu probable que ces derniers lui préfèrent un autre fournisseur en cas de transfert du fonds de commerce, ce que retient également l’expert judiciaire,
– les frais accessoires proposés par l’expert après exclusion des surfaces sous-loués doivent être retenus,
Selon l’article L.145-14 du code de commerce, le refus de renouvellement signifié par le bailleur met fin au bail mais ouvre droit, sauf exception, au profit du locataire à une indemnité d’éviction qui comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Sur l’indemnité principale
Le tribunal relève tout d’abord que la société 2CF NET ne conteste pas le caractère transférable de son activité aux termes de ses dernières écritures. Il n’y a donc pas lieu de discuter ce point qui sera considéré comme acquis, conformément aux conclusions de l’expert.
Le tribunal relève également que la société 2CF NET ne conteste pas le prix unitaire de la valeur de marché de 250 euros /m2 proposé par l’expert et sollicité par la SCI. Ce prix unitaire de 250 euros/m2 est donc retenu.
Sur les surfaces à prendre en considération
Le locataire principal qui a sous-loué une partie des lieux, n’a droit à une indemnité d’éviction que pour la partie des locaux où il exploite son fonds dans les conditions prévues par le statut ; en l’absence de dispositions contractuelles particulières, il ne peut pas prétendre à une telle indemnité pour la partie des lieux dans laquelle le sous-locataire exploite un fonds de commerce différent.
En l’espèce, aucune des dispositions de l’avenant autorisant la sous-location ne mentionne les surfaces à retenir pour le calcul d’une indemnité d’éviction.
Par conséquent, seules les surfaces effectivement exploitées par la société 2CF NET doivent être retenues, soit la surface de 117,60m2 telle qu’elle résulte des constatations de l’expert.
Sur le coefficient de capitalisation
Aux termes des explications de l’expert, il s’agit d’un coefficient « de situation » analysé à l’examen du marché dans une approche statistique: meilleurs sont l’emplacement des lieux loués, la commercialité de l’artère et les perspectives de retour sur investissement et plus élevé est ce coefficient.
En l’espèce, l’expert retient la situation centrale des locaux, bénéficiant d’une bonne desserte par les transports en commun, la catégorie ordinaire du bâtiment, la situation des locaux en fond de 2ème cour pour retenir un coefficient de 4,5.
La société 2CF NET demande l’application d’un coefficient de capitalisation de 5 sans justifier et développer sa demande, qui sera dès lors rejetée.
Le coefficient proposé par l’expert de 4,5 est donc retenu.
Par conséquent, la valeur locative actuelle de marché est fixée de la manière suivante :
250 euros/m2 x 117,60 m2 = 29.400 euros
La valeur vénale du droit au bail est donc la suivante :
– Valeur locative de marché : 29.400 euros,
– Loyer résultant du bail : 26.500 euros x (117,60m2/ 165,70m2) = 18.800 euros, somme arrondie
– Différence : 29.400 – 18.800 = 10.600 euros
– application du coefficient de capitalisation de 4,5 : 10.600 x 4,5 = 47.700 euros
– Valeur du droit au bail : 47.700 euros.
Sur les indemnités accessoires
Sur l’indemnité de remploi
L’indemnité de remploi, qui est destinée à couvrir les frais entraînés par l’acquisition d’un nouveau titre locatif, estimée par l’expert à 30% d’une année de loyer, complétée par des frais et honoraires de rédaction d’acte de 2.500 euros, doit également tenir compte des surfaces effectivement exploitées par la société 2CF NET, soit
(29.400 x 0,30) + 2.500 euros = 11.300 euros.
L’indemnité de remploi est donc fixée à la somme de 11.300 euros.
Sur le trouble commercial
Le trouble commercial correspond au temps passé par le preneur évincé pour préparer son départ des locaux et sa réinstallation.
La société 2CF NET demande que le trouble commercial soit évalué à trois mois d’excédent brut d’exploitation, au lieu des deux mois retenus par l’expert, sans justifier sa demande qui sera donc rejetée.
L’indemnité pour trouble commercial de 17.000 euros proposée par l’expert est donc retenue.
Sur le double loyer
Cette indemnité est destinée à compenser le préjudice subi par l’exploitant évincé qui sera dans l’obligation de régler un double loyer, évaluée en l’espèce par l’expert à un mois d’indemnité d’occupation, soit 2.500 euros.
La société 2CF NET demande l’application d’un mois supplémentaire sans justifier sa demande qui est donc rejetée.
La somme retenue au titre du double loyer est donc de 2.500 euros.
Aucune des deux parties ne conteste les autres indemnités accessoires proposées par l’expert qui seront donc retenus :
– frais de déménagement : 9.800 euros,
– frais de réinstallation : 0 euro,
– frais administratifs et divers : 3000 euros.
Par conséquent, l’indemnité d’éviction est fixée de la manière suivante :
– valeur du droit au bail : 47.700 euros,
– indemnité de remploi : 11.300 euros,
– trouble commercial : 17.000 euros,
– double loyer : 2.500 euros
– frais de déménagement : 9.800 euros,
– frais de réinstallation : 0 euro,
– frais administratifs et divers : 3000 euros
Soit une indemnité d’éviction totale de 91.300 euros.
Sur l’indemnité complémentaire de perte de clientèle
Dans certains situations, en cas de possibilité d’un transfert de fonds, l’impossibilité de poursuivre l’activité dans les locaux loués fait néanmoins perdre au locataire évincé une partie de sa clientèle. Cette indemnité répare la perte par le preneur de la clientèle exclusivement liée à son emplacement, même en cas de transfert possible de l’activité
En l’espèce, il ressort des pièces produites et de l’expertise que l’activité exercée par la société 2CF NET implique la fidélisation d’une clientèle dans un contexte de forte concurrence économique et que l’adresse centrale et connue des clients depuis vingt ans était un véritable atout pour l’activité. Dès lors, l’obligation de transférer le fonds de commerce a une nouvelle adresse va nécessairement entraîner une perte partielle de clientèle, qu’il convient d’indemniser.
Cette indemnisation est usuellement calculée sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires, or la moyenne des chiffres d’affaires de la société 2CF NET des trois dernières années communiqués est calculée, aux termes de l’expertise, à la somme de 24.807.635 euros. Par conséquent, l’indemnité de 5.000 euros demandée par la société 2CF NET apparaît fondée et sera octroyée.
Sur la fixation de l’indemnité d’occupation sur le fondement de l’article L.145-28 du code de commerce
L’expert judiciaire retient une indemnité d’occupation annuelle de 29.800 euros à compter du 1er janvier 2019 jusqu’à la libération des locaux, qui correspond à la valeur locative sur laquelle est pratiquée un abattement de 10%.
La SCI demande que l’indemnité d’occupation soit fixée conformément aux propositions de l’expert judiciaire, après application d’un abattement de précarité de 10%, soit la somme de 29.826 euros HT, soit 35.791,20 euros TTC, par an, outre les charges, taxes et accessoires dus en application du bail, ladite indemnité devant être indexée à compter du 1er janvier 2020.
En réponse, la société 2CF NET demande que soit appliqué un abattement de précarité de 20%, plus équitable vu la réalité du dossier, soit une indemnité d’occupation qui doit être fixée à la somme de 26.500 euros par an (33.140 euros – 20%).
En vertu de l’article L. 145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, calculée d’après la valeur locative et en tenant compte de tous éléments d’appréciation.
En l’espèce, la société 2CF NET ne démontre pas dans quelle mesure le congé délivré par le bailleur l’a placée dans une situation de précarité exceptionnelle, justifiant un abattement de précarité de 20%.
Dès lors, la proposition de l’expert de voir fixer l’abattement de précarité à 10% sera retenue.
Par conséquent, l’indemnité d’occupation annuelle due par la société 2CF NET à la SCI à compter du 1er janvier 2020 est fixée à la somme de 29.800 euros HT.
Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’indexation de l’indemnité d’occupation de la SCI.
Il est rappelé que la possibilité pour le bailleur d’exercer son droit de repentir en application de l’article L.145-58 du code de commerce exclut la possibilité de condamner au paiement de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, ces sommes pouvant uniquement faire l’objet d’une fixation au présent dispositif et la compensation des sommes ne pouvant être ordonnée.
Sur la demande reconventionnelle de délais pour quitter le local loué
La société 2CF NET demande un délai de 6 mois à compter du jugement à intervenir pour quitter les lieux, faisant valoir la difficulté à retrouver un local présentant les mêmes caractéristiques notamment en terme de sécurité (caméras de surveillance, coffres-forts), indispensables à son activité de vente de cartes téléphoniques prépayées.
En réponse, la SCI fait valoir que la restitution des locaux est strictement réglementée par l’article L.145-29 du code de commerce, soit une remise dans un délai de trois mois à compter du versement de l’indemnité d’éviction ; que rien ne justifie qu’il soit dérogé à cette règle en application des articles L.145-28 et L.145-30 du code de commerce.
En application de l’article L.145-29 du code de commerce, en cas d’éviction, les lieux doivent être remis au bailleur à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la date du versement de l’indemnité d’éviction au locataire lui-même ou de la notification à celui-ci du versement de l’indemnité à un séquestre. A défaut d’accord entre les parties, le séquestre est nommé par le jugement prononçant condamnation au paiement de l’indemnité ou à défaut par simple ordonnance sur requête.
L’indemnité est versée par le séquestre au locataire sur sa seule quittance, s’il n’y a pas d’opposition des créanciers et contre remise des clés du local vide, sur justification du paiement des impôts, des loyers et sous réserve des réparations locatives.
En l’espèce, il convient de faire application dudit article et d’ordonner à la société 2CF NET de remettre les lieux loués dans un délai de trois mois à compter du paiement de l’indemnité d’éviction.
La demande de délai de six mois à compter du présent jugement pour remettre les lieux de la société 2CF NET est donc rejetée.
Sur les autres demandes
La présente instance et l’expertise judiciaire ayant eu pour cause la délivrance par la SCI d’un congé, il lui appartient d’en supporter les dépens, en ce compris les dépens liés à l’instance de référé.
La SCI sera également condamnée à payer à la société 2CF NET la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI est déboutée de sa demande sur ce même fondement.
Le bailleur disposant d’un droit de repentir, l’exécution provisoire de droit sera écartée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Constate que le bail liant les parties, portant sur les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] a pris fin le 31 décembre 2018 à 24 heures, par l’effet du congé délivré par le bailleur le 21 juin 2018,
Dit, en conséquence, que la demande de résiliation judiciaire du bail formulée par la SCI [Adresse 2] est sans objet,
Dit que ce congé ouvre droit au profit de la société 2 CF NET au paiement de l’indemnité d’éviction prévue par l’article L145-14 du code de commerce et au maintien dans les lieux jusqu’au versement de celle-ci ;
Dit que la SCI [Adresse 2] est en droit d’obtenir le paiement de l’indemnité d’occupation statutaire de l’article L145- 28 du même code à compter du 1er janvier 2019 ;
Déboute la SCI DES [Adresse 2] de sa demande de déchéance du droit au maintien dans les lieux et du droit à indemnité d’éviction de la société 2CF NET,
Fixe à la somme de 91.300 euros l’indemnité d’éviction due par la SCI [Adresse 2] à la société 2CF NET, la somme étant ainsi composée :
– valeur du droit au bail : 47.700 euros,
– indemnité de remploi : 11.300 euros,
– trouble commercial : 17.000 euros,
– double loyer : 2.500 euros
– frais de déménagement : 9.800 euros,
– frais de réinstallation : 0 euro,
– frais administratifs et divers : 3000 euros
Fixe à la somme de 5.000 euros l’indemnité au titre de la perte de clientèle due par la SCI [Adresse 2] à la société 2CF NET,
Fixe à la somme annuelle de 29.800 euros HT l’indemnité d’occupation due par la société 2CF NET à la SCI [Adresse 2], augmentée des charges et taxes prévues par le bail,
Déboute la SCI DES [Adresse 2] de sa demande d’indexation annuelle de l’indemnité d’occupation,
Rappelle que la possibilité pour le bailleur d’exercer son droit de repentir exclut la possibilité de condamner au paiement de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, ces sommes pouvant uniquement faire l’objet d’une fixation au présent dispositif,
Déboute la SCI [Adresse 2] de sa demande de compensation des sommes dues,
Déboute la société 2CF NET de sa demande tendant à voir « dire que la société 2CF NET disposera à compter du Jugement à intervenir d’un délai de six (6) mois pour pouvoir déménager, celle-ci s’acquittant de l’indemnité d’occupation fixée par le Tribunal »,
Condamne la SCI [Adresse 2] à payer à la société 2CF NET la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI [Adresse 2] aux entiers dépens, en ce compris les dépens liés à l’instance de référé.
Écarte l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 25 Janvier 2024.
Le GreffierLe Président
Christian GUINANDSophie GUILLARME