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20 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/16943
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRÊT DU 20 FEVRIER 2024
(n° 67 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/16943 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPKQ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 27 Septembre 2022 – Président du TC de PARIS – RG n° 2022038890
APPELANTS
Mme [I] [L] ÉPOUSE [O]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Mme [D] [O] épouse de M. [S] [K]
[Adresse 7]
[Localité 8]
Mme [Y] [O] épouse de M. [G] [Z]
[Adresse 11]
[Localité 8]
M. [T] [V] [O]
[Adresse 6]
[Localité 8]
M. [H] [O]
[Adresse 2]
[Localité 8]
M. [P] [O]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Ayant pour avocat postulant Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Représentés à l’audience par Me David LEVY de la SALAS KERYS, avocat au barreau de Paris
INTIMES
M. [F] [L]
[Adresse 5]
[Localité 9]
S.A.R.L. HABILLEMENT CHAUSSURES DU NORD
[Adresse 4]
[Localité 8]
Ayant pour avocat postulant Me Emmanuelle MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2077
Représentés à l’audience par Me Cédric David LAHMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0304
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre
Anne-Gaël BLANC, Conseillère
Valérie GEORGET, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre et par Jeanne PAMBO, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
********
La société Habillement et chaussures du nord (HCN) a été constituée le 19 mars 1979 par trois associés, M. [E] [O], son neveu M. [T] [O] et son beau-frère M. [C] [L]. La société HCN exploitait deux magasins, l’un sous l’enseigne Karl, dans les murs d’une SCI composée des mêmes associés au [Adresse 4] à [Localité 12], et l’autre sous l’enseigne Jackson, dans un local situé [Adresse 3] à [Localité 12] pris à bail commercial de longue date.
M. [E] [O] est décédé le [Date naissance 10] 1998, laissant pour héritiers son épouse et ses cinq enfants : Mmes [I] [L] épouse [O], [D] [O] épouse [K], [Y] [O] épouse [Z], et MM. [T] [V] [O], [H] [O] et [P] [O] (ci-après les consorts [O]), tous ayants-droits de M. [E] [O], et actionnaires minoritaires de la société HCN.
Par acte d’huissier du 30 juin 2020, M. et Mme [M] ont fait délivrer à la société HCN un congé avec refus de renouvellement contre paiement d’une indemnité d’éviction pour la boutique située [Adresse 3] à [Localité 12].
A la suite du décès du gérant, M. [T] [O], une assemblée générale tenue 7 octobre 2020 à l’instigation des actionnaires majoritaires, M. [C] [L], Mmes [A] [O] et [X] [U], et en l’absence des consorts [O], a notamment procédé à la nomination de M. [F] [L] comme gérant.
Par acte d’huissier du 27 août 2021, la société HCN a fait assigner M. et Mme [M] devant le tribunal judiciaire de Paris à l’effet, notamment, de voir fixer à la somme de 742 900 euros le montant de l’indemnité d’éviction et, subsidiairement d’entendre désigner un expert.
Expliquant qu’une assemblée générale ordinaire était convoquée en vue d’approuver une transaction visant à accepter une indemnité d’éviction qu’ils jugent manifestement insuffisante à l’occasion de la saisine du juge des loyers et affirmant que l’accord soumis à leur approbation constitue une spoliation de leurs droits, les consorts [O] ont fait assigner la société HCN et M. [F] [L] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris par actes extrajudiciaires des 12 et 25 août 2022 en lui demandant de désigner un mandataire ad hoc avec pour mission de :
prendre connaissance des actes de procédure et pièces régularisés dans le cadre de l’instance actuellement pendant devant le tribunal judiciaire de Paris, sur l’assignation en date du 7 août 2021 délivrée à M. et Mme [M] à la requête de la société HCN ;
représenter la société HCN dans le cadre de cette instance, en désignant l’avocat de son choix, ainsi que dans le cadre de toute instance d’appel et de cassation qui en seraient la suite ;
faire exécuter toute décision à intervenir dans le cadre de l’instance précitée qui serait favorable à la société HCN.
Par ordonnance du 27 septembre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, a :
débouté la société HCN et M. [L] de leur demande de nullité de l’assignation ;
dit n’y avoir lieu à désignation d’un mandataire ad hoc ;
rejeté toute demande des parties plus amples ou contraires ;
condamné les demandeurs à verser à la société HCN et M. [L] la somme de 1 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné les demandeurs aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 30 septembre 2023, les consorts [O] ont interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif, sauf en ce qu’elle a débouté la société HCN et M. [L] de leur demande de nullité de l’assignation.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et moyens, savoir :
pour les consorts [O], leurs dernières conclusions du 12 janvier 2024 ;
pour la société HCN et M. [L], leurs dernières conclusions du 5 janvier 2024.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2023.
Elle a été rabattue à l’audience du 15 janvier 2024.
Une nouvelle ordonannce de clôture a été prise le 15 janvier 2024 avant l’ouverture des débats.
Sur ce,
Sur la nullité de l’assignation
M. [L] et la société HCN sollicitent l’annulation de l’assignation du 25 août 2022 au visa des articles 56 et 752 du code de procédure civile, au motif, d’une part, qu’elle ne précise pas si les demandeurs sont d’accord pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire ; d’autre part, qu’elle ne mentionne pas « le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat » ; enfin, que la demande n’est pas motivée en droit.
Cependant, vu l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. En l’espèce, les intimés ne produisent pas l’assignation introductive d’instance du 25 août 2022, cette pièce ne figurant pas non plus au nombre des pièces communiquées par les appelants. Pour ce motif, substituant celui retenu par le premier juge, la demande de nullité sera rejetée.
Sur la demande de désignation d’un mandataire ad hoc
Les appelants fondent leur demande sur les dispositions de l’article 873 qu’ils reproduisent dans la discussion figurant dans leurs dernières conclusions.
En vertu du premier alinéa de l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite résulte, quant à lui, de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
En l’espèce, les consorts [O] reprochent à M. [F] [N] de vouloir signer avec les bailleurs un accord transactionnel moyennant une indemnité d’éviction de 130 000 euros qu’ils considèrent dérisoire, sur la base d’un rapport non contradictoire établi par un expert mandaté par les bailleurs, alors qu’il réclamait initialement une indemnité d’éviction de 742 900 euros. Selon eux, la désignation d’un mandataire ad hoc s’impose d’autant plus que la signature d’un protocole d’accord avec les bailleurs aurait des conséquences irréversibles puisque la société HCN perdrait définitivement le fonds et la clientèle attachée à ce dernier. Ils ajoutent qu’un protocole définitivement signé ferait obstacle au droit de repentir du bailleur.
Les consorts [O] ajoutent que la défense des intérêts de la société HCN commande a minima qu’un expert soit mandaté pour établir un rapport d’évaluation contradictoire de l’indemnité d’éviction, en soulignant que le gérant produit des rapports d’évaluation qui n’ont pas été établis contradictoirement. Ils affirment que M. [F] [N] a fait une affaire personnelle du différend qui oppose la société HCN à Mme [Y] [W], qui exploite le fonds de commerce sous l’enseigne Jackson.
Ils font valoir que la délibération de l’assemblée générale du 29 septembre 2022 portant sur l’indemnité transactionnelle fait l’objet d’une action en nullité. Ils reprochent à M. [N] d’avoir demandé à l’assemblée générale de statuer sur un protocole d’accord avec les bailleurs, sans fournir le moindre élément aux associés, si ce n’est le rapport non contradictoire commandé par les bailleurs, et déclarent que cette assemblée générale fait l’objet d’une action en annulation.
Il y a lieu de constater que les appelants ne caractérisent aucun trouble manifestement illicite susceptible de cesser grâce à la désignation du mandataire ad hoc qu’ils réclament, ni aucun dommage imminent qui pourrait être prévenu grâce à cette désignation.
En effet, les consorts [O] demandent que le mandataire ad hoc représente la société HCN dans le cadre de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction, et fasse exécuter toute décision à intervenir qui serait favorable à la société HCN.
Il en résulte que M. [L], qui conserverait donc dans cette hypothèse ses pouvoirs de gérant, pourrait néanmoins signer un protocole d’accord avec les bailleurs en transigeant sur le montant de l’indemnité d’occupation, ainsi qu’il a été autorisé à le faire par l’assemblée générale du 29 septembre 2022. En outre, il y a lieu de constater que les consorts [O] ne demandent pas que le mandataire ad hoc soit tenu de faire diligenter une mesure d’expertise portant sur l’évaluation de l’indemnité d’éviction, ni d’en réclamer une dans l’instance en cours. Enfin, alors que M. [L] explique qu’il a compris à la lecture de l’expertise produite par les bailleurs que le montant de l’indemnité d’éviction qu’il réclamait initialement était disproportionné, il convient d’observer que les appelants ne produisent aucune pièce qui permettrait, même par voie de simple possibilité, de démontrer l’existence d’un préjudice imminent tenant à la valeur du fonds, et que la mission du mandataire ad hoc dont ils sollicitent la désignation ne contient aucune disposition à l’effet d’intervenir au plan de l’évaluation de l’indemnité d’éviction.
L’ordonnance entreprise sera confirmée, y compris dans ces dispositions relatives à l’indemnisation des frais irrépétibles et aux dépens.
Les consorts [O] seront tenus in solidum des dépens de l’instance d’appel, et au paiement in solidum d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance de M. [F] [L] et la société Habillement et chaussures du nord (HCN) ;
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mmes [I] [L] épouse [O], [D] [O] épouse [K], [Y] [O] épouse [Z], et MM. [T] [V] [O], [H] [O] et [P] [O] à payer une somme de 3 000 euros à M. [F] [L] et la société Habillement et chaussures du nord (HCN) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mmes [I] [L] épouse [O], [D] [O] épouse [K], [Y] [O] épouse [Z], et MM. [T] [V] [O], [H] [O] et [P] [O] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT