20 avril 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/00592
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 AVRIL 2022
N° RG 20/00592
N° Portalis DBV3-V-B7E-TY5X
AFFAIRE :
[K] [I]
…
C/
S.A.S.U. LRB ROULIER
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 décembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
Section : I
N° RG : F 19/00657
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
M. [Y] [C] (défenseur syndical)
Me Christophe DEBRAY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [K] [I]
né le 9 mai 1984 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : M. [Y] [C] (défenseur syndical)
Syndicat INFO’COM-CGT/CSTP
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : M. [Y] [C] (défenseur syndical)
APPELANTS
****************
S.A.S.U. LRB ROULIER
N° SIRET : 699 803 995
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Nicolas CAPILLON de la SELARL LEFOL ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1308 et Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 2 mars 2022, Madame Clotilde MAUGENDRE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 11 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section industrie) a :
– dit que la prise d’acte de rupture de M. [K] [I] est requalifiée en démission,
– débouté M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [I] à payer un mois de préavis soit la somme de 1 971 euros à la société LRB Roulier pour requalification en démission,
– condamné M. [I] à payer à la société LRB Roulier 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure.
Par déclaration adressée au greffe le 27 février 2020, M. [I] et le syndicat Info’Com-CGT/CSTP ont interjeté appel de ce jugement, ce qui a donné lieu à l’ouverture de deux dossiers: RG n°20/00592 et RG n°20/00593.
Suivant ordonnance du 3 mai 2021, ces deux affaires ont fait l’objet d’une jonction, l’affaire étant désormais suivie sous le seul numéro de RG n°20/00592.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 1er mars 2022.
Par dernières conclusions remises au greffe le 14 février 2022, M. [I] et le syndicat Info’Com-CGT/CSTP demandent à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [I] à verser à la société LRB Roulier :
. un mois de préavis, soit 1 971,00 euros,
. 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
– requalifier la prise d’acte de M. [I] en licenciement nul,
– condamner la société LRB Roulier à verser à M. [I] la somme de 12 186,00 euros indemnisant le licenciement nul,
– condamner la société LRB Roulier à verser à M. [I] la somme de 2 031 euros, pour l’indemnité compensatrice de préavis,
– condamner la société LRB Roulier à verser à M. [I] la somme de 203,10 euros, au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent,
– condamner la société LRB Roulier à verser à M. [I] la somme de 803,94 euros, pour l’indemnité de licenciement,
– ordonner la remise du bulletin de salaire récapitulatif, ainsi que du certificat de travail, sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard à compter de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il ne s’est pas prononcé sur le mérite de l’intervention du syndicat,
statuant à nouveau,
– recevoir le syndicat Info’com-CGT/CSTP en son intervention volontaire,
– condamner la société LRB Roulier à verser au syndicat intervenant la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé à la profession,
– condamner la société LRB Roulier à verser 1 500 euros à M. [I] et 1 000 euros au syndicat intervenant sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
les indemnités seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la réception de la saisine du conseil de prud’hommes pour les indemnités compensatrices de salaire et l’indemnité de licenciement et à compter de la notification du jugement à intervenir pour les autres sommes indemnitaires,
– dire que les intérêts des capitaux échus pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– se réserver le droit de liquider l’astreinte,
– condamner, enfin, la société LRB Roulier aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe le 22 février 2022, la société LRB Roulier demande à la cour de :
– déclarer irrecevable le syndicat Info’com-CGT/CSTP en ses demandes,
subsidiairement,
– débouter le syndicat Info’com-CGT/CSTP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
. requalifié la prise d’acte en démission,
. débouté M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
. condamné M. [I] au versement de la somme de 1 971, 00 euros au titre de l’indemnité de préavis et la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
– dire M. [I] mal fondé en son appel,
– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– débouter le syndicat Info’com-CGT/CSTP l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [I] à verser à la société la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [I] et le syndicat Info’com-CGT/CSTP aux dépens éventuels, dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamner le syndicat Info’com-CGT/CSTP à verser à la société la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR,
La société LRB Roulier a pour activité principale le traitement de surface à base de bains et mécaniques sur des alliages d’aluminium.
M. [I], travailleur intérimaire, a été mis à disposition de la société le 10 juillet 2017 avec terme précis au 21 juillet 2017. Un avenant au contrat a été signé le 20 juillet 2017 prolongeant le contrat initial au 28 juillet 2017. Un nouveau contrat de mise à disposition a été signé le 31 août 2017 avec un terme précis au 21 décembre 2017. Par contrat de travail à durée indéterminée, M. [I] était engagé à compter du 3 janvier 2018.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la métallurgie région parisienne.
L’effectif de la société était de plus de 10 salariés.
M. [I] a été victime d’un accident de travail le 16 février 2018 avec arrêt de travail du 16 février 2018 au 18 mars 2018, soit 31 jours.
Par lettre du 19 mars 2018, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 25 mars 2018, avec mise à pied conservatoire.
M. [I] a été licencié par lettre du 3 avril 2018 pour faute grave.
Le 25 avril 2018, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre d’une demande de requalification du contrat de mise à disposition du 10 juillet 2017 en contrat de travail à durée indéterminée et de nullité du licenciement.
Par jugement du 5 octobre 2018, le conseil de prud’hommes de Nanterre a ordonné sa réintégration.
Le 7 décembre 2018, la société a interjeté appel du jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 5 octobre 2018 (reçu par la Société le 21 novembre 2018), ayant prononcé la nullité du licenciement.
Le 7 décembre 2018, M. [I] a été convoqué à une visite médicale et a été déclaré apte à reprendre son poste.
La société LRB Roulier a invité M. [I] à réintégrer son poste le 10 décembre 2018.
Les parties ont envisagé une rupture conventionnelle mais les négociations n’ont pas pu aboutir.
Le 7 janvier 2019, la société LRB Roulier a mis en demeure M. [I] de reprendre son poste.
Par courrier du 8 janvier 2019, M. [I] a pris acte de rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
« Pour mémoire, j’ai travaillé an sein de la société en contrat de mise a disposition à compter du 10 juillet 2017 jusqu’au 21 décembre 2017.
Pendant toute cette période, vous ne m’avez pas fourni les équipements de protection nécessaires, malgré mes demandes réitérées. Cela m’a occasionné la perte de plusieurs sweat-shirts, pantalons et chaussures brûlés par l’acide, et j’ai même dû changer les verres de mes lunettes qui étaient piqués par l’acide des bains.
Vous m’avez embauché en contrat a durée indéterminée à compter du 3 janvier 2018, mais ce n’est qu’à la fin du mois de janvier 2018 que vous m’avez enfin fourni les équipements de protection, trois semaines avant l’accident du travail dont j’ai été victime le 16 février 2018.
Vous m’avez licencié pour faute grave le 3 avril 2018, après un arrêt de plus de trente jours, alors même que le contrat de travail demeurait suspendu, faute pour vous d’avoir organisé la visite de reprise obligatoire, et donc sans vous soucier de ma santé.
Le conseil de prud’hommes de Nanterre a ordonné ma réintégration par jugement du 5 octobre 2018, qui m’a été notifié par lettre recommandée le 22 novembre.
Le 27 novembre 2018, vous avez reçu Monsieur [C] dans votre bureau, qui vous a demandé de verser les salaires et d’organiser la visite médicale de reprise, en préalable à ma reprise effective.
Vous lui avez répondu que vous alliez me convoquer à la médecine du travail, mais que vous deviez auparavant prendre conseil auprès de votre avocat.
Monsieur [C] m’a rapporté qu’au cours de cet entretien, vous lui avez dit que j’étais un tricheur, que je vous avais menti sur mes compétences, et que vous n’auriez jamais dû m’embaucher car je ne connaissais pas le travail.
Vous lui avez expliqué que vous contestiez le jugement et que vous feriez appel notamment pour obtenir la restitution des revenus touchés pendant la période d’éviction.
Le lendemain de cet entretien, vous m’avez adressé une lettre me demandant de me présenter à la médecine du travail le vendredi 7 décembre, et à l’embauche le lundi 10 décembre.
Votre avocat a contacté Monsieur [C] par téléphone les mercredi 5 et vendredi 7 décembre pour lui expliquer qu’il n’était pas souhaitable que je reprenne mon poste, et qu’il valait mieux trouver un arrangement par le biais d’une rupture conventionnelle.
Suivant les instructions de votre avocat, Monsieur [C] a donc rédigé une lettre de proposition de rupture conventionnelle.
Je me suis présenté le 10 décembre pour reprendre mon poste et vous ai remis cette proposition. Vous m’avez alors remis le certificat d’exécution du versement des salaires, convoqué à un entretien prévu le mercredi 12 décembre pour discuter des conditions de la rupture conventionnelle et proposé une dispense d’activité avec maintien de rémunération que j’ai acceptée.
Entre temps, Monsieur [C] m’a appris que votre avocat avait interjeté appel du jugement le vendredi 7 décembre, ce qui montrait clairement que vous contestiez le jugement avant même d’aboutir à un accord.
Lors de l’entretien du 12 décembre, j’étais assisté par Madame [G], conseillère du salarié.
En sa présence et à plusieurs reprises, vous avez indiqué clairement que vous ne souhaitiez pas me reprendre dans l’entreprise et refusé de préciser sur le formulaire Cerfa parmi les conditions de la rupture du contrat que les parties renonçaient à faire appel du jugement.
Pourtant, je ne pouvais accepter cette rupture sans cette garantie de votre part, mais vous avez refusé d’ajouter cette condition essentielle, et vous avez affirmé que vous mainteniez votre appel afin de récupérer les sommes que vous avez été condamné à me verser.
Madame [G] a insisté sur la situation anormale dans laquelle vous me mettiez vis-a-vis de ma situation professionnelle, et vous lui avez répondu à chaque fois que j’avais une dispense d’activité, et que je ne devais pas me présenter dans l’entreprise.
Or, dans votre lettre du 18 décembre, vous indiquez que j’aurais refusé de reprendre mon poste.
Je conteste formellement vos allégations. En effet, je me suis rendu à la visite médicale que vous avez organisée, et la lettre que je vous ai remise le 10 décembre 2018 indique que je me présentais pour ma réintégration.
C’est vous qui m’avez proposé la dispense d’activité dans le cadre de la négociation en vue d’une issue honorable.
C’est vous qui par vos man’uvres m’avez empêché de reprendre mon poste de travail.
Votre opposition au jugement ordonnant ma réintégration effective rend impossible la poursuite du contrat de travail, et m’a obligé à faire appel de celui-ci pour les demandes non satisfaites.
En conséquence, je vous informe par la présente de ma décision de prendre acte de la rupture du contrat de travail à vos torts.
Malgré la décision du conseil de prud’hommes, vous avez omis d’organiser la visite médicale de reprise obligatoire, me mettant ainsi dans l’impossibilité d’effectuer mon préavis sans prendre un risque pour ma santé et ma sécurité. »
Par courrier du 15 janvier 2019, la société LRB Roulier a répondu et contesté les prétendus manquements.
Le 11 mars 2019, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour faire reconnaître que la prise d’acte de son contrat de travail devait s’analyser comme un licenciement nul.
Par arrêt du 2 février 2022 (RG n°18/5009), la 17ème chambre sociale de la cour d’appel de Versailles a partiellement infirmé le jugement du 5 octobre 2018 et a :
– requalifié la relation de travail liant M. [I] à la société LRB Roulier en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 juillet 2017,
– condamné la société LRB Roulier à payer à M. [I] la somme de 1 971 euros à titre d’indemnité de requalification, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,
– dit n’y avoir lieu à condamner la société LRB Roulier à payer à M. [I] les sommes de 3 940 euros au titre du préavis et de 394 euros à titre de congés payés sur préavis,
– confirmé le jugement pour le surplus,
y ajoutant,
– débouté la société LRB Roulier de sa demande tendant à dire que le paiement des salaires correspondant à l’indemnité d’éviction du salarié sera diminué des revenus de remplacement,
– condamné la société LRB Roulier à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
– rejeté la de non-recevoir de LRB Roulier du chef de la prime d’assiduité,
– condamné la société LRB Roulier à payer à M. [I] la somme de 540 euros à titre de prime d’assiduité, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
– condamné la société LRB Roulier à payer au syndicat Info’Com-CGT/CSTP la somme de
500 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
– ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
– condamné la société LRB Roulier à payer à M. [I] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d’appel,
– condamné la société LRB Roulier à payer au syndicat Info’Com-CGT/CSTP la somme de
1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d’appel,
– condamné la société LRB Roulier aux dépens.
SUR CE,
Sur la fin de non recevoir :
La société explique que le syndicat Info’Com-CGT/CSTP demande à la cour d’infirmer le jugement alors :
. qu’il ne saurait avoir la qualité d’appelant d’un jugement auquel il n’était pas partie,
. qu’un défenseur syndical ne dispose pas de la faculté de représentation en justice d’un syndicat professionnel.
L’article 546 du code de procédure civile prévoit que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.
Il se déduit de ce texte que pour être nanti du droit d’appel, il faut avoir été partie au procès devant les premiers juges.
En l’espèce, le syndicat expose qu’il est intervenu volontairement par voie de conclusions dans l’instance engagée par le salarié mais il ressort du jugement déféré que le syndicat Info’Com-CGT/CSTP n’était pas partie au procès. Il en ressort également qu’aucune demande n’était formée devant le premier juge au profit du syndicat. Le syndicat présente en pièce 20 un jeu de conclusions qu’il prétend avoir déposées devant le conseil de Prud’hommes lors de l’audience au fond. Toutefois, cette pièce ne permet pas de déduire qu’effectivement elles ont bien été déposées et soutenues devant le bureau de jugement. Pour en justifier, le syndicat devait produire les conclusions visées par le greffe du conseil de Prud’hommes, ce qu’il ne fait pas.
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième moyen, la fin de non recevoir sera dès lors accueillie de sorte qu’il conviendra de déclarer irrecevables les demandes que le syndicat Info’Com-CGT/CSTP présente en cause d’appel.
Sur la rupture du contrat de travail :
Le salarié soutient que par son comportement, M. [Z] (l’employeur) a rendu impossible sa réintégration ; que ce dernier a mis en place un stratagème pour faire croire que ce premier était à l’origine de la rupture ; qu’il s’est vu imposer une dispense d’activité pendant les négociations relatives à une rupture conventionnelle ; que celles-ci ayant achoppé, il lui a été demandé de reprendre son poste alors pourtant que la société avait interjeté appel du jugement ordonnant sa réintégration et que l’employeur lui avait dit qu’il le trouvait incompétent ; que ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer un harcèlement moral et rendaient impossible la poursuite du contrat de travail.
Il conclut que la rupture doit donc s’analyser comme un licenciement. Il demande plus précisément qu’elle produise les effets d’un licenciement nul au double motif :
. que l’examen médical qui a donné lieu à un avis d’aptitude le 7 décembre 2018 ne pouvait mettre fin à la suspension de son contrat de travail,
. qu’un harcèlement moral préside à l’impossibilité dans laquelle il a été placé de poursuivre la relation de travail.
En réplique, la société conteste la demande et explique :
. qu’après une visite médicale auprès du médecin du travail réalisée le 7 décembre 2018, le salarié a été déclaré apte, peu important la distinction qu’opère le salarié entre une visite de reprise et une visite médicale d’embauche,
. qu’elle a immédiatement pris les dispositions pour exécuter la décision du conseil de Prud’hommes du 5 octobre 2018 ordonnant la réintégration du salarié ; que cependant, ce dernier a clairement exprimé son refus de réintégrer l’entreprise, d’autant qu’il avait retrouvé une activité professionnelle ce qui a amené :
. les parties à entrer en négociation et à envisager une rupture conventionnelle,
. la société à dispenser le salarié d’activité,
. que dès lors que les négociations relatives à la rupture conventionnelle avaient achoppé, elle a demandé au salarié de réintégrer son poste à l’issue des congés annuels soit le 2 janvier 2019.
La prise d’acte de la rupture se définit comme un mode de rupture du contrat de travail par le biais duquel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu’il impute à son employeur.
Si les griefs invoqués par le salarié sont établis et empêchent la poursuite du contrat de travail, alors la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, la prise d’acte doit être requalifiée en démission.
La prise d’acte peut produire les effets d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement.
Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1 dans sa version applicable à l’espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, le salarié invoque un harcèlement moral et présente, comme contribuant au harcèlement moral dont il se prétend victime, plusieurs faits en lien avec les conditions dans lesquelles il a repris son travail.
A cet égard, le salarié expose que la société n’a en réalité pas souhaité procéder à sa réintégration ce que conteste la société qui, au contraire, prétend que c’est le salarié qui ne le souhaitait pas.
Il apparaît que peu après que la société a eu connaissance du jugement rendu le 5 octobre 2018 par le conseil de Prud’hommes ‘ le 21 novembre 2018 ‘ elle a, le 28 novembre 2018 adressé au salarié un courrier dans lequel elle lui indiquait qu’elle avait pris rendez-vous auprès de la médecine du travail le 7 décembre 2018 à 8h50 en vue d’une reprise de son « activité le 10 décembre 2018 à sept heures trente minutes ». Dans l’intervalle, c’est-à-dire du 28 novembre au 10 décembre 2018, le salarié était dispensé d’activité (pièce 8 E).
En pièce 12 (correspondant à la pièce 6 du salarié), la société produit un courrier que le salarié lui a remis en main propre le 10 décembre 2018 dont il ressort que ce dernier ne souhaitait pas être réintégré : « Comme vous me l’indiquiez dans votre lettre de convocation à la médecine du travail, je me présente ce jour à l’entreprise pour ma réintégration. Cependant, compte tenu du contentieux qui nous oppose, je pense qu’il conviendrait d’y trouver une issue honorable. C’est pourquoi je vous propose de rompre le contrat qui nous lie par une rupture conventionnelle. (‘) ».
Ce même 10 septembre 2018, le salarié et l’employeur signaient tous deux un document intitulé « dispense d’activité d’un commun accord avec maintien de rémunération » par laquelle les parties contenaient d’une dispense d’activité (pièce 15 E).
Ces éléments montrent qu’effectivement, les parties sont entrées en pourparlers sur une rupture dès qu’elles ont eu connaissance de la décision rendue par le conseil de Prud’hommes le 5 octobre 2018. En revanche, les pièces susvisées ne traduisent pas la volonté de l’employeur de ne pas réintégrer le salarié.
Au contraire, le courrier du 28 novembre 2018 montre que la société avait pris des dispositions pour préparer la réintégration du salarié et ce n’est que parce que ce dernier a manifesté, le 10 décembre 2018, sa volonté de proposer de rompre le contrat par une rupture conventionnelle, que le processus de réintégration a été momentanément interrompu par une dispense d’activité acceptée par le salarié. Il ressort en outre des éléments du dossier que la négociation du 12 décembre 2018 n’ayant pas abouti à un accord sur la rupture conventionnelle, la société a clairement manifesté sa volonté de réintégrer le salarié à son poste, en lui adressant :
. le 18 décembre 2018 un courrier par lequel elle mettait fin à la dispense d’activité et demandait au salarié de réintégrer son poste le 2 janvier 2019 (pièce 11 S),
. le 7 janvier 2019 une mise en demeure de réintégrer son poste, le salarié ne s’étant pas présenté à son poste de travail le 2 janvier (pièce 17 E).
Le salarié expose qu’en réalité, l’employeur ne souhaitait pas le réintégrer ce qui, selon lui, ressortirait des faits de la cause et de deux attestations qu’il verse aux débats : celle de
M. [C] (pièce 15), son défenseur syndical et celle de Mme [G] (pièce 16) qui l’assistait le 12 décembre 2018 lors de la discussion relative aux modalités de la rupture conventionnelle.
Les faits de la cause ne le montrent pas comme expliqué ci-avant puisque au contraire, les correspondances établissent que la société avait pris ses dispositions pour réintégrer le salarié, lesdites dispositions ayant d’ailleurs été réitérées à plusieurs reprises (28 novembre et 18 décembre 2018, 7 janvier 2019). S’agissant de l’attestation de M. [C], elle est dépourvue de tout caractère probant s’agissant d’un témoignage émanant du défenseur syndical chargé par le salarié de défendre ses intérêts. S’agissant de l’attestation de Mme [G], certes, cette dernière témoigne de ce que M. [Z] (gérant de la société) « ne souhaitait pas réintégrer » le salarié et « a confirmé son souhait de mettre un terme au contrat de travail de M. [I] dans le cadre d’une rupture conventionnelle ». Toutefois, les pièces du dossier montrent que les parties sont entrées en pourparlers pour une rupture conventionnelle, ce qui montre que tant le salarié que l’employeur envisageaient l’un comme l’autre une rupture du contrat de travail.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer un harcèlement moral, lequel n’est donc pas établi.
Il reste à examiner le moyen présenté par le salarié relatif à la visite médicale du 7 décembre 2018.
L’article R. 4624-31 du code du travail prévoit que « le travailleur bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail (‘) après une absence de 30 jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans le délai de huit jours qui suivent cette reprise ».
Seul l’examen pratiqué par le médecin du travail, qui doit avoir lieu au plus tard dans un délai de 8 jours suivant la reprise du travail, met fin à la période de suspension du contrat de travail. La visite du médecin du travail doit être impérativement pratiquée pour mettre fin à la suspension du contrat de travail et constater si le salarié est apte ou non à reprendre son ancien poste.
En l’espèce, M. [I] a fait l’objet d’un arrêt de travail en raison d’un accident du travail. Son arrêt de travail a duré du 16 février au 18 mars 2018 c’est-à-dire pendant plus de 30 jours.
L’employeur a organisé, le 7 décembre 2018 à 8h50, un examen médical par la médecine du travail. Le médecin du travail, à l’issue de cet examen, a déclaré le salarié apte au poste de travail de metteur en bain.
Certes, le salarié expose qu’il a été examiné par le médecin du travail dans le cadre d’une « visite d’embauche » alors qu’il aurait dû être examiné dans le cadre d’une visite de reprise de sorte que, selon lui, l’avis d’aptitude rendu par le médecin du travail ne pouvait pas mettre fin à la période de suspension.
Dès lors que la visite médicale, même mal nommée, a déclaré le salarié apte, ce fait n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail.
Il résulte en synthèse de ce qui précède que le salarié ne justifie d’aucun fait présentant un degré de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte produisait les effets d’une démission et a débouté le salarié de ses demandes subséquentes.
Sur les conséquences de la démission de M. [I] :
Dès lors que le salarié avait été déclaré apte à occuper son poste à l’issue d’une visite médicale, il pouvait travailler en qualité de metteur en bains. Il est donc redevable envers l’employeur d’une indemnité de préavis ce qui conduit la cour à confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le salarié à payer à l’employeur une indemnité de 1 971 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant, le salarié et le syndicat Info’Com-CGT/CSTP seront condamnés aux dépens dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il conviendra de condamner M. [I] à payer à la société LRB Roulier une indemnité de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel.
Il conviendra de condamner le syndicat Info’Com-CGT/CSTP à payer à la société LRB Roulier une indemnité de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
DÉCLARE irrecevables les demandes que le syndicat Info’Com-CGT/CSTP forme en cause d’appel,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE M. [I] à payer à la société LRB Roulier la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel,
CONDAMNE le syndicat Info’Com-CGT/CSTP à payer à la société LRB Roulier la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel,
CONDAMNE M. [I] et la société LRB Roulier aux dépens dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente