Indemnité d’éviction : 22 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/13893

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Indemnité d’éviction : 22 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/13893

22 septembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
21/13893

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 226

Rôle N° RG 21/13893 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIE6E

[X] [S]

C/

Etablissement Public METROPOLE AIX MARSEILLE PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me BERENGER

Me TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 06 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 16/05008.

APPELANT

Monsieur [X] [S]

né le 13 Mars 1958 à[Localité 4]),

Demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric BERENGER de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Etablissement Public METROPOLE AIX MARSEILLE PROVENCE et ,

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,

Dont le siège est sis Direction des Affaires juridiques

[Adresse 3]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens

Par acte du 27 juillet 1991, M. [X] [S] a pris en location-gérance un fonds de commerce de snack-bar pizzeria situé à [Adresse 5]. Mme [H] exploitait jusqu’alors personnellement ce fonds de commerce de snack-bar pizzeria dans les murs appartenant à Mme [J] au titre d’un bail conclu le 25 mai 1986 et renouvelé dans des conditions pratiquement identiques avec Monsieur [S] le 25 novembre 1991 par les consorts [J].

Par acte du 26 mars 1992, les époux [H] ont cédé leur fonds de commerce à M. [X] [S].

Par acte du 1er juin 1999, M. [X] [S] a conclu un bail commercial avec l’hoirie [J] pour le local mitoyen sis au [Adresse 2], dans lequel il a exploité une activité d’abattoir de volailles à l’enseigne ‘Au poulet gourmand’.

Le 8 février 2005, la Communauté urbaine MPM a acquis les immeubles abritant les deux fonds exploités par Monsieur [S] dans l’exercice de son droit de préemption de telle sorte que la collectivité publique est ainsi venue aux droits de la bailleresse dans le cadre des deux baux commerciaux susvisés qui se sont poursuivis. Ce droit de préemption a été exercé dans le cadre d’un projet d’aménagement urbain impliquant la destruction des immeubles abritant les deux fonds exploités par M. [X] [S]. La résiliation des deux baux commerciaux a été votée par délibération du 10 avril 2015.

Issue de la fusion de six-intercommunalités, la Métropole Aix-Marseille-Provence créée le 1er janvier 2016 par la loi, a succédé à MPM.

Le 26 mars 2015 M. [X] [S] a dû fermer le local à usage de bar-restaurant-pizzeria en raison du danger causé par des infiltrations d’eaux pluviales.

Par deux exploits d’huissier du 29 septembre 2015, contenant refus de renouvellement et une offre d’indemnité d’éviction prévue à l’article L. 145-14 du Code de commerce la communauté urbaine MPM (désormais Métropole AMP) a donné congé à Monsieur [S] pour les deux locaux commerciaux, à effet du 31 mars 2016.

Par assignation au fond délivrée le 9 mars 2016, Monsieur [S] a attrait la Métropole AMP devant le Tribunal de grande instance de Marseille pour lui demander de la condamner à lui payer une indemnité d’éviction qu’il évaluait à 135.145€ pour le fonds de commerce de restauration bar pizzeria, et subsidiairement, d’ordonner une expertise tendant à permettre à la juridiction de fixer la valeur de ladite indemnité d’éviction.

Par une seconde assignation au fond en date du 9 mars 2016, M. [X] [S] a engagé la même procédure contre sa bailleresse concernant le fonds d’abattage de volailles, sollicitant une indemnité d’éviction de 122.350€.

Parallèlement, par deux citations délivrées le 9 mars 1016, M. [X] [S] a assigné sa bailleresse devant le Président du tribunal de grande instance de Marseille siégeant en référé et par deux ordonnances du 9 mai 2016, plusieurs mesures d’expertise ont été ordonnées :

– deux expertises confiées à Mme [O] [N], relatives aux indemnités d’éviction dues en suite du non-renouvellement des baux commerciaux;

– une expertise confiée à Mr [V] [D] pour examiner et chiffrer les pertes d’exploitation commerciale sur le Snack-Bar que Monsieur [S] a été contraint de fermer en 2015, compte tenu de la dégradation des lieux non conformes à leur destination locative et de son incapacité à exploiter, préjudice distinct de l’éviction.

L’expert [D] a déposé son rapport le 5 décembre 2016.

A la suite de ce rapport, par ordonnance de référés du 27 février 2017, le Président du tribunal de grande instance de Marseille a débouté M. [X] [S] de sa demande de provision à valoir sur les pertes d’exploitation relatives au fonds de Snack Bar, présentées sous forme d’omission de statuer affectant l’ordonnance du 9 mai 2016.

Par arrêt du 31 mai 2018, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé cette ordonnance et alloué à Monsieur [S] une provision de 80.000€ à valoir sur les préjudices d’exp1oitation du fonds de commerce de snack bar sur lequel l’expert judiciaire [D] avait confirmé que la responsabilité de la collectivité AMP était engagée et avait validé le principe d’un préjudice chiffré à hauteur de 125.630€ par l’expert, l’obligation de réparer étant du bailleur étant incontestable. La somme de 80.000€ allouée couvrait la période allant du 25 mars 2015 au 31 mars 2016, date de prise d’effet du congé.

Les deux procédures au fond ont été jointes.

L’expert [N] a déposé ses deux rapports le 17 avril 2018.

M. [X] [S] a sollicité la condamnation de sa bailleresse au paiement de :

– la somme de 135.145€ à titre d’indemnité d’éviction pour le local de bar-restaurant-Pizzeria,

– la somme de 204.616€ pour le local à l’enseigne ‘ Au poulet Gourmand’.

– la somme de 45.630€ au titre de l’indemnisation du préjudice d’exploitation en complément de la provision allouée.

En défense la Métropole Aix-Marseille-Provence :

– s’est opposée à toute indemnité d’éviction en ce qui concerne le bar-restaurant, compte tenu de l’état du local et de la cessation d’activité du locataire, et à titre subsidiaire a demandé de retenir l’évaluation de l’expert,

– a demandé de retenir l’évaluation de l’expert en ce qui concerne l’indemnité d’éviction du local d’abattage de volailles, soit 85.456,91€,

– s’est opposée à l’indemnisation du préjudice subi du fait de l’absence de réalisation de travaux de sa part au motif qu’elle n’était pas informée de l’état du local

– reconventionnellement a demandé que la provision de 80.000€ allouée par la Cour d’Appel soit imputée sur les sommes allouées au locataire.

Par jugement du 6 septembre 2021, le Tribunal judiciaire de Marseille a :

– condamné la METROPOLE AIX MARSEILLE PROVENCE à verser à [X] [S] :

– la somme de 48.164 € au titre de l’indemnité d’éviction concernant le local à usage de bar-restaurant-pizzeria,

– la somme de 85.812,60€ au titre de l’indemnité d’éviction concernant le local à l’enseigne Au Poulet Gourmand,

– la somme de 5 000 € sur le fondement de l’art. 700 du code de procédure civile

– rejeté la demande formée par [X] [S] au titre de l’indemnisation du préjudice subi du fait de l’absence de réalisation des travaux concernant le local à usage de bar-restaurant-pizzeria pour la période à compter du 1er décembre 2016,

– rejeté la demande de déduction de la provision allouée par la Cour d’Appel des sommes allouées à M. [X] [S] formée par la Métropole Aix-Marseille-Provence,

– rejeté la demande de la Métropole Aix-Marseille-Provence sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande

– ordonné l’ exécution provisoire.

Le Tribunal de Grande Instance a retenu les évaluations des indemnités d’éviction retenues par l’expert judiciaire et rejeté les moyens des parties tendant à l’exclusion de toute indemnité ou à son augmentation par rapport aux conclusions expertales.

M. [X] [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 30 septembre 2021.

Par conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 29 décembre 2021, M. [X] [S] demande de :

– réformer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Marseille le 6 septembre 2021

Statuant de nouveau,

– condamner la METROPOLE AIX-MARSEILLE PROVENCE à payer à Monsieur [S] la somme de 135 145 Euros au titre de l’indemnité d’éviction du bar-pizzeria due en application de l’article L. 145-14 du Code de commerce

– condamner la METROPOLE AIX-MARSEILLE PROVENCE à payer à Monsieur [S] la somme de 204 616 Euros au titre de l’indemnité d’éviction du ‘Poulet Gourmand’ due en application de l’article L. 145-14 du Code de commerce,

– condamner la METROPOLE AIX-MARSEILLE PROVENCE à la somme de 45.630 Euros au titre des dommages et intérêts dus suite à l’inexécution par elle de ses engagements contractuels,

– rejeter l’ensemble des demandes formées par la METROPOLE AIX- MARSEILLE PROVENCE

– condamner la METROPOLE AIX-MARSEILLE PROVENCE à la somme de 10.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire de Madame [N] et Monsieur [D] distraits au profit de Maître [P] [L] sur son affirmation de droit.

Par conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 16 mai 2022, la Métropole Aix-Marseille-Provence demande de :

– Vu les articles L. 145-14 et L. 145-1 7 du code de commerce, les articles 1231 et s. du code civil, les rapports d’expertise judiciaire [N] des 9 et 12 avril 2018,

– confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Marseille le 6 Septembre 2021 (n°16/05008) en ce qu’il a homologué les rapports d’expertise judiciaire de Mme [N] et sur cette base, a condamné la Métropole Aix-Marseille-Provence à verser à Monsieur [X] [S] les sommes de 48.164,00 Euros, au titre de l’indemnité d’éviction concernant le local à usage de Bar – Restaurant – Pizzeria et 85.812,60 Euros au titre de l’indemnité d’éviction concernant le local à l’enseigne ‘Au Poulet Gourmand’

– confirmer de même le jugement attaqué en ce qu’il a débouté Monsieur [X] [S] de l’ensemble de ses demandes d’indemnisation de pertes d’exploitation et de dommages et intérêts au titre de l’inexécution d’engagements contractuels comme non fondées ;

– condamner l’appelant aux dépens de l’instance ;

– le condamner à payer à la Métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 24 mai 2022.

Motifs de la décision

L’article L.145-14 alinéa 1 du code de commerce dispose que :

‘ Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.’

L’article L.145-14 alinéa 2 du code de commerce dispose que:

‘ Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée selon les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.’

Il appartient au juge du fond de fixer souverainement le montant de l’indemnité d’éviction, sous réserve de préciser les éléments de préjudice qu’il entend réparer, le juge devant indemniser le coût réel du préjudice subi.

Quant au point de départ du calcul de cette indemnité, il est constant qu’elle doit être calculée au moment où le préjudice est réalisé, c’est-à-dire à la date de l’éviction ou la plus proche de celle-ci lorsque le locataire est resté dans les lieux, ou à la date où le locataire a cessé d’occuper régulièrement les lieux.

Enfin en ce qui concerne le mode de calcul de cette indemnité, il faut rappeler que selon l’article L.145-14 susvisé, par principe cette indemnité correspond à la valeur marchande du fonds de commerce, soit l’indemnité principale, augmentée d’indemnités accessoires, et qu’il appartient au propriétaire de rapporter la preuve que le préjudice est moindre s’il entend régler une indemnité principale calculée différemment. Il existe donc une présomption de perte du fonds de commerce, et donc de paiement d’une indemnité de remplacement, et il appartient au bailleur de rapporter la preuve qu’il existait une possibilité de transfert de l’exploitation justifiant le paiement d’une indemnité de déplacement.

Pour apprécier si le refus de renouvellement du bail entraîne la perte du fonds de commerce, et donc le paiement d’une indemnité de remplacement, il convient d’apprécier notamment s’il y a eu une perte de clientèle, étant précisé que dans tous les cas la valeur du fonds de commerce est au minimum égale à la valeur du droit au bail, et que c’est la plus élevée des deux valeurs qui doit être retenue. A contrario le fonds de commerce est considéré comme transférable dès lors qu’il peut être déplacé sans que ne subsiste aucune perte de clientèle.

Au regard des principes ainsi rappelés, il convient de fixer le montant de l’indemnité d’éviction due à M. [X] [S] pour chacun des baux résiliés.

Sur le montant de l’indemnité d’éviction pour le bar-snack-pizzeria

Il s’agit de locaux à usage de bar-restaurant-pizzeria, sis au [Adresse 2], d’une superficie de 116,13m2 en rez-de-chaussée, outre une cour de 25m2 et une chambre ( inoccupée) de 15m2 en étage. Le bâtiment est en très mauvais état d’entretien, du fait de l’absence de travaux notamment de toiture du bailleur, ce qui a conduit à la cessation d’activité en mars 2015.

L’expert a retenu une surface utile pondérée de 105m2 ( non contestée).

Pour calculer la valeur marchande d’un fonds de commerce ( valeur de remplacement), il existe plusieurs méthodes d’évaluation, la principale étant la méthode dite des ‘ usages professionnels’, la seconde celle de la ‘ rentabilité du fonds’.

Dans tous les cas, il est nécessaire de se baser sur les bilans comptables récents, des trois dernières années, du fonds de commerce exploité dans les locaux.

Or, ainsi que l’a très justement relevé l’expert, il ressort tant du rapport d’expertise que des pièces versées aux débats que la situation de M. [X] [S] relative à cette activité est des plus confuse. En effet il ressort des extraits K Bis que M. [X] [S] a exercé cette activité jusqu’au 6 avril 2010, date à laquelle il a cessé son activité, pour la reprendre le 6 juin 2014. Dans l’intervalle, un contrat de location-gérance a été signé entre M. [X] [S] et M. [W] [S] du 01/03/2011 au 29/02/2012 renouvelable par tacite reconduction, ce dernier ayant été immatriculé au RCS du 23/01/2012 au 27/05/2014, date de sa radiation.

Enfin l’activité a été arrêtée en mars 2015 du fait de l’impossibilité d’exploiter en raison du défaut d’entretien, de telle sorte que l’expert relève qu’il n’y a plus à proprement parler de clientèle, et donc pas de perte de clientèle, ni d’éléments corporels.

Le rapport d’expertise [N] constate d’abord l’impossibilité de chiffrer une indemnité d’éviction par la méthode ‘ des barèmes professionnels’ qui fonde l’estimation de la valeur du fonds sur les éléments chiffrés des trois derniers exercices connus par moyennes arithmétiques. En effet l’expert [N] relève l’absence totale de documents comptables relatifs à ce fonds de commerce et indique :

‘ En l’absence de bilans récents (3 dernières années notamment) ou tout au moins les bilans des 3 dernières années d’expIoitation effective, il nous paraît inopportun d’évaluer l’indemnité principale sur une moyenne (non corroborée par des éléments comptables probants mais repris dans les mémoires des parties) des années 2009 à 2011.

Nous laisserons le soin au Tribunal de statuer sur le fait que ce commerce n’est plus exploité depuis 2015, date du congé et qu’au regard des textes et de la jurisprudence, la consistance du fonds nous semble alors dépourvu de certains paramètres. (…)’.

Cependant il convient de rappeler que la cessation d’activité en mars 2015 est due au défaut d’entretien total des locaux désormais dans un état d’insalubrité important et en tout état de cause inexploitables, la Métropole Aix-Marseille-Provence n’ayant acquis ce bien qu’en vue de sa démolition pour un projet d’aménagement urbain.

Il serait dès lors inapproprié de refuser le paiement d’une indemnité d’éviction pour ce motif, le bailleur étant responsable de cette situation.

L’indemnité d’éviction doit donc être fixée, au vu des éléments dont la cour dispose.

Pas plus devant l’expert que devant le tribunal ou la Cour M. [X] [S] ne produit les bilans comptables récents de son activité de bar-snack-pizzeria, seuls ceux de 2009 à 2011 ayant été remis.

In fine l’expert propose ‘ à toutes fins utiles, au Tribunal un chiffrage de ce fonds de commerce sur la base d’un CA moyen ancien (2009 -2011) retenu par les parties mais qui nous semble de pas être pertinent dans le calcul d’une perte de fonds de commerce.’

Au vu de ce qui précède, la Cour retient ce mode de calcul, adopté par toutes les parties, qui est le plus approprié en l’espèce.

M. [X] [S] sollicite que le montant de l’indemnité d’éviction soit fixée à la somme de 135.145€ en se basant sur un document intitulé ‘ observations sur pré-rapport’ établi en 2017 par un cabinet AIXPERTISE CONSULTING, lequel critique le pré-rapport de l’expert [N],

en ce que d’une part il ne tient pas compte de la valorisation de la location-gérance, et d’autre part retient comme référence pour l’évaluation dite des barèmes professionnels l’extrême fourchette basse de tous les barèmes de référence, au vu de l’état des locaux et de leur caractère peu attractif, ce qui conduirait à pénaliser doublement le locataire qui subi une perte d’exploitation et une perte de valorisation.

Cependant il échet de constater qu’une part que le rapport de l’expert [N] est extrêmement précis, sérieux et détaillé dans les différents modes de calcul employés pour déterminer le montant de l’indemnité d’éviction, qu’il a tenu compte après le pré-rapport de certaines observations, notamment en ce qui concerne le fait de retenir un CA TTC et non HT comme le préconisait l’expert amiable [U], que tous les éléments de référence ou de comparaison sont parfaitement justifiés, et qu’au final c’est l’hypothèse la plus favorable au locataire qui a été retenue. Par ailleurs le quartier [Localité 6] dans lequel se situe le bar-restaurant n’est pas des plus attractifs, même si le local est effectivement situé sur une artère passante, de telle sorte qu’il n’y a pas lieu de retenir des éléments de référence supérieurs.

Ainsi les critiques faites ne sont pas justifiées.

Dès lors, au vu du rapport d’expertise, le montant de l’indemnité d’éviction peut être calculé de la manière suivante :

– indemnité principale ( valeur de remplacement du fonds basé sur chiffre d’affaire TTC) : 45.240€

– frais et droits de mutation ou de remploi : 3.374€

soit : 48.614€

les autres postes ( indemnité de déménagement, perte sur salaire, indemnité de licenciement) étant sans objet du fait de la cessation d’activité préalable du bar -restaurant, étant rappelé que la perte d’exploitation due au défaut d’entretien est indemnisée séparément.

La Métropole Aix-Marseille-Provence est donc condamnée à payer à M. [X] [S] une indemnité d’éviction pour le bar-restaurant d’un montant de 48.614€.

Le jugement est confirmé.

Sur le montant de l’indemnité d’éviction pour l’abattoir de volailles

Il s’agit de locaux à usage d’abattoir et de vente à emporter de volailles ‘ Halal’ sis [Adresse 2] en rez-de-chaussée, d’une superficie totale de 78,96m2, outre une cour de 21,27m2. L’intérieur des locaux est en bon étant, même si l’immeuble lui-même, ( dans lequel se situe le bar-pizzeria) est vétuste. Il n’y a pas eu de cessation d’activité.

L’expert a retenu une surface pondérée de 56m2 ( non contestée).

Pour ce local les bilans comptables 2014,2015 et 2016 ont été communiqués à l’expert, qui a retenu un chiffre d’affaire moyen HT de 261.060 € et de 275.419€ TTC, en relevant une forte progression entre 2014 et 2016.

Là encore les calculs de l’expert, méthode par méthode, sont particulièrement détaillés et précis.

M. [X] [S] conteste les conclusions de ce rapport, en se basant sur une seconde note ‘ observations sur le pré-rapport’ établi en 2017 par le même cabinet de consultant amiable. Il critique tout d’abord le fait que l’expert [N] ait pris comme élément de comparaison des commerces de Boucherie- charcuterie, ce qui ne serait pas adapté à l’activité d’abattoir et vente à emporter de volailles ‘ Halal’.

Cependant il échet de constater que cette critique est infondée en ce que l’expert a pris comme éléments de comparaison pour l’évaluation selon la méthode des ‘ barèmes professionnels’ des références de commerces de boucherie ou boucherie- triperie-volailles, pour l’évaluation selon la méthode de comparaison (recoupement) des prix de cession de fonds de commerce d’abattage de volailles, et où enfin n’est pas démontré que la marge commerciale d’une telle activité serait largement supérieure à celle d’une boucherie traditionnelle ne comportant pas élevage ni abattage.

Par ailleurs l’expert a indiqué, après observations sur le pré-rapport, qu’il adoptait le calcul du chiffre d’affaires TTC, plus favorable au locataire évincé.

Enfin il a clairement expliqué que le quartier [Localité 6] n’est pas, contrairement aux affirmations de M. [X] [S], un quartier attractif en terme de commercialité, les facteurs locaux de commercialité ayant évolué à la baisse.

Les critiques de M. [X] [S] ou de son expert amiable ne sont pas fondées.

Dès lors l’indemnité d’éviction due pour ce local doit être fixée de la manière suivante, au vu du rapport d’expertise :

– indemnité principale ( valeur de remplacement) : 96.396€ TTC

– frais et droits de mutation ou de remploi : 8.489€

– indemnité pour trouble commercial : 12.276€

– perte sur stock : 205€

soit au total : 108.877€.

Par ailleurs c’est à juste titre que le premier juge a déduit de cette somme le montant de l’ indemnité d’occupation évaluée par l’expert à la somme de 529€ par mois, soit 6.348€ par an, soit pour la période du 01/04/2016 au 18/11/2019 la somme de 23.064,40€.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la Métropole Aix-Marseille-Provence à payer à M. [X] [S] la somme de 85.812,60€.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice de perte d’exploitation en raison de l’inexécution par le bailleur de ses obligations

M. [X] [S] demande l’infirmation du jugement qui a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour indemniser le préjudice pour perte d’exploitation subi du fait qu’il a été contraint de cesser son activité pour le bar-snack-restaurant en mars 2015. Il demande la somme de 45.630€ correspondant à la différence entre le préjudice chiffré par l’expert [D] dans son rapport de décembre 2016, soit 125.630€ et la provision allouée par la Cour d’Appel.

Dans son rapport de décembre 2016, l’expert [D] a chiffré le préjudice subi, correspondant au loyers versés en pure perte depuis mars 2015, à la perte de salaire et à la perte de bénéfice d’exploitation, le tout arrêté à fin novembre 2016.

Dans son arrêt du 31 mai 2018, la Cour d’Appel a alloué à titre de provision la somme de 80.000€, en relevant que la responsabilité du bailleur dans le défaut d’entretien du local étant incontestable, de même que le droit à réparation du locataire pour perte d’exploitation. Elle a indiqué que cette somme correspondait au préjudice subi arrêté au 31 mars 2016, date d’effet du congé, le locataire ne pouvant solliciter des dommages-intérêts au-delà de cette date.

Même si le locataire a effectivement le droit de rester dans les lieux et de poursuivre son activité malgré le congé délivré tant que l’indemnité d’éviction ne lui a pas été versée, cette règle ne vaut que pour déterminer la date à laquelle le locataire peut/doit quitter les lieux lorsqu’un congé lui a été délivré.

Cependant la réparation du préjudice subi pour perte d’exploitation ne doit réparer que le préjudice réellement subi, et non un préjudice hypothétique. Dès lors M. [X] [S] est mal fondé à réclamer des dommages-intérêts pour perte d’exploitation au delà du 31 mars 2016, date de prise d’effet du congé délivré, faute de poursuite de l’activité.

Sa demande est rejetée et le jugement est confirmé.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens d’appel sont mis à la charge de M. [X] [S] qui succombe en appel, le jugement étant confirmé en ce qui concerne les dépens de première instance.

M. [X] [S] est également débouté de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [X] [S] est condamné à payer à la Métropole Aix-Marseille-Provence une somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Par ces motifs

La Cour statuant publiquement, contradictoirement

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille du septembre 2021;

Y ajoutant

Déboute M. [X] [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

Condamne M. [X] [S] à payer à la Métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne M. [X] [S] aux dépens d’appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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