Indemnité d’éviction : 23 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02062

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Indemnité d’éviction : 23 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02062
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23 mai 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
21/02062

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 23 MAI 2023

N° RG 21/02062 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBNR

S.A.R.L. LANCELOT

c/

S.A.R.L. MER ET GOLF RESIDENCES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 mars 2021 (R.G. 19/01391) par le TJ de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 08 avril 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. LANCELOT, prise en la personne de son repérsentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]

représentée par Maître Laurence MUNIER, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Christian KLEIN, avocat au barreau de TARBES

INTIMÉE :

S.A.R.L. MER ET GOLF RESIDENCES, prise en la personne de son repérsentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis,[Adresse 1]S / FRANCE

représentée par Maître Laurent PARAY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 25 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 23 février 1998, la SARL SEFISO Aquitaine a vendu en l’état futur d’achèvement aux époux [D] [B] un appartement constituant le lot numéro 6 d’un immeuble en copropriété sis à [Adresse 3], qu’ils ont, par acte distinct, donné à bail commercial à la SARL société Mer et Golf Socoa-Biarritz, devenue ensuite société Mer et Golf Résidences, pour une durée de 11 ans prenant effet le lendemain de la livraison de l’immeuble, pour l’exercice d’une activité de gestion de résidence de tourisme.

Dans cet acte de vente, la SARL Sefiso Aquitaine s’est engagée, vis à vis des époux [D] [B], à supporter seule toutes les conséquences pécuniaires qui pourraient résulter d’une demande d’indemnité d’éviction réclamée par la SARL Mer et Golf Socoa-Biarritz, et en conséquence à payer, pour le compte des acquéreurs, l’indemnité qui pourrait leur être réclamée.

Puis, par contrat dit ‘de mise à disposition’ en date du 12 décembre 2009, les époux [D] [B] ont donné à la SARL Mer et Golf Résidence l’appartement précité, pour un durée de 9 ans à compter du 1er novembre 2009, prenant fin le 31 octobre 2018.

Par acte authentique en date du 06 juillet 2015, les époux [D] [B] ont vendu l’appartement à la SARL Lancelot.

Par acte signifié le 26 avril 2018, la société Lancelot a donné congé à la société Mer et Golf Résidences pour le 31 octobre 2018 avec refus de renouvellement du bail au 1er novembre 2018, en indiquant récupérer le bien pour y loger la gérante de la société Lancelot.

Par courrier du 11 juin 2018, la société Lancelot a refusé de payer une indemnité d’éviction à la société Mer et Golf Résidences.

Par acte d’huissier de justice du 1er octobre 2018, la société Mer et Golf Résidences a fait assigner la société Lancelot devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 69 000 euros au titre de l’indemnité d’éviction.

Par jugement mixte en date du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– déclaré que la société Lancelot est redevable d’une indemnité d’éviction au profit de la société Mer et Golf Résidences,

– avant dire droit, sur le montant de l’indemnité d’éviction, ordonné une expertise, et désigné pour y procéder, Madame [H] [C], domiciliée [Adresse 2], avec mission de :

– donner tous éléments au tribunal de nature à permettre de calculer l’indemnité d’éviction de l’article L. 145-14 du code de commerce, avec notamment la valeur locative du lot numéro six situé [Adresse 3], suivant les usages de la profession, en l’espèce une résidence de tourisme, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour des lots de mêmes valeurs, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre,

– dit que la société Mer et Golf Résidences devra consigner au greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux la somme de 2 000 euros dans les deux mois à compter du prononcé de la décision,

– dit que faute pour la société Mer et Golf Résidences d’avoir consigné cette somme et d’avoir fourni des explications au juge sur le défaut de consignation dans le délai prescrit, la décision ordonnant l’expertise deviendra caduque,

– dit que l’expert pourra commencer ses opérations sur justification du récépissé du versement de la provision délivré par le régisseur à la partie consignataire, à moins que le magistrat chargé du contrôle lui demande par écrit de les commencer immédiatement en cas d’urgence,

– dit que l’expert qui souhaite refuser sa mission en informera le service des expertises dans le délai de 15 jours suivant la notification de la décision, sans autre avis du greffe,

– dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,

– dit que l’expert devra établir un pré-rapport dans le délai de trois mois,

– dit que l’expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire, dans les trois mois suivant le dépôt du pré-rapport, sauf prorogation accordée par le magistrat chargé du contrôle sur demande présentée avant l’expiration du délai fixé,

– dit qu’il appartiendra à l’expert d’adresser un exemplaire de son rapport à la demande du greffier de la juridiction du fond (par la voie électronique ou à défaut sur support papier),

– désigné le juge de la mise en état de la cinquième chambre civile pour suivre le déroulement de la présente mesure d’instruction,

– dit que l’expert devra remplir personnellement la mission qui lui est confiée et répondre point par point et de façon claire, concise mais argumentée à chacune des questions qui lui sont posées,

– dit que l’expert devra préciser dans son rapport qu’il a donné un exemplaire de son rapport aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception,

– dit que l’expert devra prendre en considération les observations et déclarations des parties en précisant la suite qu’il leur a donné,

– précisé à cet égard que les dires des parties et les réponses faites par l’expert à ces dernières devront figurer en annexe du rapport d’expertise,

– rappelé à cet égard aux parties que les dires doivent concerner uniquement les appréciations techniques et que l’expert ne peut être saisi de questions de nature purement juridique,

– débouté la société Lancelot de sa demande tendant à la condamnation de dommages et intérêts,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

– renvoyé l’affaire la mise en état continue du 30 juin 2021,

– réservé les dépens.

Par déclaration du 08 avril 2021, la société Lancelot a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Mer et Golf Résidences.

Le dossier a été transféré de la deuxième chambre civile à la quatrième chambre commerciale de la cour d’appel de Bordeaux.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 29 mars 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Lancelot, demande à la cour de :

– vu les articles 1100 et suivants du code civil,

– vu les articles 909 et suivants du code de procédure civile,

– vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

– vu l’arrêt de la 4ème chambre civile de la cour d’appel de Bordeaux,

– vu la jurisprudence,

– vu les pièces,

– vu le jugement de première instance, notamment,

– infirmer la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’elle a dit :

– l’a déclaré redevable d’une indemnité d’éviction au profit de la société Mer et Golf Résidences,

– ordonné une expertise,

Statuant à nouveau,

– juger irrecevables, à tout le moins, mal fondées, les demandes formulées à son encontre par la société Mer et Golf Résidences, pour défaut d’intérêt, de qualité et de droit d’agir de la société Mer et Golf Résidences contre elle,

Subsidiairement,

– débouter la société Mer et Golf Résidences de l’ensemble de ses demandes,

– la juger non redevable d’une indemnité d’éviction auprès de la société Mer et Golf Résidences,

– juger que la société Mer et Golf Résidences l’a déchargé définitivement du paiement de toute indemnité d’éviction,

De manière infiniment subsidiaire,

– juger que la société Sefiso Aquitaine Sefiso la relèvera et la garantira de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre dans le cadre des procédures l’opposant à la société Mer et Golf Résidences,

En tout état de cause,

– condamner la société Mer et Golf Résidences à :

– 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat et abus de droit,

– 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

– 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

– la condamner aux entiers dépens.

La SARL Mer et Golf Résidences a constitué avocat mais n’a pas conclu.

Par ordonnance en date du 28 mars 2023, le conseiller de la mise en état dit qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Lancelot, tirée du défaut d’intérêt ou de qualité à agir de la SARL Mer et Golf Résidences (et non de la SARL Lancelot comme indiqué dans l’ordonnance par suite d’une erreur matérielle) .

L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 avril 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 25 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

1 – En application de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement.

Sur la recevabilité des demandes de la société Mer et Golf Résidences :

2- Se fondant sur les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, l’appelante soutient que la SARL Mer et Golf Socoa Biarritz a formellement accepté de décharger l’acquéreur du paiement de l’indemnité d’éviction, de sorte que les demandes formées à son encontre sont irrecevables, et devaient être dirigées contre le vendeur, ainsi que la cour d’appel de Bordeaux l’a d’ailleurs jugé, par arrêt rendu le 4 janvier 2023 dans une affaire identique.

3- Mais, par des motifs pertinents qui ne sont pas utilement critiqués en cause d’appel et que la cour fait siens, le tribunal a retenu à juste titre que la SARL Mer et Golf Résidences, devenue bailleur à compter du 6 juillet 2015, date de son acquisition de l’appartement, ne peut se voir opposer la clause insérée au bail commercial initial, qui avait cessé de produire ses effets le 31 octobre 2009.

En effet, la convention intitulée ‘contrat de mise à disposition’, conclue le 12 décembre 2009 entre les époux [D] [B], bailleurs, et la SARL Mer & Golf Biarritz-Socoa, preneur, constitue un nouveau bail commercial, prenant effet au 1er novembre 2009, avec pour terme le 31 octobre 2018, sans aucune référence ni renvoi aux clauses et conditions du bail antérieur.

En particulier, ce nouveau bail ne contient pas de clause aux termes de laquelle la société Sefiso Aquitaine serait intervenue à l’acte pour garantir le paiement de l’indemnité d’éviction au locataire en cas de délivrance d’un congé par le bailleur pour la date du 31 octobre 2018.

Par ailleurs, l’acte authentique de vente du bien en date du 6 juillet 2015, qui fait à tort référence, en page 5, à une poursuite du bail commercial par tacite reconduction à son échéance du 31 octobre 2009, ne saurait avoir transféré à la SARL Lancelot, acquéreur, par le seul effet de cette mention erronnée, le bénéfice de la clause spéciale de garantie, alors que celle-ci n’est pas reprise dans le corps de l’acte de vente, auquel la société Mer et Golf Socoa Biarritz n’est pas intervenue.

Enfin la société appelante fait référence de manière inopérante à l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 4 janvier 2023, rendu dans un contexte juridique différent (le bail initial ayant été tacitement reconduit).

4- Il en résulte que l’obligation à paiement de l’indemnité d’éviction incombe bien à la société Lancelot, bailleur, en application de l’article L.145-14 du code de commerce.

La société Mer et Golf, locataire, avait bien intérêt à agir à son encontre en paiement de l’indemnité d’éviction.

5- En conséquence, la fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur le fond :

6- La société appelante reprend dans son argumentation de fond le moyen précédemment évoqué dans le cadre de la fin de non-recevoir, tendant à voir juger que l’action en paiement de l’indemnité d’éviction doit être dirigée contre la société Sefiso.

7- Ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragaphes 3 à 5.

En sa qualité de bailleur, la société Lancelot avait bien le droit de donner congé en refusant le renouvellement du bail conclu le 12 décembre 2009, aux fins de récupérer l’appartement et y loger sa gérante Mme [I], mais à condition de payer l’indemnité d’éviction prévue par les dispositions d’ordre public de l’article L.145-14 précité (quand bien même cette obligation n’est pas rappelée à l’article 9 du bail), et sans pouvoir valablement invoquer la clause de garantie.

Elle ne peut utilement se référer à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Pau le 10 décembre 2012, qui concerne un litige de nature différente, relatif à un congé refusant le renouvellement du bail de 11 ans avec offre d’indemnité d’éviction, ni se prévaloir du fait que la société Mer et Golf ne réclame pas d’indemnité d’occupation à tous les bailleurs copropriétaires.

Enfin, le fait que la période de vingt années d’affectation obligatoire de l’immeuble à l’usage de résidence de tourisme classée ou à usage d’hôtel de tourisme classé à compter du 6 février 2018 soit désormais révolue est sans aucune incidence sur le droit à indemnité d’éviction ouvert à la société locataire, en cas de congé avec refus de renouvellement, en application de l’article L.145-14.

8 – Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il reconnaît le droit à indemnité d’éviction et ordonne avant dire droit une mesure d’expertise.

Sur la demande en garantie :

9 – En application de l’article 14 du code de procédure civille, la demande de la société Lancelot tendant à voir juger que la société Sefiso Aquitaine la relèvera et garantira de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre doit être déclarée irrecevable dès lors que cette société n’a pas été assignée en intervention forcée, ni devant le tribunal, ni devant la cour.

Sur les autres demandes :

10- La demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat et procédure abusive ne peut qu’être rejetée dès lors que la demande en paiement de l’indemnité d’éviction est reconnue bien-fondée en son principe.

Le jugement doit être également confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention.

11- Echouant en son recours, la société Lancelot doit supporter les dépens d’appel et ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de la société Lancelot tendant à voir juger que la société Sefiso Aquitaine la relèvera et garantira de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

Rejette la demande formée par la société Lancelot sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Lancelot aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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