Indemnité d’éviction : 25 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12120

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Indemnité d’éviction : 25 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12120
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25 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/12120

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 7

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

(n° , 29 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12120 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBSN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 20/00021

APPELANT

EPFIF – ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ILE DE FRANCE

[Adresse 19]

[Localité 25]

représenté par Me Frédéric LEVY de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T0700

INTIMÉES

S.A.S. BEREPF II FRANCE TRINITÉ

[Adresse 16]

[Localité 27]

représentée par Me Leïla GOSSEYE de la SELARL ADDEN avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DE [Localité 33]

[Adresse 34]

[Adresse 34]

[Localité 26]

représentée par Monsieur [B] [H], en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Marie MONGIN, Conseillère

Madame Valérie GEORGET, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La Société BEREPF II France Trinité est propriétaire du bien immobilier situé [Adresse 1], sur la parcelle cadastrée section AI n°[Cadastre 15], sur la commune de [Localité 29]. Elle a souhaité vendre l’ensemble immobilier dont elle est propriétaire et a accepté l’offre d’achat de la SCI Batipart Pigalle, pour un montant total de 56.600.000 euros HT.

Le bien immobilier étant soumis au droit de préemption urbain, le propriétaire a avisé la ville de Paris de son intention de l’aliéner au prix de 56.600.000 euros HT au profit de la SCI Batipart Pigalle par courrier reçu le 23 décembre 2019, en application des dispositions de l’article L.213-2 du code de l’urbanisme.

Par acte d’huissier de justice délivré à la Société BEREPF II France Trinité (ci après la société BEREPF II), l’établissement public foncier d’Île-de-France (ci-après l’EPFIF) a exercé son droit de préemption urbain pour un prix de 27.000.000 euros, le 21 février 2020.

Par lettre recommandée du 13 mars 2020 avec avis de réception du 18 mars 2020, la Société Adden Avocats, en qualité de mandataire de la Société BEREPF II France Trinité, a notifié à l’EPFIF son désaccord sur le prix offert.

L’EPFIF a saisi le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Paris par un mémoire introductif d’instance aux fins de préemption de l’ensemble immobilier situé [Adresse 1] en vue de la fixation du prix à 27.000.000 euros et ses annexes le 27 mars 2020.

Par courrier du 20 avril 2020, la Société BEREPF II France Trinité a formé auprès de l’EPFIF un recours gracieux tendant au retrait de la décision de préemption en raison des illégalités dont elle est entachée. En l’absence de réponse de la part de l’EPFIF, la Société BEREPF II France Trinité a introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation de la décision de préemption du 19 février 2020.

Le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête en annulation. La Société BEREPF II France Trinité a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Paris. L’EPFIF et la Société BEREPF II indiquent à l’audience que la cour administrative d’appel a confirmé le jugement déféré.

Par ordonnance fixant la date de transport du 11 février 2021, le juge de l’expropriation près du tribunal judiciaire de Paris a fixé le transport sur les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 29], parcelle AI n°[Cadastre 15], le 31 mars 2021.

Par un jugement du 19 mai 2022, après transport sur les lieux le 15 février 2022, le juge de l’expropriation de Paris a :

Débouté l’EPFIF de ses demandes de communication de pièces ;

Fixé la date de référence au 27 août 2016 ;

Écarté la méthode par comparaison des places de stationnement ;

Retenu la méthode par comparaison au regard des terrains à bâtir sur la base de droits à construire ;

Fixé la valeur vénale des lots 5.001, 5.002, 5.003 et 5.005 de l’immeuble situé dans le [Localité 29] de la ville de [Localité 33] au [Adresse 1], sur la parcelle cadastrée section AI n°[Cadastre 15], à la somme de 56.600.000 euros ;

Condamné l’EPFIF à payer 5.000 euros à la Société BEREPF II France Trinité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné l’EPFIF aux dépens.

L’EPFIF a interjeté appel du jugement le 12 juillet 2022 aux motifs que le juge de l’expropriation a surévalué le montant de l’indemnité à revenir à la société BEREPF II France Trinité en ce qu’il a :

Débouté l’EPFIF de ses demandes de communication de pièces ;

Fixé la date de référence au 27 août 2016 ;

Écarté la méthode par comparaison correspondant à huit cents places de stationnement ;

Retenu la méthode par comparaison au regard des terrains à bâtir sur la base de droits à construire ;

Fixé à la somme de 56.600.000 euros la valeur vénale des lots de volume préemptés 5.001, 5.002, 5.003 et 5.005 de l’immeuble sis à [Adresse 1] dans le  [Localité 29], sur la parcelle cadastrée AI n°[Cadastre 15] ;

Condamné l’EPFIF à payer à la société BEREPF II France Trinité la somme de 5000 euros au titre de des dispositions l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ déposées au greffe le 12 octobre 2022 par l’EPFIF, notifiées le 12 octobre 2022 (AR intimé le 14 octobre 2022 et AR CG le 17 octobre 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Infirmer la décision de première instance ;

Par suite,

Fixer la valeur vénale des lots de volume 5.001, 5.002, 5.003 et 5.005 de l’immeuble sis à [Adresse 1], cadastré section AI n°[Cadastre 15] comme suit :

(800 × 34.000 euros = 27.000.000 euros) + (93 m² × 10.000 euros × 0,60) = 27.758.000 euros ;

Condamner la société BEREPF II France Trinité Ile de France à payer à l’EPFIF une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirmer le jugement pour le surplus.

2/ déposées au greffe le 15 février 2023 par la société BEREPF II France Trinité, intimée, notifiées le 16 février 2023 (AR appelant le 20 février 2023 et AR CG le 20 février 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Confirmer le jugement du juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Paris du 19 mai 2022 dans toutes ses dispositions ;

En conséquence, fixer le prix du bien à la somme de 56.600.000 euros ;

Rejeter l’ensemble des demandes, moyens et conclusions de l’EPFIF ;

Condamner l’EPFIF au paiement d’une somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.

3/ adressées au greffe le 27 décembre 2022 par le commissaire du gouvernement, notifiées le 10 mars 2023 (AR du 14 mars 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Confirmer le jugement de première instance en fixant la valeur vénale du bien préempté à la somme de 56.600.000 euros.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

L’EPFIF fait valoir que :

Concernant la description du bien, le bien préempté se situe sur la parcelle cadastrée AI n° [Cadastre 15] d’une superficie de 2.015 m². Elle supporte un immeuble édifié en 1962 de 14 niveaux, comprenant (Pièce 2A) :

Volume 5001 : à usage de station-service, 423 m², l’activité de station-service a cessé depuis 2005,

Volume 5002 : à usage d’atelier-boutique,

Volume 5003 : à usage d’atelier-dépôt,

Volume 5005 : à usage de parking édifié sur quatre niveaux en sous-sol, un rez-de-chaussée et neuf étages,

Environ 800 places pour les véhicules et 30 places pour les motos,

75 places de parking sont louées à long terme, d’autres places sont louées à l’heure actuelle.

L’immeuble se trouve dans le [Localité 29] à proximité du métro Trinité – d’Estienne d’Orves. Il est entouré par des immeubles d’habitation avec des activités au rez-de-chaussée. Le bâtiment est en bon état. La surface totale de bâtiment est de 22.764 m². La superficie des emplacements de stationnement est estimée à 10.000 m². La superficie des locaux commerciaux en cours d’exploitation est de 93 m². Le bien préempté ne fait à ce jour l’objet d’aucune demande de permis de construire pour changement d’usage ni, a fortiori, d’un permis de construire, il est fortement amianté à tous les étages (Pièce 4A). Une présomption de pollution des sols est à signaler au droit de la station-service.

Concernant la situation locative, le bien est intégralement loué. Un bail commercial a été conclu avec la Société du Parc Trinité d’Estienne d’Orves pour une exploitation de parc de stationnement le 17 décembre 2014 pour une durée ferme de douze années, renouvelable trois fois, soit une échéance finale en 2062. Il représente 87% des revenus locatifs du propriétaire. Une série de 66 baux civils de longue durée, ont été conclus représentant 75 emplacements de stationnement situés en infrastructures, pour lesquels les locataires versent le loyer en début de bail. Le rapport d’expertise produit en première instance révèle qu’un nombre important de ces baux ne prendront fin qu’à des échéances particulièrement tardives, 59 de ces baux ayant encore une durée à courir située entre 10 et 60 années (Pièce 5A). Cette situation locative est à la fois un atout pour un investissement type rente locative par un acteur immobilier spécialisé dans la gestion de portefeuilles comme l’acquéreur évincé, la rente locative du bien s’établissant environ à un montant net annuel de 1 million d’euros selon le rapport d’évaluation de la Société préemptée. Ce bien est typiquement un actif peu risqué pour amortir des pertes sur des investissements immobiliers plus risqués. II peut également servir de « réserve » le temps d’une nouvelle hausse spéculative du marché immobilier en vue d’une revente à un tiers et à la fois, à court terme, un lourd obstacle financier et économique à un rapide changement d’usage dans le cadre d’une opération de promotion immobilière. Le calcul du montant des indemnités d’éviction se situe selon les estimations entre 8 et 20 millions d’euros (Pièces 5A, 3A). Ce montant ne pourra pas substantiellement diminuer à court ou moyen terme par l’échéance des baux. En l’état, les conditions juridiques de résiliation des baux civils à longue durée pour savoir si des indemnités importantes sont prévues vers les preneurs en cas de résiliation anticipée des contrats ne sont pas connues. Le refus de communiquer ces baux exprimés par la Société BEREPF II France Trinité en première instance révèle la gêne du propriétaire sur les conséquences économiques d’un tel état locatif pour justifier d’une opération de démolition-construction en vue d’un changement d’usage. La Cour ne pourra que prendre en compte ces éléments pour qualifier l’usage effectif du bien à la date de référence, soit un parc de stationnement générant une rente locative.

Concernant la date de référence, conformément aux dispositions des articles L.213-4 et L.213-6 du code de l’urbanisme, lorsqu’un bien soumis au droit de préemption urbain fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique, la date de référence prévue à l’article L.322-2 du code de l’expropriation est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est située le bien. Au cas d’espèce, le juge de première instance a retenu comme date de référence le 27 juin 2016, date d’approbation de la dernière révision générale du plan local d’urbanisme de [Localité 33].

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Concernant la situation d’urbanisme, la parcelle est située en zone UG du plan local d’urbanisme de [Localité 33], zone urbaine générale.

Concernant la qualification juridique du bien, le premier juge a commis une erreur de qualification. Il a considéré que la méthode d’évaluation du bien préempté par comparaison à des immeubles à usage de parkings n’était pas pertinente dans la mesure où la valeur économique du bien serait attachée à ses droits à construire dans le cadre d’un projet de démolition-construction et non pas à son usage effectif, à savoir un immeuble de parkings dont la valeur économique est actuellement liée à son exploitation locative. En écartant la qualification du bien préempté au regard de son usage effectif et de sa consistance matérielle à la date de référence et du jugement, le premier juge a nécessairement commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits au regard des principes du code de l’expropriation. L’évaluation d’un bien exproprié ou préempté doit reposer sur l’évaluation d’un préjudice matériel, direct et certain lié à l’usage de la prérogative de puissance publique qu’est l’expropriation ou la préemption en application de l’article L.321-1 du code de l’expropriation. La consistance matérielle et juridique d’un bien exproprié est appréciée à la date de l’ordonnance d’expropriation et celle d’un bien préempté à la date du jugement de première instance d’après l’article L.322-1 du code de l’expropriation. La valeur d’un bien exproprié ou préempté est appréciée à la date du jugement de première instance d’après l’article L.322-2 du code de l’expropriation. L’usage effectif d’un bien exproprié ou préempté est apprécié à la date de référence, ces dispositions interdisant au juge de tenir compte des changements de valeur d’un bien exproprié ou préempté provoqués par l’annonce de travaux ou d’opérations de construction ou d’aménagement entreprises par des personnes publiques, en application des articles L.213-14 du code de l’urbanisme et L.322-2 du code de l’expropriation. Le Conseil constitutionnel (11 juin 2022 QPC 2021-915-916) a estimé que les dispositions de l’article L.322-2 du code de l’expropriation instituant le mécanisme de la date de référence étaient conformes à la Constitution, car l’interdiction qu’elles posent de tenir compte des hausses de valeur liées au projet de l’autorité publique est justifiée par un objectif d’intérêt général, la protection des deniers publics des effets spéculatifs. Aussi, si le projet de l’autorité expropriante ou préemptrice ne peut être pris en compte pour évaluer un bien, les juridictions judiciaires ont toujours refusé de prendre en compte les méthodes de valorisation tenant compte de l’usage futur d’un bien, principe dont le corollaire justifie d’écarter les cessions de droits à construire des références pertinentes. À l’inverse de ce que soutenait le commissaire du gouvernement en première instance, aucune disposition du code de l’expropriation ou de code de l’urbanisme ne permet de considérer que ces principes ne seraient applicables qu’en matière d’expropriation à l’exclusion de la préemption. En effet, l’article L.213-4 du code de l’urbanisme dispose que « le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation ». Le code de l’urbanisme, par ce renvoi, ne prévoit aucune exception aux règles de fixation du code de l’expropriation, hormis s’agissant de la détermination calendaire de la date de référence. Si en matière de préemption, le juge fixe un « prix » et non pas une « indemnité », pour autant, ces dispositions ont nécessairement pour effet de soumettre au même régime législatif les règles de fixation en matière de préemption et d’expropriation, ces dispositions permettant de considérer que la notion de prix est identique à celle d’indemnité à partir du moment où un texte législatif prévoit qu’un tel prix est fixé selon les règles du code de l’expropriation. Cela implique nécessairement que la valeur d’un bien bâti préempté ne peut être déterminée au vu de sa vocation future et donc son potentiel changement d’usage dans le cadre d’un projet de démolition-construction, et ce lorsqu’aucun élément au dossier ne permet de démontrer l’existence d’un projet de démolition-reconstruction précis et certain à la date de référence. Le projet futur de l’autorité préemptrice ne peut être pris en compte pour évaluer un immeuble préempté. Ensuite, une telle méthode d’évaluation serait potentiellement très attentatoire à l’égalité des propriétaires face aux charges publiques, puisque le prix des biens préemptés dépendrait de la valeur économique du projet de l’autorité préemptrice. Dans le cas d’un projet en zone tendue, une parcelle devant accueillir un projet de logements bénéficierait d’une valeur très importante en lien avec la commercialisation future de ces logements mais une parcelle devant accueillir un équipement public pour un service public administratif, dépourvu de valeur de commercialisation, verrait sa valeur économique considérablement diminuée. En second lieu, la prise en compte d’un projet éventuel d’un acquéreur potentiel n’est pas davantage conforme aux principes du code de l’expropriation. Enfin, une telle approche méconnait la règle, issue de l’article L.322-1 du code de l’expropriation, qui veut qu’un bien doit être apprécié en fonction de sa consistance matérielle et juridique à la date de l’ordonnance d’expropriation, ou à défaut, à la date du jugement si un transfert de propriété n’est pas encore réalisé. Et il est de jurisprudence constante que lorsqu’un bien est en bon état et entièrement loué, l’assimiler à un terrain à bâtir dont les constructions sont à démolir revient à nier sa consistance matérielle et juridique. Ainsi, dans l’arrêt du 14 février 2007, la cour d’appel d’Aix en Provence rejette la méthode de récupération foncière dans une affaire où un immeuble était loué et en bon état au motif qu’ « il y a lieu de prendre en compte la valeur vénale réelle de ce bien et non une valeur théorique de récupération foncière alors que les constructions sur ce terrain sont en partie encore louées et représentent une valeur qui ne peut être ignorée ». Si un terrain dont les constructions ne sont pas vétustes, qui plus est louées, est évalué en valeur de démolition/reconstruction, cela revient à faire totalement abstraction de sa consistance matérielle et juridique. Dans cette logique, tout [Localité 33] ne serait plus qu’un terrain à bâtir, peu important la consistance réelle des bâtiments qui y sont édifiés. Une telle méconnaissance de l’article L.322-1 du code de l’expropriation est d’autant moins admissible que tant au moment de la déclaration d’intention d’aliéner qu’au moment du jugement, aucun permis de construire n’avait été sollicité ni donc obtenu par le propriétaire.

Concernant l’impossibilité de la requalification du bien en terrain à bâtir, les conditions juridiques pour une requalification d’un bien bâti en terrain à bâtir ne sont pas réunies. Pour requalifier l’immeuble en terrain à bâtir, le juge de l’expropriation de première instance a estimé que sa valeur marchande du bien était uniquement liée à sa valeur d’échange dans le cadre d’une opération de démolition-construction. Ce faisant, le juge de l’expropriation a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l’article L.322-2 du code de l’expropriation imposant que l’usage effectif d’un bien exproprié ou préempté, c’est-à-dire sa qualification, soit apprécié à la date de référence. En effet, il apparaît constant qu’à la date de référence, le bien préempté est un immeuble bâti à usage de parking et de locaux commerciaux et non pas un terrain à bâtir. Au-delà de l’erreur de droit, il s’agit également d’une erreur de qualification juridique des faits, aucun élément au dossier ne permettant d’établir un changement d’usage précis et certain à la date de référence ou à celle de la conclusion de la promesse de vente. En premier lieu, l’immeuble bâti est considéré par l’ensemble des parties comme présentant un bon état, sans qu’aucune vétusté manifeste ne justifie qu’il soit nécessairement voué à la démolition après cession, comme cela ressort des photographies prises par la Société BEREPF II France Trinité, jointes à ses écritures en première instance. En second lieu, la Cour relèvera que l’immeuble fait l’objet d’une exploitation locative particulièrement rémunératrice, puisque le rapport d’expertise joint aux débats par la partie adverse en première instance permet de révéler que l’ensemble immobilier, à la date du jugement, est intégralement loué à des sociétés commerciales, principalement pour des activités de louage de places de stationnement. Le montant des revenus nets locatifs s’établit à un total de 1.015.014 euros. Le bien, exploité dès son acquisition en 2015 par la Société BEREPF II France Trinité est donc générateur d’un revenu important pour son propriétaire. La date d’acquisition est assez récente ce qui révèle que pour un acteur économique, l’intérêt financier lié au bien n’est pas strictement liée à son potentiel constructible. Le bâti dispose donc d’une valeur économique propre évidente, liée à sa rente locative, et constitue un actif patrimonial important pour son propriétaire. La promesse de vente rappelle expressément le droit à l’acquéreur à percevoir les loyers sur les biens cédés dès réitération, selon l’état locatif joint à l’avant contrat (Pièce 7A). Si la promesse de vente ne comporte aucune clause mentionnant un projet de construction, en revanche, elle comporte des clauses stipulant que le bénéficiaire de la promesse disposera d’un droit de regard sur l’ensemble des évolutions locatives au sein du bâtiment à compter de sa conclusion. Ainsi, le (I) de cette clause 13.2 relie expressément la « situation locative » du bien à « la valeur des Biens immobiliers », donnant droit à l’acquéreur la possibilité de refuser une modification de la situation locative si elle impacte négativement la valeur du bien. Parallèlement, aucune clause de la promesse ne permet de considérer que l’acquéreur avait pour projet, dès la conclusion de la promesse de vente, de procéder à l’éviction des occupants en vue de réaliser une opération de démolition-construction avec changement d’usage. En troisième lieu, la certitude d’un projet de démolition et de construction permettant d’établir un changement d’usage futur n’était pas acquise à la date de référence, soit le 27 août 2016, ni à la date du jugement du tribunal judiciaire de Paris. Au regard de l’ensemble de ces éléments, les conditions posées par la jurisprudence de la cour d’appel de Paris ne sont pas réunies pour requalifier l’immeuble préempté en terrain à bâtir. Aussi, le juge de l’expropriation en considérant que « la valorisation doit correspondre à celle résultant de sa mise sur le marché laquelle implique nécessairement la prise en compte du potentiel du terrain à bâtir à démolition », a manifestement violé les dispositions des articles L.322-1 et L.322-2 du code de l’expropriation, faisant fi de l’usage effectif du bien à la date de référence pour le requalifier indument en un « potentiel » de constructibilité ; et ce, sans pour autant disposer des éléments suffisants permettant d’établir la certitude d’un tel changement d’usage à cette même date.

Le jugement doit être infirmé sur ce point.

Concernant la méthode retenue par le premier juge, le premier juge a fixé la valeur du bien préempté à un montant de 56.600.000 euros uniquement en référence aux conclusions du commissaire du gouvernement sur la base de la méthode dite de la « charge foncière », sans apporter aucune appréciation circonstanciée sur la valeur unitaire de la surface de plancher constructible ni sur la surface de plancher réalisable. Cette méthode ne pouvait pourtant qu’être écartée. La méthode de la charge foncière est habituellement rejetée par les juridictions de l’expropriation au motif qu’elle est contraire aux principes édictés par les articles L.321-1 et suivants du code de l’expropriation qui veulent qu’un bien ne soit pas évalué en considération de sa valeur d’avenir. Encore une fois, un bien doit être évalué en fonction de ce qu’il est et non pas en fonction de ce qu’il pourrait être. Les jurisprudences les plus récentes des juridictions de l’expropriation écartent, par principe, cette méthode de la charge foncière (CA Lyon 15/03707 ; CA Rennes 17/00163 ; CA Versailles 18/06751).

Concernant l’impossibilité d’évaluer la valeur d’un bien bâti précisément sur la base d’une constructibilité théorique artificiellement calculée après démolition de l’existant, les juridictions de l’expropriation estiment en principe que l’évaluation d’un bien bâti selon sa constructibilité théorique maximale, en particulier pour un terrain bâti, est proscrite. L’évaluation du bien préempté dans le cadre de la méthode de la charge foncière présentait un très haut degré d’incertitude qui aurait dû conduire le juge à l’écarter. Or, l’analyse précise des biens concernés par ces ventes ne permet pas de conclure que les seuls droits à construire ont été valorisés pour l’ensemble de ces cessions, dès lors qu’elles ne portent pas sur la démolition d’un immeuble vétuste sans valeur intrinsèque pour un programme immobilier neuf mais sur la rénovation d’immeubles présentant des qualités immobilières intrinsèques évidentes, sans qu’il ne soit en outre établi un changement systématique de destination de ces bâtiments. Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement a artificiellement déduit une valeur unitaire de surface de plancher créée sur la base d’une surface de plancher reconstituée prévisionnelle, dans le cadre d’une simulation d’une démolition puis d’une reconstitution du bâtiment, présumant que le prix de cette vente serait déterminé par les droits à construire attachés au terrain à bâtir. Or, cette vente ne concerne pas une démolition-reconstruction mais un projet de rénovation d’un bâti existant, sans qu’il ne soit possible avec certitude de conclure à l’existence d’une cession de droits à construire. Il est parfaitement possible que les surfaces existantes aient été prises en compte pour valoriser le bien, en fonction de sa destination et de son état actuel, outre éventuellement les possibilités de changement d’usage qu’il pouvait offrir. Il apparaît que la valeur unitaire de la surface de plancher créée de 15.822,44 euros/m² est basée sur la comparaison de cessions concernant des cessions de biens à rénover, présentant pour la plupart des qualités patrimoniales et immobilières remarquables, et non pas de cessions concernant des démolitions-reconstructions d’immeubles de parkings. De telles cessions ne permettent pas de considérer qu’elles ont été uniquement valorisées sur la base d’un droit à construire attaché à un terrain à bâtir, sans considération de la valeur économique du bâti existant. La seule cession qui pourrait être éventuellement pertinente dans le cadre d’une méthode par la charge foncière laisse apparaître une valeur unitaire de la surface de plancher d’environ 3.600 euros/m². En tout état de cause, ces différents éléments démontrent le caractère purement incertain de la méthode de la charge foncière, les valeurs unitaires de la surface de plancher divergeant radicalement en fonction de la nature du bien existant, ses qualités intrinsèques et la nature du projet de l’acquéreur. Cette méthode doit être écartée.

Concernant l’incertitude quant à la constructibilité maximale théorique du bien préempté, le juge de première instance s’est basé sur le calcul de constructibilité maximale théorique effectuée par le commissaire du gouvernement pour considérer que le prix de 56.600.000 euros était cohérent avec le prix figurant à la promesse de vente, sans porter une appréciation circonstanciée sur le bien-fondé de ce calcul, n’évoquant aucune étude de faisabilité architecturale ni en vérifiant lui-même la réalité de cette constructibilité maximale théorique avec les règles du plan local d’urbanisme. Les conclusions du commissaire du gouvernement en première instance, qui font quasiment office de jugement dans ce dossier à défaut d’une quelconque appréciation circonstanciée du Tribunal, calculent la constructibilité maximale du terrain comme suit. Aussi, la surface au sol constructible est de 1.260 m² et non pas 1.751 m², ce qui invalide également les calculs du commissaire du gouvernement de la constructibilité maximale de ce terrain. En tenant compte du coefficient d’espaces libres, le commissaire du gouvernement aurait dû aboutir à une constructibilité théorique maximale de 6.300 m² (1.260 m² × 5). En conclusion, l’évaluation d’un bien en fonction de son potentiel constructible maximal sur les seules bases de l’emprise au sol et de la hauteur autorisées, comme cela a été effectué dans ce dossier, est complètement dépourvue de toute certitude. Il est constant qu’un tel potentiel constructible théorique ne tient pas compte de :

de l’ensemble des autres règles du PLU pouvant potentiellement limiter les droits à construire disponibles sur la parcelle, en particulier des règles de prospects et de gabarit-enveloppe du PLU de [Localité 33], dont aucun élément au dossier ne permet de justifier que leur application n’induirait pas une nouvelle baisse de constructibilité maximale,

de l’ensemble des autres éventuelles servitudes d’utilité publique qui peuvent limiter la constructibilité d’un terrain : plan de prévention des risques, servitudes aéronautiques, protections patrimoniales (abords des monuments historiques, sites patrimoniaux remarquables’),

de l’ensemble des contraintes environnementales, écologiques, topographiques et géologiques du terrain qui pourraient avoir une incidence sur sa constructibilité, ces contraintes pouvant typiquement conditionner la possibilité d’une partie de la programmation en sous-sol (qualité des sols, remontée de la nappe subaffleurante, …), voire même faire totalement obstacle à la réalisation d’un projet ou en renchérir considérablement son coût (découverte d’une pollution majeure dans les sols ou les eaux souterraines, gestion des eaux pluviales, identification de zones humides ou d’espèces protégées…),

de l’ensemble des contingences sociales, politiques et judiciaires liées à un projet de construction qui ne sont pas levées tant qu’un permis de construire purgé de tout recours n’a pas été obtenu : opposition d’associations, de riverains ou de la puissance publique qui peuvent conduire à redimensionner un projet, voire à l’abandonner ou à le faire annuler.

Pour ces raisons, le jugement doit être infirmé sur ce point, la méthode par comparaison en références à des biens de qualifications identiques au bien préempté doit être retenue, à savoir un immeuble à usage de parc de stationnement et de locaux commerciaux.

Concernant l’évaluation du bien préempté par l’autorité préemptrice, l’ensemble des termes de comparaison produits concerne des emplacements de stationnement situés à moins de 300 mètres du bien exproprié. Sur la base de ces cessions, l’autorité préemptrice proposait que le prix du bien préempté soit fixé à une valeur unitaire de 34.000 euros/unité, soit un prix global de 27.200.000 euros (800 places × [Cadastre 15].000 euros/place) arrondi à 27.000.000 euros. Il ressort des nouveaux termes produits par l’EPFIF que la valeur actualisée dont doit tenir compte la cour d’appel est sa propre évaluation des terrains à bâtir parisien, fixée en décembre 2021 à une valeur unitaire de 12.000 euros/m² (encombrement inclus) dans le 8ème arrondissement de Paris, soit le quartier le plus prisé de la capitale (Pièce 12A). En retenant une valeur unitaire de 12.000 euros/m² (terrain encombré), la valorisation du bien préempté en tant que terrain à bâtir serait de 24.180.000 euros (12.000 euros/m² × 2.015 m²). Une valorisation du bien en tant que terrain à bâtir serait donc inférieure à un valorisation du bien en fonction de sa valeur d’usage, étant relevé que dans ce cas, il faudrait par ailleurs appliquer un abattement pour occupation, lequel devrait être particulièrement important puisque le bail commercial qui le grève, signé le 17 décembre 2014, a une durée de 12 ans fermes renouvelable trois fois de sorte qu’il expire en 2062 (Pièce 13A) et que les 75 baux civils qui le grèvent sont de longues durées. Il en résulte qu’un abattement pour occupation de 50%, pour appliquer la méthode par comparaison serait légitime. Le prix proposé par l’autorité préemptrice de 27.558.000 euros à titre principal dans le cadre de la méthode par comparaison des immeubles à usage de stationnement et de locaux commerciaux apparaît en conséquence comme parfaitement cohérent et satisfactoire pour le propriétaire. Ainsi, toute méthode d’évaluation confondue, « le prix de cession de 56.600.000 euros, indiqué dans la DIA est manifestement excessif au regard du marché » (Pièce 2A). Le jugement doit être infirmé sur ce point et le prix de cession du prix préempté doit être fixé à 27.558.000 euros.

La Société BEREPF II France Trinité rétorque que :

Concernant la description du bien, l’ensemble immobilier concerné est situé [Adresse 1] dans le [Localité 29], sur la parcelle cadastrale référencée section AI n° [Cadastre 15], d’une contenance totale de 2.015 m². Le bien préempté, qui présente un long linéaire de façade sur rue, jouit d’une situation de premier ordre dans un quartier de [Localité 33] à forte notoriété comprenant de nombreux commerces. Comme constaté par le juge de l’expropriation lors du transport sur les lieux, l’ensemble immobilier bénéficie d’une grande hauteur sous plafond et d’une grande terrasse offrant une vue sur la tour Eiffel, le Sacré-C’ur et les Galeries Lafayette (Pièce 32I). Le bien est particulièrement bien desservi par les transports en commun : la gare Saint-Lazare est à 550 mètres, la station de métro Chaussée d’Antin à 650 mètres, la gare du Nord à 2 km et la gare de l'[31] à 2,3 km. L’EPFIF qui, aux termes de son mémoire en appel, se contente d’indiquer que le bien se trouve dans le [Localité 29], à proximité du métro Trinité ‘ d’Estienne d’Orves, omet ainsi de mentionner sa localisation au c’ur du quartier des affaires de [Localité 33] et les nombreux transports en commun qui desservent le site. L’ensemble immobilier qui est situé sur une parcelle cadastrale de 2.015 m², jouit, ainsi, d’une localisation exceptionnelle. Il se déploie sur 13 niveaux (9 niveaux de superstructure et 4 niveaux d’infrastructure) et totalise 22.764 m² de surface construite au sol. Il est divisé en cinq lots de volume.

La Société BEREPF II France Trinité détient directement les volumes 5.001, 5.002, 5.003 et 5.005. Le bien n’est grevé d’aucune servitude. En revanche, il bénéficie d’une servitude de passage de secours sur le fond sis [Adresse 22] (AI n°32 et AI n°33). Il est à usage principal de parc de stationnement public et pour abonnés et totalise, comme constaté par le juge de première instance lors du transport sur les lieux, 749 places de stationnement (Pièce 32I). Il comprend également des locaux commerciaux à usage d’agence de location de voitures, d’une superficie de 423 m².

Concernant la situation d’urbanisme, l’ensemble immobilier se situe en zone urbaine générale (UG) du plan local d’urbanisme de la ville de [Localité 33]. Si la parcelle en cause est en secteur de protection de l’habitation, de déficit en logement social et de compensation renforcée en cas de changement d’usage (changement d’usage d’habitation vers un usage commercial), elle n’est pas, à la date de référence, inscrite en emplacement réservé, ni pour le logement, social ou libre, ni pour un projet d’intérêt collectif. Tous les types de destinations sont donc admis et le plan local d’urbanisme de la ville de [Localité 33] n’impose nullement en cas de restructuration de l’immeuble que des surfaces d’habitat soient obligatoirement créées. En particulier, le fait que l’immeuble soit situé dans un secteur de protection de l’habitation et qu’il soit aujourd’hui à destination juridique de commerce n’a pas pour conséquence d’interdire tout projet qui ne serait pas à destination d’habitation. Cette situation impose seulement :

dans l’hypothèse où un projet prévoirait le maintien de surfaces à destination d’activités économiques, que les travaux ne devront pas conduire à une augmentation de plus de 10% de ces surfaces,

dans l’hypothèse où le bien ferait l’objet de travaux de reconstruction lourde portant sur la création de surfaces d’habitation d’y inclure a minima 30% de logements sociaux (article UG 2.2.3 du règlement du PLU). Il en résulte donc qu’une nouvelle construction pourrait parfaitement venir à terme s’aligner sur la hauteur des constructions voisines soit l’équivalent de 5 étages d’habitation, étant précisé que l’immeuble actuel est d’une hauteur équivalente à 4 étages d’habitation.

Concernant la situation locative, l’ensemble immobilier est loué dans son intégralité, pour l’exercice d’activités commerciales qui représente un loyer total annuel de 1.015.014 euros/an HT HC, à date du 1er juin 2019. La Société du Parc Trinité d’Estienne d’Orves est le locataire majoritaire et représente 87% du loyer. Titulaire d’un bail commercial, elle occupe depuis le 17 décembre 2014, l’intégralité des volumes 5.001, 5.002, 5.003 et 5.005, à l’exception des biens compris dans le périmètre des autres baux et conventions. Les surfaces occupées par la Société du Parc Trinité d’Estienne d’Orves sont à usage de parc de stationnement public et pour abonnés et de locaux administratifs. Dans le cadre de son bail commercial, la Société du Parc Trinité d’Estienne d’Orves sous-loue des places de stationnement ainsi que des espaces techniques en toiture pour l’installation d’antennes téléphoniques aux trois locataires suivants : la Société Autobella (6 places de stationnement), la Société Bouygues Telecom (antenne et espaces techniques), et la Société Orange (antenne et espaces techniques). Ainsi, l’ensemble immobilier n’est pas uniquement à usage de places de stationnement, mais accueille, également, sur une surface totale de 423 m² des activités commerciales faisant l’objet de baux commerciaux et autres contrats de location.

Concernant l’appréhension du bien sur le marché immobilier, aux termes de la décision datée du 19 février 2020, l’EPFIF a décidé d’exercer son droit de préemption urbain sur l’ensemble immobilier pour un montant ferme et définitif de 27.000.000 euros (Pièce 2I). Dans le contexte du recours actuellement pendant devant la cour administrative d’appel de [Localité 33] contre la décision de préemption et afin de justifier auprès du juge administratif de la réalité de l’opération ayant conduit à cette préemption, l’EPFIF a produit une « étude de faisabilité » datée du 17 février 2020 détaillant le projet qu’il va développer sur le bien (Pièce 33I). Il ressort de cette étude que l’EPFIF entend développer sur la parcelle un projet proposé par un candidat malheureux à l’appel d’offres privé lancé par la Société BEREPF II France Trinité, à savoir la mise en ‘uvre d’une constructibilité de 8.266 m² de surfaces de plancher de logements, soit 91 logements dont 30% de logements sociaux ainsi que 230 m² de commerces en rez-de-chaussée, avec le maintien de 168 places de stationnement en sous-sol. D’un point de vue architectural, l’EPFIF va procéder à une restructuration lourde de l’existant impliquant des opérations de démolitions partielles et de reconstruction. À la lecture de cette étude de faisabilité, il apparait donc clairement que l’EPFIF n’a pas établi son prix de 27.000.000 euros par comparaison avec les valeurs de marché pour des immeubles à usage de places de stationnement et/ou au regard de la valeur de places de stationnement prises individuellement mais exclusivement au regard de la méthode, qu’il dénonce pourtant, de la « charge foncière promoteur ». À cet égard, il faut signaler également que devant le juge administratif, l’EPFIF a produit « par erreur » une seconde étude de faisabilité non datée aux termes de laquelle il évoque une évolution de son projet autour de deux scénarios à savoir un scénario « 50% logement social /50% logement libre » et un scénario « 30% logement social /70% logement libre » (Pièce 12I). En fonction de cette évolution, l’EPFIF indique que son estimation du bien peut être non plus de 27.000.000 euros mais de 40.600.000 euros, preuve encore que l’EPFIF n’a jamais évalué le bien au regard la valeur de marché des immeubles de places de stationnement mais bien en fonction de son projet futur sur le site. En tout état de cause, la cour notera l’écart de plus de 50% entre les deux études de faisabilité produites. Il est donc évident qu’en proposant le prix de 27.000.000 euros, l’EPFIF avait parfaitement conscience de proposer un prix dérisoire, éloigné de la valeur réelle du bien. Cet écart de prix interroge également sur les méthodes d’acquisition de l’EPFIF qui ose, au détriment des propriétaires privés, acquérir des biens à des valeurs qu’elle sait parfois 50% plus élevées en se disant manifestement qu’en cas de propriétaires plus « récalcitrants », une offre amiable 50% plus élevée sera proposée… Au demeurant, il en ressort que l’EPFIF a préempté le bien en cause non pas comme un immeuble à usage de places de stationnement mais exclusivement comme un terrain à bâtir auquel est attaché actuellement des droits à construire afin d’y réaliser, après la mise en ‘uvre de travaux de reconstruction lourde, des logements dont une part de logements sociaux. Parallèlement, il faut préciser que la Société Batipart acquéreur évincé s’est portée candidate à l’appel d’offres dans le but non pas naturellement de poursuivre l’exploitation commerciale en parking mais d’y développer une opération immobilière. Ainsi, comme l’indique l’étude de faisabilité de l’EPFIF, la Société Batipart s’est portée acquéreur afin de développer une opération d’activité d’intérêt collectif à savoir une école et des espaces de coworking (Pièce 33I). Par ailleurs, la Société Batipart a consenti à acquérir le bien à hauteur de 56.000.000 euros en dépit du caractère occupé de l’immeuble et d’éventuelles contraintes liées à un accord des locataires actuels. En effet, aucune condition ou réserve liée à cette occupation n’a été imposée dans la vente (Pièce 14I). Il est donc constant, comme l’a relevé le premier juge, que l’ensemble des parties prenantes à cette acquisition et des acteurs du marché immobilier envisage le bien en cause non au regard de son usage de parking mais exclusivement des droits à construire qui y sont attachés.

Concernant la date de référence, aux termes de l’article L.322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, « les biens sont estimés à la date de la décision de première instance ». En l’occurrence, s’agissant d’un bien situé sur le territoire de la commune de [Localité 33], soumis au droit de préemption urbain mais non compris dans une zone d’aménagement différée, la date de référence est la date de la dernière approbation, révision ou modification du plan local d’urbanisme de [Localité 33] et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien. Il s’agit de la modification générale approuvée par délibération du conseil de [Localité 33] le 4 juillet 2016 et devenue opposable le 27 août 2016. Aux termes de ses conclusions d’appel, l’EPFIF ne conteste pas cette date de référence. La Société BEREPF II France Trinité demande également que la date de référence soit fixée au 27 août 2016. Le jugement du 19 mai 2022 doit être confirmé sur ce point.

Concernant la méthode d’évaluation retenue, la méthode par comparaison avec des places de stationnement ne peut être appliquée en l’espèce. Pour l’EPFIF, l’immeuble ne serait qu’une accumulation de places de places de stationnement prises individuellement. Il n’en est rien. S’il n’est pas contesté que la fixation, par le juge de l’expropriation, de la valeur vénale de biens préemptés est souvent faite au moyen de la méthode dite par comparaison en raisonnant avec des biens de même nature, encore faut-il, comme souligné dans le jugement attaqué, pouvoir apprécier le prix de vente par rapport aux prix de transactions portant sur des biens comparables en qualité et quantité. En effet, le bien préempté présente des spécificités (parc de stationnement public/abonnés et agence de location) et des qualités manifestes (localisation exceptionnelle, commercialité, etc…) qui en font un bien rare et recherché sur le marché de l’immobilier. À ce titre, et comme l’a constaté le commissaire du gouvernement en première instance (Pièce 6A), il s’avère impossible de trouver des transactions pour des biens similaires à savoir un immeuble d’envergure à usage commercial de parc public de stationnement et agence de location de voiture, en plein c’ur de [Localité 33]. C’est donc à juste titre que le juge de première instance a écarté la méthode par comparaison avec places de stationnement et qu’en conséquence le jugement doit nécessairement être confirmé sur ce point. Cette solution ne saurait être remise en cause par les valeurs de référence présentées par l’EPFIF en cause d’appel et qui devront nécessairement être rejetées. Si par extraordinaire, la cour d’appel entendait infirmer le jugement et appliquer la méthode par comparaison avec des places de stationnement/espaces commerciaux, elle constatera que les valeurs de références produites par l’EPFIF ne sont en rien comparables et devront donc être rejetées. Les termes de références produits ne peuvent pas être comparés avec le bien préempté puisqu’ils ne disposent pas d’un emplacement comparable ni des mêmes caractéristiques liées à l’unité des emplacements de stationnement qui se trouvent dans le bien préempté.

Concernant l’évaluation des espaces commerciaux, en cause d’appel et en réponse au jugement de première instance reprochant à l’EPFIF de ne pas tenir compte des espaces commerciaux, celui-ci propose d’évaluer les locaux commerciaux de l’immeuble dédié à la location de voitures, c’est-à-dire, ceux loués aux sociétés Rent-a-Car et SFR à la somme de 558.000 euros. Cette somme correspondrait à une valeur de 10.000 euros/m² à laquelle l’EPFIF appliquerait un abattement pour occupation de l’ordre de 40%. D’autre part, depuis avril 2022, le bail commercial conclu avec la Société Rent-a-Car a expiré. En conséquence, rien ne justifie que soit appliqué un abattement de 40% pour occupation étant souligné qu’en tout état de cause le montant de cet abattement est fixé de façon purement arbitraire par l’EPFIF sans aucune justification. Par ailleurs, sur la valeur de 10.000 euros/m² retenue par l’EPFIF, cette valeur est fixée suivant des termes de référence dont la pertinence est là encore largement discutable. Dans ce contexte, et si par extraordinaire la cour entendait appliquer la méthode par comparaison avec des places de stationnement/espaces commerciaux, ces termes de références seraient écartés ainsi que la demande d’abattement pour occupation. En l’absence de références comparables tant pour les places de stationnement que pour les emplacements commerciaux, il est donc impossible de s’appuyer sur la méthode de comparaison préconisée par l’EPFIF qui doit nécessairement être écartée. Par ailleurs, l’EPFIF ne peut sérieusement soutenir qu’il considère la méthode de comparaison avec des places de stationnement comme pertinente puisqu’en réalité il n’a lui-même jamais déterminé son prix de 27.000.000 euros en fonction de cette méthode. En effet, il ressort de la lecture de l’étude de faisabilité produite par l’EPFIF pour justifier de la préemption que son prix de 27.000.000 euros n’a pas été fixé au regard du prix du marché d’emplacements de stationnement à [Localité 33] mais exclusivement suivant la méthode par charge foncière. De fait, la cour ne pourra que constater que les termes de référence invoqués par l’EPFIF au titre de cette méthode n’ont été produits par pur opportunisme pour les seuls besoins de la procédure et dans une tentative vaine de donner à un prix l’apparence d’une légitimité juridique et économique. En conséquence, l’EPFIF abuse la cour lorsqu’il prétend avec acharnement que la valeur réelle du bien, au regard des prix pratiqués sur le marché pour des biens comparables, doit être évaluée à hauteur de 27.000.000 euros. En réalité, et contrairement à ce que l’EPFIF défend avec obstination, ce prix ne reflète en rien la valeur du bien sur le marché immobilier. Il n’est que le résultat de l’évaluation de la rentabilité future d’une opération immobilière intégrant, par choix purement politique, la construction de 50% de logements sociaux.

Concernant la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la méthode par comparaison avec des terrains à bâtir, l’EPFIF souligne longuement que la méthode d’évaluation par charge foncière est généralement écartée par les juridictions au motif qu’elle implique, contrairement aux principes tirés notamment des articles L.321-1 et suivants du code de l’expropriation, d’évaluer le bien en fonction de son utilisation future. L’EPFIF fait une lecture volontairement détournée du jugement attaqué. En critiquant ainsi la méthode par charge foncière, l’EPFIF reconnaît donc de lui-même que le prix de 27.000.000 euros qu’il a arrêté suivant cette méthode ne reflète pas la valeur réelle du bien et doit donc être écarté. L’EPFIF a donc préempté le bien en cause non pas comme un immeuble à usage de places de stationnement mais exclusivement comme un terrain à bâtir dans le but d’y réaliser, après la mise en ‘uvre de travaux de reconstruction lourde, des logements dont une part de logements sociaux. Parallèlement, la Société Batipart acquéreur évincé s’est portée candidate à l’appel d’offres non dans le but de poursuivre l’exploitation commerciale en parking ‘ la Société Batipart n’ayant pas vocation à exercer ce type d’activité commerciale ‘ mais d’y développer une opération immobilière. Il est donc constant que l’ensemble des parties prenantes à cette acquisition envisage l’ensemble immobilier non pas comme un immeuble à usage de places de stationnement mais exclusivement des droits à construire qui y sont attachés. Par conséquent, le prix de marché du bien en cause est bel et bien fonction des attentes qu’ont les acteurs de l’immobilier et en particulier l’EPFIF sur cet immeuble. Le juge de première instance a donc correctement appréhendé le bien en l’évaluant comme terrain à bâtir. En réalité, le potentiel de constructibilité pris en compte par le commissaire du gouvernement et par le juge de l’expropriation, à savoir 8.755 m² est cohérent, puisqu’il est très proche du potentiel de constructibilité développé par l’EPFIF lui-même dans son étude de faisabilité, à savoir 8.496 m². Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Concernant les termes de références retenus, le jugement retient ainsi un prix au m² de surface de plancher à hauteur de 6.464,87 euros/m² ramené à 28.089 euros/m² de terrain. L’application de cette méthode lui a permis de considérer que le prix de 56.600.000 euros (28.089 euros/m² × 2.015 m²) pouvait être valablement retenu.

Dans ce contexte, la pertinence des termes de références produits par le commissaire du gouvernement sera confirmée. En conséquence, le prix de 56.600.000 euros sera retenu. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Concernant par recoupement les autres méthodes, en tout état de cause à supposer même que la cour décide d’écarter la méthode par comparaison avec des terrains à bâtir retenue par le juge de première instance, la seule méthode alternative envisageable serait celle du bilan promoteur qui aboutit également à la fixation du prix à 56.600.000 euros. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la situation géographique, l’adresse [Adresse 4] dans le quartier [Adresse 38] du [Localité 29] s’insère dans le périmètre des quartiers centraux et du Quartier central des affaires, un secteur défini par les opérateurs immobiliers, très recherché pour son attractivité en matière de bureaux. Les transports publics sont assurés par les stations de métro Trinité – d’Estienne d’Orves et [Adresse 38] sur la ligne 12 et par l’ensemble ferroviaire de la gare [39] (trains, RER, métros) situé à environ 600 mètres.

Concernant la situation d’urbanisme, le règlement d’urbanisme de la ville de [Localité 33] intègre le site dans la zone urbaine générale, en secteur de protection de l’habitation, de déficit en logement social, de compensation renforcée en cas de changement d’usage, (bien à usage d’habitation vers un usage commercial), le plafonnement général de la hauteur pour les quartiers centraux est de 25 mètres. La voie étant bordée de filets, ici bleus, la hauteur maximale est de 18 mètres, mais peut être portée jusqu’à la hauteur maximale des bâtiments mitoyens par application de l’article UG11-1 du règlement d’urbanisme de [Localité 33]. Au règlement d’urbanisme de la ville de [Localité 33], la parcelle n’est pas inscrite en emplacement réservé, ni pour le logement social ou libre, ni pour un projet d’intérêt collectif. Enfin, l’estimation du bien doit être réalisée par rapport au règlement d’urbanisme actuellement en vigueur depuis le 27 août 2016, à savoir le PLU n°37 de 2016 DU1 s’agissant de la date de la dernière révision du plan d’urbanisme de [Localité 33], et date de référence applicable en l’espèce.

Concernant la description du bien, le bien est édifié sur la parcelle AI n°[Cadastre 15], d’une superficie de 2.015 m². Cette parcelle forme un rectangle présentant une large façade sur la [Adresse 37]. Elle est bordée de chaque côté par des immeubles à usage d’habitation. L’immeuble du numéro 10-12 est à usage de parking, il est édifié en R + 9 avec 4 niveaux en sous-sol, le total de la surface bâtie est de 22.800 m². La superstructure du bien comprend neuf étages, mais la hauteur du site ne dépasse pas le quatrième étage des immeubles d’habitation mitoyens. Le bien contient actuellement 800 places de stationnement, son usage est celui d’un parking public, loué à la Société du Parc Trinité d’Estienne d’Orves, enseigne Urbis Park Pigalle Théâtres, qui loue les places à des particuliers. L’état d’entretien du bâtiment est correct. Le bien est divisé en quatre volumes 5.001, 5.002, 5.003 et 5005, tous en pleine propriété de la Société BEREPF II France Trinité. Le bien actuellement à usage de parking a fait l’objet d’une promesse de vente entre la Société BEREPF II France Trinité et la Société Batipart Immo Europe Sarl, acquéreur, qui a pris l’engagement de construire dans un délai de quatre ans à dater de la signature de l’acte.

Concernant la situation d’occupation, l’immeuble est loué en totalité selon la répartition suivante. La Société du Parc Trinité d’Estienne d’Orves est le locataire principal et représente 87% des loyers totaux, pour un montant de 883.248 euros HT/HC/an. 53% la Société Rent-a-Car de location de véhicule loue 330 m² à usage de stationnement de véhicules et 93 m² à usage de bureaux pour un loyer de 115.397 euros/an. 75 emplacements situés en infrastructures sont loués à divers preneurs sous forme de baux de longue durée qui ne génèrent pas de revenus. La location directe d’une antenne est consentie à SFR pour un loyer 16.369 euros/an. La Société Parc Trinité d’Estienne d’Orves sous-loue des emplacements pour antenne aux sociétés Bouygues et Orange. Le bail de la Société Parc Trinité d’Estienne d’Orves peut être considéré comme un bail commercial, dont le terme arrive en décembre 2026 avec un droit au renouvellement susceptible néanmoins d’être interrompu contre le versement d’une indemnité d’éviction. Il est précisé que le mémoire de la partie intimée n’a pas été communiqué au jour de la rédaction des présentes conclusions. Le commissaire du gouvernement n’a pas eu connaissance d’une demande écrite et chiffrée en réponse. En application de l’article L.321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation. Le principe de la réparation intégrale implique que l’indemnisation due au titre de l’expropriation doit couvrir le dommage et uniquement le dommage, sans qu’il n’en résulte ni appauvrissement, ni enrichissement de la partie expropriée. En application de l’article L.321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation. La nature du bien objet de la présente évaluation indemnitaire a fait l’objet de discussion notamment au regard des critères de son utilisation et de sa destination. La valeur de ce bien doit donc être envisagée, en alternative, d’une part selon son utilisation actuelle à usage de parc de stationnement mais également d’autre part sous la forme d’une vente de droits à construire (charge foncière) selon la destination du bien envisagée par l’acquéreur. Aussi aucune restriction de changement d’usage ne pèse sur l’acquéreur, Il s’agit d’apprécier les valeurs des différents marchés et ne pas s’en tenir uniquement à son utilisation actuelle à usage d’emplacements de stationnement. Il est enfin précisé, en conformité avec la décision de première instance, que seule la méthode par comparaison est retenue pour l’estimation de ce bien immobilier à l’exclusion de la méthode d’évaluation dite du compte-à-rebours ou du bilan opérateur.

Concernant l’étude de marché sur la valeur des terrains à bâtir à partir des ventes de droits à construire. S’agissant de cette méthode de valorisation et dans le cadre d’un marché immobilier actif, l’usage de ce bien peut être modifié par la réalisation d’une opération de démolition-reconstruction ou une opération de restructuration lourde. Ce changement d’usage est envisageable au regard du règlement d’urbanisme de [Localité 33] qui, sur le secteur concerné, limite les changements d’usage des locaux d’habitation vers des USi commerciaux (Protection de l’habitation et secteur de compensation renforcée), mais ne contient pas d’autres restrictions. Le règlement d’urbanisme ne restreint donc pas en l’espèce le changement d’usage en parc de stationnement mais permet au contraire d’envisager la réalisation d’autres projets de construction, implique la prise en compte du potentiel de cette parcelle en qualité de terrain à bâtir. En outre, cette valorisation correspond également à l’intention de changement de destination du bien pour tirer profit de ce potentiel au regard des projets de construction envisagés aussi bien par l’acquéreur, la Société Bâtipart, que par l’autorité préemptrice. Dès lors, une étude de marché portant sur des ventes de droits à construire (ou de surface de plancher) a été effectuée. En raison de l’emplacement, dans le quartier central des affaires, cette recherche a porté principalement sur les projets de construction ou de restructuration à usage de bureaux, un projet de construction dédié à l’habitation est également cité. La bonne configuration du site, avec une large façade sur rue, rare pour les bâtiments de ce périmètre, permet la réalisation de divers projets. Cinq projets sont cités, et permettent de situer les valeurs de vente des droits à construire ou des surfaces de planchers destinées à une restructuration lourde. Il ressort des mutations retenues, avec des projets et des emplacements divers, la valeur moyenne extraite de ces termes de références est de 23.265,14 euros/m², avant engagement de travaux importants par l’acquéreur. En excluant le cinquième terme en raison de son emplacement exceptionnel, la valeur moyenne dégagée par ces ventes s’élève à 15.822,44 euros/m² (63.289,79 euros/m² ÷ 4). En matière de vente d’immeubles destinés à la reconstruction ou la restructuration lourde, il est impossible de parvenir à la même homogénéité des termes de références qu’en matière de vente d’appartements ou de locaux commerciaux. Chaque vente présente des aspects particuliers et porte sur des projets différents. Dans cette étude, tous les termes sélectionnés portent sur des ventes de biens à restructurer entièrement et constituent donc de véritables terrains à bâtir sur le marché parisien. Deux termes de comparaison ont fait l’objet d’une reconstitution de surfaces et présentent donc une moindre fiabilité par rapport à ceux dont les surfaces de plancher sont indiquées dans les actes. Cette reconstitution a néanmoins suivi une démarche prudente, visant à obtenir une valeur au m² pondéré, ce qui permet une comparaison objective. En outre, il convient de préciser les éléments d’analyse suivants. Parmi les ventes citées, celle du [Adresse 17] présente l’avantage de porter sur un projet de construction à usage d’habitation comportant à la fois des logements sociaux et une crèche de 36 berceaux, qui sont des biens neufs vendus à des prix inférieurs aux prix du marché « libre ». L’acte de vente présente également un descriptif relativement détaillé du bien ainsi que des travaux à entreprendre pour sa transformation, ce qui permet d’inclure clairement la mutation comme une vente de terrain à bâtir. Dès lors, l’estimation en tant que terrain à bâtir est calculée à partir de la charge foncière dégagée soit le prix qu’un promoteur est prêt à engager pour chaque mètre carré de surface de plancher envisagée avant les travaux de construction et l’ensemble des coûts afférents au projet. En référence à la valeur du prix de vente du terrain [Adresse 17], qui intègre des éléments objectifs modérant sa valeur, tels que la construction de logements sociaux et d’une crèche, la valeur ressort à 8.859,65 euros/m². Le prix de vente du bien [Adresse 1] est de 56.600.000 euros. Ce montant doit être ramené au mètre carré de surface de plancher qui peut être réellement obtenu par un permis de construire. Le potentiel de constructibilité doit s’apprécier en fonction des règles d’urbanisme applicables à cette parcelle. Ces règles expriment une contrainte sur la hauteur maximale, mais ne présentent aucune réserve sur la destination des biens, le parking peut être démoli et le nouveau bâtiment peut être destiné à un usage de bureau, d’habitation ou de service collectif. La surface actuelle du site est estimée à 22.764 m² déployés sur 13 niveaux. L’assise foncière de la parcelle AI n°[Cadastre 15] est de 2.015 m² avec une surface actuellement construite de 1.751 m² par niveaux, soit 86,89% de la surface au sol (1.751 ÷ 2 015). En retenant cette hypothèse de constructibilité, de 1.751 m² sur cinq niveaux en superstructure, ‘ les neuf niveaux actuels en étages correspondant aux normes d’un garage ‘ le potentiel de surface de plancher) peut être estimé à 8.755 m². Dans cette perspective, le prix au m² de surface de plancher du bien est de 6.464,87 euros/m². (56.600.000 ÷ 8.755 m²). Ce prix est donc inférieur à la valeur moyenne extraite de l’étude de marché qui est de 15.822,44 euros/m². La valeur de la surface de plancher est également inférieure au prix de vente du projet du 37/39 avenue Trudaine, projet le plus comparable, contenant une partie de logements sociaux avec une crèche et situé dans le même arrondissement pour un prix unitaire de 8.859,65 euros/m². La valeur moyenne issue de ces ventes d’emplacement de stationnement est de 34.828 euros/unité (487.591 ÷ 14). Cette valeur a été appliquée à 800 emplacements de stationnement, soit 27.862.400 euros (800 places × 34 828 euros/unité). L’offre de l’EPFIF a été formulée sur cette base. Elle ne correspond toutefois pas totalement à la réalité objective du bien à usage de parking, car il est occupé par un exploitant commercial, ce qui génère un revenu locatif en tant que parking public payant.

Cette situation doit être prise en compte. Le loyer annuel est de 1.015.014 euros HT. En retenant un taux de capitalisation de 3% (rentabilité sur 33,3 ans), la valeur obtenue est de 33.833.800 euros (1.015.014 euros/an × 33,3 ans). Une valeur prenant en compte la composition physique du bien mais également sa réalité commerciale et administrative de parking public doit être logiquement formulée. Il est donc proposé de retenir une valeur moyenne entre la valeur issue des ventes d’emplacement de stationnement en tant que lot de copropriété et de la valeur induite par le revenu locatif : (27.862.400 euros + 33.833.800 euros) ÷ 2 = 30.848.100 euros. Cette valeur est ainsi proposée si le bien est apprécié à son usage de places de stationnement, soit un prix de 30.848.100 euros. En conséquence, il convient d’écarter la méthode par comparaison correspondant à la somme des valeurs de huit cents places de stationnement.

En conclusion et en l’état, le commissaire du gouvernement se fonde sur la confirmation du jugement rendu par la juridiction du premier degré en ce qu’il afixé la valeur vénale de ce bien immobilier pour la somme totale de 56.600.000 euros.

SUR CE, LA COUR

– Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l’article R 311-26 du code de l’expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l’appel étant du 12 juillet 2022, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.

À peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L’intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l’espèce, les conclusions de l’EPFIF du 12 octobre 2022, de la société BEREPF II du 15 février 2023 et du Commissaire du gouvernement du 27 décembre 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

– Sur le fond

Aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s’impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’il juge nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la réserve d’une juste et préalable indemnité.

L’article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l’article L 211-5 du code de l’urbanisme, tout propriétaire d’un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l’acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu’il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de 2 mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques.

À défaut d’accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation selon les règles mentionnées à l’article L 213-4.

En cas d’acquisition, l’article 213-14 est applicable.

Aux termes de l’article L 213-4 du code de l’urbanisme, à défaut d’accord amiable le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment l’indemnité de remploi.

Conformément aux dispositions de l’article L 322-2, du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération – sous réserve de l’application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code – leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L’appel de l’EPFIF porte sur le débouté de ses demandes de communications de pièces, sur la date de référence fixée au 27 août 2016, sur le rejet de sa demande de la méthode par comparaison, sur la méthode retenue par comparaison au regard de terrains à bâtir sur la base de droits à construire, sur la fixation du prix du bien préempté à la somme de 56.600.000 euros et sur l’article 700 du code de procédure civile.

1° sur le rejet de la demande de communication de pièces.

L’EPFIF a formé appel sur le débouté de ses demandes de communication de pièces.

L’EPFIF ne formant aucune demande de ce chef ni dans le dispositif de ses conclusions, ni dans ses motifs, le jugement déféré sera confirmé sur ce point, la cour ne statuant que que sur les prétentions, énoncées au dispositif en application de l’article 954 alinéa3 du code de procédure civile.

2° sur la date de référence

Le premier juge en application des articles L322-1 du code de l’expropriation et des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l’urbanisme, s’agissant d’un bien soumis au droit de préemption a fixé la date de référence au 27 août 2016, correspondant à la dernière révision générale du PLU version N°37, référence 2016 DU1, résultant de la dernière décision du 4 juillet 2016 opposable le 27 août 2016.

L’EPFIF a formé appel sur la date de référence, mais indique dans ses conclusions qu’il ne conteste pas cette date de référence et il ne demande donc pas l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions.

La société BERERPF II et le Commissaire du gouvernement demandent la confirmation.

En conséquence, en l’absence de contestation des parties, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

3° sur les données d’urbanisme

A cette date de référence, le premier juge n’a pas mentionné les données d’urbanisme.

L’EPFIF, la société BEREPF II et le Commissaire du gouvernement indiquent qu’à cette date la parcelle est située en UG du PLU de [Localité 33], zone urbaine générale (pièce EPFIF N°6).

L’EPFIF est en désaccord sur son application par la Société BEREPF II et le Commissaire du gouvernement; ce point sera étudié ci après.

4° sur la consistance du bien

Le bien prempté est édifié sur la parcelle AI [Cadastre 15], d’une surface de 2015 m².

Cette parcelle en forme de rectangle présente une large façade sur la [Adresse 37], elle est bordée de chaque côté par des immeubles à usage d’habitation.

L’immeuble du numéro 10-12 est à usage de parking, il est édifié sur dix niveaux en surface (R+9) et de quatre niveaux en sous-sol, le total de la surface bâtie étant de 22’800 m².

La structure du bien comprend neuf étages, la hauteur du site ne dépasse pas le quatrième étage des immeubles d’habitation mitoyens.

Le bien contient 800 places de stationnement, son usage est celui d’un parking public, loué à la Société du parc Trinité Etienne d’Orves, enseigne Urbis Pigalle Théatres , qui loue les places à des particuliers.

L’état d’entretien du bâtiment est correct.

Le bien est divisé en quatre volumes, numéros 5001, 5002, 5003 et 5005 tous en pleine propriété de la société BEREPF II.

L’EPFIF souligne que le bien préempté ne fait l’objet d’aucune demande de permis de construire ni de changement d’usage, qu’il est fortement amianté à tous les étages (pièce numéro quatre) et qu’une présomption de pollution des sols est à signaler au droit de la station-service ; qu’il ressort de l’expertise produite en première instance (pièce numéro cinq) qu’un nombre important de baux prendront fin à des échéances particulièrement tardives, 59 de ces baux sur 65 ayant encore une durée entre 10 et 60 ans et que la cour ne pourra que prendre en compte ces éléments pour qualifier l’usage des biens à la date de référence, soit un parc de stationnement générant une rente locative.

La Société BEREPF II indique que son ensemble immobilier présente un long linéaire de façades sur rue, qu’il jouit d’une situation de premier ordre dans un quartier de [Localité 33] à forte notoriété comprenant de nombreux commerces ; que comme constaté par le juge de l’expropriation lors du transport sur les lieux, il bénéficie ‘d’une grande hauteur sous plafond et d’une grande terrasse offrant une vue sur la tour Eiffel, Sacré-C’ur et les Galeries Lafayette’ ; il dispose également d’une excellente desserte par les transports en commun :

‘la Gare [39] à 550 m sud-ouest, avec les lignes de Transilien L, J, TER, RER A à la station Auber et les lignes de métro 3,12, 13 et 14 ;

‘la station de métro Chaussée-d’Antin lignes 7 et 9 à 650 m ;

‘la station de métro Trinité d’Estienne d’Orves à 250 m ;

‘la Gare du Nord à 2 km ;

‘la Gare de l'[31] à 2,3 km ;

‘l’aéroport [30] à 26 km au nord ;

‘l’aéroport d'[Localité 32] à 27 km au sud.

Elle ajoute que son ensemble immobilier qui est situé dans une parcelle cadastrale de 2015m², jouit, d’une localisation exceptionnelle, en plein c’ur du [Localité 29] de [Localité 33], qui constitue l’un des quartiers les plus recherchés tant par les acteurs économiques par les particuliers en recherche d’appartements.

Elle précise qu’il comprend 749 places de stationnement et des locaux commerciaux à usage d’agence de location de voiture d’une superficie de 423 m², et non de 93 m² comme indiqué par l’EPFIF ; que l’ensemble immobilier n’est grevé d’aucune servitude et qu’en revanche, il bénéficie d’une servitude de passage de secours sur le fond sis [Adresse 22].

Le Commissaire du gouvernement indique que le [Adresse 4] se trouve dans le [Localité 29] de [Localité 33], quartier [Adresse 38], et s’insère dans le périmètre des quartiers centraux et du quartier central des affaires, secteur défini par les opérateurs immobiliers, très recherché pour son attractivité en matière de bureaux.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

S’agissant de la date à laquelle le bien doit être estimé, il s’agit de celle de la première instance, soit le 19 mai 2022.

5° sur la méthode

Le premier juge après avoir écarté la méthode par comparaison des places de stationnement demandée par l’EPFIF, a retenu la méthode par comparaison au regard des terrains à bâtir sur la base de droits à construire et fixé la valeur du bien préempté à la somme de 56.000.000 euros.

L’EPFIF demande l’infirmation et de retenir la méthode par comparaison ; il conclut à titre subsidiaire à titre de recoupement, sur l’évaluation du bien selon sa valeur de « terrain à bâtir » sur [Localité 33] et à titre également subsidiaire et également par recoupement, sur l’évaluation du bien selon la méthode de la charge foncière.
La société BEREPF II demande la confirmation et conclut à titre de recoupement sur les autres méthodes.

Le commissaire du gouvernement conclut à titre principal à une indemnisation à partir d’une vente de terrain à bâtir pour la valeur de 56.000.000 euros et à titre subsidiaire à une indemnisation à partir d’une vente de parking pour une valeur de 30.848.100 euros ; il indique qu’en conclusion, il conclut à la confirmation du jugement.

A méthode par comparaison des places de stationnement et des locaux commerciaux

En première instance, à l’appui de sa demande de retenir la méthode par comparaison, l’EPFIF n’a proposé que des références correspondant à des places de stationnement ; en appel, elle propose également des références pour les locaux commerciaux.

1° Les références de parcs de stationnement

L’EPFIF reprend les références produites en première instance, correspondant à la recherche par le commissaire du gouvernement en appel par les prix de vente de parking, soit une étude sur les années 2018 et 2019 dans un périmètre de 300 m autour du [Adresse 4], faisant apparaître des prix de vente compris entre 25’000 euros et 40’000 euros avec les références de publication et cadastrale :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

Prix unitaire en euros

année construction

Observations

T1

1° février 2018

[Adresse 6]

[Localité 29]

13

30’000

1970

Garage’parking

T2

13 février 2018

[Adresse 9]

[Localité 29]

15

31’000

1967

Garage’parking

T3

21 décembre 2018

[Adresse 12]

[Localité 29]

16

33’000

1967

Garage’parking

T4

25 avril 2018

[Adresse 23]

13

30’000

1970

Garage’parking

T5

30 mai 2018

[Adresse 23]

12

25’000

1970

Garage’parking

T6

13 juillet 2018

[Adresse 23]

10

38’500

1970

Garage’parking

T7

1° août 2018 10 octobre 2018

[Adresse 23]

12

40’000

1970

Garage’parking

T8

19 décembre 2018

[Adresse 23]

12

30’000

1970

Garage’parking

T9

27 décembre 2018

[Adresse 23]

13

40’000

1970

Parking

T10

14 juin 2019

[Adresse 23]

12

[Cadastre 15]”091

1970

Garage’parking

T11

14 octobre 2019

[Adresse 23]

12

40’000

1970

Garage’parking

T12

22 octobre 2019

[Adresse 23]

10

35’000

1970

Garage’parking

T13

8 février 2018

[Adresse 23]

12

40’000

1970

Garage’parking

T14

8 février 2018

[Adresse 14]

[Localité 29]

11

41’000

1970

Garage’parking

moyenne

34828

La société BEREPF II indique que comme l’a constaté le juge de première instance, la qualité et la rareté de l’ensemble immobilier rendent impossible l’utilisation de la méthode par comparaison avec des places de stationnement, l’immeuble ne pouvant être vu comme un simple « agrégat de places de stationnement » pris individuellement.

Le commissaire du gouvernement indique que l’offre de l’EPFIF a été formulée à partir de cette valeur à partir de 800 emplacements de stationnement soit : 800 X 34’828= 27 862 400 euros mais quelle ne correspond toutefois pas totalement à la réalité objective du bien à usage de parking, car il est occupé par un exploitant commercial, ce qui génère du locatif en tant que parking public payant ; il propose donc à partir du loyer annuel hors-taxes de 1 015’014 euros, en retenant un taux de capitalisation de 3 %, d’ajouter cette valeur de 33’833’800 euros, ce qui aboutit à un prix de 30’848’100 euros.

Comme l’indique exactement le premier juge, à partir de ces références proposées par l’EPFIF sur la base d’une valeur unitaire, en la multipliant par 800 emplacements de stationnement, cela exclut toute analyse du marché et ne tient pas compte des qualités du bien, à savoir à ses spécificités (parcs de stationnement public/abonnés et agences de location) et de ses qualités manifestes tenant à sa localisation exceptionnelle et à sa commercialité, qui en font un bien rare et recherché sur le marché immobilier ; cettevalorisation aboutit uniquement en effet à un simple agrégat de places de stationnement vendues à l’unité, situées dans des garages ou parking accessoire à des immeubles de bureaux ou d’habitation, situées au centre de la capitale.

Ces termes de comparaison non comparables en consistance ne peuvent donc être retenus.

L’EPFIF propose un nouveau terme en appel à savoir une vente du 20 mars 2018 entre l’EPFIF et la SCI RAMEY concernant un immeuble sis [Adresse 21] constitué d’un immeuble à usage principal de parcs de stationnement automobile comprenant trois niveaux de sous-sol, cinq étages droits et une toiture terrasse, disposant de 227 places de stationnement, pour un prix global de 5’500’000 euros, soit une valeur unitaire de 25’560 euros par box de stationnement fermé (202) soit une valeur unitaire de 15’588 euros par emplacements de stationnement toiture terrasse (25), selon fixation judiciaire par un jugement du grande instance de Paris du 27 avril 2017 (pièces numéro 9 et 10) ; il ajoute que le tribunal avait non seulement rejeté la méthode par capitalisation des revenus mais également la méthode par la charge foncière, estimant qu’un tel immeuble pouvait être évalué au regard de son usage effectif, à savoir un immeuble à usage de stationnement dont la valeur globale à déterminer en fonction de la valeur unitaire d’un parc de stationnement et du nombre de box que l’immeuble contient.

Outre l’ancienneté de cette référence de plus de quatre ans, celle-ci se trouve dans un autre arrondissement à savoir le 18e arrondissement de [Localité 33], qui n’est pas comparable et elle ne présente pas les qualités du bien préempté que ce soit en termes de localisation, de consistance et commercialité ; il s’agit en effet d’un immeuble construit sur une parcelle réduite de 770 m² et d’une emprise de 673 m² n’intégrant que 202 box fermés et 25 places de stationnement et il se trouve situé selon les termes du jugement « dans une impasse discrète et calme’.

Ce terme non comparable en localisation et en consistance sera écarté.

L’EPFIF invoque enfin un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 juin 2019 concernant des biens à usage d’emplacements de stationnement situés [Adresse 35] à [Localité 33], évalués sur une base de 20’000 euros par emplacement (pièce numéro 11).

Ce terme correspond à trois box de stationnement situés dans un immeuble de trois étages en « état d’abandon et d’insécurité » et n’est donc pas comparable ni en localisation, ni en consistance ; il sera donc écarté.

2° les références de locaux commerciaux

L’EPFIF indique que le jugement lui reprochant de ne pas avoir évalué des locaux commerciaux du bien préempté situés en rez-de-chaussée de l’ensemble immobilier, il se prévaut de cinq références en appel avec les références de publication et cadastrale :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Superficie utile/m²

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

T1

15 décembre 2016

[Adresse 2]

72,07

650’000

9019

Libre

local commercial en rez-de-chaussée avec parking

T2

13 décembre 2016

[Adresse 24]

36,79

400’000

10’872

Libre

local commercial en rez-de-chaussée avec parking en sous-sol

T3

16 septembre 2016

[Adresse 2]

72,07

395’283

5485

Libre

local commercial rez-de-chaussée avec parking

T4

13 mars 2016

[Adresse 10]

Paris XIIe

62,67

195’000

3112

Occupé

local commercial rez-de-chaussée occupé par un café, loyer de 10’007 euros annuels, bail de 2008

T5

quatre septembre 2015

[Adresse 13]

330

1’970’000

5970

Libre

rez-de-chaussée à usage de magasins, entrepôts et bureaux et deux étages à usage de bureaux

Ces références datant de plus de cinq ans sont trop anciennes ; en outre, il s’agit de cession de fonds de commerce portant sur des locaux commerciaux situés tous dans un autre arrondissement à savoir le 12e arrondissement non comparable et correspondant en outre à des fonds de commerce de proximité en bas d’immeubles dont la commercialité n’est pas comparable avec les locaux commerciaux compris dans l’immeuble préempté.

Ces termes non comparables seront donc écartés.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement écarté la méthode par comparaison des places de stationnement demandée par l’EPFIF.

B méthode par comparaison au regard de terrains à bâtir sur la base de droits à construire

Le premier juge a retenu la méthode par comparaison au regard des terrains à bâtir sur la base de droits à construire proposée par le commissaire du gouvernement en indiquant que cette approche permet d’appréhender le bien comme un terrain à bâtir dans le cadre d’une opération de destruction et de construction de 2015m² de plancher, ce qui est manifestement conforme avec le projet de l’autorité préemptrice et la volonté des parties résultant de la promesse de vente conclue entre la société BEREPFF II et la société Batipart concrétisant l’état du marché ; que la valorisation du bien doit correspondre à celle résultant de sa mise sur le marché laquelle implique nécessairement la prise en compte du potentiel du terrain à bâtir après démolition.

L’EPFIF demande l’infirmation en indiquant que le premier juge a commis une erreur de qualification juridique concernant le bien préempté, puisque l’évaluation d’un bien exproprié ou préempté doit reposer sur l’évaluation d’un préjudice matériel, direct et certain lié à l’usage de la prérogative de puissance publique qu’est l’expropriation ou la préemption en application de l’article L321-1 du code expropriation; que la consistance matérielle et juridique d’un bien exproprié ou préempté est appréciée à la date de l’ordonnance d’expropriation et celle d’un bien préempté à la date du jugement de première instance en application de l’article L322-2 du code de l’expropriation ; que la valeur d’un bien exproprié ou préempté est appréciée à la date du jugement de première instance en application de l’article L322-2 du code de l’expropriation ; que l’usage effectif du bien exproprié ou préempté est apprécié à la date de référence, ces dispositions interdisant au juge de tenir compte des changements de valeur d’un bien exproprié ou préempté provoqué par l’annonce des travaux d’opération de construction d’aménagement entrepris par des personnes publiques en application des articles L 213-14 du code de l’urbanisme et L 322-2 du code de l’expropriation.

Il ajoute que l’article L213-4 du code urbanisme dispose que le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation, et que cela implique nécessairement que la valeur d’un bien bâti préempté ne peut être déterminé au vu de sa vocation future et donc de son potentiel changement d’usage dans le cadre d’un projet de démolition-construction, et cela alors qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer l’existence d’un projet de démolition reconstruction précis et certain à la date de référence ; que le projet futur de l’autorité préemptrice ne peut être pris en compte pour évaluer un immeuble préempté, une telle méthode d’évaluation qui est potentiellement très attentatoire à l’égalité des propriétaires face aux charges publiques puisque le prix des biens préempté dépendrait de la valeur économique du projet de l’autorité préemptrice et que la prise en compte d’un projet éventuel d’un acquéreur potentiel n’est pas davantage conforme aux principes du code de l’expropriation ; qu’au cas d’espèce, les conditions juridiques pour une requalification d’un bien bâti en terrain à bâtir ne sont pas réunies, et qu’à la date de référence, le bien préempté est un immeuble bâti à usage de parking et de locaux commerciaux et non pas à un terrain à bâtir.

La société BEREPF II demande la confirmation en versant aux débats une « étude de faisabilité » du 17 février 2020 détaillant le projet que l’EPFIF va développer sur le bien, et en indiquant que l’EPFIF n’a pas établi son prix de 27 millions d’euros par comparaison avec les valeurs de marché pour des immeubles à usage de places de stationnement/ou au regard de la valeur de la stationnement pris individuellement mais exclusivement au regard de la méthode, qu’il dénonce pourtant, de la « charge foncière promoteur » ; elle verse également une seconde étude de faisabilité non datée avec deux scénarios à savoir : scénario « 50 % logement social/50 % logement libre » et un scénario de « 30 % logement social/60 % logement libre » (pièce numéro 12) correspondant à une estimation non plus de 27’000 euros mais de 40’600’000 euros ; il en ressort que l’EPFIF appréhende l’ensemble immobilier non pas comme un immeuble à usage de stationnement mais exclusivement comme un terrain à bâtir auquel est attaché actuellement des droits à construire afin d’y réaliser, après la mise en ‘uvre de travaux de reconstruction lourds, des logements dont une part de logements sociaux ; il est donc constant, que l’ensemble des parties prenantes à cette acquisition (BEREPF II/Batipart/EPFIF) et des acteurs du marché immobilier envisagent l’ensemble immobilier non au regard de son usage de parking mais exclusivement des droits à construire qui sont attachés.

Le commissaire gouvernement conclut finalement à la confirmation de cette méthode et sur le montant fixé par le premier juge du prix du bien préempté.

L’EPFIF fait donc valoir que la méthode retenue par le premier juge revient à indemniser un préjudice qui est purement éventuel, car elle intègre de nombreuses variables, que seul un permis de construire effectivement délivré permet d’identifier la constructibilité réelle d’un terrain.

S’agissant de la méthode d’évaluation, il est de principe que le juge de l’expropriation dispose du pouvoir souverain du choix de la méthode qui lui apparaît la plus adaptée pour fixer le prix du bien préempté.

La méthode retenue par le premier juge par comparaison au regard des terrains à bâtir sur la base de droits construire a été validée par la Cour de cassation par un arrêt du 16 septembre 2015 numéro 14-21920 dans les termes suivants :

L’auteur du pourvoi en cassation a fait valoir des moyens similaires à l’argumentation avancée par l’EPFIF dans ces termes (l’article L13-15 étant devenu l’article L 322-2 du code de l’expropriation et l’article L13-13 devenu l’article L321-1 dudit code) :

« 1/que l’usage effectif des biens et les possibilités de construction doivent être appréciées à la date de référence, soit en l’espèce, s’agissant d’un bien objet d’un droit de préemption, à la date de la publication de l’acte créant la zone d’aménagement différé fixé par l’article L214-4 a du code de l’urbanisme ; que le juge ne saurait dès lors se fonder, pour évaluer le bien préempté, sur les potentialités futures de l’immeuble en prenant en considération la plus-value pouvant résulter des opérations d’aménagement envisagé ; qu’en se fondant pour évaluer l’indemnité de dépossession due à la SCI, sur « l’utilité réelle du bien » résultant du « potentialité de construction de l’immeuble dans un quartier en pleine rénovation », et en prenant ainsi en considération la vocation future de l’immeuble contenu des opérations d’aménagement envisagé, la cour d’appel a violé l’article L13-15 du code de l’expropriation ;

2°/que les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ; qu’en se fondant pour évaluer le bien litigieux sur la méthode dite de la charge foncière consistant à indemniser les droits à bâtir que peut générer un terrain après démolition de la construction qu’il occupe, quand en l’absence de permis de construire et à tout le moins d’un projet concret de construction, le préjudice ainsi indemnisé est nécessairement éventuel, la cour d’appel a violé l’article L13-13 du code de l’expropriation ».

La Cour de cassation a en effet rejeté le pourvoi en indiquant : « mais attendu qu’ayant, par motifs adoptés, souverainement choisi la méthode et les termes de comparaison qui lui sont apparues les mieux adaptés à l’évaluation du bien préempté, la cour d’appel, qui n’a indemnisé que les droits à construire qui existent effectivement sur le terrain en cause à la date de référence, compte tenu de ses caractéristiques, et qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions formulées sans offre de preuve, a pu, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant relatif à la rénovation du quartier, évalué le terrain selon les possibilités légales et effectives de construction ».

En l’espèce, la date de référence est fixée au 27 août 2016.

S’agissant des possibilités légales et effectives de construction, critère fixé par la cour de cassation, à cette date de référence, le bien préempté est situé en zone urbaine générale du PLU de [Localité 33] et tous types de destinations y sont admis ; si la parcelle est en secteur de protection d’habitation, de déficit en logement social et de compensation renforcée en cas de changement d’usage d’un bien à usage d’habitation vers un usage commercial, elle n’est pas inscrite dans un emplacement réservé, ni pour le logement, social ou libre, ni pour un projet d’intérêt collectif ; la seule contrainte est l’obligation si un projet de construction de logements est prévu qu’une part de logements sociaux à hauteur de 30% soit obligatoirement incluse.

Sur les possibilités de constructibilité, le PLU autorise dans cette zone une hauteur maximale des constructions de 18 m, la voix étant bordée de filets, ici bleus, mais peut être portée jusqu’à la hauteur maximale du bâtiment mitoyen par application de l’article UG11-1 du règlement d’urbanisme de [Localité 33].

Si l’EPFIF fait état du fait que le commissaire du gouvernement n’a pas tenu compte des dispositions de l’article UG 13 du PLU qui imposent de réserver à des espaces verts de pleine terre un coefficient de 50 % en dehors de la bande Z (15 m à compter de la voie publique), ces dispositions ne sont pas applicables aux immeubles qui comme en l’espèce occupent entièrement le terrain d’assiette et dont le bâti est entièrement conservé à l’occasion d’une opération de restructuration lourde.

Cette méthode par comparaison au regard des terrains à bâtir sur la base des droits à construire peut donc être retenue, sans nécessité qu’il y ait permis de construire, en évaluant le bien selon ses possibilités légales et effectives de construction à la date de référence.

En outre, le projet de l’EPFIF au regard des études de faisabilité versées par la société BEREPF II n’est pas la poursuite de l’exploitation du parking, mais la réalisation d’un ouvrage destiné à accueillir des logements sociaux et des locaux commerciaux et donc à l’accueil du public de telle sorte que les opérations de construction sont nécessaires, la première étude étant datée du 17 février 2020, soit antérieure au jugement et la seconde étude étant non datée ; de plus, la société BATIPART a été désignée comme lauréat de cette consultation, un concurrent nommé EMERIGE a alerté la Ville de [Localité 33] au sujet de cette opportunité, laquelle a missionné l’établissement public pour étudier la faisabilité d’un projet de création de logements ; ce document démontre donc qu’au jour de la notification de la déclaration de préemption, l’EPFIF avait connaissance de l’existence d’un accord conclu pour la vente du bien préempté pour un prix déterminé résultant d’une mise en concurrence et reflétant ainsi l’état du marché immobilier dans la Ville de [Localité 33].

En conséquence, agissant de cette méthode de valorisation et dans le cadre d’un marché immobilier actif, l’usage de ce bien peut être modifié par la réalisation d’une opération de démolition-reconstruction ou d’une opération de restructuration lourde, ce changement d’usage étant envisageable au regard du règlement d’urbanisme de [Localité 33], qui sur le secteur Trinité du [Localité 29], limite le changement d’usage des locaux d’habitation vers des usages commerciaux (protection de l’habitation et secteur de compensation renforcée), mais qui ne contient pas d’autres restrictions ; en effet, le règlement d’urbanisme ne restreint donc pas le changement d’usage en parc de stationnement mais permet au contraire d’envisager la réalisation d’autres projets de construction, ce qui implique la prise en compte du potentiel de cette parcelle en qualité de terrain à bâtir et cette valorisation correspond également à l’intention de ce changement de destination du bien et de tirer profit de ce potentiel au regard des projets de construction envisagée aussi bien par l’acquéreur la société BATIPAT que par l’autorité préemptrice.

S’agissant des règles invoquées par l’EPFIF de l’expropriation applicables en préemption, et de la décision du Conseil Constitutionel du 11 juin 2021, QPC N°2021-915/916 sur l’application de l’article L 322-2 du code de l’expropriation, l’article L213-4 du code de l’urbanisme dispose que le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation, et que le prix doit donc, sauf disposition contraire, être fixé selon les règles définies par le code de l’expropriation (article 331-1 du code de l’expropriation), par contre en matière de préemption l’alinéa 4 de l’artcile L 322-2 du code de l’expropriation qui dispose que quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu’ils sont constatés par des actes de vente, ou opérations dont la déclaration publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d’utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l’enquête publique de travaux publics dans l’agglomération où est situé l’immeuble n’est pas applicable.

Il convient en conséquence d’examiner les références proposées uniquement par le commissaire du gouvernement, dans le cadre de cette méthode par comparaison au regard des terrains à bâtir sur la base de droits à construire.

Il précise que l’étude de marché proposée porte sur des ventes de droits à construire (de surface de plancher).

Il recense cinq ventes, mais en écarte une située [Adresse 3], en raison de l’emplacement exceptionnel. Il précise que l’étude de marché proposée porte sur des ventes de droits à construire (ou de surface de plancher), des projets de construction ou de restructuration à usage de bureaux, mais qu’un projet de construction dédié à l’habitation est également cité ; que la bonne configuration du site, avec une large façade sur rue, pour les bâtiments de ce périmètre, permet la réalisation de divers projets ; que la bonne configuration du site, avec une large façade sur rue, rare pour les bâtiments de ce périmètre, permet la réalisation de divers projets, et que les projets cités permettent de situer une valeur de vente des droits à construire des surfaces de plancher destinées à une restructuration lourde.

Il ajoute qu’en matière de vente d’immeubles destinés à la reconstruction ou de restructuration lourde, il est impossible de parvenir à la même homogénéité des termes de référence qu’en matière de vente d’appartements de locaux commerciaux ; que chaque vente présente des aspects particuliers et porte sur des projets différents, que l’analyse de ce marché vise donc à obtenir une valeur de référence indicative et à la confronter avec le prix du bien préempté, que tous les termes sélectionnés portent sur des ventes de biens à restructurer entièrement et constituent donc de véritables terrains à bâtir sur le marché parisien ; que deux termes de comparaison font l’objet d’une reconstitution de surface et présentent donc une moindre fiabilité par rapport à ceux dont les surfaces de plancher sont indiquées dans les actes, que toutefois cette reconstitution a néanmoins suivi une démarche prudente, visant à obtenir une valeur au m² pondéré, ce qui permet une comparaison objective.

Il propose les quatre termes suivants avec les références de publication :

CG1 : vente du 16 octobre 2016 : [Adresse 7], [Adresse 11] et [Adresse 28] pour une surface totale de 29’788,80 m², prix de 524’659’529,49 euros hors TVA soit 17’612,64 euros/m² (de surface de plancher), destinée à une restauration lourde ;

CG2 : vente du 25 juillet 2019 :[Adresse 8]u et [Adresse 5], surface totale de 4868,5 m², prix de 106 267’200 euros hors TVA, soit 21’826,50 euros/m² de surface de plancher, destinée à une restructuration lourde ;

CG3 : vente du 2 février 2016 : [Adresse 20] , surface de 4638 m², prix de 69’974’350 euros hors TVA, soit 14’990 euros/m² de surface de plancher, destinée à une restructuration lourde.

Le commissaire du gouvernement précise que cette vente présente l’avantage de porter sur un projet de construction à usage d’habitation comportant à la fois des logements sociaux et un CINASPIC (de 36 berceaux), qui sont des biens neufs vendus à des prix inférieurs aux prix du marché « libre » ; que l’acte de vente présente également un descriptif relativement détaillé du bien ainsi que les travaux à entreprendre pour sa transformation, ce qui permet d’inclure clairement l’habitation comme une bande de terrains à bâtir ; que ces deux critères font de ce terme de référence un point de comparaison très pertinent ;

CG4 : vente du 24 novembre 2016 : [Adresse 18], surface de 4119,80m², prix de 36’500’000 euros hors TVA, soit 8859 65 euros/m²de surface de plancher, destinée à une restructuration lourde.

L’EPFIF indique que l’évaluation sur la base de la charge foncière suppose que l’ensemble de ces cessions concernent des biens destinés à la démolition avec la certitude que la valeur du bâti existant n’a pas été prise en compte dans la valeur de ces cessions et que le prix a été uniquement déterminé au regard du projet de construction de l’acquéreur sans lien avec celle du bâti qu’il a parallèlement acquis ; que l’analyse de ces ventes ne permet pas de conclure que les seuls droits à construire ont été valorisés pour l’ensemble de ces cessions dès lors qu’elles ne portent pas sur la démolition d’un immeuble vétuste sans valeur intrinsèque pour un programme immobilier neuf mais sur la rénovation d’immeuble présentant des qualités immobilières intrinsèques évidentes, sans qu’il ne soit en outre établi un changement systématique de ces batiments.

Cependant, la société BEREPF II indique à juste titre qu’à [Localité 33] il n’y a quasiment plus de terrain à bâtir et que très peu d’opérations intégrent une démolition totale de l’existant et qu’en outre, l’EPFIF n’entend pas lui-même procéder à une opération de démolition totale et de restructuration de l’ensemble immobilier, puisque son étude de faisabilité du 17 février 2020, indique qu’elle exclut une démolition totale de l’immeuble mais qu’il s’agit de travaux de démolition partielle (planchers et parties de l’immeuble) et de restructuration lourde seule, l’enveloppe extérieure étant conservée.

L’EPFIF indique en outre que la cession du bien sis [Adresse 36] pourrait être intéressante dans le cadre de la méthode de la charge foncière dans la mesure où elle concerne en revanche bien un projet de démolition-recontruction ; que cependant, le commissaire du gouvernement ne pratique pas à sa ‘recontruction’ de la valeur unitaire du m² de SDP, calculant uniquement la valeur unitaire du terrain à batir sur le prix de cession sans tenir compte des droits à construire s’attachant à cette parcelle ; que le bâtiment est construit sur six étages sur une parcelle de 214m², ce qui revient à une surface de plancher globale de 1284 m², soit un prix de surface de plancher de 3582euros/m² de SDP, ce qui correspond à une valeur de la charge foncière beaucoup plus cohérente que les valeurs unitaires proposées par le commissaire du gouvernement.

Cependant, dans ses conclusions d’appel, le commissaire du gouvernement ne propose pas cette référence qui a été retenu par le premier juge mais non par la cour.

L’EPFIF souligne enfin l’incertitude quant à la constructibilité maximale théorique du bien préempté, l’évaluation réalisée par le commissaire du gouvernement étant effectuée sur la base d’une destination fictive, évoquant alternativement à usage de bureaux, de logements ou de CINASPIC, alors que la valeur unitaire de la surface de plancher créée ne peut être identique en fonction de la destination retenue et que les calculs de la société BEREPF II et du commissaire du gouvernement du potentiel constructif maximal sont faux et ne reflètent pas la constructibilité effective du terrain ; en effet, au regard des règles de la zone UG s’appliquent les règles suivantes :

-règle de hauteur : le filet bleu clair comme apposé au règlement graphique le long de la parcelle implique une hauteur limitée à 18 m (article UG 10. 2. 2) ;

-règles d’espaces verts : sur tout terrain dont la profondeur est supérieure à celle de la «bande Z » (15 m à compter de la voie publique), les espaces publics doivent correspondre à au moins 50 % de la superficie du terrain situé hors de la bande Z.

Il ajoute que la société BEREPF II invoque dans le rapport d’expertise qu’elle produit la possibilité de réaliser une construction en R+7, soit huit étages, alors que le PLU limite la constructibilité de la parcelle à 18 m et que seuls six étages peuvent être réalisés dans le cadre d’un projet de construction et que ce rapport fait une application erronée des règles d’espaces verts, retenant uniquement un coefficient de 40% de la surface comprise en dehors de la bande Z, ce qui signifie que l’emprise dédiée aux espaces libres doit être en réalité de (604/0,4) X 0,5= 755 m.

Ainsi la surface de plancher constructive théorique maximale serait de (2015-755 m) X6= 7560 m² non pas de 9580 m².

Il indique les conclusions du commissaire du gouvernement invoquent une emprise au sol constructive de 86,89 %, soit une surface de terrain constructible au sol de 1751 m², une constructibilité en élévation sur cinq étages ; la surface constructible au sol de 755 mètres en retenant un coefficient d’espace est de 50 %.

Cependant, comme déja indiqué s’agissant des dispositions de l’article UG 13 du PLU qui imposent de réserver des espaces verts de pleine terre le coefficient de 50 % en dehors de la bande Z (bande de 15 m à compter de la voie publique), ces dispositions ne sont pas applicables aux immeubles qui comme en l’espèce occupent entièrement le terrain d’assiette et dont le bâti est entièrement conservé à l’occasion d’une opération de structuration lourde.

S’agissant des références du commissaire du gouvernement retenues par la cour, le commissaire du gouvernement mentionne qu’en application des règles d’urbanisme, une nouvelle construction peut s’aligner sur les hauteurs des constructions voisines soit cinq étages, d’autant plus aisément que la parcelle est située en retrait de l’alignement moyen des bâtiments qui bordent la voie ; qu’en outre, deux termes de comparaison ont fait l’objet d’une reconstitution de surface et présentent donc une moindre fiabilité par rapport à ceux dont la surface de plancher est indiquée dans les actes, mais que cette reconstitution a néanmoins suivi une démarche prudente, visant à obtenir une valeur m² pondérée, ce qui permet une comparaison objective.

Il convient donc de retenir les quatre mutations pertinentes proposées par le commissaire du gouvernement correspondant à une étude de marché sur la valeur des terrains à bâtir à partir des ventes de droits à construire.

La valeur moyenne dégagée par ces quatre ventes est de 63 289,79 / 4= 15 822,44 euros/m².

La référence à privilégier est la vente du 37/39 avenue Trudaine (pièce n°15) qui porte à la fois sur un projet de restructuration lourde à usage d’habitation comportant à la fois des logements sociaux et un CINASPIC (crèche de 36 berceaux) qui sont des biens neufs vendus à des prix inférieurs au prix du marché libre. Cette référence correspond en outre à la valeur la plus basse soit 8 859,65 euros/m².

Au regard des règles d’urbanisme applicables, notamment la contrainte de hauteur, il convient de retenir le potentiel de constructibilité de l’ensemble immobilier de 8 755 m² de surface de plancher invoqué par le commissaire du gouvernement, qui a souligné que son approche est ‘prudente’, à savoir :

la surface du site est estimée à 22 764 m² sur 13 niveaux, l’assiette foncière de la parcelle AI [Cadastre 15] est de 2015 avec une surface construite de 1751 m² par niveaux, soit 86,89% de la surface au sol (1751/2015) ; avec une constructibilité de 1751 m² sur 5 niveaux en superstructure (les 9 niveaux actuels correspondant aux normes d’un garage), le potentiel de SDP (Surface de Plancher) est de : 1751 X 5= 8755 m².

Le prix au m² de SDP du bien est de (56 600 000 / 8755)=6464,87 euros/m², soit à un prix inférieur à la valeur moyenne de l’étude de marché qui est de 15822,44 euros et la valeur de la surface de plancher est également inférieure au prix de vente du projet du 37/30 avenue Trudaine, projet le plus comparable. Et ce prix ne valorise pas les quatre niveaux de sous-sol qui peuvent être loués ou vendus.

Dans le cadre d’un achat pour démolition et reconstruction, les occupants titulaires de baux commerciaux ou de baux de longue durée doivent faire l’objet d’une éviction, entrainant un dédommagement.

Il convient de prendre en compte la proposition du commissaire du gouvernement non critiquée, à savoir à partir de la valeur au m² du projet 37-29 avenue de Trudaine, la différence de prix avec l’acquisition du [Adresse 1] de :

(8 859,65 – 6 464,67)= 2 394,98 euros/m².

Ce montant rapporté à l’ensemble du projet, estimé sur la base de 8 755 m², fait apparaître un potentiel de financement des évictions commerciales de : (2 394,98 X 8 755) = 20 968 049,9 euros.

Au total, le prix au m² de terrain, ramené à la surface de la parcelle AI34 est de (56 600 000 / 2015)= 28 089 euros/m².

Le prix du bien préempté correspond donc à : 28 089 euros/m² X 2 015m² = 56 599 335 euros.

Dans le cadre d’une vente avec engagement de construire, le montant de 56 600 000 euros porté sur la DIA correspond donc à l’étude de marché du commissaire du gouvernement retenue par la cour.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement retenu la méthode par comparaison au regard des terrains à bâtir sur la base de droits construire et fixé la valeur vénale du bien préempté à la somme de 56 600 000 euros.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné l’EPFIF à payer à la société BEREPF II la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de débouter l’EPFIF de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et de le condamner sur ce fondement à verser la somme de 5000 euros à la société BEREPF II France Trinité.

– Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance.

L’ EPFIF perdant le procès sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Statuant dans la limite de l’appel ;

Confirme le jugement entrepris ;

Déboute les parties de demandes plus amples ou contraires ;

Déboute l’EPFIF de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’EPFIF à verser la somme de 5 000 euros à la société BEREPF II Trinité France au titre article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l’EPFIF aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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