23 février 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/04898
N° RG 21/04898 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I63X
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
17/04321
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE ROUEN du 06 Décembre 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. THIERS
[Adresse 2]
[Localité 7] / FRANCE
représentée et assistée de Me Amélie DE COLNET, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.C.I. TOLBIAC
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Pauline LE FILLEUL DES GUERROTS, avocat au barreau de ROUEN et assistée de Me Sébastien PONIATOWSKI de l’AARPI Delvolvé Poniatowski Suay Associés, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Lorenzo SERAFINI, avocat au barreau de PARIS, plaidant
PARTIE INTERVENANTE :
Maître Maître [N] [S] es qualité de mandataire liquidateur de la SARL THIERS
[Adresse 4]
[Localité 6]
non constitué bien que régulièrement assigné par acte d’huissier de justice le 20 mai 2022 à personne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 09 Novembre 2022 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 09 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2023 prorogé au 2 février 2023, puis au 23 février 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 23 février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Fooucher-Gros, Présidente et par Mme Develet, Greffière.
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* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 1er juillet 1996, la SCI Les Pennecs, aux droits de laquelle vient la SCI Tolbiac, a donné à bail commercial à la société Sonorfrom, aux droits de laquelle vient la SARL Thiers, des locaux dépendants d’un immeuble, soumis au statut de la copropriété, situé [Adresse 3]) désignés comme suit : « Au rez-de-chaussée, niveau [Adresse 3] : Un local commercial, aménagé en un magasin de vente, laboratoire de fabrication, bureau, vestiaire, deux water-closets dont un avec lavabo et une grande pièce de stockage de produits. Aire de stationnement. Et les 238/1.000èmes des parties communes générales de l’ensemble immobilier. L’ensemble formant le lot numéro 12 du règlement de copropriété état descriptif de division dudit ensemble, dressé par acte reçu par Maître [V], notaire à [Localité 6], le 23 avril 1970. Ainsi que le tout existe avec les aisances et dépendances sans exception ni réserve et sans qu’il en soit fait une plus ample désignation, le PRENEUR déclarant les parfaitement connaître ».
Ce bail a été consenti pour une durée de neuf années, commençant à courir à compter du 1er mai 1996 pour arriver à expiration le 30 avril 2005 et à usage exclusif de « commerce d’achat, transformation et vente de tous produits surgelés, à base de farine, achat et vente de tous produits alimentaires » pour un loyer annuel de 76 440 Francs hors charges et hors taxes, soit 11 653,20 euros payable mensuellement et d’avance, en douze termes égaux les premiers de chaque mois.
Par acte sous seing privé du 10 octobre 2006, le bail a été renouvelé pour une durée de neuf années commençant à courir le 10 octobre 2006 pour arriver à expiration le 10 octobre 2015, en contrepartie d’un loyer fixé à la somme annuelle de 32 928 euros hors charges et hors taxes.
Par avenant du 27 octobre 2014, la société SCI Tolbiac a accepté de diminuer le loyer à la somme annuelle de 30 000 euros hors charges et hors taxes, soit un loyer mensuel fixé à la somme de 2500 euros.
Par courriers des 29 octobre 2015 et 7 juillet 2016, le syndic de copropriété a indiqué à la SCI Tolbiac qu’il était nécessaire de neutraliser la cuve à fioul de l’immeuble se trouvant dans le sous-sol et dont la trappe d’accès, située dans les locaux commerciaux à la suite de l’occupation indue des lieux qui constituaient des parties communes, avait été recouverte d’un carrelage qu’il convenait de déposer. Il était demandé à la SCI Tolbiac de missionner une entreprise afin d’effectuer une découpe du carrelage et de laisser l’accès à la cuve pour que les travaux soient réalisés dans les meilleurs délais. La SCI Tolbiac a sollicité en vain l’accord de la SARL Thiers sur ce point.
Par acte d’huissier du 27 septembre 2017, la SCI Tolbiac a fait délivrer à la SARL Thiers une sommation visant la clause résolutoire du bail de « De casser le carrelage posé sur la trappe d’accès à l’ancienne cuve à fioul se trouvant le laboratoire du local commercial [‘] suite à l’annexion d’une partie commune sans autorisation’De donner accès à la société DALKIA pour le curage de cette cuve. »
Par acte d’huissier du 25 octobre 2017, la SARL Thiers a fait assigner la SCI Tolbiac devant le tribunal de grande instance de Rouen, afin de déclarer nulle la sommation d’exécuter visant la clause résolutoire signifiée le 27 septembre 2017.
Le bailleur affirmant que des loyers et des charges demeuraient impayés, la SCI Tolbiac a fait délivrer à la SARL Thiers un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à lui payer la somme de 34 658,87 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 30 mars 2018. Aucune régularisation n’est intervenue dans le mois de la délivrance de ce commandement.
Par acte d’huissier du 30 avril 2018, la SARL Thiers a fait assigner la SCI Tolbiac devant le tribunal de grande instance de Rouen, afin de déclarer nul le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 11 avril 2018, de dire que la SCI Tolbiac n’avait jamais rendu de compte des provisions sur charges, les appels de provisions de TVA devant être annulés et de condamner la SCI Tolbiac à payer à la SARL Thiers la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts outre les frais irrépétibles.
La SCI Tolbiac a sollicité le constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail.
Les deux affaires ont été jointes et par jugement rendu le 6 décembre 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Rouen a :
-constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial conclu entre la SCI Tolbiac et la SARL Thiers et portant sur les locaux sis [Adresse 3] à compter du 11 mai 2018.
En conséquence,
-ordonné l’expulsion immédiate de toutes les personnes et occupants des locaux précités.
-dit que ces personnes devront libérer les lieux également de tout mobilier de leur chef, à défaut l’évacuation se fera aux frais du bailleur.
-autorisé en tant que besoin le concours d’un serrurier voire de la force publique à l’huissier requis pour procéder à l’exécution de la mesure.
-condamné la SARL Thiers à verser à la SCI Tolbiac la somme de 84.177,58 euros correspondant à l’arriéré locatif arrêté à la date du 11 mai 2018 et les indemnités d’occupation et charges déjà échues à la date de l’ordonnance de clôture.
-fixé le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation dont sera redevable la SARL Thiers envers la SCI Tolbiac à la somme de 1.330 euros en sus des charges et accessoires depuis le 12 mai 2018 et jusqu’à libération effective des lieux.
-condamné la SARL Thiers aux dépens.
-dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
-rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.
Par déclaration du 27 décembre 2021, la SARL Thiers a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 9 mars 2022, le magistrat délégué par la première présidente de la cour d’appel de Rouen a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la SARL Thiers.
Les clés des lieux loués ont été spontanément restituées par la SARL Thiers soit le 1er soit le 4 avril 2022.
Par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 5 avril 2022, la SARL Thiers a été placée en liquidation judiciaire et Me [S] a été désigné liquidateur. Le 4 mai 2022, la SCI Tolbiac a déclaré à la procédure collective, à titre privilégié la créance de 51 050,85 euros au titre des arriérés de loyers, charges et accessoires dus au titre des deux années précédant le jugement de liquidation, et à titre chirographaire la somme de 49 557,96 euros au titre des arriérés de loyers, charges et accessoires dus pour la période antérieure à ces deux années.
Par acte d’huissier du 20 mai 2022, la SCI Tolbiac a fait assigner Me [S] en intervention forcée.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 8 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SARL Thiers et de Me [S] ès qualités de liquidation judiciaire de la SARL Thiers qui demandent à la cour de :
-infirmer le jugement du 6 décembre 2021 dont appel, en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau, y ajoutant :
A titre principal,
-dire que la SCI Tolbiac ne peut réclamer à la SARL Thiers le remboursement de la taxe foncière et subséquemment la TVA sur celles-ci.
-juger que le bailleur ne peut pas demander au preneur le remboursement de la quote-part Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères et de chauffage collectif appelée par la copropriété pour l’intégralité du lot appartenant à la SCI Tolbiac, non plus que les facture de consommation et abonnement à la distribution de l’eau et tous accessoires,
-juger que tous les appels de provisions facturés à hauteur de 150,00 euros + 30,00 euros de TVA seront annulés ou à tout le moins repris et corrigés.
En conséquence,
-déclarer nulle et de nul effet la « sommation d’exécuter visant la clause résolutoire» signifiée le 27 septembre 2017 par la SCP d’huissiers Carucci Golliot Madelain Morin à la société Thiers à la demande de la SCI Tolbiac ;
-déclarer nul et de nul effet le « commandement de payer visant la clause résolutoire» signifié le 11 avril 2018 par la SCP d’huissiers Carucci Golliot Madelain Morin à la société Thiers à la demande de la SCI Tolbiac ;
-juger non acquise la résiliation du bail sur le commandement délivré le 11 avril 2018;
-ordonner la résolution du contrat de bail conclu entre la SARL Thiers et la SCI Tolbiac à effet du 27 septembre 2017, ou au plus tard au 11 mai 2018 ;
-fixer le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation dont sera redevable la SARL Thiers envers la SCI Tolbiac à la somme de 500 euros HT mensuelle en sus des charges et accessoires, depuis le 27 septembre 2017, et au plus tard le 12 mai 2018, et jusqu’à libération effective des lieux ;
-condamner la SCI Tolbiac à régler à la SARL Thiers la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et commercial subi, à tout le moins une provision de 100 000 euros à valoir sur cette indemnité d’éviction à fixer par expert que le tribunal désignerait ;
-condamner la SCI Tolbiac à régler la somme de 33.512,51 euros à la SARL Thiers au titre du trop perçu.
A titre subsidiaire,
-prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la SCI Tolbiac
-condamner la SCI Tolbiac au paiement d’une indemnité d’éviction à la SARL Thiers fixée à 500 000,00 euros sauf à parfaire, ou à tout le moins une provision de 100 000 euros à valoir sur cette indemnité d’éviction à fixer par expert que le tribunal désignerait ;
-condamner la SCI Tolbiac à payer à la SARL Thiers à titre de dommages et intérêts pour rupture fautive du bail et perte du fonds de commerce la somme de 500 000 euros, sauf à parfaire ;
-fixer la créance de la SCI Tolbiac au passif de la SARL Thiers tout au plus à la somme de 17.840 euros.
En tout état de cause,
-ordonner la compensation entre les sommes éventuellement dues entre les parties ;
-débouter la SCI Tolbiac de toutes ses demandes ;
-condamner la SCI Tolbiac à payer à la SARL Thiers sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile la somme de 10.000,00 euros ;
-condamner la SCI Tolbiac en tous les dépens qui comprendront le coût de la demande de renouvellement, et les constats d’huissier des 22 mars 2012, 13 juin 2018, 27 décembre 2021 et Maître Amélie de Colnet, à en poursuivre le recouvrement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Avant dire droit,
– En tant que de besoin, ordonner une expertise judiciaire d’évaluation du fonds de commerce de la SARL Thiers, avec mission, en s’entourant de tous renseignements à charge d’en indiquer la source, et en entendant au besoin tous sachants utiles, dont les identités seront précisées de :
-donner son avis sur la valeur du fonds de commerce appartenant à la SARL Thiers,
-surseoir à statuer sur le montant des préjudices à allouer à la SARL Thiers,
-accorder une provision d’un montant de 100.000 euros à régler par la SCI Tolbiac à la SARL Thiers.
Vu les conclusions du 14 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SCI Tolbiac qui demande à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :
-dit que faute de libération spontanée des lieux par la société Thiers, l’évacuation de toutes les personnes et occupants de son chef ainsi que de leur mobilier, se ferait aux frais du bailleur ;
-condamné la société Thiers à verser à la SCI Tolbiac la somme de 84.177,58 euros correspondant à l’arriéré locatif arrêté à la date du 11 mai 2018 et les indemnité d’occupation et charges déjà échues à la date de l’ordonnance de clôture ;
-fixé le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation dont sera redevable la société Thiers envers la SCI Tolbiac à la somme de 1.330 euros en sur des charges et accessoires depuis le 12 mai 2018 et jusqu’à libération effective des lieux ;
-rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.
Et statuant à nouveau de ces chefs,
-ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles qu’il désignera ou dans tel autre lieu du choix du bailleur, et ce en garantie de toutes les sommes qui pourront être dues, et ce, aux frais exclusifs de la société Thiers ;
-ordonner que le dépôt de garantie versé par la société Thiers, d’un montant de 6.014,71 euros, vienne en compensation du montant des arriérés de loyers, charges, accessoires et indemnité d’occupation dus au titre de l’occupation des locaux ;
-fixer le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation dont sera redevable la société Thiers à une somme mensuelle égale au montant du loyer indexé et des charges conventionnellement exigibles et ce, jusqu’à parfaite libération des lieux et restitution des clés ;
-fixer à la somme de 100.179,92 euros TTC le montant des arriérés de loyers, charges, indemnités d’occupation et accessoires dus par la société Thiers au titre de la période antérieure à jugement d’ouverture du 5 mai 2022 ;
Subsidiairement,
-prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la société Thiers.
En tout état de cause,
-débouter la société Thiers de toute demande plus ample ou contraire,
-fixer à l’encontre de la société Thiers une créance de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’une créance correspondant à tous les dépens.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la résolution du contrat de bail sollicitée par la SARL Thiers :
Exposé des moyens :
La SARL Thiers et Me [S] soutiennent que :
– la SARL Thiers a subi de nombreux désordres durant le temps de son occupation des lieux (infiltrations récurrentes, présences de rongeurs) auxquels la SCI Tolbiac, pourtant avisée à de multiples reprises, n’a jamais mis un terme ;
– s’agissant du litige relatif à la cuve à fioul, la SARL Thiers n’a jamais modifié la disposition des lieux et ne s’est pas accaparée certaines parties communes ; les travaux relatifs à cette cuve auraient été incompatibles avec l’exploitation du commerce et la SCI Tolbiac ne dispose d’aucun moyen juridique pour imposer ces travaux à son preneur ; rien ne permet d’affirmer que l’accès à cette cuve à fioul se trouve dans les locaux donnés à bail. La pression mise sur le preneur pour effectuer des travaux injustifiés et le priver de la jouissance paisible de son local constitue un grave manquement de la part du bailleur ;
– le bailleur a réclamé le paiement de la taxe foncière alors que le contrat de bail initial ne le prévoyait pas. Il était impossible de l’établir dans l’acte de renouvellement de bail qui « ne se fait que strictement aux clauses et conditions du bail précédent ». En s’abstenant de réclamer le remboursement de cette taxe pendant des années, le bailleur a manifesté sa volonté d’y renoncer et que le bailleur ne pouvait à la fois accepter une diminution de loyer dans l’avenant du 27 octobre 2014 toute en réclamant une taxe qu’il n’avait jamais antérieurement réclamée ;
– les appels de charges n’ont jamais été justifiés, les provisions demandées étaient excessives et disproportionnées, les charges de chauffage et d’eau étaient indues dès lors que la SARL Thiers disposait d’un système de chauffage et d’un réseau d’eau propres, il en est de même de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qui ne la concernait pas.
– le commandement visant la clause résolutoire du bail a été délivré de mauvaise foi alors que les loyers courants étaient payés ;
La SCI Tolbiac soutient que :
– la SARL Thiers n’articule aucun moyen tendant à la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail les liant alors que le bailleur affirme que le preneur était systématiquement défaillant depuis plus de 8 ans y compris quant au paiement des loyers ;
– l’avenant de renouvellement du bail du 10 octobre 2006 a expressément prévu le remboursement par le preneur de la taxe foncière et aucune renonciation ne peut lui être opposée alors qu’elle a facturé cette taxe foncière au prédécesseur de la SARL Thiers ;
– il y a eu une régularisation des charges de sorte que la demande portant sur le caractère excessif des provisions pour charges, par ailleurs non payées par la SARL Thiers, est sans objet et est infondée ;
– au surplus, la demande de restitution des provisions ayant été formée par conclusions du 12 mai 2021, toute demande portant sur une période antérieure de plus de cinq ans est prescrite et aucun acte interruptif de prescription ne lui a été délivré ;
– les charges de chauffage sont dues par la SARL Thiers même si elle disposait d’un système de chauffage propre, établi par ses soins sans autorisation du bailleur, dès lors que ces charges sont bien appelées par le syndic et qu’elles sont bien dues par la SCI Tolbiac en sa qualité de copropriétaire ; c’est l’intégralité du lot n° 12 qui a été donné à bail à la SARL Thiers et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères relatives à ce lot n° 12 sont dues par le preneur ; aucune facture d’eau n’a été répercutée sur le preneur ;
– s’agissant des infiltrations, celles-ci provenaient soit des parties communes soit des lots des autres copropriétaires, c’est à dire de tiers au sens de l’article 1725 du code civil dont le bailleur n’a pas à répondre ; au surplus, la SCI Tolbiac a toujours fait le nécessaire pour mettre un terme aux désordres ponctuels subis par le preneur qui ne justifie pas de leur persistance ; s’agissant des rongeurs, ceux-ci provenaient de l’immeuble voisin et étaient attirés par les aliments dont la SARL Thiers faisait commerce ; il lui appartenait de faire le nécessaire pour s’en prémunir ;
– il appartenait à la SARL Thiers de laisser libre accès au syndic afin de neutraliser la cuve se trouvant sous son lot et la SARL Thiers ne justifie d’aucun préjudice à ce titre ;
– la SARL Thiers n’a réglé aucune provision sur charge et ne saurait se plaindre de leur caractère excessif ;
– la SARL Thiers ne justifie d’aucun préjudice lui permettant de réclamer 500 000 euros de dommages et intérêts ;
-la liquidation de la SARL Thiers était inéluctable et la perte du fonds de commerce n’est pas due au litige avec le bailleur.Par lettre du 26 juillet 2022, le liquidateur lui a confirmé la résiliation du bail et que la remise des clés avait été effectuée.
Réponse de la cour :
Sur les troubles de jouissance allégués par la SARL Thiers :
Aux termes de l’article 1725 du code civil: ‘Le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel’.
Il ressort des constats versés aux débats par la SARL Thiers ainsi que de ses propres courriers adressés à son bailleur la SCI Tolbiac ou de courriers de tiers, qu’elle a eu à subir diverses infiltrations provenant soit de fuites dans le réseau d’eau équipant l’immeuble soit provenant des logements situés dans les étages supérieurs.
Les canalisations d’eau constituant des parties communes relevant de la copropriété et les lots des autres copropriétaires constituant des parties privatives à ces derniers, tant le syndicat des copropriétaires que les autres copropriétaires constituent des tiers au sens de l’article 1725 du code civil et le bailleur ne peut être poursuivi au titre de ces désordres sauf au preneur à démontrer qu’il n’a pas procédé à toutes les diligences nécessaires pour que le syndicat des copropriétaires y mette fin. La SARL Thiers, qui supporte la charge de la preuve de la carence du bailleur, se borne à affirmer qu’elle a parfois dû attendre plusieurs semaines pour que les réparations soient effectuées sans démontrer la carence alléguée. Au surplus, elle ne justifie d’aucun préjudice en lien avec ces infiltrations récurrentes.
S’agissant de la présence de rongeurs, la SARL Thiers, qui précise que cette invasion est liée à la démolition d’un immeuble voisin, n’articule aucun argument permettant de supposer que cette situation serait imputable à son bailleur qui fait observer, avec pertinence, que le commerce exercé par la SARL Thiers est précisément de ceux qui sont de nature à attirer ces animaux.
Sur la cuve à fioul:
Aucune des parties n’a produit un plan des lieux indiquant l’accès à cette cuve.
Par ailleurs, aucune des pièces versées aux débats ne permet d’affirmer que l’accès à cette cuve se ferait exclusivement par les lieux qui étaient occupés par la SARL Thiers et rien ne permet d’affirmer que cette dernière ou l’un de ses prédécesseurs se serait approprié certaines parties communes, à partir desquelles cet accès aurait été possible, pour les incorporer aux lieux donnés à bail.
Le fait que le syndicat des copropriétaires ait estimé que cet accès existait uniquement dans les locaux occupés par la SARL Thiers ne suffit pas à démontrer la réalité de cette allégation.
Il s’ensuit que la sommation d’exécuter du 27 septembre 2017 délivrée à la SARL Thiers par laquelle elle était tenue de donner accès à la cuve considérée après avoir fait déposer un carrelage et qui visait la clause résolutoire du bail la liant à la SCI Tolbiac se fonde sur une situation de fait qui n’est pas démontrée.
Le jugement entrepris qui a rejeté la demande d’annulation de cette sommation sera infirmé sur ce point et cette sommation sera annulée.
Mais la cour constate que cette sommation n’a été délivrée par le bailleur qu’à la suite des demandes réitérées du syndicat des copropriétaires les 29 octobre 2015 et 7 juillet 2016 et que la SARL Thiers n’a jamais répondu aux demandes du bailleur sur ce point ne serait-ce que pour en contester le bien-fondé. La sommation ainsi délivrée ne présente pas de caractère fautif et ne constitue pas de la part du bailleur « la pression » alléguée aux fins d’obtenir des travaux injustifiés et le priver de la jouissance paisible de son local.
Sur la taxe foncière :
Aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu’à l’occasion du renouvellement d’un bail commercial, les parties conviennent de modifications.
Le bailleur et le preneur ont fait usage de cette liberté contractuelle et si le bail initial entre la SCI Les Pennecs et la S.A. Sonoform du 1er juillet 1996 ne faisait pas peser cette charge sur le preneur, il est expressément prévu dans le renouvellement du 10 octobre 2006 que « le locataire remboursera au bailleur le montant de la taxe foncière ». L’avenant au bail signé le 27 octobre 2014 entre la SCI Tolbiac et la SARL Thiers fait expressément état au paragraphe C de la première page que la réduction de loyer qui est accordée au preneur tient compte « de la crise économique, des charges d’entretien et de la taxe foncière », ce qui démontre que la SARL Thiers ne pouvait ignorer que le remboursement de cette taxe était à sa charge.
Enfin, l’acte du 1er juillet 1996 indique que le bail porte sur « L’ensemble formant le lot numéro 12 du règlement de copropriété état descriptif de division dudit ensemble » et que c’est l’ensemble de ce lot sans aucune restriction qui a été donné à bail, de sorte que le preneur est tenu de la totalité de la taxe foncière réclamée à la SCI Tolbiac pour ce lot n° 12.
La renonciation à un droit ne peut résulter que d’un acte exprès et non équivoque et le fait que la SCI Tolbiac ait pu ne pas réclamer le paiement des sommes correspondantes aux taxes foncières pendant un certain temps à la SARL Thiers ne peut constituer l’indice d’une telle renonciation alors, au surplus, que par l’avenant du 27 octobre 2014, il a été expressément rappelé que la taxe foncière était à la charge de la SARL Thiers.
La demande formée par la SARL Thiers tendant à ce qu’il soit jugé qu’elle n’est pas tenue au remboursement de la taxe foncière sera rejetée.
Sur les charges de chauffage :
L’article « II ‘ Frais de chauffage » du règlement de copropriété de l’immeuble, stipule: « b) Répartition
Les frais de chauffage central seront répartis entre les propriétaires des lots numéros douze à trente-trois, dans les proportions qui seront indiquées dans la colonne cinq, du tableau de répartition entre les copropriétaires des diverses charges afférentes audit ensemble immobilier dressé ci-après. Les frais de chauffage central seront acquittés même par les copropriétaires qui se chaufferaient par leurs propres moyens ou qui déclareraient ne pas vouloir être chauffés »
Cette clause est usuelle et le propriétaire d’un lot doit participer aux charges de chauffage suivant la répartition prévue dans le règlement de copropriété, qu’il fasse ou non usage dudit chauffage et même si le lot considéré n’est pas raccordé au réseau de chauffage collectif, dès lors qu’il peut l’être.La SARL Thiers est donc tenue de rembourser les charges de chauffage telles que payées par le bailleur suivant les tantièmes des parties communes rattachées audit lot et ce même si elle a choisi, par convenances personnelles de ne pas en faire usage.
Sur les ordures ménagères :
Le bail prévoit que la SARL Thiers est tenue de rembourser aux bailleur les charges de copropriété incombant au lot n°12 qu’elle a occupé, lequel est notamment composé d’une quote-part des parties communes générales de l’immeuble dont il dépend et non uniquement de locaux privatifs. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères de la copropriété ayant été réclamée à la SCI Tolbiac, celle-ci est en droit de la répercuter sur son preneur.
Sur les factures d’eau :
La SCI Tolbiac affirme qu’elle ne les a jamais répercutées sur la SARL Thiers et la SARL Thiers reconnaît que si une facture d’eau lui a été décomptée le 9 novembre 2015, cette écriture a été « contrepassée » par la suite.
Sur les appels de charges :
La SCI Tolbiac verse aux débats des décomptes de régularisation pour les années 2011 à 2016 incluses (pièces n° 12 à 16) datés des 13 août 2015, 19 janvier et 31 mars 2016 puis pour les années 2016 à 2019 (pièces n° 33 à 35) datés des 15 mai 2018 et 31 janvier 2020.
S’il est exact que les régularisations des années 2011 à 2016 n’ont été faites qu’au cours de l’année 2015 et 2016 et non année après année, ces régularisations ont tout de même été faites, portées à la connaissance de la SARL Thiers et elles ont été reprises dans les décomptes locatifs produits par la SCI Tolbiac.
Les provisions pour charge ont été expressément fixées par les parties à la somme mensuelle de 150 euros (hors taxes) par l’avenant du 27 octobre 2014.
La SCI Tolbiac, qui conteste le paiement des provisions pour charge, se prévaut de la prescription de la demande en remboursement des provisions antérieures de plus de cinq ans au 12 mai 2021, sans en tirer de conséquence dans le dispositif de ses conclusions. Mais en tout état de cause, la SARL Thiers ne justifie pas du paiement qu’elle allègue et la SCI Tolbiac justifie avoir procédé à une régularisation des charges pour les années 2012 à 2019.
Sur le paiement des loyers par la SARL Thiers :
La SARL Thiers allègue que le commandement visant la clause résolutoire du bail les liant a été délivré de mauvaise foi alors que les loyers courants étaient payés ce que conteste la SCI Tolbiac qui affirme que le preneur a été défaillant depuis des années y compris dans le paiement des loyers.
Il appartient à la SARL Thiers de justifier du paiement qu’elle allègue.
Le bailleur a fait délivrer à la SARL Thiers 11 avril 2018, un commandement de payer la somme de 34 658,87 euros au titre du dépôt de garantie, des loyers et charges impayés arrêtés au mois de mars 2018 inclus. La SARL Thiers ne justifie pas du paiement des loyers visés dans ce commandement de sorte que le moyen soulevé par elle manque en fait.
La SARL Thiers sera déboutée de toutes ses demandes relatives aux charges et de celle relative à la résolution du bail aux torts de la SCI Tolbiac.
Sur les demandes subsidiaires tendant au prononcé de la résiliation du bail :
Exposé des moyens :
La SARL Thiers soutient que, si « la résiliation était prononcée » :
– elle a demandé le 30 avril 2018 une demande de renouvellement de bail moyennant une diminution du loyer et la SCI Tolbiac n’a pas répondu ;
– elle a implicitement refusé ce renouvellement en poursuivant l’acquisition de la clause résolutoire ;
– elle tente d’éluder le paiement d’une indemnité d’éviction ;
– ses défaillances telles que décrites plus haut doivent entraîner la résiliation du bail à ses torts.
La SCI Tolbiac soutient que :
– à défaut de réponse à la demande de renouvellement, l’article L 145-10 du code de commerce prévoit que le principe du renouvellement est accepté ;
– le bail a été résilié en avril 2022 lorsque la SARL Thiers a remis les clés des lieux puis la résiliation a été confirmée par le liquidateur courant juillet 2022.
Réponse de la cour :
Ainsi qu’il a été exposé plus haut la SCI Tolbiac n’a commis aucun manquement contractuel à l’égard de la SARL Thiers de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de prononcé de résiliation du bail.
Sur la demande de constat du jeu de la clause résolutoire du bail formée par la SCI Tolbiac :
Exposé des moyens :
La SCI Tolbiac soutient que :
– le commandement visant la clause résolutoire du bail qui a été délivré le 11 avril 2018 est valide, correspond à une défaillance avérée depuis plusieurs années du preneur lequel n’articule aucun motif de nullité à l’encontre de l’acte ;
– toutes les contestations soulevées par le preneur sont infondées ;
– la SARL Thiers n’a pas réglé les causes du commandement dans le mois de sa date de sorte que le bail a été résilié de plein droit le 11 mai 2018 ;
– les lieux ont été restitués le 4 avril 2022 lorsque l’intégralité des clés ont été remises au bailleur ;
– le liquidateur a opté pour la résiliation du bail le 26 juillet 2022.
La SARL Thiers et Me [S] soutiennent que la clause résolutoire a été invoquée de mauvaise foi par le preneur eu égard aux manquements qu’elle lui impute.
Réponses de la cour :
Selon l’article L145-41 du code de commerce : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. ».
L’article « Clause Résolutoire » du bail du 1er juillet 1996 est rédigée comme suit : « À défaut de paiement à son échéance exacte d’un seul terme du loyer ou de remboursement de frais, charges ou prestations qui en constituent l’accessoire, ou d’inexécution de l’une ou l’autre des conditions du présent bail, et un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d’exécuter restée sans effet, et contenant déclaration par les BAILLEURS de leur intention d’user du bénéfice de la présente clause, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au BAILLEUR, sans qu’il soit besoin de former une demande en justice. Et dans le cas où le PRENEUR se refuserait à évacuer les lieux, son expulsion pourrait avoir lieu sans délai sur une simple ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance et exécutoire par provision, nonobstant appel ».
Par acte d’huissier du 11 avril 2018, le bailleur a fait signifier au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour obtenir le paiement de la somme de 34 658,87 euros au titre du dépôt de garantie, des loyers et charges impayés arrêtés au mois de mars 2018 inclus. Ce commandement comporte toutes les mentions requises par la loi et est valide en la forme.
Les contestations opposées par la SARL Thiers à son bailleur portant sur le principe des charges locatives qu’elle estimait ne pas devoir à la SCI Tolbiac ayant été rejetées, la somme visée dans le commandement du 11 avril 2018 était justifiée et la SARL Thiers disposait d’un délai expirant le 11 mai 2018 pour s’acquitter des causes du commandement qui est également valide au fond dès lors qu’il vise une somme effectivement due par le preneur.
La SARL Thiers ne justifie ni même n’allègue qu’elle s’est acquittée de l’intégralité de la somme visée dans le délai requis.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial conclu entre la SCI Tolbiac et la SARL Thiers et portant sur les locaux sis [Adresse 3] à compter du 11 mai 2018.
Sur les conséquences de l’acquisition de la clause résolutoire :
Exposé des moyens :
La SCI Tolbiac soutient que :
– l’indemnité d’occupation ne peut être fixée qu’au montant mensuel du loyer augmenté des charges et non à un montant moindre en tenant compte d’un rapport d’expertise amiable non contradictoire qui a estimé que la valeur locative des lieux s’élevait à 1300 euros par mois ;
– le transport des meubles doit être ordonné.
La SARL Thiers soutient que :
– le loyer a été contractuellement fixé à un niveau excessif ;
– elle a mandaté la société Hauguel afin qu’elle évalue le loyer du local ce qui a été réalisé dans un rapport du 28 septembre 2018 qui a fixé cette valeur à la somme de 1300 euros TTC, somme qu’elle a réglée à compter de novembre 2020 ;
– l’indemnité d’occupation doit être fixée à 500 euros par mois du fait du défaut d’entretien de l’immeuble incombant à la SCI Tolbiac, de la perte de la chalandise pour cause de travaux puis à la suite de la crise sanitaire et de la non-rémunération des conséquences de la propriété commerciale.
Réponse de la cour :
L’indemnité d’occupation due par le preneur à bail commercial contre lequel la clause résolutoire a joué et qui se maintient dans les lieux présente un caractère compensatoire et indemnitaire.
L’estimation de la valeur locative des locaux réalisée de façon non contradictoire à la demande du preneur par un cabinet d’expertise immobilière n’est pas suffisante, en dehors de toute autre élément confirmant cette estimation, pour fixer de l’indemnité d’occupation conformément à cette estimation. Le seul élément objectif opposable aux parties demeure le contrat de bail modifié par ses divers avenants.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation à la somme de 1330 euros en sus des charges et accessoires depuis le 12 mai 2018 et jusqu’à libération effective des lieux et l’indemnité d’occupation due par la SARL Thiers à compter du 12 mai 2018 sera fixé au montant mensuel du loyer courant augmenté des charges jusqu’à la libération des lieux.
Il sera confirmé sur les conséquences du constat de l’acquisition de la clause résolutoire en ce qu’il a :
-ordonné l’expulsion immédiate de toutes les personnes et occupants des locaux précités ;
-dit que ces personnes devront libérer les lieux également de tout mobilier de leur chef;
-autorisé en tant que besoin le concours d’un serrurier voire de la force publique à l’huissier requis pour procéder à l’exécution de la mesure.
Il ressort du procès-verbal d’état des lieux de sortie du 22 avril 2022 que la SARL Thiers a laissé divers meubles dans les lieux (façonneuse, four, trois chambres de pousse, une table de vente, un congélateur, un réfrigérateur, neuf échelles et trois vestiaires métalliques). Il appartient au preneur de supporter la charge de l’évacuation de ses biens.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a dit qu’à défaut de libération spontanée, l’évacuation se fera aux frais du bailleur et il sera dit que l’évacuation notamment des meubles dans un garde-meubles se fera aux frais de la SARL Thiers.
Par ailleurs, le bail ayant été résilié de plein droit le 11 mai 2018 par l’effet de la clause résolutoire contractuelle, les dispositions des articles L145-14 et suivants du code de commerce prévoyant qu’en cas de refus de renouvellement par le bailleur, celui-ci est tenu au paiement d’une indemnité d’éviction au profit du preneur sont sans application. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité d’éviction et la demande d’expertise afin de déterminer le montant de cette indemnité sera rejetée.
Sur le compte entre les parties :
Exposé des moyens :
La SARL Thiers soutient que :
– en tenant compte de toutes les sommes réglées par elle et de toutes celles qui lui ont été indûment réclamé par la SCI Tolbiac, c’est cette dernière qui lui doit un solde de 33 512,51 euros ;
– le dépôt de garantie de 6014,71 euros doit être déduit ;
– elle subit un préjudice financier de 500 000 euros ;
– il lui est dû une indemnité d’éviction de 500 000 euros.
La SCI Tolbiac soutient que :
-les arriérés locatifs dus par la SARL Thiers s’élèvent à 100 179,92 euros ;
– le dépôt de garantie de 6014,71 euros doit être déduit ;
– elle ne doit aucune indemnité d’éviction puisque le bail a été résilié.
Réponse de la cour :
Il a été jugé plus haut que les contestations élevées par la SARL Thiers au titre des charges indues ou excessives étaient infondées. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la SARL Thiers de ses demandes de dommages et intérêts
Dans sa déclaration de créance du 4 mai 2022, le bailleur, a fait état d’une somme totale de 100 608,81 euros au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Thiers. La SCI Tolbiac verse aux débats un décompte arrêté au mois de mars 2022 tenant compte d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges et mentionnant les divers paiements effectués par la SCI Tolbiac durant cette période. Ce décompte présente une somme définitive de 100 179,92 euros. Les parties ne s’opposent pas sur la déduction de 6014,71 euros au titre du dépôt de garantie, soit un solde de 94 165,21 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la SARL Thiers à verser à la SCI Tolbiac la somme de 84 177,58 euros correspondant à l’arriéré locatif arrêté à la date du 11 mai 2018. La créance de la SCI Tolbiac à l’égard de la SARL Thiers sera fixée à la somme finale de 94 165,21 euros au titre des loyers et charges arrêtés au mois de mars 2022 inclus.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 6 décembre 2021 en ce qu’il a :
– rejeté la demande d’annulation de la sommation du 27 septembre 2017,
– fixé le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation dont sera redevable la SARL Thiers envers la SCI Tolbiac à la somme de 1330 euros en sus des charges et accessoires depuis le 12 mai 2018 et jusqu’à libération effective des lieux,
– dit qu’à défaut, l’évacuation se fera aux frais du bailleur,
– condamné la SARL Thiers à verser à la SCI Tolbiac la somme de 84.177,58 euros correspondant à l’arriéré locatif arrêté à la date du 11 mai 2018 et les indemnités d’occupation et charges déjà échues à la date de l’ordonnance de clôture ;
Statuant à nouveau :
Annule la sommation du 27 septembre 2017 ;
Fixe l’indemnité d’occupation due par la SARL Thiers à la SCI Tolbiac à compter du 12 mai 2018 au montant mensuel du loyer courant augmenté des charges jusqu’à la libération des lieux qui est intervenue à ce jour ;
Dit que l’évacuation des meubles dans un garde-meubles se fera aux frais de la SARL Thiers ;
Fixe la créance de la SCI Tolbiac au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Thiers à la somme de 94 165,21 euros au titre des loyers et charges arrêtés au mois de mars 2022 inclus ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute la SARL Thiers de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé qu’elle n’est pas tenue au remboursement de la taxe foncière ;
Déboute la SARL Thiers de toutes ses demandes relatives aux charges et de celle relative à la résolution du bail aux torts de la SCI Tolbiac ;
Déboute la SARL Thiers de sa demande subsidiaire d’expertise afin de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Thiers une créance égale aux dépens de la présente procédure d’appel ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Thiers une créance de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL Thiers et Me [S] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente