Indemnité d’éviction : 2 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01740

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Indemnité d’éviction : 2 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01740

2 juin 2022
Cour d’appel de Douai
RG
21/01740

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/01740 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TQ3X

Jugement (N°17/02383) rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

SCI [O] Junior, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant so siège social 1 rue de Flandre Villa Faidherbe 59240 Dunkerque

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, susbstitué à l’audience par Me Devaux, avocat au barreau de Douai

INTIMÉES

SARL On The Beach, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

ayant son siège social 584 avenue de Rosendael 59240 Dunkerque

assignée en appel provoqué

SAS Malo Beach Restauration, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

ayant son siège social 1 rue de Flandre Villa Faidherbe 59240 Dunkerque

représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

DÉBATS à l’audience publique du 08 mars 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du Code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nadège Straseele, adjoint administratif faisant fonction de greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Marlène Tocco, greffier lors du délibéré, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er février 2022

****

Selon bail commercial du 26 avril 2007, la SCI [O] Junior loue à la SARL On The Beach des locaux situés 1, rue de Flandre à Dunkerque, à proximité immédiate de la digue de mer, à Malo-les-Bains, moyennant un loyer annuel de 30 000 euros HT et hors charges, payable mensuellement à hauteur de 2 500 euros.

Par acte d’huissier du 16 novembre 2015, la SARL On The Beach a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er mai 2016.

En réponse et par acte du 27 janvier 2016, la SCI [O] Junior a admis le principe du renouvellement, précisant que le renouvellement interviendrait dans des conditions inchangées, notamment s’agissant du montant du loyer annuel, en cours à hauteur de 37 308, 79 euros par an en fonction de l’indexation au 1er mai 2017.

En l’absence d’accord entre les parties sur le montant annuel du loyer, la SARL On the Beach a établi un mémoire adressé par courrier recommandé et réceptionné le 4 mai 2017 par la SCI [O] Junior aux fins de fixation du loyer dans le cadre du renouvellement à hauteur de 21 000 euros par an.

Par acte d’huissier du 25 septembre 2017, la SCI [O] Junior a fait assigner la SARL On The Beach devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Dunkerque.

Par jugement du 9 novembre 2017, ce dernier a commis Monsieur [P] [L] en qualité d’expert aux fins d’appréciation de la valeur locative du local en cause, et de donner un avis motivé quant au montant du loyer applicable à compter du 1er mai 2016.

Selon rapport de Monsieur [P] [L] du 4 décembre 2019, la valeur locative annuelle des locaux litigieux est estimée à 24 500 euros par an.

Selon acte du 5 décembre 2019, le fonds de commerce de la SARL On The Beach a été cédé à la société Malo Beach restauration, en ce compris le droit au bail litigieux.

Selon mémoire en demande de fixation de loyer après expertise du 15 octobre 2020, la SARL On The Beach et la société Malo Beach restauration, intervenant volontaire comme cessionnaire du bail, sollicitent la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er mai 2016 à la somme de 24 500 euros par an, toutes clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées, et demandent en conséquence la condamnation de la SCI [O] Junior au remboursement du trop-perçu à compter du 1er mai 2016 en deniers et quittance assorti des intérêts au taux légal.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 28 janvier 2021, le juge des loyers du tribunal judiciaire de Dunkerque a :

– déclaré la SARL On The Beach irrecevable en ses demandes ;

– fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 5 décembre 2019 à la somme annuelle de 26 254,80 euros hors charges ;

– rappelé que le loyer sera indexé dans les conditions convenues au bail ;

– condamné en conséquence la Société Civile Immobilière [O] Junior à restituer à la société Malo Beach le trop-perçu sur les loyers commerciaux payés depuis le 1er mai 2016, outre intérêts aux taux légaux à compter de l’intervention volontaire de la société Malo Beach et capitalisation desdits intérêts ;

– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens, les frais d’expertise étant partagés par moitié entre la société [O] Junior et la société Malo Beach ;

– rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 24 mars 2021, la SCI [O] Junior a interjeté appel, reprenant les chefs suivants dans son acte d’appel en intimant uniquement la SAS Malo Beach restauration : « – fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 5 décembre 2019 à la somme annuelle de 26 254,80 euros hors charges ; rappelé que le loyer sera indexé dans les conditions convenues au bail ; condamné en conséquence la société civile immobilière [O] Junior à restituer à la société Malo Beach le trop-perçu sur les loyers commerciaux payés depuis le 1er mai 2016, outre intérêts aux taux légaux à compter de l’intervention volontaire de la société Malo Beach et capitalisation des dits intérêts ; dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens, les frais d’expertise étant partagés par moitié entre la société [O] Junior et la société Malo Beach;.

Par assignation en date du 22 septembre 2021, la SAS Malo Beach restauration a appelé en appel provoqué la SARL On The Beach.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique en date du 22 décembre 2021, la société [O] Junior demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 28 janvier 2021 statuant en matière de baux commerciaux en ce qu’il a énoncé :

– fixe le loyer du bail renouvelé à compter du 5 décembre 2019 à la somme annuelle de 26 254,80 euros hors charges ;

– rappelle que le loyer sera indexé dans les conditions convenues au bail ;

– condamne en conséquence la Société Civile Immobilière [O] Junior à restituer à la société Malo Beach le trop-perçu sur les loyers commerciaux payés depuis le 1er mai 2016, outre intérêts au taux légaux à compter de l’intervention volontaire de la société Malo Beach et capitalisation desdits intérêts ;

– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens, les frais d’expertise étant partagés par moitié entre la société [O] Junior et la société Malo Beach ;

– rejette les demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile ; – statuant de nouveau,

A titre principal

Vu l’acte de cession de droit au bail en date du 5 décembre 2019,

Vu la force obligatoire des contrats telle que définie à l’article 1134 ancien et 1103 nouveau du Code civil,

– dire et juger que le montant du loyer annuel au 1er mai 2019 s’entend de la somme de 39 352,44 € HT hors charges par an comme il résulte de l’accord des parties aux termes de l’acte de cession de droit au bail du 5 décembre 2019 et qu’il sera fait application de l’actualisation chaque 1er mai suivant

– en conséquence,

– fixer le montant du loyer à la somme de 39 352,44 € HT hors charges par an

– à titre subsidiaire

Si par extraordinaire, la cour de céans n’entérinait pas l’accord des parties aux termes de l’acte de cession de droit au bail et entendait fixer le loyer en fonction de la valeur locative au 1er mai 2016.

Vu le rapport de Monsieur [U] de novembre 2018,

Vu le rapport de Monsieur [K] du 5 mai 2021,

– fixer la valeur locative au 1er mai 2016 du local litigieux à la somme de 29 884,24 € HT hors charges par an.

– condamner la société Malo Beach à verser à la SCI [O] Junior le coût des prestations respectivement de M. [U] et M. [K] auxquels elle a été obligée de faire appel pour faire valoir ses droits, soit un montant de 4 241,60 €.

– condamner la société Malo Beach à verser à la SCI [O] Junior une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais et honoraires de M. [L] – si par extraordinaire la Cour de céans n’entendait pas au vu du rapport de M. [U] et de celui de M.[K] ainsi que des présentes explications retenir telle valeur locative de 29 884,24 € HT hors charges par an.

– Vu l’article 232 du CPC,

– désigner tel nouvel expert foncier qu’il lui plaira avec pour mission d’évaluer la valeur locative du local litigieux au 1er mai 2016 en prenant notamment en considération la surface pondérée qu’il recalculera, les deux terrasses « en dur » réalisées respectivement par le bailleur et le preneur et celle sur le sable, tous les facteurs de commercialité ainsi que les différents avantages inhérents au bail.

– en toute hypothèse

– débouter la société Malo Beach restauration de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Malo Beach à verser à la SCI [O] Junior une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais et honoraires de M. [L].

Elle conteste la recevabilité de la société On The Beach, cette dernière n’étant plus locataire et n’ayant plus aucun droit sur le bail et a fortiori pour demander que soit statué sur le montant du loyer. L’irrecevabilité et le débouté des demandes de la SARL On The Beach a aujourd’hui autorité de la chose jugée.

Au titre de la réformation du jugement sur le montant du loyer, elle fait valoir que :

– le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la date du renouvellement, c’est-à-dire au 1er mai 2016 et non pas à la date du 5 décembre 2019, date d’acquisition par la société Malo Beach du fonds de commerce ;

– les éléments pris en compte pour fixer un loyer en 2019 sont ceux de 2016, ce qui constitue une incohérence entre la date de référence des loyers et celle de fixation du montant du loyer renouvelé ;

– le premier juge n’a pas statué sur la demande de la société [O] de retenir le montant du loyer contractuellement accepté par les parties, c’est-à-dire entre la SCI et la société Malo Beach à l’occasion de la cession du fonds de commerce pour un montant de 39 352,44 euros HT HC à compter du 1er mai 2019.

Il est sollicité la réformation du jugement sur le remboursement du trop-perçu à la société Malo, laquelle n’a pas qualité, sous peine d’un enrichissement sans cause, à réclamer un trop-perçu avant même la date à laquelle elle a acquis le fonds de commerce.

Sur la fixation du loyer elle plaide que :

– au regard de la force obligatoire des contrats, le montant du loyer doit être fixé à la date de cession du fonds de commerce et du droit au bail, conformément aux stipulations de l’acte de cession, qui prévoit un loyer de 3 479 euros par mois, renonçant ainsi à toutes les modifications du montant du loyer en fonction de la procédure en cours initiée par son cédant ;

– elle peut se prévaloir du contenu de cet acte, puisque son accord a été sollicité expressément ;

– si ce montant n’était pas retenu, la valeur locative ne pourrait être que celle au 1er mai 2016, à hauteur de 29 884,24 euros HT HC an, la valeur locative proposée par M. [L] étant manifestement sous-évaluée, lequel a procédé à une analyse erronée du dossier et des références à proximité ;

– le rapport de M. [L] est critiquable (absence de prise en compte et valorisation de la situation d’angle, absence de valorisation des conditions plus que favorable telles que la destination contractuelle, la possibilité d’adjonction d’activité connexes ou complémentaires, références de loyer prises en compte imprécises (date, localisation, caractéristiques, existence de deux terrasses, (une sur digue et une sur sable), pondération retenue).

Elle revient sur les éléments permettant la fixation de la valeur locative, dans les rapports de M.[K] et de M. [U], leur proximité dans les montants retenus, sollicitant que soit retenue la proposition la moins disante pour éviter tout débat.

À titre subsidiaire, elle demande une contre-expertise.

Par conclusions récapitulatives remises au greffe et notifiées entre partie par voie électronique en date du 22 septembre 2021, la société SA Malo Beach restauration demande à la cour de :

– dire et juger la société Malo Beach restauration recevable et bien fondée en son appel provoqué à l’encontre de la société On The Beach ;

– dire et juger la SCI [O] Junior mal fondée en son appel ;

– l’en débouter, et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– faisant droit à l’appel incident de la société Malo Beach restauration ;

-infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en que qu’il a :

– Déclaré la SARL On the Beach irrecevable en ses demandes

– Fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 5 décembre 2019 à la somme annuelle de 26 254,80 € hors charges ;

– Condamné en conséquence la Société Civile Immobilière [O] Junior à restituer à la société Malo Beach restauration le trop-perçu sur les loyers commerciaux payés depuis le 1er mai 2016, outre les intérêts au taux légal à compter de l’intervention volontaire de la société Malo Beach et capitalisation desdits intérêts ;

Statuant à nouveau de ces chefs ;

– fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er mai 2016 à la somme annuelle de 24 500 € hors charges ;

– condamner la Société Civile Immobilière [O] Junior à restituer à la société Malo Beach restauration le trop-perçu sur les loyers commerciaux payés depuis le 1er mai 2016 en deniers ou quittance, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er mai 2016 et avec capitalisation ;

– condamner la SCI [O] Junior à payer à la société Malo Beach restauration une somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner la SCI [O] Junior à la société Malo Beach restauration aux entiers dépens d’instance et d’appel outre les frais d’expertise

Sur l’assignation en appel provoqué, elle souligne que la société cédante a tout intérêt à intervenir au regard des mentions dans l’acte de cession indiquant que le cédant conserverait la maîtrise de cette procédure alors même qu’il n’aurait plus qualité pour agir et sans que le cessionnaire n’interfère, et qu’in fine ce sera elle qui devra assumer les charges du procès.

L’infirmation de la décision s’impose sur l’irrecevabilité de la société On The Beach, cette dernière ayant été locataire de la SCI [O] Junior du 26 avril 2007 jusqu’à la cession au profit de la société Malo Beach restauration.

Sur la réformation du jugement quant à la date de fixation du loyer du bail renouvelé, elle souligne qu’à la date du 1er mai 2016, elle n’était pas locataire.

Sur le montant du loyer renouvelé, elle demande d’écarter l’argumentation sur l’acceptation du loyer dans le cadre de la cession de bail, puisque la cession du droit au bail ne pouvait intervenir dans l’acte de cession qu’aux conditions définies initialement, aucune décision n’étant intervenue sur le montant du loyer

Elle fait remarquer que l’acte de cession du droit au bail n’est pas un contrat conclu entre le bailleur et le cessionnaire, et il ne saurait dès lors en être tiré aucune conclusion, d’autant que l’acte de cession fait bien référence au litige en cours actuellement sur le montant du loyer.

Elle revient sur la valorisation du loyer par M. [L] et estime qu’il ne serait être tenu compte des deux rapports établis unilatéralement. Elle sollicite que la fixation du loyer soit faite au montant arrêté par ce dernier.

Par conclusions récapitulatives remises au greffe et notifiées entre partie par voie électronique en date du 22 décembre 2021, la SARL On The beach demande à la cour de :

– dire et juger la SCI [O] Junior mal fondée en son appel ;

– l’en débouter, et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– faisant droit à l’appel incident de la société On The Beach ;

– infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en que qu’il a :

– Déclaré la SARL On the Beach irrecevable en ses demandes

– Fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 5 décembre 2019 à la somme annuelle de 26 254,80 € hors charges ;

– Condamné en conséquence la Société Civile Immobilière [O] Junior à restituer à la société Malo Beach restauration le trop-perçu sur les loyers commerciaux payés depuis le 1er mai 2016, outre les intérêts au taux légal à compter de l’intervention volontaire de la société Malo Beach restauration et capitalisation desdits intérêts ;

– Statuant à nouveau de ces chefs ;

– dire et juger la société On The Beach recevable en ses demandes,

– fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 01 mai 2016 à la somme annuelle de 24 500 € hors charges ;

– condamner la société civile immobilière [O] Junior à restituer à la société Malo Beach restauration le trop-perçu sur les loyers commerciaux payés depuis le 1er mai 2016 en deniers ou quittance, outre les intérêts au taux légal à compter du 01 mai 2016 et avec capitalisation ;

– condamner la SCI [O] Junior à payer à la société On The Beach une somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner la SCI [O] Junior aux entiers dépens d’instance et d’appel outre les frais d’expertise

Elle reprend à son compte l’argumentation de la société Malo Beach restauration.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2022.

À l’audience du 8 mars 2022, le dossier a été mis en délibéré au 2 juin 2022.

MOTIVATION

– Sur la recevabilité de la société On The Beach

En vertu des dispositions de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 31 du Code de procédure civile précise que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l’espèce, le jugement de première instance a déclaré irrecevable la société On the Beach, ancien preneur à bail, ayant occupé les locaux du 1er mai 2016 au 5 décembre 2019, date de l’entrée en jouissance de la société Malo Beach restauration suite à la cession du fonds de commerce, pour défaut d’intérêt et de qualité.

Sans qu’il ait même lieu de s’interroger sur la portée de l’acte ayant prévu que le cédant conservait « la maîtrise de la procédure », il convient de rappeler que la qualité et l’intérêt à agir s’apprécie au jour d’introduction de la demande, la société On the Beach ayant alors indéniablement qualité et encore plus intérêt à agir.

Il ne pourrait s’agir en outre d’une perte de qualité à raison de la cession, mais uniquement éventuellement de l’intérêt à agir, lequel ne saurait être contesté en l’espèce au vu des clauses de solidarité existant à l’acte, des comptes à faire entre les parties à raison de la jouissance antérieure à la cession et de l’accord tripartite sur le montant du loyer invoqué par le bailleur.

La décision du premier juge ne peut donc qu’être infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable la société On the Beach, sans même qu’il y ait lieu de statuer sur les moyens invoqués par la société SCI [O] tenant à l’autorité de la chose jugée, faute pour elle de saisir valablement la cour, conformément aux dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile aux termes de son dispositif d’une fin de non-recevoir de ce chef, laquelle n’a pas à être relevée d’office par la cour, étant observé de manière surabondante, qu’aucune critique de l’appel incident de la société Malo Beach restauration puis de l’appel provoqué de la société On the Beach formé par la société Malo Beach restauration n’est élevée, cette dernière pouvant parfaitement, dans le délai de 3 mois suite aux conclusions de l’appelant, déférer un chef du jugement non contesté par l’appel principal, nul n’évoquant le fait qu’elle aurait ainsi plaidé par procureur, moyen d’ordre privé que la cour ne peut pas plus relever d’office.

– Sur l’existence d’un loyer contractuellement fixé

Aux termes des dispositions des articles 1103 et 1104 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Le juge ne peut dénaturer les obligations qui résultent des termes clairs et précis d’une convention et modifier les stipulations qu’elle renferme.

En l’espèce, la société bailleresse oppose les termes mêmes de l’acte de cession de fonds de commerce entre la société On The Beach et la société Malo Beach restauration, auquel elle a été appelée à participer, comme renfermant un accord de l’ensemble des parties sur un montant de loyer contractuellement fixé à la somme de 39 352,44 euros.

Il ne peut être utilement contesté, notamment par les sociétés intimées, que l’acte du 5 décembre 2019, entre le cédant et le cessionnaire mais également le bailleur, constitue une convention, signée tant par le bailleur que l’ancien et le nouveau preneur, et dont les stipulations ont été acceptées par toutes les parties et leurs sont opposables.

Indéniablement en page 2, au titre de la durée du bail et du loyer, les stipulations, selon lesquelles « la durée du bail a été fixée à neuf ans qui ont commencé à courir le 1er mai 2007, pour se terminer le 30 avril 2016. le montant actuel du loyer annuel est de 39 352,44 euros charges incluses payable mensuellement à terme d’avance. Une provision mensuelle de 199,70 euros est réglée en même temps que le loyer, soit un loyer mensuel, charges comprises de 3479 euros. La fiscalité attachée aux loyers est la suivante : le loyer n’est pas soumis à la TVA. Ce loyer a été stipulé révisable en fonction de la variation de l’indice du coût de la construction, la dernière révision a eu lieu le 1er mai 2019, la prochaine aura lieu le 1ermai 2020 », sont rédigées de manière ferme, ne réservant aucunement l’issue du contentieux en fixation du loyer et évoquant le loyer « actuel » et non le loyer « appelé actuellement ».

Cependant, dans les développements subséquents de l’acte, à plusieurs reprises, il est énoncé l’existence même d’un contentieux au titre de la fixation de loyer et ses possibles implications sur les comptes entre les parties.

Tel est le cas en page 9 de l’acte, après les stipulations au titre de la cession qui exposent l’origine du contentieux.

Par ailleurs, en page 10, sous l’intitulé conditions de la cession, est prévu l’engagement du cessionnaire[de] pay[er]exactement aux lieu et place du cédant, à compter de son entrée en jouissance, et jusqu’à la fin du bail, les loyers et charges et accessoires’ de la même façon toutes augmentations qui pourraient intervenir par la suite, notamment par suite de révision du loyer. Le cédant remboursera au cessionnaire toute somme qu’il serait amené à verser au bailleur relative à la période antérieure à l’entrée en jouissance du cessionnaire. ».

Il suit en page 11, parmi les déclarations du cédant, une mention sur le fait qu’ « il existe en outre une procédure en cours auprès du tribunal de grande instance, portant sur le montant des loyers ». Il est prévu l’engagement en page 16 du cédant de rembourser toute somme qui serait due pour la période antérieure à la signature, alors même que le cédant indique être à jour dans le paiement des loyers en cours.

Enfin, sous l’intitulé « intervention du bailleur », ce dernier, appelé à intervenir à l’acte de cession, déclare : « il existe à ce jour entre le cédant et lui-même un litige relatif aux montants des charges dues par lui qui fait l’objet d’une procédure actuellement pendante devant le tribunal d’instance de Dunkerque…. il existe en outre une procédure en cours auprès du tribunal de grande instance de Dunkerque en qualité de juge des loyers concernant la détermination du montant du loyer ».

Quelle que soit la maladresse rédactionnelle affectant l’acte du 5 décembre 2019, la seule référence aux conditions définies initialement et au montant du loyer alors en cours et appelé ne peut être brandie comme valant renonciation de la société Malo Beach restauration à toutes modifications du montant du loyer en fonction du sort de la procédure en cours initiée par le cédant et comme démontrant l’accord des parties alors même que celles-ci, en ce même le bailleur qui désormais se prévaut d’un accord, mentionnent l’existence d’un contentieux en cours au titre de la révision de loyer, sans envisager et formuler qu’il soit mis un terme à ladite action en fixation judiciaire de loyer.

La demande du bailleur à voir fixer le montant du loyer à la somme de 39 532,44 euros HT hors charges par an, soit 3 479 euros par mois, la prochaine révision intervenant au 1er mai 2020, à compter du 1er mai 2019 ne peut qu’être rejetée, étant précisé qu’il sera statué en ajoutant à la décision du premier juge lequel n’a pas statué de ce chef dans son dispositif.

– Sur la détermination du loyer du bail renouvelé

Au préalable, aux termes de l’article L 145-12 du Code de commerce, la durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue. ‘ le nouveau bail prend effet à compter de l’expiration du bail précédent, ou le cas échéant, de sa prolongation.

Le preneur, en la personne de la société On the Beach, dans les délais et termes légaux, a sollicité le renouvellement de son bail auprès de la société SCI [O], laquelle a accepté le principe dudit renouvellement, aux mêmes conditions et charges, sous réserve d’une modification du montant du loyer.

Ainsi, le bail renouvelé a commencé à courir à compter du 1er mai 2016, date à laquelle doit être fixé le montant du loyer du bail renouvelé, ce qui justifie d’ores et déjà l’infirmation complète de la décision du premier juge, lequel a fixé judiciairement le loyer du bail renouvelé à compter du 5 décembre 2019.

Le fait que la société Malo Beach restauration ne soit devenue locataire qu’à compter de cette dernière date, contrairement à ce qu’elle sous-entend, n’empêche pas que la date de référence soit le 1er mai 2016 mais induit uniquement le départage des périodes d’occupation en fonction de la date de cession de fonds de commerce emportant cession de droit au bail, entre la société On the Beach, pour la période du 1er  mai 2016 au 5 décembre 2019, et la société Malo Beach restauration pour la période à compter du 5 décembre 2019 jusqu’à l’expiration du bail renouvelé, soit le 1er mai 2025.

L’article L.145-33 du Code de commerce rappelle que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord, cette valeur est déterminée par :

1° les caractéristiques du local considéré,

2° la destination des lieux,

3° les obligations respectives des parties,

4° les facteurs locaux de commercialité,

5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En l’espèce, il ne peut qu’être noté que les parties s’accordent sur une fixation à la valeur locative du loyer du bail renouvelé, le preneur actuel comme l’ancien preneur prétendant toutefois à une valeur locative inférieure au montant dû à la date de renouvellement, pour être de 24 500 euros HC, conformément à l’évaluation faite par l’expert judiciaire, tandis que le montant retenu par le premier juge est de 26 254,80 euros HC, et que le bailleur se prévaut d’une valeur de 29 884,24 euros HC.

Le bailleur se réfère à deux évaluations, l’une faite par M. [U], l’autre par M. [K].

1) sur les surfaces et caractéristiques des locaux loués :

Les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération :

1° De sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° De l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;

4° De l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° De la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

– sur les caractéristiques :

Le local donné à bail est un local à usage commercial, dépendant d’un immeuble plus important détenu en copropriété, implanté en rez-de-chaussée et sous sol, situé en bord de plage, à l’angle de la rue de Flandre et de l’artère nommée « Digue de mer », avec un accès et une vue sur la plage et la mer, sur la commune de Dunkerque, disposant dès lors d’un visuel et d’une vitrine de 9,80 m de front de mer et de 14,38 m côté rue de Flandre.

Il se trouve sur la portion la plus commerçante de la digue, zone d’attrait touristique de cette station balnéaire.

Le bail initial mentionnait un rez-de-chaussée, 5 pièces principales. Il ressort des constatations de l’expert judiciaire que les locaux se présentent au rez-de-chaussée, avec une salle principale, une cheminée, deux toilettes, une entrée sur la rue de Flandre, une cuisine, une cave dont une chambre froide ainsi que deux dégagements.

– sur la surface des locaux :

Au titre des surfaces, les parties ne s’étant pas entendues dans le cadre de l’expertise, l’expert s’est adjoint un sapiteur, les surfaces révélées par le géomètre s’établissant à 209,57 m², soit 85,70 m² pour la salle (partie 1), 1,31 m² ( salle partie 1a), 0,95 m², (salle partie 1b), 2,35 m² ( salle partie1c), 9,45 m² (salle partie 2), 1,26 m² pour la cheminée, 8,27 et 1,4 m² pour le dégagement 1 et 2, 3,34 m² et 0,84 m², pour respectivement le WC1 et le WC2, 0,3 m² pour le rangement, 2,61 m² pour l’entrée, 22,51 m² pour la cuisine et 69,28 m² pour la cave dont la chambre froide.

Après pondération, M. [L] retient une surface pondérée de 145,86 m², que le bailleur conteste, notamment en raison du coefficient appliqué de 0,9 par l’expert aux différentes pièces au-delà de 5,70 m, et non de 1, et en raison de la pondération appliquée aux caves et chambres froides, à savoir 0,2 alors qu’est revendiquée une pondération à 0,4.

Aucun élément précis et objectif n’est apporté par le bailleur pour modifier les pondérations retenues par l’expert judiciaire.

En effet, le rapport même de M. [U] dont il se prévaut, après avoir rappelé qu’il est inscrit sur la liste des experts de la cour, et dont le bailleur souligne la rigueur et le caractère détaillé, expose que «les coefficients de pondération retenus dans le prérapport d’expertise judiciaire de M. [L] sont conformes aux préconisations spécifiques de l’activité de restauration et aux préconisations de la charte de l’expertise en évaluation immobilière », notamment pour le coefficient 0,2 retenu pour le sous sol.

Après avoir décrit les locaux et notamment souligné l’implantation en angle de rue avec le linéaire sur digue et sur la rue de Flandre, dans sa partie relative à la qualité du secteur et de

l’emplacement M. [U] propose pour le rez-de-chaussée un coefficient de 0,959, ce qui est conforme à la pondération retenue par l’expert judiciaire de 0,9.

Par ailleurs, le rapport de M. [K] retient une pondération de 1,2 sur 12,50 m² et une pondération de 1 sur les autres pièces, l’évocation de la surface des terrasses étant inopérante, puisqu’au titre de la surface pondérée, les terrasses ne sauraient être incluses dans le bail, dès lors qu’elles ne font pas partie du bail même.

Aucune preuve objective de cet effet d’angle et de l’absence de décote nécessaire des salles au-delà de 5,70 m n’est apportée et le bailleur se contente d’assertions non étayées par de quelconques pièces dans ces écritures sur ce point.

Au contraire, au vu de la configuration des lieux, telle qu’elle résulte de l’implantation donnée, l’entrée principale se faisant par la digue, et l’entrée sur la rue de Flandre donnant à proximité des cuisines, cette pondération de 0,9 se trouve complètement justifiée.

En conséquence, les pièces produites ne conduisent pas à modifier les pondérations retenues par l’expert judiciaire, lesquelles amènent au vu des surfaces relevées par le métreur, à retenir une surface pondérée de 145,86 m².

2) sur les obligations respectives des parties :

L’article R 145-8 du Code de commerce prévoit que « du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge. Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou l’autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer. Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé ».

Sont envisagées à ce titre la clause de destination et la clause relative à la taxe foncière et à l’absence de versement d’un dépôt de garantie.

– sur la clause tout commerce et de sous-location :

S’agissant de la clause de destination, qui certes n’est pas une clause tout commerce, mais une clause permettant l’exploitation d’une activité de café, bar d’ambiance, brasserie, restaurant, glacier, salon de thé, vente de plats à emporter, elle s’avère particulièrement large et adaptée à la commercialité du secteur, sur la digue, ce qui justifie qu’il ne soit pas appliqué une quelconque minoration.

Il n’y a pas plus lieu à majoration par le seul fait qu’est envisagée la possibilité d’activité connexe, comme le sous-entend le bailleur, cela n’étant que le rappel des règles applicables en la matière.

-sur la taxe foncière :

Il ressort du bail litigieux que sont à la charge du preneur les charges locatives de copropriété, les taxes principales, comprenant la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, de balayage et les taxes locatives, outre l’assurance bailleur. Au vu du silence du bail, la taxe foncière, après déduction des taxes précitées, n’est pas refacturée au preneur.

Néanmoins, contrairement à ce que soutient la société SCI [O], il n’y a pas lieu à appliquer en l’espèce une majoration de 5 %, comme l’évoque M. [U] ou M. [K], l’expert judiciaire ayant pris soin dans l’étude des références données d’appréhender cette donnée et de déduire au réel le montant de la taxe foncière prise en charge par le preneur dans les baux retenus, prenant ainsi en considération l’avantage octroyé à la société On the Beach.

Appliquer un coefficient majorant reviendrait alors à tenir compte deux fois de cet avantage. Ce moyen du bailleur est donc rejeté.

– sur l’absence de versement d’un dépôt de garantie :

Au vu du caractère très ponctuel de cette donnée et de l’absence de toute démonstration d’un quelconque effet sur le montant du loyer, aucune pondération ne doit intervenir à raison de cet élément.

3) sur les facteurs de commercialité :

À juste titre l’expert judiciaire a refusé d’appliquer une pondération de 10 % pour « angle de rue », faute de preuve d’une commercialité supplémentaire apportée venant de la rue de Flandre.

Cependant, aux termes de son rapport, corroboré sur ces points par les éléments décrits également dans les évaluations unilatérales de M. [K] et de M. [U], il peut être retenu que le bien loué, implanté dans une zone, essentiellement touristique, et ce toute l’année, dispose d’un emplacement de premier ordre et attrayant sur la digue de mer, bénéficiant ainsi des investissements effectués sur cette dernière, tels que son élargissement, son renforcement, voire sa piétonisation en période estivale, profitant d’une visibilité accrue à raison de son linéaire et de sa situation en angle, ladite position lui permettant en outre d’avoir des salles de réception ouvertes sur l’extérieur, élément peu habituel sur la digue, et jouissant d’un accès facilité.

L’expert judiciaire en conclut de manière pertinente que l’évolution est tout à fait favorable et propice à l’exercice de l’activité proposée dans le local objet de la présente expertise.

Doit être pris en compte à ce titre l’existence même des terrasses, à savoir les deux terrasses couvertes, de 40 m² et 35,50 m², la première ayant été réalisée par le bailleur ainsi que la terrasse sur zone piétonne pavée (70 m²) et la terrasse démontable sur sable (105 m²), qui certes ne sont qu’une occupation temporaire du domaine publique et donnent lieu à redevance à la charge du preneur, mais accroissent nécessairement la commercialité du local, augmentant la surface de vente et surtout la visibilité du local.

C’est à juste titre que le premier juge a décidé de prendre en compte cet élément.

Cet avantage est le plus souvent valorisé par un supplément situé entre 5% et 15% du loyer de base, suivant notamment le marché.

Au vu de la taille des terrasses, de l’importance dans cette zone de détenir un accès au domaine public, mais également en vue de prendre en compte le caractère précaire de l’autorisation délivrée et le paiement d’une redevance à la charge du preneur, l’utilité et la commercialité desdites terrasses étant également pour partie dépendantes des conditions thermosphériques, un pourcentage de revalorisation de 10 % est justifié.

4) sur les prix pratiqués dans le voisinage :

Aux termes des dispositions de l’article R 145-7 du Code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surface, concernent des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R 145-3 à R 145-6. À défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de bases, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d’autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Les termes de référence à prendre en compte, au vu de la nature de l’activité, de l’emplacement, doivent être diversifiés pour permettre l’appréhension concrète et sérieuse de la valeur locative du secteur.

L’application de coefficients pour prendre en compte l’implantation, l’attractivité des emplacements, la configuration spécifique de la surface exploitée, l’ancienneté de la fixation des loyers, par l’expert, se justifie pour parvenir à une appréciation plus concrète et contextualisée des références, les parties n’apportant aucun élément pour la remettre en cause.

Comme précédemment exposé, à juste titre l’expert judiciaire a écarté toute pondération au titre de la taxe foncière, du dépôt de garantie et de la clause de destination, ayant pris en compte au réel les montants de la taxe foncière supportée par les preneurs des références examinées.

Il n’existe pas véritablement de contestation des références prises en compte par l’expert judiciaire, hormis sur les pondérations retenues, aux termes des dernières écritures du bailleur, lesdites références étant dans une proximité géographique du local litigieux et dans une proximité temporelle immédiate de la date du présent renouvellement, hormis sur ce dernier point la référence Le cactus, l’activité de l’ensemble des commerces étant proche ou assimilée à celle de la société Malo Beach restauration.

Les références données par le preneur, issues d’une attestation d’un notaire Me [Y] et de l’agence BECI sont insuffisamment précises pour pouvoir être prises en compte, ne détaillant ni la date des baux, ni les charges et conditions pesant sur les parties.

Ainsi, ont pu valablement être retenues par l’expert judiciaire :

– la référence L’espadrille, située en face du local litigieux, disposant d’une implantation d’angle, d’une surface pondérée de 76,46 m², de terrasses couvertes sur digue de 48 m², 1 008,57 euros à raison de la taxe foncière devant être déduite du montant du loyer de 12 600 euros , soit un loyer au m² pondéré de 177,65 euros/ par m².

– le loyer au m ² pondéré du local Burger Beach, à proximité immédiate du bail litigieux, pour un local de 75,29 m² outre 48 m² de cave, avec une même répartition des taxes, une activité de restauration rapide uniquement et sans terrasse, de 185,21 €/m², rapportée de manière justifiée, après application de coefficient minorant en raison de la date du bail, postérieure à la date de renouvellement dans le présent litige et au caractère restreint de l’activité, restauration rapide, autorisée, à 171,55 m²

– l’enseigne l’Irlandais, sur la digue, au prix annuel de 17 640 euros, outre la taxe foncière pour une surface de 135,20 m² pondérée, à 116,34 m², soit un loyer pondéré au m² de 167,80 euros.

L’expert judiciaire en a déduit une valeur moyenne au m² de 166,09 euros.

Or, sans même qu’il y ait lieu d’ordonner une contre-expertise, comme le sollicite la société SCI [O] à titre subsidiaire, la présente cour, qui a pris en compte outre l’expertise judiciaire, les évaluations établies par M. [U] et M. [K] au soutien des intérêts du bailleur, estime avoir disposé de suffisamment d’éléments pour statuer et trancher la valeur locative applicable aux biens.

Ainsi, après application du coefficient de revalorisation de 10 % lié aux terrasses, la valeur locative peut être fixée à une somme de 182,69 euros m² pondérée, soit un montant total arrondi, au vu de la superficie, de 26 648 euros, ledit loyer n’étant pas soumis à la TVA.

La fixation du loyer à la date du 1er mai 2016 s’établit à la somme de 26 648 euros hors charges et hors TVA, ledit loyer étant indexé dans les conditions convenues au bail.

– Sur la demande de remboursement du trop-perçu

Aux termes des dispositions de l’article R 145-23 du Code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble.

Ainsi, le juge des loyers commerciaux ne peut statuer sur les demandes étrangères à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, telles les demandes portant sur la durée du bail renouvelé, la fixation de l’indemnité d’éviction, de l’indemnité d’occupation, le jeu de la clause résolutoire. D’une manière générale, il ne peut connaître des litiges relatifs à l’application du statut.

Le juge des loyers commerciaux qui fixe le prix du loyer révisé à un montant inférieur à celui du loyer versé par le preneur est compétent, en application de l’article 1376 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, pour statuer sur la demande de restitution par le bailleur du trop-perçu qui en résulte, cette demande étant accessoire à la demande principale.

Aucune clause de l’acte de cession n’envisage un droit pour le cessionnaire de réclamer et obtenir le remboursement de loyers trop payés, pour la période antérieure à son entrée en jouissance, soit le 5 décembre 2019.

Il ne sera donc fait droit que partiellement à sa demande restitution, la cour ne pouvant que constater n’être saisie d’aucune demande de restitution par la société On the Beach pour la période du 1er mai 2016 au 5 décembre 2019.

La décision du premier juge ne peut donc qu’être amendée en ce qu’elle a prévu une restitution des sommes à la société Malo Beach restauration à compter du 1er mai 2016.

S’agissant d’une répétition de l’indu, les intérêts sur la somme ne peuvent courir à compter du 1er mai 2016, mais uniquement, sous réserve de la preuve d’une mauvaise foi, à compter du règlement intervenu indûment, voire en l’absence de toute mauvaise foi prouvée à compter de la mise en demeure.

Aucune mauvaise foi n’étant invoquée, les intérêts assortissant les sommes dues au titre du trop-perçu sont dus à compter du mémoire en demande de fixation et restitution des sommes, délivrées par la société On the Beach et la société Malo Beach restauration, soit le 15 octobre 2020, suivant l’énonciation du jugement non critiquée.

La capitalisation des intérêts échus est ordonnée.

‘ Sur les dépens et accessoires 

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société SCI [O] succombant principalement en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens d’appel.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens ainsi qu’aux indemnités procédurales sont confirmés.

Aucune condamnation en cause d’appel à une indemnité procédurale ne saurait être prononcée au profit de la société SCI [O], laquelle est condamnée aux dépens.

Une somme de 500 euros sera accordée respectivement à la société Malo Beach restauration et à la société On the Beach.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 28 janvier 2021 en ce qu’il a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens, les frais d’expertise étant partagés par moitié entre la société [O] Junior et la société Malo Beach et rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile ; 

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE recevable la société On the Beach ;

REJETTE la demande du bailleur à voir fixer le montant du loyer à la somme de 39 532,44 euros HT hors charges par an, soit 3 479 euros par mois, la prochaine révision intervenant au 1er mai 2020, à compter du 1er mai 2019 ;

FIXE le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er mai 2016 à la somme de 26 648 euros hors charges, ledit loyer n’étant pas soumis à la TVA ;

RAPPELLE que ledit loyer est indexé dans les conditions convenues au bail ;

REJETTE la demande de contre-expertise formulée par le bailleur à titre subsidiaire ;

CONDAMNE la société civile immobilière [O] Junior à restituer à la société Malo Beach restauration le trop-perçu sur les loyers commerciaux payés, au vu de la fixation de loyer précité et l’indexation de ce dernier, à compter de sa date d’entrée en jouissance, soit le 5 décembre 2019, avec intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2020, et capitalisation des intérêts échus par année entière ;

CONSTATE que la cour n’est saisie d’aucune demande de restitution par la société On the Beach pour la période du 1er mai 2016 au 5 décembre 2019 ;

DÉBOUTE la société Malo Beach et la société On the Beach de leur demande de restitution des loyers trop-perçus à la société Malo Beach restauration pour la période du 1er mai 2016 au 5 décembre 2019 ;

CONDAMNE la société SCI [O] Junior à payer à la société Malo Beach restauration la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SCI [O] Junior à payer à la société On the Beach la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société SCI [O] Junior de sa demande d’indemnité procédurale ;

LA CONDAMNE aux dépens d’appel.

Le greffierLe président

Marlène ToccoLaurent Bedouet

 


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