22 février 2024
Cour d’appel de Rouen
RG n°
23/01795
N° RG 23/01795 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JL43
COUR D’APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 22 FEVRIER 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
23/00001
President du tribunal judiciaire de Dieppe du 03 mai 2023
APPELANTE :
Madame [L] [C] épouse [S]
née le 03 novembre 1950 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Thierry DULIERE de la SCP DULIERE, avocat au barreau de DIEPPE
INTIMEE :
S.A.R.L. CEDRA
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Stéphane BARBIER de la SELARL BARBIER VAILLS, avocat au barreau de DIEPPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 décembre 2023 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, présidente
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 07 décembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 janvier 2024 puis prorogé à ce jour.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 février 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant acte sous seing privé du 21 avril 1998, Madame [U] [O], aux droits de laquelle se trouve Madame [L] [S], a donné à bail commercial à la société Cedra une partie de l’immeuble à usage de commerce et d’habitation situé à [Adresse 1] pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir le 9 novembre 1992 pour se terminer le 9 novembre 2001. Les locaux étaient destinés au commerce de vente et réparation de vêtements de marine.
Ce bail a été renouvelé le 11 juin 2003 pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir rétroactivement le 9 novembre 2001 pour se terminer le 9 novembre 2010.
Il a été renouvelé le 18 avril 2012 pour une nouvelle période de neuf années qui a commencé à courir rétroactivement le 9 novembre 2010 pour se terminer le 9 novembre 2019 et moyennant un loyer annuel de 6.148,80 euros payable mensuellement et indexé en fonction de la variation de l’indice du coût de la construction.
Le 20 avril 2022, la société Cedra a fait délivrer au bailleur une demande de renouvellement de bail commercial.
Le 25 mai 2022, Madame [S] a fait délivrer à la société Cedra une sommation d’exécuter les conditions du bail commercial visant la clause résolutoire lui rappelant l’obligation de garnissement et l’obligation d’exploiter.
Le 16 juin 2022, le bailleur a fait délivrer au preneur une sommation d’exécuter les conditions du bail commercial au motif de divers manquements et notamment : le défaut d’occupation et d’exploitation des lieux, le défaut de paiement d’arriéré et lui faisant sommation de tenir les lieux loués garnis de meubles effets mobiliers et matériels en quantité et valeurs suffisantes, de maintenir les lieux loués en état permanent d’utilisation effective, de payer le solde de loyer restant dû de 843,99 euros.
Le 7 juillet 2022, la société Cedra a réglé la somme de 843,99 euros.
Le 18 juillet 2022, le bailleur a répondu à la société Cedra refuser le renouvellement du bail et refuser le paiement d’une indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes.
Le 22 décembre 2022, Madame [S] a fait assigner la société Cedra devant le juge de référés du tribunal judiciaire de Dieppe pour demander que soit constatée l’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail et que soit ordonnée l’expulsion de la société Cedra.
Par ordonnance du 3 mai 2023, le président du tribunal judiciaire de Dieppe a :
– dit n’y avoir lieu à référé,
– condamné Madame [L] [C] épouse [S] à payer à la SARL Cedra la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à la charge de Madame [L] [C] épouse [S] les entiers dépens de l’instance.
Madame [L] [C] épouse [S] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 24 mai 2023.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 5 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Madame [L] [C] épouse [S] qui demande à la cour de :
Déclarer recevable l’appel régularisé le 24 mai 2023 par Madame [S] à l’encontre de l’ordonnance de référé en date du 3 mai 2023,
Vu l’article 564 du code de procédure civile,
Déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance formée par la société Cedra en cause d’appel,
Débouter la société Cedra de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
En conséquence,
Infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Constater que la clause résolutoire figurant au bail commercial est acquise et que le bail est résilié à la date du 25 juin 2022 ;
En conséquence,
Ordonner l’expulsion immédiate et sans délai de la SARL Cedra, au capital de
7 622,45 euros, immatriculée au RCS de Dieppe sous le n° 333 882 835 dont le siège social est [Adresse 1] (France), désormais occupant sans droit ni titre tant de ses biens que de sa personne et de tous occupants de son chef au besoin avec l’aide de la force publique ;
Condamner la SARL Cedra à payer la somme de 1.700 euros par mois outre le montant de la taxe foncière au titre de l’indemnité d’occupation des lieux à compter du 25 juin 2022 jusqu’à libération complète des lieux ;
Condamner la même à payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SARL Cedra aux entiers dépens qui comprendront le coût des commandements de payer et sommations d’exécuter les conditions du bail délivrés et tous les actes d’exécution.
Vu les conclusions du 5 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SARL Cedra qui demande à la cour de :
– dire que les demandes de Madame [S] se heurtent à des contestations sérieuses au sens de l’article 893 du code de procédure civile,
– déclarer en conséquence irrecevables l’ensemble des demandes de Madame [S], et en tout état de cause l’en débouter,
– confirmer en conséquence la décision rendue le 3 mai 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Dieppe, en toutes ses dispositions,
A titre infiniment subsidiaire, sur l’indemnité d’occupation,
– si la Cour venait à mettre à la charge de la société Cedra une telle indemnité, condamner Madame [L] [S] au paiement de dommages et intérêts pour trouble de jouissance équivalent au montant des indemnités d’occupation qui lui seraient allouées et ordonner alors la compensation entre les deux sommes de telle sorte que la société Cedra ne lui doive aucune somme,
Y ajoutant,
– condamner Madame [S] à payer à la SARL Cedra la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Madame [S] aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes des dispositions de l’article 834 du code de procédure civile, »dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »
Aux termes de l’article 835 du même code : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.’
La condition d’urgence n’est pas nécessaire pour constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du droit au bail.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire
Moyens des parties
Madame [S] soutient que :
* la sommation d’exécuter les conditions du bail délivrée le 25 mai 2022 visant la clause résolutoire est demeurée sans effet ; la clause résolutoire est donc acquise au 25 juin 2022 ;
* son appel est limité à la seule discussion relative au défaut d’exploitation des locaux par le preneur qui ne sont plus achalandés ni exploités depuis le 1er janvier 2022 ;
* une autre sommation d’exécuter ces mêmes obligations avec le visa de l’article L.145-17 du code de commerce a été adressée à la société Cedra le 16 juin 2022 ;
* nulle part il n’a été jugé ou retenu par la jurisprudence que le défaut d’exploitation d’un fonds pourrait être contré par une « apparence » d’exploitation d’un fonds de commerce ;
* il n’est pas démontré que l’arrêt de l’exploitation des lieux depuis le 1er janvier 2022 serait en lien avec une affection pour laquelle Monsieur [G], gérant de la société Cedra, a été opéré ;
* Monsieur [G] a repris son activité professionnelle au moins jusqu’au 31 décembre 2021 puisqu’il n’a jamais été contesté qu’il exploitait son fonds de commerce jusqu’à cette date ;
* la demande de renouvellement du bail du preneur a été formée le 21 avril 2022 alors qu’il n’exécutait plus ses obligations d’exploiter et achalander les lieux loués depuis le 1er janvier 2022 ;
* le preneur a manqué à ses obligations contractuelles visées à l’article 9 de bail renouvelé du 18 avril 2012 malgré une sommation d’exécuter les conditions du bail délivrée le 25 mai 2022.
La société Cedra réplique que :
* la demande d’acquisition de la clause résolutoire rappelée dans les sommations des 25 mai et 16 juin 2022 se heurte à des contestations sérieuses ; elle est irrecevable ;
* la question de savoir si le preneur exécute ou non les conditions du bail n’est pas de la compétence du juge des référés qui n’a pas à interpréter le contrat ;
* Madame [S] se garde bien de préciser que la locataire lui a réglé les loyers de septembre à décembre 2022, outre les taxes foncières et ordures ménagères ;
* le bailleur a multiplié les actes, ce qui ne veut pas dire que la SARL Cedra n’exécute pas les conditions du bail ; elle a dû faire face à la maladie de son gérant ; elle n’a jamais renoncé à l’exploitation nonobstant le licenciement du salarié ; au contraire, elle a manifesté sa volonté d’exploiter en faisant une demande de renouvellement en date du 21 avril 2022 ;
* le bailleur a malicieusement refusé le renouvellement du bail pour de faux motifs ; par la présente procédure, le bailleur empêche le preneur de céder son fonds de commerce et veut récupérer les lieux à bon compte, sans rien verser à la SARL Cedra ;
* le bail s’est reconduit par tacite reconduction ;
* aux termes du bail, le preneur est en droit de céder son droit au bail à un successeur sans l’agrément du bailleur ; ce dernier sait que la SARL Cedra a reçu une offre d’achat de son fonds de commerce le 5 novembre 2022 d’un montant de 50.000 euros ; l’offre d’acquisition a été renouvelée ;
* le procès-verbal de constat du 10 novembre 2023 démontre les infiltrations d’eau subies par le locataire du fait de l’absence de travaux sur le clos et le couvert imputable au bailleur ; ces désordres l’empêchent d’exploiter correctement le bien loué.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité mentionner ce délai. »
Le bail prévoit en son article 9 intitulé :« Garnissement et obligation d’exploiter » que « Le preneur devra tenir les lieux loués constamment garnis de meubles, effets mobiliers et matériels en quantité et valeurs suffisantes pour répondre à tout moment du paiement des loyers et accessoires et de l’exécution des conditions, clauses et charges du présent bail.
Le preneur devra maintenir les locaux loués en état permanent d’utilisation effective »
Le bail du 18 avril 2012 prévoit en son article 24 une clause résolutoire dans les termes suivants : »A défaut de paiement à son échéance exacte d’un seul terme de loyer (‘), ou d’exécution de l’une ou l’autre des conditions du présent bail, et un mois après simple commandement de payer ou une sommation d’exécuter restée sans effet et contenant déclaration par le Bailleur de son intention d’user du bénéfice de la présente clause, le présent bail serait résilié de plein droit si bon semble au Bailleur, sans qu’il soit besoin de former une demande en justice.(…). »
Le 25 mai 2022, Madame [S] a fait délivrer à la société Cedra par le ministère de Maître [N], huissier de justice à [Localité 3], une sommation visant et reproduisant la clause résolutoire, d’avoir à exécuter les conditions du bail commercial dans le délai d’un mois à compter de cette date soit :
– tenir les lieux loués constamment garnis de meubles, effets mobiliers et matériels en quantité et valeurs suffisantes pour répondre à tout moment du paiement des loyers et accessoires et de l’exécution des conditions et charges du bail,
– maintenir les lieux loués en état permanent d’utilisation effective.
Madame [S] verse aux débats :
– la lettre de licenciement pour motif économique adressée le 27 novembre 2021 par la société Cedra à sa salariée évoquant la cessation définitive d’activité et le départ à la retraite du gérant en fin d’année 2021 ;
– un article de la presse locale »Les informations Dieppoises » aux termes duquel, Monsieur [G] annonce avoir baissé définitivement le rideau le vendredi 31 décembre 2021 et fermer définitivement sa boutique ;
– le procès-verbal dressé par Maître [N], huissier de justice à [Localité 3], qui a constaté le 31 janvier 2022 la présence d’un bandeau indiquant »le magasin fermera ses portes fin décembre (‘) ». Il note que le magasin est fermé, qu’il ne reste dans le local commercial que des étagères vides et des cartons. Maître [N] s’est de nouveau rendu sur place les 2,4,8,12,18 février 2022 et les 25 et 30 mars 2022 et il a à chaque fois constaté que le magasin est fermé, n’est plus achalandé, n’est pas exploité, que les étagères sont en cours de démontage, que le magasin est de plus en plus vide ;
– le procès-verbal des 8 et 31 août 2022 dressé par le même huissier de justice qui a constaté que le commerce est fermé et n’est pas exploité, qu’au travers de la vitrine le magasin n’est pas achalandé, qu’il ne reste qu’un meuble caisse, quelques étagères, que sur le trottoir devant le commerce sont installés 15 tables et 30 chaises ;
– le procès-verbal du 6 décembre 2022 dressé par le même huissier de justice qui a constaté que le commerce est fermé et n’est pas exploité, que des planches en bois ont été posées sur les vitrines à l’intérieur du magasin, qu’un commerçant voisin interrogé lui déclare que le commerce est fermé et non exploité depuis le début de l’année 2022 ;
– le procès-verbal dressé par le même huissier de justice qui a constaté les 8,23 juin, 6 et 12 juillet 2023 que le magasin n’est pas exploité, que l’enseigne »Aux Marins Chics » a disparu, que le barnum qui était installé sur le trottoir devant la façade du commerce a été démonté, qu’il n’y a aucune information relative aux jours et heures d’ouverture du magasin, que le gérant du restaurant voisin, Monsieur [J], lui a déclaré que le commerce n’est plus exploité depuis le 1er janvier 2022 et qu’il a l’autorisation d’installer des tables pour son restaurant. Maître [N] a constaté la présence sur le trottoir, devant la vitrine du commerce fermé, des tables dressées.
– les clichés photographiques annexés aux procès-verbaux cités qui illustrent les constatations de l’huissier de justice.
– un avis de passage du distributeur GRDF du 25 septembre 2023 qui s’est rendu au 63 Quai Henri IV pour effectuer la résiliation du contrat de gaz/mise hors service.
Les deux photographies produites prises le 19 novembre 2023 par la société Cedra qui illustrent un magasin achalandé ainsi que les 11 copies de chèques établis à l’ordre de »Aux Marins Chics » du mois de novembre 2023 ne sont pas contemporaines de la délivrance de la sommation du 25 mai 2022. Dès lors, elles ne caractérisent pas une contestation sérieuse de nature à faire obstacle à ce que soit constatée la résolution du bail pour manquement à l’obligation d’exploiter.
Il apparaît de ces éléments que le commerce a été exploité jusqu’à la fin de l’année 2021, les problèmes de santé du gérant de la société Cedra au cours de l’année 2020 ne constituent pas une contestation sérieuse à la mise en ‘uvre de la clause résolutoire.
Enfin, il n’apparaît pas du procès-verbal d’état des lieux établi le 31 mars 2022 par Maître [T], huissier de justice, à la demande de la société Cedra qui relève de l’usure dans la pièce principale du local commercial et des traces sur une zone du plafond évoquant des problèmes d’infiltration, une impossibilité d’exploiter les lieux de sorte que ce moyen de contestation pour faire obstacle à la mise en ‘uvre de la clause résolutoire n’est pas sérieux.
A supposer, ce qui ne ressort pas clairement de ses conclusions, que la société Cedra se prévale de la mauvaise foi du bailleur dans la délivrance de la sommation du 25 mai 2022 en ce qu’elle invoque la malice du bailleur qui veut récupérer son bien »sans bourse déliée », le fait que cette sommation ait été délivrée après la demande de renouvellement du bail par le preneur le 20 avril 2022 ne démontre pas à elle seule la mauvaise foi de la bailleresse.
Ainsi, sans qu’il soit besoin d’interpréter le contrat de bail, il apparaît avec l’évidence requise en référé, des pièces produites par Madame [S], un manquement de la société Cedra à l’obligation d’exploitation stipulée à l’article 9 du bail auquel la société Cedra n’a pas mis fin dans le délai d’un mois qui lui était imparti par la sommation du 25 mai 2022. L’ordonnance qui a dit n’y avoir lieu à référé sera infirmée, l’acquisition de la clause résolutoire de plein droit à compter du 26 juin 2022 sera constatée, l’expulsion de la société Cedra sera ordonnée.
Sur la demande d’indemnité d’occupation à hauteur de 1700 euros à compter de l’acquisition de la clause résolutoire
Madame [S] fait valoir que :
* la société Cedra est occupante sans droit ni titre et doit régler une indemnité égale à deux fois le montant du loyer.
La société Cedra réplique que :
* l’indemnité sollicitée correspondant à deux fois le montant du loyer n’est pas prévue par le bail ; elle se heurte donc à une contestation sérieuse et aussi en raison des manquements du bailleur à ses obligations d’assurer le clos et le couvert.
Réponse de la cour
Il n’apparaît pas du bail que les parties ont prévu le montant d’une indemnité d’occupation.
Par l’effet de la résiliation du bail au 26 juin 2022, l’indemnité d’occupation qui vient réparer le préjudice né d’une occupation sans droit ni titre vient se substituer à l’obligation de payer le loyer. Dès lors que le contrat est résilié, la société Cedra, occupante sans droit ni titre jusqu’à son départ des lieux, ne peut utilement se prévaloir d’une exception d’inexécution contractuelle.
Il n’est pas sérieusement contestable qu’en se maintenant dans les lieux, l’intimée cause à l’appelante un préjudice.
Le montant de la provision qui peut être allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Le doublement du montant du loyer au titre de l’indemnité d’occupation provisionnelle apparaît sérieusement contestable au regard du préjudice allégué qui n’est que l’occupation des lieux. L’indemnité d’occupation sera fixée à titre provisionnel au montant du dernier loyer jusqu’à la libération effective des lieux.
Sur la demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance présentée par la société Cedra
La société Cedra soutient que :
* elle subit un trouble de jouissance lié aux désordres imputables au défaut d’entretien par le bailleur et qui est équivalent au montant des indemnités d’occupation allouées à Madame [S] qui se compenseront avec les dommages et intérêts de telle sorte que la société Cedra ne doive aucune somme.
Madame [S] réplique que :
* la demande est nouvelle et irrecevable ; la société Cedra n’a jamais formé une telle demande en première instance ;
* en tout état de cause, le trouble de jouissance invoqué n’est pas justifié.
Réponse de la cour
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, »A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
La société Cedra opposant la compensation, entre l’indemnité sollicitée et l’indemnité d’occupation, sa demande de dommages est recevable, même présentée pour la première fois en cause d’appel.
Au soutien de sa demande, la société Cedra verse aux débats un procès-verbal de constat d’huissier du 13 mars 2022, qui fait état d’une humidité importante du local et un second procès-verbal du 10 novembre 2023.
Outre que cette demande n’a pas été présentée à titre provisionnelle et que le second procès verbal est postérieur à la résiliation du bail, il n’apparaît pas des pièces produites devant le juge des référés, juge de l’évidence, que les dégâts constatés dans les procès-verbaux, résultent de manquements de la bailleresse à ses obligations.
La société Cedra sera déboutée de sa demande.
L’équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées au titre des frais irrépétibles tant en première instance qu’en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Constate la résiliation du bail commercial consenti à la société Cedra à compter du 26 juin 2022 ;
Condamne la SARL Cedra à restituer les lieux dans le mois de la signification de la présente décision et à l’issue de ce délai, ordonne l’expulsion de la SARL Cedra et de celle de l’ensemble de ses biens et de tous occupants de son fait, au besoin avec l’assistance de la force publique ;
Ordonne que le sort des objets mobiliers restant dans les lieux soit soumis aux dispositions de l’article L433-1 du code des procédures d’exécution ;
Condamne la SARL Cedra au paiement d’une indemnité provisionnelle d’occupation mensuelle égale au montant du loyer outre indexation prévue au bail et ceci à compter du 26 juin 2022 et jusqu’à libération complète des lieux ;
Y ajoutant ;
Déclare recevable la demande de la SARL Cedra en paiement de dommages et intérêts et l’en déboute ;
Condamne la SARL Cedra aux dépens de première instance et d’appel en eux compris le coût de la seule sommation du 25 mai 2022 ;
La déboute pour le surplus de sa demande au titre des dépens ;
Déboute les parties de leurs demandes présentées au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
La greffière, La présidente,