Indemnité d’éviction : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 22/00025

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Indemnité d’éviction : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 22/00025

25 janvier 2023
Cour d’appel de Bastia
RG
22/00025

Chambre civile

Section 2

ARRÊT n°

du 25 JANVIER 2023

n° RG 22/25

N° Portalis DBVE-V- B7G-CC2W JD – C

Décision déférée à la cour : jugement au fond, origine tribunal paritaire des baux ruraux de Bastia, décision attaquée du 16 décembre 2021, enregistrée sous le n° 20/5

[AW]

C/

[S]

[AW]

[B]

[G]

[D]

[H]

[C]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

VINGT-CINQ JANVIER

DEUX-MILLE-VINGT-TROIS

APPELANT :

M. [P] [AW]

né le 1er juin 1988 à [Localité 59] (Haute-Corse)

[Adresse 63]

[Localité 72]

Représenté par Me Florence ALFONSI, avocate au barreau de BASTIA

INTIMÉS :

M. [A] [S]

né le 11 novembre 1948 à [Localité 60] (Corse)

[Adresse 78]

[Localité 48]

Représenté par Me Marie-Josée BELLAGAMBA, avocate au barreau de BASTIA

M. [M] [S]

né le 2 octobre 1949 à [Localité 60] (Corse)

[Adresse 1]

[Localité 19]

Représenté par Me Marie-Josée BELLAGAMBA, avocate au barreau de BASTIA

M. [T] [S]

né le 21 juillet 1956 à [Localité 75] (MAROC)

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 13]

Représenté par Me Marie-Josée BELLAGAMBA, avocate au barreau de BASTIA

M. [EB] [S]

né le 15 janvier 1959 à [Localité 71] (Vosges)

[Adresse 45]

[Localité 25]

Représenté par Me Marie-Josée BELLAGAMBA, avocate au barreau de BASTIA

M. [U] [AW]

né le 5 juillet 1989 à [Localité 59] (Haute-Corse)

[Adresse 64]

[Localité 74]

Représenté par Me Marie-Josée BELLAGAMBA, avocate au barreau de BASTIA

Mme [J] [B]

[Adresse 76]

[Localité 22]

Représentée par Me Jean-François MARIANI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me PERINO SCARCELLA, avocate au barreau de BASTIA

Mme [XH] [G]

[Adresse 46]

[Localité 22]

non comparante, non représentée

M. [NV] [S]

[Adresse 77]

[Adresse 77]

[Localité 50]

non comparant, non représenté

M. [F] [S]

[Adresse 62]

[Localité 49]

non comparant, non représenté

Mme [DK] [S]

[Adresse 70]

[Localité 23]

non comparante, non représentée

Mme [CU] [D]

[Adresse 54]

[Localité 47]

non comparante, non représentée

Mme [O] [H]

[Adresse 61]

[Adresse 61]

[Localité 47]

non comparante, non représentée

M. [A] [S]

[Adresse 43]

[Localité 73]

non comparant, non représenté

Mme [Y] [C]

[Adresse 53]

[Localité 26]

non comparante, non représentée

Mme [L] [C]

[Adresse 56]

[Localité 51]

non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 novembre 2022, devant Judith DELTOUR, conseillère, magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Vykhanda CHENG.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.

ARRÊT :

Rendu par défaut,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Alléguant être titulaire d’un bail à ferme sur des parcelles situées commune de [Localité 74] (Haute-Corse) et l’occupation par des tiers, par requête enregistrée le 13 août 2020, M. [P] [AW] les a fait convoquer en audience de conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Bastia, pour obtenir l’évacuation par tout moyen des parcelles données à bail et leur condamnation au paiement de 5 000 euros de dommages-intérêts, des dépens et de 2 000 euros au titre des frais.

À défaut d’accord, par jugement prononcé le 16 décembre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux a :

– débouté M. [P] [AW] de sa demande principale de désignation comme repreneur officiel du bail en date du 17 avril 1993 et de sa demande subsidiaire d’expertise afin d’évaluer le montant des indemnité dues au preneur sortant en application de l’article L411-69 du code rural,

– débouté M. [U] [AW] de sa demande principale de désignation comme repreneur officiel du bail en date du 17 avril 1993,

– débouté Mme [J] [B], Mme [E] [G], M. [A] [S], M. [NV] [S], M. [F] [S], Mme [DK] [S], Mme [CU] [D], Mme [O] [H], M. [M] [S], Mme [L] [C], Mme [Y] [C], M. [EB] [S], M. [T] [S], M. [A] [S], M. [A] [S] (demeurant à [Localité 73]), Mme [O] [H], M. [F] [S], Mme [CU] [S], Mme [E] [S], Mme [J] [S] épouse [B] de leur demande de mise hors de cause,

– dit n’y avoir lieu application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que la charge des dépens sera divisée par moitié entre d’une part M. [P] [AW] et d’autre part M. [U] [AW] et les consorts [S],

– rappelé le caractère exécutoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 17 janvier 2022, M. [P] [AW] a interjeté appel de la décision .

Par conclusions communiquées le 13 avril 2022, le 8 septembre 2022, reprises par dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [P] [AW] a sollicité de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] [AW] de sa demande de reconnaissance d’un bail à ferme,

– infirmer le jugement en ce qu’il a

– débouté M. [P] [AW] de sa demande principale de repreneur officiel du bail du 17 avril 1993 portant sur les parcelles A[Cadastre 35], A[Cadastre 44], A[Cadastre 52],A[Cadastre 55], A[Cadastre 57], A[Cadastre 58], A[Cadastre 2], A[Cadastre 4], A[Cadastre 7], A[Cadastre 8], A[Cadastre 9], A[Cadastre 10], A[Cadastre 11], A[Cadastre 24] et de reconnaissance d’un bail à ferme sur ces parcelles et de sa demande subsidiaire de désignation d’un expert avant dire droit afin d’évaluer le montant des indemnités dues au preneur sortant en application de l’article L411-69 du code rural,

– débouté M. [P] [AW] de ses demandes de condamnation des défendeurs sauf [C] [L] et [Y] à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et des entiers dépens et condamné M. [P] [AW] à supporter la moitié des dépens,

– omis de statuer sur sa demande de condamner Mme [J] [B], M. [A] [S], M. [A] [S], Mme [E] [G], M. [A] [S], M. [NV] [S], M. [F] [S], Mme [DK] [S], Mme [CU] [D], Mme [O] [H], M. [M] [S], M. [EB] [S], M. [T] [S] à faire évacuer par tout moyen les parcelles données à bail à M. [P] [AW] et à lui payer la

somme de 5000 euros en réparation du préjudice subi et sur sa demande de condamner M. [U] [AW] à quitter les lieux en les laissant en bon état d’entretien dans un délai de 15 jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et à payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts,

– ordonner que M. [P] [AW] est titulaire d’un bail à ferme sur les parcelles cadastrées

– section A n° [Cadastre 35] [Adresse 67]

– section A n° [Cadastre 44] [Adresse 68]

– section A n° [Cadastre 52] [Adresse 65],

– section A n° [Cadastre 55] [Adresse 64],

– section A n° [Cadastre 57] [Adresse 64],

– section A n° [Cadastre 58] [Adresse 64],

– section A n° [Cadastre 2] [Adresse 64],

– section A n° [Cadastre 4] [Adresse 64],

– section A n° [Cadastre 6] [Adresse 64],

– section A n° [Cadastre 7] [Adresse 64],

– section A n°[Cadastre 8] [Adresse 64],

– section A n° [Cadastre 9] [Adresse 21],

– section A n° [Cadastre 10] [Adresse 21],

– section A n° [Cadastre 11] [Adresse 21],

– section A n° [Cadastre 24] [Adresse 20]

de la commune de [Localité 74],

– condamner Mme [J] [B], M. [A] [S], M. [A] [S], Mme [E] [G], M. [A] [S], M. [NV] [S], M. [F] [S], Mme [DK] [S], Mme [CU] [D], Mme [O] [H], M. [M] [S] M. [EB] [S], M. [T] [S] à faire évacuer par tout moyen, les parcelles données à bail à M. [P] [AW] et à lui payer la somme de 31’708,04 euros en réparation du préjudice subi,

– condamner M. [U] [AW] à quitter les lieux en les laissant en bon état d’entretien dans un délai de 15 jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard et à payer la somme de 10’000 euros de dommages-intérêts,

– rejeter les appels partiels et l’ensemble des demandes formulées par M. [U] [AW] et les consorts [S],

Subsidiairement, si le droit à la poursuite du bail de M. [P] [AW] n’était pas retenu,

– ordonner la désignation d’un expert avant dire droit afin d’évaluer le montant des indemnités dues au preneur sortant en application de l’article L 411-69 du code rural,

En tout état de cause

– condamner l’ensemble des requis (sauf [C] [L] et [Y]) à lui payer la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que les entiers frais et dépens de l’instance d’appel.

Par conclusions communiquées le 30 mai 2022, le 11 octobre 2022 et par dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [A] [S], M. [T] [S], M. [EB] [S] et M. [U] [AW] ont demandé, de :

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté M. [P] [AW] de sa demande d’attribution du bail de1993 et de ses demandes d’expertise et de dommages-intérêts pour résiliation du bail,

– infirmer le jugement pour le surplus et

– déclarer que M. [U] [AW], en application de l’article 411-35 du code rural et le repreneur du bail signé en 1993 entre son père et les consorts [S] au titre de la création de la ferme-auberge et de la poursuite de son activité d’agro-tourisme,

– prononcer la mise hors de cause des consorts [S],

– condamner M. [P] [AW] au paiement de la somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 ‘du code civil’et les entiers dépens.

Les parties ont été convoquées pour l’audience du 2 juin 2022, par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [L] [C] n’a pas été touchée, M. [I] [G] était présent et a déposé un pouvoir de représentation.

L’affaire a été renvoyée contradictoirement à la demande du conseil de M. [P] [AW] à l’audience du 8 septembre 2022, où les parties étaient d’accord pour le renvoi, à celle du 13 octobre 2022, puis à la demande de l’appelant à celle du 10 novembre 2022.

À cette audience, il a été indiqué que Mme [Y] [C] et Mme [L] [C] avaient renoncé à la succession, qu’elles n’interviendraient pas.

M. [NV] [S], Mme [DK] [S] et M. [A] [S] étaient défaillants. Mme [J] [B], représentée, a indiqué s’en remettre à la décision de la cour. M. [I] [G] était muni d’un pouvoir de représentation spécial pour Mme [XH] [S], épouse [G], domiciliée à [Localité 22] (Haute-Corse), pour M. [F] [S], domicilié à [Localité 49] (Var), pour M. [NV] [S] domicilié à [Localité 50] (Var), pour Mme [MN] [S], épouse [B], domiciliée à [Localité 22], pour Mme [O] [S], épouse [H], pour Mme [CU] [S] épouse [D] domiciliée à [Localité 47] (Var).

Il a indiqué que les personnes qu’il représentait voulaient continuer avec M. [U] [AW], que celui-ci était bailleur, agriculteur de la ferme-auberge et de l’exploitation rattachée à cette ferme-auberge.

Les parties représentées par leurs avocats ont repris à l’oral les demandes figurant dans leurs conclusions.

L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour statuer comme il a fait le tribunal a estimé que les pièces produites par M. [P] [AW] à savoir la déclaration de modification du cheptel par [X] [AW] à son fils, les déclarations PAC de 2011 à 2019, ainsi que les chèques de fermage des années 2013, 2015, 2016, 2017 et la lettre de poursuite du bail de 2019 ne suffisaient pas à caractériser sa participation à l’exploitation des parcelles données à bail en 1993, que la déclaration de cession de son entreprise par [X] [AW] à son fils ne précisait pas son prénom mais surtout ne permettait pas de prouver que l’exploitation a été pratiquée sur les parcelles objet du bail, qu’elle a été conjointe ou poursuivie, que les déclarations PAC ne prouvaient pas non plus que [P] [AW] exploitait du vivant de son père et en commun avec lui mais aussi après son décès les biens donnés à bail, que les chèques supposés porter paiement du bail ont été tirés sur le compte d’exploitation de la ferme auberge et non sur celui de M. [P] [AW], que le paiement effectué par son frère M. [U] [AW] a été accepté par Mme [B], bailleresse, qu’il n’était pas saisi pour les parcelles n° [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 29], [Cadastre 30], [Cadastre 31], [Cadastre 36], que M. [P] [AW] devait être débouté de ses demandes. Parallèlement, il a considéré que M. [U] [AW] ne démontrait pas que l’intention de son auteur était de créer une ferme auberge avec activité maraîchère, que cette activité est exploitée sur une parcelle non désignée dans l’objet du bail et non rattachée aux parcelles litigieuses, que M. [U] [AW] ne pouvait être considéré comme le repreneur officiel du bail initialement accordé à son père, même s’il a poursuivi l’activité de la ferme-auberge. Il a débouté chacune des parties de leurs demandes tendant à être déclarés repreneur officiel du bail et les a déboutés également de leurs demandes d’indemnités. Il a considéré que la procédure n’était pas abusive.

M. [I] [G] était muni d’un pouvoir représentation, conforme aux dispositions de l’article 884 du code de procédure civile puisqu’il est un membre de la famille des intimés, il est désigné par eux comme leur cousin. Tous les intimés n’ont pas été touchés à personne, Mme [L] [C] n’a pas demandé de dispense de comparution, de sorte que l’arrêt est rendu par défaut.

M. [P] [AW] et M. [U] [AW] sont en concurrence pour la reprise d’un bail rural qui était accordé à leur père [X] [AW], décédé le 7 juillet 2016.

En application des dispositions de l’article 411-34 du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années

antérieures au décès. Le droit au bail peut, toutefois, être attribué par le tribunal paritaire au conjoint, au partenaire d’un pacte civil de solidarité ou à l’un des ayants droit réunissant les conditions précitées. En cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

Sur l’appel principal

[X] [AW] avait signé notamment :

– un bail à ferme portant sur les parcelles litigieuses avec [R] [S] le 17 avril 1993,

– un bail à ferme portant sur une parcelle à [Localité 74], section A [Cadastre 12], [Adresse 69], avec M. [W] [AW], le 1er juillet 2000,

– un bail à ferme sur des parcelles commune d'[Localité 79] (Haute-Corse), section A [Cadastre 15] , A [Cadastre 16], A [Cadastre 17], A [Cadastre 18], [Adresse 66], avec M. [V] [K], le 1er janvier 2006,

– une convention pluriannuelle de pâturage avec M. [Z] [AM] portant sur les parcelles, commune de [Localité 72] (Haute-Corse), section A [Cadastre 37], A [Cadastre 38], A [Cadastre 39], A [Cadastre 40], A [Cadastre 41], A [Cadastre 42], pour huit années à compter du 15 janvier 2000.

Suivant contrat du 4 octobre 2010 jusqu’au 3 octobre 2012, la ferme auberge [Adresse 64], représentée par son chef d’exploitation, [X] [AW] a embauché comme apprenti M. [P] [AW] et ce dernier a obtenu un brevet professionnel responsable d’exploitation agricole en 2013.

Le 11 novembre 2012, par acte sous seing privé, [X] [AW] a donné en location à M. [P] [AW] et M. [U] [AW], une pièce située dans un ensemble immobilier cadastré section A [Cadastre 33] anciennement [Cadastre 5] [Adresse 64], s’agissant d’une pièce voûtée située au rez-de-chaussée constituant le lot n°1 de cet ensemble immobilier, location consentie pour 3 ans, moyennant un loyer de 200 euros mensuels.

Suivant attestation du 18 septembre 2012, qui n’est pas autrement confirmée mais n’est pas contestée, [X] [AW] aurait cédé à M. [P] [AW] un troupeau de 184 têtes de brebis.

Le 1er avril 2013, M. [P] [AW] a déclaré une nouvelle activité : l’activité principale étant l’élevage d’ovins, il y a adjoint celle ‘ouverture d’une ferme auberge’.

Le 25 novembre 2013, il a déclaré la création d’une ferme-auberge sur l’exploitation agricole, ‘cet établissement situé sur le lieu d’exploitation est ouvert pour une gestion fiscale indépendante du forfait agricole, dont le régime est bénéfice réel simplifié BIC et TVA réel simplifié BIC’.

Par acte du 8 octobre 2013, [X] [AW] a donné à M. [P] [AW] la nue-propriété de biens situé à [Localité 74], [Adresse 64], pour 1 are 61 centiares, section A [Cadastre 33] ex-[Cadastre 5], les lots 1 à 4, s’agissant d’une pièce voûtée en rez-de-chaussée, deux pièces et une salle d’eau au premier étage côté nord-ouest, une salle et deux chambres côté sud est et un grenier côté nord ouest.

Or, le 12 avril 2021, le notaire a avisé l’appelant que le bien cadastré A [Cadastre 32] n’appartenait pas à la copropriété, cadastrée A[Cadastre 33], anciennement A [Cadastre 5], ‘dans laquelle [son] père était propriétaire de certains lots, mais semble appartenir aux consorts [S]’.

Suivant factures du 30 décembre 2015 et du 1er septembre 2016, M. [P] [AW] a vendu à la ferme-auberge des brebis de réforme, des agneaux et du lait, une convention a même été signée portant sur la livraison annuelle de quatre-vingts agneaux de boucherie.

Vu l’acte de notoriété du 13 octobre 2016, M. [P] [AW] et M. [U] [AW] sont habiles à se porter héritiers chacun pour la moitié des biens et droits issus de la succession de [X] [AW], décédé le 16 juillet 2016.

Le 2 janvier 2018, M. [P] [AW] et M. [U] [AW] ont signé les statuts portant création d’un groupement agricole d’exploitation en commun [Adresse 64] et son règlement intérieur. Le 29 décembre 2017, M. [P] [AW] a cédé au GAEC un troupeau de brebis d’une valeur totale de 27 360 euros, le même jour il a informé le directeur de l’office du développement agricole et rural de Corse de ce projet de création d’un GAEC et de l’annulation de sa demande de subvention ‘en individuel’. Bien qu’ayant signé les statuts les frères [AW] n’ont pas poursuivi la création du GAEC.

Le 11 avril 2018, M. [P] [AW] a avisé la gérante de la S.C.I. [Adresse 64] à [Localité 74], ‘ayant mis fin à mon activité d’agro-tourisme (ferme auberge de [Adresse 64]), je mets fin à la location du rez-de-chaussée de la construction ancienne figurant au cadastre de la commune de [Localité 74], section A [Cadastre 3], ainsi que les 2 pièces (cuisine et plonge) sur la section A [Cadastre 33] et l’ensemble de la terrasse section A [Cadastre 34] ».

Le 30 janvier 2020, M. [U] [AW] a sollicité l’autorisation d’exploiter les parcelles litigieuses «dans le cadre d’un agrandissement d’une exploitation bovine oléicole et maraîchage», sous réserve des parcelles A[Cadastre 35] et A[Cadastre 58].

Le 27 février 2020, M. [P] [AW] a sollicité la même autorisation pour les parcelles litigieuses, autorisation donnée par l’autorité administrative qui a relevé que la demande venait en concurrence avec celle de M. [U] [AW] sous réserve de 0,6763 hectares et de la parcelle A[Cadastre 58]. L’autorisation précise qu’elle nécessite l’accord du propriétaire.

Les fermages des parcelles litigieuses ont été payés de 2013 à 2018 par le compte d’exploitation de la ferme-auberge [Adresse 64].

Ni les déclarations MSA ni les relevés PAC, documents purement déclaratifs et non contrôlés, ne peuvent valoir preuve d’une exploitation effective des parcelles. S’agissant du relevé parcellaire produit, M. [P] [AW] a mélangé les parcelles à son nom et des parcelles au nom de son père. Il a également produit un certificat médical, de 1er août 2019 faisant état d’un suivi par un psychiatre et d’une hospitalisation entre janvier 2010 et janvier 2011. Les pièces produites par les deux parties représentées par leurs avocats ne respectent pas le formalisme de l’article 912 du code de procédure civile .

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que le tribunal et la cour sont confrontés à des demandes multiples, imposant de se prononcer en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir, et

– que [X] [AW] avait préfiguré la répartition entre ses fils de son exploitation en laissant à M. [P] [AW], agriculteur depuis 2013, les troupeaux et l’élevage, en le protégeant par la donation entre vifs, pour qu’il participe à l’exploitation du cheptel, tandis qu'[U] [AW] travaillait à la ferme-auberge (attestation de Mme [N]) ;

– que M. [P] [AW], avait envisagé de reprendre l’activité de ferme auberge, seul puis dans le cadre d’un GAEC avec son frère, leurs activités étant complémentaires, que ce projet a malheureusement échoué ;

– que les parcelles litigieuses ont été exploitées pour et par la ferme auberge, que les bâtiments sont élevés sur certaines d’entre elles, que les loyers ont été payés par le compte d’exploitation de la ferme-auberge, que M. [P] [AW] ne peut pas prétendre s’être acquitté des fermages,

– que la déclaration de création d’une ferme-auberge sur l’exploitation agricole n’était pas motivée par la volonté de l’exploiter, mais par un choix fiscal,

– que M. [P] [AW] a expressément mis fin à son activité d’agro-tourisme et à la location du rez-de-chaussée de la construction ancienne figurant au cadastre de la commune de [Localité 74], section A [Cadastre 3], ainsi que les deux pièces (cuisine et plonge) sur la section A [Cadastre 33] et l’ensemble de la terrasse, section A [Cadastre 34], le 11 avril 2018, qu’il ne peut donc prétendre avoir continué l’exploitation paternelle des parcelles attenantes à la ferme-auberge,

– qu’il a donc renoncé à poursuivre l’exploitation paternelle de ces parcelles,

– qu’à défaut d’être titulaire du bail, il ne peut pas solliciter l’expulsion des occupants, ou prétendre à une indemnité d’éviction ou réclamer le paiement de dommages et intérêts,

– qu’en outre, il ne démontre subir aucun préjudice imputable aux bailleurs, puisque l’essentiel du litige l’oppose à son frère,

– qu’à défaut de pouvoir prétendre à une quelconque indemnité, M. [P] [AW] ne peut pas réclamer une expertise,

– que les bailleurs représentés ont expressément indiqué à l’audience qu’ils voulaient ‘continuer avec [U]’, qu’ils ont d’ailleurs réclamé la rectification d’erreur matérielle du jugement qui avait noté l’inverse dans les motifs de sa décision. À ce titre d’ailleurs, dès lors que l’erreur affecte l’exposé du litige par le jugement, elle se trouve ainsi rectifiée par les motifs de l’arrêt.

Le jugement est confirmé sur l’appel principal. Le jugement n’a pas omis de statuer sur la demande de condamner les bailleurs à faire évacuer par tout moyen les parcelles données à bail à M. [P] [AW], à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi et sur sa demande de condamner M. [U] [AW] à quitter les lieux en les laissant en bon état d’entretien, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, mais en rejetant la demande principale de M. [P] [AW] tendant à être reconnu preneur, implicitement mais nécessairement, ce dernier était dépourvu de qualité pour soutenir des demandes qui ne peuvent émaner que d’un preneur évincé ou réintégré.

M. [P] [AW] est débouté de cette demande.

Sur l’appel incident

Réciproquement, M. [U] [AW] a réclamé lui aussi d’être désigné repreneur des parcelles litigieuses.

Il est démontré par les pièces de M. [U] [AW] qu’il est agriculteur depuis mars 2018, exploitant en maraîchage, oléiculture, bovins, productions qui alimentent une activité d’agro-tourisme, où selon l’attestation de Mme [N], mère des parties et divorcée de [X] [AW] depuis 1997, il était saisonnier, mais ne s’impliquait pas dans l’exploitation agricole du père.

M. [U] [AW] est devenu agriculteur après le décès de son père, il ne justifie donc pas avoir participé effectivement à l’exploitation au cours des cinq années antérieures au décès. En revanche, il produit des attestations des consorts [S], [M], [EB], [T], [A], domicilié à [Localité 48] (Var), [J] [FI], épouse [B], [XH], épouse [G], [A] domicilié à [Localité 73] (Var), [NV], [CU], épouse [D], [O], épouse [H], [F] domicilié à [Localité 49] (Var), qui attestent tous que les parcelles litigieuses sont exploitées par M. [U] [AW] en lieu et place de son père, [X] [AW], qu’elles comportent des terres et des constructions et également une parcelle A [Cadastre 33] en copropriété, qu’elles ont été mises à la disposition de [X] [AW] dans le cadre du développement des activités de la ferme auberge, qu'[U] les exploite désormais, tous éléments qui militent en faveur d’une reprise des parcelles.

Les ayants droit du preneur n’ont pas sollicité la résiliation du bail dans les six mois du décès et le bailleur n’a pas demandé la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d’un pacte civil de solidarité ou d’ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa.

Toutefois, dès lors que les bailleurs veulent que le bail soit repris par M. [U] [AW], que ce dernier est candidat repreneur, bien qu’il ne réunisse pas les conditions énoncées à l’article L411-34 du code rural et de la pêche maritime, qu’en cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir, il convient compte tenu de la renonciation de M. [P] [AW] à poursuivre l’exploitation de la ferme-auberge et l’activité d’agro-tourisme, de l’accord entre les bailleurs et le candidat repreneur, de déclarer M. [U] [AW], repreneur du bail signé en 1993 entre son père et les consorts [S] au titre de la création de la ferme auberge et de la poursuite de son activité d’agro-tourisme, à charge pour lui de soumettre aux mesures de contrôle des autorités administratives.

M. [P] [AW] est débouté de ses demandes contraires.

Les consorts [S] à qui cette décision est opposable, ne peuvent pas être mis hors de cause, le jugement est confirmé à ce titre.

M. [P] [AW] qui succombe est condamné au paiement des dépens. La mention du code civil, constitue une erreur de plume, M. [P] [AW] qui succombe est débouté de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Il est condamné à payer une somme de 3 500 euros à M. [A] [S], M. [T] [S], M. [EB] [S] et M. [U] [AW], parties communes d’intérêts.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement,

– Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] [AW] de ses demandes, principales et subsidiaires,

– Infirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] [AW] de sa demande principale de désignation comme repreneur officiel du bail en date du 17 avril 1993,

Statuant de nouveau de ce chef,

Vu l’accord exprès des bailleurs et du candidat repreneur,

– Déclare M. [U] [AW], repreneur du bail signé le 17 avril 1993 entre [X] [AW], son père et [R] [S], au titre de la création de la ferme auberge et de la poursuite de son activité d’agro-tourisme,

Y ajoutant,

– Déboute M. [P] [AW] de ses demandes contraires,

– Condamne M. [P] [AW] au paiement des dépens,

– Condamne M. [P] [AW] à payer à M. [A] [S], M. [T] [S], M. [EB] [S] et M. [U] [AW], parties communes d’intérêts, la somme globale de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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