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24 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/11668
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 24 MAI 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11668 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAGP
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Juin 2022 -Juge de la mise en état de PARIS – RG n° 21/12498
APPELANTS
Monsieur [P] [H]
né le 29 septembre 1981 à [Localité 4] (Maroc)
demeurant:
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Antoine CHRISTIN de la SELARL ANTOINE CHRISTIN AVOCAT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
Madame [E] [W] épouse [H]
née le 8 novembre 1986 à [Localité 4] (Maroc)
demeurant:
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Antoine CHRISTIN de la SELARL ANTOINE CHRISTIN AVOCAT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMEE
Société de Publicité Edition et Diffusion – SPEED
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 722 050 325
Représentée par Me Margot WILHELM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0430
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 mars 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Madame Nathalie RECOULES conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Nathalie RECOULES, Présidente de chambre
Douglas BERTHE, Conseiller
Marie GIROUSSE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie RECOULES, et par Madame Laurène BLANCO , Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
Par acte sous seing privé du 15 juillet 1998, la Sté Etablissements Leon Hatot, aux droits de laquelle est venu M. [T] puis Mme [E] [W] épouse [H] et M.[P] [H], a donné à bail à la Société de Publicité Edition Et Diffusion (ci-après, la société S.P.E.E.D) des locaux à usage commercial situés [Adresse 1] à [Localité 5], pour une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 1998.
Dans le cadre d’une première procédure initiée le 30 janvier 2018, la société S.P.E.E.D., invoquant le fait que les nouveaux bailleurs se sont engagés à acquérir son droit au bail, a assigné ces derniers devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment de voir condamner les époux [H] à réitérer l’acte de vente par la société S.P.E.E.D. du droit au bail au prix de 130.000 euros sous astreinte de 2.000 euros par mois de retard, suspendre les effets du commandement de payer du 16 février 2017 visant la clause résolutoire du bail commercial et condamner les époux [H] à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par acte d’huissier du 28 décembre 2018, les époux [H] ont délivré à la société S.P.E.E.D. un congé avec refus de renouvellement et paiement d’une indemnité d’éviction pour le 30 juin 2019.
Par acte d’huissier de justice du 26 avril 2019, la société S.P.E.E.D. a assigné les époux [H] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir désigner un expert judiciaire avec mission de donner des éléments sur le montant de l’indemnité d’éviction et le montant de l’indemnité d’occupation à compter du 1er juillet 2019. Elle n’a pas donné suite à cette procédure et a saisi de la même demande le juge de la mise en état désigné à la suite de l’assignation au fond.
Par ordonnance du 27 février 2020, le juge de la mise en état désigné à la suite de l’assignation du 30 janvier 2018 a rejeté la demande d’expertise formée par la société S.P.E.E.D. aux fins de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction.
Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire a notamment rejeté la demande visant à condamner les époux [H] à réitérer l’acte de vente du droit au bail, condamné M. [P] [H] à payer à la société S.P.E.E.D. la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts, déclaré nul le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail délivré le 16 février 2017, rejeté la demande des époux [H] tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail et la demande subséquente aux fins de voir ordonner l’expulsion, rejeté la demande de dommages et intérêts d’un montant de 50.000 euros des époux [H].
Les époux [H] ont interjeté appel de cette décision.
Dans le cadre d’une seconde procédure initiée le 16 juin 2021, la société S.P.E.E.D. a fait assigner les époux [H] et la SELAS Lacourte et associés, notaires, devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins principalement de voir annuler la vente immobilière intervenue le 3 octobre 2016 au motif que son droit de préemption n’a pas été purgé, ordonner sa substitution aux tiers acquéreurs et condamner les défendeurs à lui payer 60.000 euros à titre de dommages et intérêts.
La procédure a été déclarée irrecevable par ordonnance en date du juge de la mise en état en date du 15 avril 2022.
Dans le cadre d’une troisième procédure initiée le 27 septembre 2021, la société S.P.E.E.D. a fait assigner les époux [H] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins principalement de voir fixer le montant de l’indemnité d’éviction à 130.000 euros et ordonner son paiement.
Dans le cadre de cette instance, par ordonnance en date du 16 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a notamment rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par les époux [H], débouté les époux [H] de leur demande aux fins de voir ordonner l’expulsion de la société S.P.E.E.D. des locaux en cause situés [Adresse 1] à [Localité 5] ainsi que des demandes subséquentes notamment en paiement d’une indemnité d’occupation, ordonné l’exécution provisoire de la présente décision, condamné les époux [H], à payer à la société S.P.E.E.D. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles relatifs à l’incident en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’incident.
Par déclaration en date du 21 juin 2022, les époux [H] ont interjeté appel total de cette ordonnance.
Par message RPVA en date du 7 mars 2023, le conseil des appelants sollicite de voir relever d’office l’irrecevabilité des conclusions de l’intimée signifiées le 31 janvier 2023 au visa de l’article 905-2 du code de procédure civile .
Moyens et prétentions
Dans leurs conclusions déposées le 18 juillet 2022, les époux [H], appelants, demandent à la cour de:
– infirmer l’ordonnance rendue le 16 juin 2022 par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Paris (RG n°21/12498) en ce qu’elle a notamment rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par les époux [H], débouté les époux [H] de leur demande aux fins de voir ordonner l’expulsion de la société S.P.E.E.D. des locaux en cause situés [Adresse 1] à [Localité 5] ainsi que des demandes subséquentes notamment en paiement d’une indemnité d’occupation, condamné les époux [H], à payer à la société S.P.E.E.D. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles relatifs à l’incident en application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné les époux [H] aux dépens de l’incident ;
Puis, statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable car prescrite et débouter la société S.P.E.E.D. de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
– constater l’occupation sans droit ni titre de la société S.P.E.E.D. desdits locaux ;
– ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l’ordonnance à intervenir, l’expulsion de la société S.P.E.E.D. et de tout occupant de son chef desdits locaux en les laissant en bon état d’entretien et de réparation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard en sus de l’indemnité d’occupation pendant un délai de 6 mois ;
– dire et juger qu’à défaut pour elle de libérer les lieux, les époux [H] seront autorisés à faire procéder à son expulsion, ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier ;
– dire et juger que, dans une telle hypothèse, les époux [H] seraient autorisés à vider les lieux de tous meubles ou objets trouvés sur place et à les confier à un garde-meubles aux frais, risques et périls de la société S.P.E.E.D. ;
– condamner à titre provisionnel la société S.P.E.E.D. à payer aux époux [H] une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer mensuel, à compter du 1er juillet 2021 et jusqu’à complète libération des lieux, en deniers ou quittances pour tenir compte des règlements intervenus depuis cette date ;
– débouter la société S.P.E.E.D. de l’ensemble de ses fins, prétentions et conclusions ;
– condamner la société S.P.E.E.D. à payer aux époux [H] une somme de 5.000 euros à titre de contribution à leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
– la condamner aux entiers dépens, lesquels comprendront le coût du congé en date du 28 décembre 2018 .
Dans ses conclusions déposées le 31 janvier 2023, la SAS S.P.E.E.D., intimée, demande à la cour de:
– déclarer la société S.P.E.E.D. recevable et bien fondée en ses demandes, et en conséquence :
– rejeter les demandes tendant à voir déclarer prescrite l’action en paiement de l’indemnité d’éviction ;
– rejeter les demandes tendant à obtenir l’expulsion de la société S.P.E.E.D. ;
– débouter les époux [H] de l’ensemble de leurs fins, prétentions et conclusions ;
– condamner solidairement Mme [E] [W] et Monsieur [P] [H] à payer la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement Mme [E] [W] et Monsieur [P] [H] aux entiers dépens en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
– et dire que Maître [C] [Z] pourra recouvrer directement les frais dont il a été fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions déposées.
SUR CE,
Sur la recevabilité des conclusions de la SAS S.P.E.E.D. :
Conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, l’appel introduit à l’encontre d’une ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une fin de non-recevoir obéit aux règles de la procédure à bref délai.
Dans cette hypothèse, l’article 905-2 du code de procédure civile dispose en son alinéa 2 que « L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. »
En l’espèce, les époux [H] ont interjeté appel de l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris le 16 juin 2022 par déclaration en date du 21 juin 2022 et ont conclu le 18 juillet 2022, date de la signification de leurs écritures adressées par message RPVA.
La SAS SPPED disposait donc jusqu’au 18 août 2022 pour conclure en sa qualité d’intimé et former, le cas échéant, appel incident.
De ce fait, les conclusions signifiées le 31 janvier 2023 par l’intimée doivent être déclarées irrecevables.
Sur le fin de non-recevoir tirée de la prescription :
En vertu des dispositions de l’article L145-14 du code de commerce, si le bailleur peut refuser le renouvellement du bail, il est tenu, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants du code de commerce de payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Il résulte de la combinaison des articles L.145-9 alinéa 5, applicable en l’espèce en raison du congé signifié par bailleur le 28 décembre 2018, et L.145-60 du même code que l’action du preneur qui souhaiterait contester le refus de renouvellement du bail se prescrit par deux ans à compter à compter de la date pour laquelle le congé a été signifié.
Les appelants soutiennent qu’en vertu des articles L.145-14, L.145-10 al.5 et L.145-60 du code de commerce, le délai de prescription pour solliciter une indemnité d’éviction expirait le 30 juin 2021, délai expiré à la date de l’assignation en date du 27 septembre 2021 ; qu’en vertu de l’article 2243 du code civil, l’effet interruptif de l’assignation en référé expertise du 26 avril 2019 est non avenu, la société Speed ayant renoncé à cette procédure ; qu’ainsi, les époux [H] étaient parfaitement fondés à soulever la fin de non-recevoir relative à la prescription de l’action de la société Speed ; que, contrairement à ce que le premier juge a retenu, le congé délivré par les bailleurs, bien que mentionnant « sous les plus expresses réserves de la procédure en cours », ne peut avoir pour effet de suspendre la prescription de l’action du preneur et n’était qu’une formule de précaution au regard de la demande reconventionnelle faîte au fond d’acquisition de la clause résolutoire ; que le preneur pouvait parfaitement agir au fond dans les délais légaux en demande de paiement d’une indemnité d’éviction, ce qu’il a d’ailleurs tenté de fait en saisissant d’abord le juge des référés, puis en formulant finalement la demande devant le juge de la mise en état ; qu’en rappelant l’ordonnance du 15 avril 2022 qui a conclu exactement à l’inverse de celle du 16 juin 2022, la cour infirmera l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir afférente à la prescription de l’action du preneur.
Un congé en refus de renouvellement de bail ne saurait être conditionnel, chacune des parties disposant d’un droit de repentir. Par ailleurs, la suspension ou l’interruption de la prescription résultant de l’introduction d’une action ne joue qu’au bénéfice de celui qui introduit l’action.
En l’espèce, les époux [H] ont délivré, par acte d’huissier du 28 décembre 2018, à la société S.P.E.E.D. un congé avec refus de renouvellement et paiement d’une indemnité d’éviction pour le 30 juin 2019. De ce fait, la société S.P.E.E.D devait introduire l’action en fixation de l’indemnité d’éviction avant le 30 juin 2021 sous peine de prescription.
Contrairement à ce qu’a retenu le juge de la mise en état dans l’ordonnance dont appel, la réserve mentionnée, dans le congé délivré le 28 décembre 2018 à effet au 30 juin 2019 par les époux [H], relative à l’action introduite par le preneur le 30 janvier 2018 vue d’obtenir l’exécution forcée d’une promesse d’achat du droit au bail, ne peut s’analyser comme une condition, au sens de l’article 2233 du code civil, qui aurait eu pour effet de suspendre le délai pour agir du preneur.
En revanche, il ressort de l’ordonnance rendue le 27 février 2020 par le juge de la mise en état que, par conclusions signifiées par voie électronique le 9 octobre 2019, la SAS S.P.E.E.D a sollicité la désignation d’un expert en vue de voir fixer le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle elle pouvait prétendre, interrompant par cet acte la prescription. La prescription a recommencé à courir au prononcé du jugement au fond le 19 janvier 2021.
De ce fait, l’action introduite au fond par la SAS Speed le 27 septembre 2021 l’a été dans les délais, soit dans un délai de 11 mois et 17 jours (du 30/06/20 au 9/10/20 3 mois et 9 jours, puis du 10/01/21 au 27/09/21 11 mois et 8 jours) et n’était pas prescrite.
L’ordonnance du juge de la mise en état sera donc confirmée par motifs substitués.
Sur la demande d’expulsion
C’est à juste titre que le juge de la mise en état a considéré que, la demande en paiement d’une indemnité d’éviction n’étant pas prescrite, la SAS S.P.E.D bénéficiait du droit au maintien dans les lieux tiré des dispositions de l’article L.145-28 du code de commerce et que les époux [H] échouaient à démontrer qu’elle soit occupante sans droit, ni titre.
De ce fait, l’ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande d’expulsion, mesure qui, de surcroît, ne revêt pas un caractère provisoire.
Sur les demandes accessoires
La condamnation des époux [H] aux dépens de l’incident sera confirmée et, succombant en leur demande devant la cour, ils supporteront la charge des dépens d’appel.
SUR CE,
La cour,
Déclare irrecevables les conclusions signifiées le 31 janvier 2023 par la société S.P.E.E.D.
CONFIRME l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 16 juin 2022 sous le n°RG 21/12498 en toutes ses dispositions ;
Condamne Mme [E] [W] épouse [H] et M.[P] [H] à supporter la charge des dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE