2 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/00520
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30F
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 MARS 2023
N° RG 22/00520 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U672
AFFAIRE :
S.A.R.L. SUPERETTE SOMBOUN
C/
S.C.I. EX2
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2021 par le TJ de PONTOISE
N° Chambre : 2
N° RG : 17/02401
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Eric CATRY
Me Frédéric SILLAM
TJ PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.R.L. SUPERETTE SOMBOUN
RCS Pontoise n° 808 168 900
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Eric CATRY de la SELARL CABINET CATRY, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 101
APPELANTE
****************
S.C.I. EX2
RCS Beauvais n° 448 331 918
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric SILLAM du cabinet BESSIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 38 et Me Laurence COHEN BARRALIS, Plaidant, avocat au barreau de Paris, vestiaire : K43
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 30 juin 2003, la SCI EX2 a donné à bail à la société Exotic 2000 – la Gamme Exotique (ci-après la société Exotic), des locaux à usage commercial (magasin de 287 m², réserve de 145 m² et sanitaires) situés aux Halles du Bontemps, [Adresse 6], destinés à l’exploitation d’une activité de ‘commerce d’alimentation générale, cours des halles, boucherie, vins et liqueurs, poterie, verrerie, fleurs, cadeaux, cartes téléphoniques prépayées, import et export’.
Le bail a été consenti pour une durée de neuf années ayant commencé à courir le 1er juillet 2003.
Par jugement en date du 9 décembre 2013, la société Exotic a été placée en redressement judiciaire.
Par jugement en date du 28 novembre 2014, le tribunal de commerce de Pontoise a arrêté le plan de cession de l’entreprise exploitée par la société Exotic, au profit de M.[R] [H], avec faculté de substitution au profit d’une société créée ou à créer, pour les besoins de la reprise.
La SCI EX2 a interjeté appel de ce jugement qui a été déclaré irrecevable par arrêt du 6 août 2015 de la cour d’appel de Versailles.
Par exploit du date du 26 décembre 2014, la SCI EX2 a fait signifier, un congé avec refus de renouvellement, contre le paiement d’une indemnité d’éviction, à effet du 30 juin 2015, à la société Exotic, à la société Imes Electricité, prise en la personne de son gérant M.[R] [H], à Me [M], en sa qualité d’administrateur judicaire de la société Exotic, et à M. [R] [H].
Me [M], ès qualités, a régularisé, le 13 juillet 2016, l’acte de cession des éléments d’actif de la société Exotic, à la société Supérette Somboun, venant aux droits de M. [R] [H], rétroactivement au 1er décembre 2014.
Par acte du 10 avril 2017, la société Supérette Somboun a fait assigner la SCI EX2 devant le tribunal judiciaire de Pontoise afin de:
– fixer le montant de l’indemnité d’éviction qui lui est due à la somme de 483.304 €, toutes causes confondues,
– condamner la SCI EX2 à lui payer la somme de 483.304 € à parfaire,
– fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme mensuelle de 2.896,53 € hors taxes et hors charges,
– condamner la SCI EX2 à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 25 juin 2019, le tribunal judiciaire de Pontoise a, avant dire droit sur l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation, ordonné une expertise judiciaire et désigné pour y procéder M. [W] [P] avec notamment pour mission de réunir tous les éléments techniques et de fait nécessaires, permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle pourrait prétendre la société locataire, selon les critères retenus à l’article L.145-14 du code de commerce, et celui de l’indemnité d’occupation à laquelle pourrait prétendre la bailleresse ; donner son avis sur le caractère transférable de l’activité et sur l’existence de locaux de remplacement ou le cas échéant, sur la perte du fonds de commerce.
L’expert a remis son rapport le 27 novembre 2019.
Par jugement du 18 janvier 2021 le tribunal judiciaire de Pontoise a :
– condamné la SCI EX2 à verser à la société Supérette Somboun la somme de 456.652 € au titre de l’indemnité d’éviction,
– fixé l’indemnité d’occupation mensuelle hors taxes et hors charges due par la société Supérette Somboun à la SCI EX2, à compter du 1er juillet 2015 et jusqu’à la libération des lieux aux sommes suivantes :
– 2015 : 3.990€
– 2016 : 3.993€
– 2017 : 4.032€
– 2018 : 4.121€
– 2019 : 4.200€
– dit qu’à compter de 2020, cette indemnité sera indexée annuellement sur la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux,
– condamné la SCI EX2 à payer à la société Supérette Somboun la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les demandes plus amples des parties,
– condamné la SCI EX2 au paiement des dépens comprenant les frais de l’expertise judiciaire et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par acte en date du 9 mars 2021, la SCI EX2 a signifié à la société Supérette Somboun son droit de repentir, en vertu de l’article L.145-58 du code de commerce, indiquant ne pouvoir verser l’indemnité d’éviction jugée par le tribunal et offrant le renouvellement du bail pour une durée de 9 années, moyennant un loyer annuel en principal hors taxes et hors charges de 57.000 €.
Par déclaration du 25 janvier 2022, la société Supérette Somboun a interjeté appel du jugement à l’exception de la condamnation de la SCI EX2 aux dépens, en ce compris les frais d’expertise, et à une indemnité de procédure à son profit.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2022, la société Supérette Somboun demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu le 18 janvier 2021, en ce qu’il a fixé aux sommes suivantes l’indemnité d’occupation mensuelle hors taxes et hors charges dues par la société Supérette Somboun à la SCI EX2, à compter du 1er juillet 2015 et jusqu’à la libération des lieux :
2015 : 3.990 €
2016 : 3.993 €
2017 : 4.032 €
2018 : 4.121 €
2019 : 4.200 €
– dit qu’à compter de 2020, cette indemnité sera indexée annuellement sur la variation trimestrielle des loyers commerciaux,
Statuant de nouveau,
A titre principal, sur la base d’une valeur locative de 127,05 € du m2P en 2015 et d’un abattement de précarité de 30%,
– juger que l’indemnité d’occupation mensuelle hors taxes et hors charges due par la société Supérette Somboun à la SCI EX2, à compter du 1er juillet 2015 et jusqu’à l’exercice du droit de repentir de la SCI EX2, sera la suivante :
En 2015 : 2.076 €
En 2016 : 2.097 €
En 2017 : 2.118 €
En 2018 : 2.139 €
En 2019 : 2.161 €
– juger qu’à compter de 2020, cette indemnité sera indexée annuellement sur la variation trimestrielle des loyers commerciaux,
A titre subsidiaire, sur la base d’une valeur locative de 190 € du m2P en 2015 et d’un abattement de précarité de 30%,
– juger que l’indemnité d’occupation mensuelle hors taxes et hors charges due par la société Supérette Somboun à la SCI EX2, à compter du 1er juillet 2015 et jusqu’à l’exercice du droit de repentir de la SCI EX2, sera la suivante :
En 2015 : 2.793 €
En 2016 : 2.794 €
En 2017 : 2.822 €
En 2018 : 2.884 €
En 2019 : 2.940 €
– juger qu’à compter de 2020, cette indemnité sera indexée annuellement sur la variation trimestrielle des loyers commerciaux,
En tout état de cause,
– condamner la SCI EX2 au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Catry, représentée par Me Eric Catry, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire (sic) de la décision à intervenir.
Par dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2022, la SCI EX2, sollicite de la cour de :
– infirmer le jugement entrepris et dire que le renouvellement du bail commercial qui s’est opéré automatiquement dès la notification du droit de repentir de la bailleresse est un nouveau bail qui a pris effet le 9 mars 2021 pour une durée de neuf années entières et consécutives et que la fixation d’une indemnité d’éviction est devenue sans objet,
– infirmer le jugement entrepris et fixer le montant de l’indemnité d’occupation en principal hors charges, taxes et accessoires, dû par la société Supérette Somboun à la SCI EX2, pour la période allant du 1er juillet 2015 au 9 mars 2021, en fonction de l’avis donné par M. l’expert [P], à la somme annuelle de :
– 53.200 € pour l’année 2015,
– 53.240 € pour l’année 2016,
– 53.760 € pour l’année 2017,
– 54.945 € pour l’année 2018,
– 56.000 € pour l’année 2019,
– 56.776 € pour l’année 2020,
– 57.020 € pour l’année 2021,
– infirmer le jugement entrepris et
– condamner la société Supérette Somboun à régler, en deniers ou quittances, le montant de cette indemnité d’occupation en principal charges, taxes et accessoires en sus, pour la période allant du 1er juillet 2015 jusqu’au 9 mars 2021 avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle,
– débouter la société Supérette Somboun de l’ensemble de ses chefs de demandes,
– infirmer le jugement entrepris et condamner la société Supérette Somboun au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement entrepris et condamner la société Supérette Somboun aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à ‘donner acte’, ‘constater’, ‘dire et juger’, dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Il résulte des différents échanges entre les parties que la cour doit se prononcer sur l’indemnité d’éviction à laquelle la SCI EX2 a été condamnée par le jugement querellé. Elle est également saisie d’une demande de fixation d’une indemnité d’occupation.
Sur l’indemnité d’éviction
Les premiers juges ont condamné à ce titre la SCI EX2 à la somme de 456.652 €.
La société Supérette Somboun, locataire, a interjeté appel de cette condamnation mais fait valoir qu’elle n’entend pas débattre de ce point en raison du droit de repentir exercé par la SCI EX2.
La SCI EX2 par appel incident sollicite l’infirmation de cette condamnation faisant valoir que par l’exercice de son droit de repentir le 9 mars 2021, le bail du 30 juin 2003 a été automatiquement renouvelé de sorte que l’indemnité d’éviction est devenue sans objet.
Il résulte des dispositions de l’article L.145-14 du code de commerce que l’indemnité d’éviction n’est due qu’à défaut de renouvellement du bail.
En l’espèce le bail a été renouvelé par l’effet du droit de repentir exercé par le bailleur le 9 mars 2021 en application des dispositions de l’article L.145-58 du code de commerce. La société Supérette Somboun ne le conteste pas.
L’indemnité d’éviction qui a pour objet de réparer le préjudice subi par le preneur en cas de refus de renouvellement de bail est devenue en l’espèce sans objet.
Le jugement qui a condamné la SCI EX2 à une indemnité d’éviction sera infirmé.
Sur l’indemnité d’occupation
Si les parties s’accordent sur le point de départ du versement de cette indemnité au 1er juillet 2015, elles ne s’accordent pas sur la date de fin. La société Supérette Somboun propose de fixer cette dernière date ‘à la libération des lieux’ (page 11 de ses écritures) tandis que la SCI EX2 entend la fixer au 9 mars 2021, date de la notification de son droit de repentir.
Elles ne s’accordent pas non plus sur le quantum de cette indemnité d’occupation.
– Sur la période de versement de l’indemnité d’occupation
En application des dispositions de l’article L.145-28 du code de commerce et en cas d’exercice du droit de repentir, le locataire demeure redevable d’une indemnité d’occupation au titre de la période intermédiaire entre l’expiration du bail, en l’espèce le 30 juin 2015, par l’effet du congé avec refus de renouvellement, et la date de renouvellement du bail, en l’espèce le 9 mars 2021, par l’effet de l’exercice du droit de repentir.
Il s’en déduit que la période pendant laquelle la société Supérette Somboun est redevable de l’indemnité d’occupation court du 1erjuillet 2015 jusqu’au 9 mars 2021.
Le jugement qui a retenu une période courant du 1erjuillet 2015 jusqu’à la libération des lieux sera infirmé.
– Sur le montant de l’indemnité d’occupation
La société Supérette Somboun critique l’appréciation de la valeur locative donnée par l’expert, lequel a été suivi par le tribunal, ce par méconnaissance des lieux. Elle propose de fixer l’indemnité d’occupation sur la base d’une valeur locative annuelle de 127,05 € le m² pondéré (P) avec application, à la valeur locative, d’un coefficient de précarité de 30% ce qui conduit aux valeurs figurant à son dispositif. Subsidiairement, elle propose de retenir la valeur locative déterminée par l’expert et retenue par le tribunal avec application d’un taux de précarité de 30 % et non celui de 10 % appliqué par le tribunal ce qui conduit également aux valeurs figurant à son dispositif.
La SCI EX2 expose que pendant la période intermédiaire, courant du 1er juillet 2015 au 9 mars 2021, (la Période intermédiaire) la société Supérette Somboun reste tenue de payer une indemnité d’occupation définie en application des dispositions de l’article L.145-28 du code de commerce. Elle soutient à ce titre que cette indemnité d’occupation a été justement évaluée par l’expert. Toutefois, elle conteste l’application d’un coefficient de précarité, faisant valoir que la société Supérette Somboun a augmenté son chiffre d’affaires sur la Période intermédiaire. Le dispositif de ses écritures précise le montant des indemnités d’occupation qu’elle sollicite.
*
En application des dispositions de l’article L.145-28 du code de commerce précédemment cité, l’indemnité d’occupation est déterminée suivant les mêmes règles que celles de la fixation des loyers commerciaux. Elle n’est cependant pas soumise à la règle du plafonnement et doit correspondre, ainsi que les premiers juges l’ont rappelé, à la valeur locative établie conformément aux dispositions du code de commerce, et ce, ajoute la cour, ‘compte tenu de tous éléments d’appréciation’.
*
Les parties s’accordent sur la surface pondérée des locaux de 280,20 m² P (P pour pondéré).
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L’expert (rapport du 27 novembre 2019 – pièce 6 Supérette Somboun) a cherché à déterminer la valeur locative en fonction des caractéristiques des locaux litigieux situés dans un centre commercial au sein d’une zone pavillonnaire (le quartier Bontemps). Cependant, faute de référence tirée du centre commercial lui-même, l’expert explique avoir recherché des termes de comparaison proches. Il a identifié quatre références, deux situées dans la commune de [Localité 3], deux dans les communes voisines ([Localité 4] et [Localité 5]) conduisant à retenir des valeurs locatives annuelles variant de101 € m²P à 272 € m²P dont il estime que la valeur locative des locaux litigieux doit se situer au dessus de 121 € m²P et en dessous de 250 € m²P. Il a également examiné trois offres de location situés dans des communes voisines, présentant une variation de 200 € m² non pondéré à 217 € m² non pondéré. Il en tire la conclusion que la valeur locative des locaux litigieux devrait être inférieure. A partir de ces références locatives, il a retenu une valeur locative au m²P de 190 € en 2015 et de 200 € en 2019, par application de la variation de l’indice des loyers commerciaux (ILC). Il a appliqué un coefficient de précarité de 10 %.
Il a donc proposé une indemnité d’occupation année par année à compter du 1er juillet 2015 jusqu’en 2019, son rapport portant la date du 27 novembre 2019. Cette proposition sera retenue par le tribunal dans les termes suivants :
– 2015 : 47.880 € par an, soit 3.990 € par mois,
– 2016 : 47.916 € par an, soit 3.993 € par mois,
– 2017 : 48.384 € par an, soit 4.032 € par mois,
– 2018 : 49.451 € par an soit 4.121 € par mois,
– 2019 : 50.400 € par an, soit 4.200 € par mois.
La société Supérette Somboun critique ces valeurs en faisant notamment valoir que l’expert a retenu des références trop éloignées des locaux litigieux. Elle met en exergue une référence de local commercial situé à [Localité 3] sur la base d’un loyer de 121 € m² en 2010. Outre qu’il s’agit d’une référence isolée, non pondérée et ancienne, la société Supérette Somboun ne justifie pas de ce chiffre, les ‘Fiches de commerces’ qu’elle produit (ses pièces 9.1 à 9.4) étant insuffisantes à cet égard.
La cour relève en outre que l’expert indique dans son rapport avoir invité les parties à fournir, si elles le souhaitaient, des références locatives, ce qu’elles se sont abstenues de faire selon lui.
La cour considère comme les premiers juges que l’expert a respecté les dispositions légales et réglementaires s’appliquant à l’évaluation de la valeur locative qui n’obligent pas à déterminer la valeur locative en fonction de références situées dans un voisinage immédiat des locaux litigieux alors que, comme en l’espèce, elles n’étaient pas accessibles à l’expert et que les parties n’ont fourni aucune information à cet égard lors des opérations d’expertise.
La SCI EX2 accepte la valeur locative retenue par l’expert mais conteste l’application d’un coefficient de précarité de 10 % retenue par l’expert et le tribunal. Elle fait valoir que pendant la période intermédiaire (1er juillet 2015 – 9 mars 2021) le chiffre d’affaires de la société Supérette Somboun n’a cessé de croître de sorte qu’elle n’a pas subi de préjudice lié à la précarité de sa situation pendant cette période.
La SCI EX2 se réfère aux comptes clos au 31 décembre 2015 de la société Supérette Somboun qui font apparaître un chiffre d’affaires de 1.445.545 €. Elle produit également la liasse fiscale correspondant à l’exercice clos au 31 décembre 2020 indiquant un chiffre d’affaires de 1.842.944 €. Elle se dispense néanmoins de produire les bilans des années 2016 à 2019. Les seuls éléments versés aux débats sont insuffisants à démontrer que sur la Période intermédiaire le chiffre d’affaires et le résultat d’exploitation n’ont pas été affectés par la décision de non renouvellement prise par le bailleur le 30 juin 2015.
La cour, comme les premiers juges, retiendra un coefficient de précarité de 10 %, la société Supérette Somboun étant placée dans une situation d’expectative peu propice au développement des affaires pendant la Période intermédiaire. La cour écartera cependant la demande de la société Supérette Somboun, formée tant à titre principal qu’à titre subsidiaire, de porter ce taux à 30 % car elle ne justifie pas d’une situation particulièrement périlleuse pendant cette période intermédiaire, le renouvellement étant en outre désormais acquis.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité d’occupation aux sommes suivantes :
– 2015 : 47.880 € par an, soit 3.990 € par mois,
– 2016 : 47.916 € par an, soit 3.993 € par mois,
– 2017 : 48.384 € par an, soit 4.032 € par mois,
– 2018 : 49.451 € par an soit 4.121 € par mois,
– 2019 : 50.400 € par an, soit 4.200 € par mois.
Les parties s’accordent à considérer que cette indemnité doit s’entendre hors charges et hors taxes.
La société Supérette Somboun sollicite la confirmation du jugement qui a jugé qu’à compter de l’année 2020 l’indemnité d’occupation sera indexée annuellement sur la variation de l’indice ILC.
La SCI EX2 ne s’exprime pas spécialement sur ce point et propose une indemnité annuelle d’occupation de 56.776 € pour l’année 2020 et 57.020 € pour l’année 2021 sans qu’elle n’estime nécessaire de détailler ses calculs ni d’appliquer un pro rata pour l’année 2021 alors que la Période intermédiaire s’achève au 9 mars 2021.
La cour retiendra une indemnité d’occupation annuelle de 50.239,46 € pour l’année 2020 obtenue par application de l’ILC du 4ème trimestre de chacune des années considérées, 2019 et 2020, (50.400 € x (115,79 / 116,16)).
Pour l’année 2021, par application de l’ICL du 4ème trimestre de chacune des années considérées, 2020 et 2021, la cour fixera l’indemnité d’occupation annuelle à 51.454,33 € (50.239,46 € x (118,59 / 115,79)) qu’il convient de proratiser (51.454,33 € x (68 / 365 jours)) soit 9.586,01 €, le droit de repentir ayant été exercé le 9 mars 2021.
La cour condamnera la société Supérette Somboun à une indemnité d’occupation de 50.239,46 € pour l’année 2020 et de 9.586,01 € pour l’année 2021.
Sur les intérêts
La SCI EX2 sollicite l’application de l’intérêt légal sur les sommes précitées à compter de chaque échéance contractuelle qu’elle ne précise pas.
La société Supérette Somboun ne répond pas sur ce point.
Il sera fait droit à la demande de la SCI EX2, le bail prévoyant un paiement mensuel et à terme à échoir (article VII – Loyer du bail du 30 juin 2003).
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
En application des dispositions de l’article L.145-58 du code de commerce, lorsque le bailleur exerce son droit de repentir, il doit supporter ‘les frais de l’instance’.
Le jugement qui a condamné la SCI EX2 aux dépens en ce compris les frais d’expertise et à une indemnité de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.
La SCI EX2 sera condamnée aux dépens d’appel.
La SCI EX2 sera également condamnée à la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 18 janvier 2021, en ce qu’il a fixé l’indemnité d’occupation aux sommes suivantes :
– 2015 : 47.880 € par an, soit 3.990 € par mois,
– 2016 : 47.916 € par an, soit 3.993 € par mois,
– 2017 : 48.384 € par an, soit 4.032 € par mois,
– 2018 : 49.451 € par an soit 4.121 € par mois,
– 2019 : 50.400 € par an, soit 4.200 € par mois.
avec la précision que cette indemnité s’entend hors charges et hors taxes,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
– Fixe la période de versement de l’indemnité d’occupation du 1er juillet 2015 au 9 mars 2021,
– Condamne la société Supérette Somboun à une indemnité d’occupation annuelle, hors charges et hors taxes, de 50.239,46 € pour l’année 2020 soit 4.186,62 € par mois et de 9.586,01€ pour l’année 2021 soit 4.287,86 € par mois,
– Dit que l’intérêt légal s’appliquera à chacune des échéances mensuelles de l’indemnité d’occupation et ce à compter du 1er juillet 2015 jusqu’au 9 mars 2021,
Rejette toutes autres demandes,
Y ajoutant,
Condamne la SCI EX2 aux dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société SCI EX2 à verser à la société Supérette Somboun la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, le président,