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19 juillet 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/04984
MINUTE N° 346/23
Copie exécutoire à
– Me Christine LAISSUE -STRAVOPODIS
– Me Laurence FRICK
Le 19.07.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 19 Juillet 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/04984 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HXB5
Décision déférée à la Cour : 23 Février 2021 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE – 1ère chambre civile
APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :
S.A.S. MODA IN FRANCE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la Cour
INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :
COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE LA VALLÉE DE SAINT AMARIN prise en la personne de son Président M. [E]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me PEGUET, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l’assignation délivrée le 19 septembre 2019, par laquelle la Communauté de Communes de la Vallée de Saint Amarin, ci-après également dénommée ‘la Communauté de Communes’ a fait citer la SASU Moda In France, ci-après également ‘la société’, devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d’application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Vu le jugement rendu le 23 février 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l’exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse a statué comme suit :
‘FIXE l’indemnité d’éviction due par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA VALLEE DE SAINT AMARIN à la SASU MODA IN FRANCE, à la somme de 22.300 euros (VINGT DEUX MILLE TROIS CENT EUROS) ;
En conséquence,
CONDAMNE la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA VALLEE DE SAINT AMARIN, prise en la personne de ses représentants légaux, à payer à la SASU MODA IN FRANCE la somme de 22.300 euros (VINGT-DEUX MILLE TROIS CENTS EUROS), outre intérêts légaux courant à compter de la présente décision jusqu’à la date de remise des fonds au séquestre ;
DESIGNE Me [J] [B], notaire dont l’office est situé [Adresse 1], en qualité de séquestre, en application de l’article L.145-29 du Code de commerce ;
FIXE l’indemnité d’occupation due par la SASU MODA IN FRANCE à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA VALLEE DE SAINT AMARIN, à la somme de 322,92 euros TTC par mois (TROIS CENT VINGT DEUX EUROS ET QUATRE VINGT DOUZE CENTIMES) ;
En conséquence,
CONDAMNE la SASU MODA FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux, à payer, en deniers ou quittances, à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA VALLEE DE SAINT AMARIN, la somme de 322,92 euros TTC par mois (TROIS CENT VINGT DEUX EUROS ET QUATRE VINGT DOUZE CENTIMES TOUTES TAXES COMPRISES PAR MOIS), rétroactivement à compter du 30 septembre 2017, et ce, jusqu’à libération des locaux ;
ORDONNE la compensation entre les créances réciproques des parties ;
DEBOUTE la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA VALLEE DE SAINT AMARIN, prise en la personne de ses représentants légaux, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SASU MODA IN FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SASU MODA IN FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux, aux dépens ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires ;
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision’
Vu la déclaration d’appel formée par la SAS Moda In France contre ce jugement et déposée le 6 décembre 2021.
Vu la constitution d’intimée de la Communauté de Communes de la Vallée de Saint Amarin en date du 16 février 2022,
Vu les dernières conclusions en date du 1er septembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Moda In France demande à la cour de :
‘DECLARER l’appel interjeté recevable et bien fondé.
CONFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a fixé l’indemnité d’occupation due par la société MODA IN FRANCE à la somme de 322,92 € TTC par mois, rétroactivement à compter du 30 septembre 2017 jusqu’à la libération des locaux.
CONFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société MODA IN FRANCE à payer en deniers quittance la somme de 322,92 € TTC par mois rétroactivement à compter du 30 septembre 2017, et ce jusqu’à libération des locaux,
CONFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a désigné Maître [B], notaire à [Localité 6] en qualité de séquestre en application de l’article L 145-29 du Code de Commerce,
INFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a limité l’indemnité d’éviction à la somme de 22 300 €,
Et statuant à nouveau,
FIXER l’indemnité d’éviction due par la COMMUNAUTÉ DE COMMUNE DE LA VALLÉE DE SAINT AMARIN à la somme de 223 700 €,
En conséquence,
CONDAMNER la COMMUNAUTÉ DE COMMUNE DE LA VALLÉE DE SAINT AMARIN à payer à la société MODA IN FRANCE la somme de 223 700 € au titre de l’indemnité d’éviction avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance,
CONDAMNER la demanderesse au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens’
et ce, en invoquant, notamment :
– le caractère intransférable du fonds, relevé par l’expert approuvé par les parties, sans cependant tenir compte du résultat positif réalisé sur 20 mois en 2014/2015, alors qu’il démontrerait une réelle rentabilité, un bénéfice non négligeable ayant pu être réalisé malgré le démarrage progressif de toute première activité, et alors même que ce résultat aurait été obéré par les autres activités de la société, les encaissements réalisés par carte bancaire au sein du fonds en cause permettant, par ailleurs, de déduire un chiffre d’affaires hors taxes réalisé en 2018 dans la boutique objet des débats de 91 000 euros, sur la base d’éléments objectifs qu’elle aurait transmis à l’expert, permettant une valorisation du fonds à 57 000 euros sur la base d’un barème d’évaluation des fonds de commerce établi par des experts comptables et commissaires aux comptes, le raisonnement de l’expert étant contesté au vu d’une rentabilité qui aurait permis la rémunération de l’exploitant,
– l’insuffisance de l’évaluation par l’expert des frais de réinstallation, alors que la concluante invoque le bénéfice de l’aménagement d’une mezzanine, autorisée par la convention d’occupation précaire, lui donnant droit, en vertu d’une jurisprudence constante, d’être indemnisée de frais de réinstallation au titre d’aménagements et équipements similaires au local duquel elle est évincée, tout en ajoutant des travaux divers de plomberie, de chauffage, d’aménagement intérieur, vitrine, enseigne, etc.,
– la critique de l’argumentation adverse qui aboutirait à ce que l’éviction n’entraîne aucune conséquence financière pour l’intimée et ne permettrait pas à la société évincée d’obtenir une quelconque indemnisation ni pour la perte du fonds ni pour la réinstallation,
– sur les frais de déménagement, une estimation devant être valorisée en tenant compte de l’importance de son stock,
– sur les frais et droits de mutation, une évaluation à hauteur d’un forfait d’environ 10 % de la valeur du fonds,
– sur la réparation du trouble commercial, une indemnisation sur la base du bénéfice actuel de la boutique,
– sur l’évaluation du stock, la prise en compte de la vente de modèles spécifiques au parc de Wesserling, et de l’augmentation du stock en l’état du constat d’huissier réalisé en 2020 par rapport au précédent inventaire de 2017, s’inscrivant dans le contexte de la progression normale de l’activité d’un commerce qui a démarré peu de temps auparavant, ainsi que de la nécessité de proposer un large éventail de références de produits afin de développer le chiffre d’affaires, tout gonflement délibéré du stock étant contesté.
Vu les dernières conclusions en date du 21 septembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles la Communauté de Communes de la Vallée de [Localité 4] demande à la cour de :
‘Sur appel principal
DECLARER l’appel principal mal fondé
Le REJETER
DEBOUTER la SAS MODA IN FRANCE de toutes ses fins et prétentions
CONFIRMER le jugement dans la limite de l’appel incident
Sur appel incident
DECLARER l’appel incident recevable et bien fondé
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’indemnité d’éviction à la somme de 22.300 euros
Statuant à nouveau :
DEBOUTER la SAS MODA IN FRANCE de ses demandes d’indemnisations
Subsidiairement
DEBOUTER la SAS MODA IN FRANCE de ses demandes d’indemnités de réinstallation et pour trouble commercial
REDUIRE à minima l’indemnité pour perte de stocks
REDUIRE à minima l’indemnité de réinstallation
En tout état de cause
CONDAMNNER la SAS MODA IN FRANCE aux entiers dépens
CONDAMNNER la SAS MODA IN FRANCE à payer à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA VALLEE DE [Localité 4] une indemnité de 3 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile’
et ce, en invoquant, notamment :
– sur l’indemnité principale, l’absence de production de toute comptabilité contemporaine à la date d’effet du congé faisant obstacle à la détermination de la valeur du fonds perdu du fait de son intransférabilité, sans que la production de comptes anciens ne puisse pallier cette carence, ne justifiant ni d’un résultat bénéficiaire à la date d’effet du congé, ni de l’imputabilité du résultat bénéficiaire constaté en 2015 à l’établissement en cause, l’exploitante ne pouvant, en outre, éluder les coûts salariaux inhérents à son organisation en plusieurs points de vente proches, outre encore que ces comptes porteraient sur un exercice d’une durée exceptionnelle de 20 mois, de sorte que le bénéfice, ramené sur une base annuelle à 11 000 euros, ne permettait pas d’assurer la rémunération d’un exploitant, ce qui confirmait l’absence de valeur du fonds, faute de rentabilité, outre l’absence de preuve que le récapitulatif annuel des encaissements par carte produit pour 2018 porterait sur ce seul local, Les évaluations de la valeur marchande du fonds, fondées sur les résultats d’exploitation, aboutissant logiquement à une valeur nulle dans un contexte d’exploitation où ni le montant du chiffre d’affaires, ni aucune rentabilité réelle n’auraient pu être démontrés,
– sur l’indemnisation de la perte de stock, l’absence de justification des prétentions de l’appelante, qui verserait aux débats les mêmes pièces que celles transmises à l’expert, dont les conclusions sur ce point sont rappelées, ou produites en première instance en réitérant les mêmes arguments, tout en majorant, de manière qualifiée de suspecte, sa demande à ce titre, sur la base d’un procès-verbal réalisé trois ans après la date d’effet du congé et en début de saison creuse, et comportant des références dont la spécificité au site ne serait pas prouvée, alors que l’évaluation de l’expert est elle-même déjà qualifiée de généreuse, la question de la bonne foi de la société étant posée par la concluante quant aux conditions de constitution de ce stock, qui serait manifestement disproportionné au regard de son activité,
– sur l’indemnisation des frais de déménagement et de réinstallation, fixés par l’expert comme par le premier juge à respectivement 1 500 et 10 000 euros, et dont la demande relèverait d’une contradiction patente avec la perte invoquée du fonds, les frais de déménagement étant, de surcroît, critiqués comme étant disproportionnés et l’indemnisation de la mezzanine pour une valeur à neuf réfutée comme dépourvue de fondement, s’agissant d’un aménagement des locaux existant au jour de l’acquisition du fonds et qui n’est pas censé être ouvert au public et pouvait tout au plus servir à un usage de réserve, la concluante rappelant également que la société aurait récupéré l’ensemble des éléments matériels du fonds, y compris la mezzanine, pour un prix de 2 500 euros, qu’elle ne pourrait revendiquer l’indemnisation de travaux d’agencement réalisés par l’EURL Pattywes, puisque cela confinerait à un enrichissement sans cause ni l’indemnisation de la mezzanine au prétexte que le bail comporterait une clause d’accession, faute d’exploitation commerciale de cet espace et alors que l’indemnité de réinstallation n’aurait pas pour vocation de financer l’embellissement d’un nouvel espace,
– l’absence de préjudice commercial, conformément à l’évaluation de l’expert, à défaut d’exploitation bénéficiaire, dont il ne serait pas justifié, la distinction faite, par le premier juge, entre le préjudice de gestion lié à l’éviction et le préjudice lié à la perte du droit au maintien dans les lieux étant mise en cause, l’éviction n’étant qu’une traduction de la perte du droit au maintien dans les lieux,
– l’absence de critique utile de la motivation, qui est rappelée, des premiers juges concernant l’indemnisation des frais et droits de mutation, l’appelante se bornant, selon la concluante, à revendiquer une indemnisation forfaitaire d’un préjudice parfaitement virtuel, alors qu’il existerait dans la vallée de [Localité 4] de nombreux locaux disponibles, ne justifiant le paiement d’aucun pas de porte,
– l’absence de contestation adverse quant à l’indemnité d’occupation, quoi que non acquittée, et à la compensation opérée par le premier juge.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 8 mars 2023,
Vu les débats à l’audience du 12 avril 2023,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur l’indemnité d’éviction :
Aux termes de l’article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Sur l’indemnité principale :
En application des dispositions précitées, qui impliquent une réparation intégrale du préjudice subi par le preneur, mais uniquement de ce préjudice, il est de principe que l’indemnisation doit couvrir la perte du fonds de commerce, qui est présumée, sauf pour le bailleur à établir que ce préjudice peut être minoré, à défaut, notamment, de disparition totale du fonds résultant de l’éviction du preneur, en particulier s’il apporte la preuve que le transfert du fonds est possible avec poursuite de l’activité sans perte significative de clientèle.
En l’espèce, la cour observe, tout d’abord, qu’il n’est pas contesté, par les parties, que, comme cela a déjà été relevé par le rapport de l’expert commis dans le cadre de la première instance, ainsi que par le premier juge, le fonds de commerce exploité par la société Moda In France au sein du Parc de Wesserling, ne pourrait être transféré avec poursuite de l’activité sans perte significative de clientèle, de sorte que l’indemnité d’éviction s’analyse en une indemnité de remplacement, devant couvrir la valeur de la perte du fonds.
Quant à l’évaluation de cette indemnité, si la société Moda In France a fait l’objet d’un congé avec effet au 30 septembre 2017, il convient de relever qu’en l’espèce, dès lors que le locataire s’est maintenu dans les lieux, cette indemnité doit être valorisée à la date de la décision judiciaire fixant cette indemnité, c’est-à-dire à la date du présent arrêt.
Il appartient, en conséquence, à la cour de prendre en compte les éléments d’activité les plus récents à cet égard.
À ce titre, si l’expert commis en première instance s’est estimé insuffisamment renseigné au regard des éléments dont il a pu disposer, c’est-à-dire un bilan sur vingt mois au titre de l’exercice de démarrage d’activité 2014/2015, à l’exclusion de toute transmission d’éléments comptables pour les exercices 2016 et 2017, malgré les délais laissés à cet effet au gérant de la société Moda In France, la cour, pour sa part, estime devoir tenir compte des éléments produits les plus récents quant à l’activité de la société au titre de l’exercice 2018. Ainsi, s’il pourrait être attendu de la part de l’appelante, soumise à des obligations comptables et fiscales, la production d’éléments chiffrés circonstanciés, il n’en demeure pas moins que les éléments dont la cour dispose, soit un récapitulatif bancaire des éléments d’encaissements par cartes de crédit au titre de l’exercice 2018, dont il n’est pas démontré qu’il ne concernerait pas le seul établissement du Parc de Wesserling, alors même que le relevé fait référence à la dénomination ‘Pattywes’ correspondant au précédent locataire, permet de relever que le montant des encaissements s’est élevé à la somme de 54 538 euros hors taxes (HT), soit 65 446 euros toutes taxes comprises (TTC).
En conséquence, la cour retiendra, en l’absence de meilleure proposition et au regard de la nature de l’activité en cause, le taux de 60 % de paiements par carte bancaire tel que proposé par la partie appelante, de sorte que son chiffre d’affaires sera estimé à 91 000 euros.
Il s’en déduit une valeur du fonds que la cour appréciera, au vu des éléments qui précèdent, en tenant compte de la nature de l’activité, de la situation du fonds, telle qu’elle peut, tout de même, être appréciée au regard des éléments, fussent-ils limités, dont la cour dispose, en appliquant à ce chiffre d’affaires un coefficient de 40 %, qui apparaît ainsi justifié à défaut de méthode alternative pertinente d’évaluation de cette valeur, les propositions de l’expert, si elles évoquent un risque de distorsion ‘entre la valeur vénale dégagée du marché par comparaison et la valeur dégagée du résultat comptable par la méthode des barèmes’ ne permettant, cependant pas, de prendre en compte à suffisance l’activité du fonds.
Par conséquent, en infirmant de ce chef le jugement entrepris, la cour fixera à 36 400 euros la valeur de l’indemnité principale.
Sur les indemnités accessoires :
Sur ce point, si la cour a retenu, dans le cadre de l’analyse des demandes relatives à l’indemnité principale, le caractère non transférable du fonds exploité par la société Moda In France, il n’en reste pas moins que le bailleur est tenu d’indemniser des frais de réinstallation et de déménagement, le preneur évincé de ce fonds, en l’absence de cessation de l’activité antérieure au refus de renouvellement du bail, et à défaut, pour le bailleur, d’établir, en l’espèce, que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fonds.
Ainsi, concernant les frais de réinstallation, la cour rappelle que, par application de l’article 6 de la convention liant les parties, la société Moda In France n’est pas en droit d’être indemnisée par le bailleur au titre de l’aménagement d’une mezzanine à l’arrière du local, ce qui n’exclut pas, pour autant, comme l’a justement relevé le premier juge, son droit à prétendre obtenir, dans le cadre de sa réinstallation, un espace de stockage équivalent, lui permettant une réinstallation dans des conditions d’exploitation similaires à celles quittées, cela impliquant de tenir compte de la mezzanine comme surface de réserve et non pas comme un aménagement spécifique et propre à l’activité de la société. Dès lors, et en l’absence, pour le surplus, de particularités du local, ainsi que l’a relevé l’expert, la cour considère que sur
ce point, le premier juge a, par des motifs pertinents qu’il y a lieu d’adopter, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en fixant, au vu des conclusions circonstanciées du rapport d’expertise et des éléments d’évaluation produits, notamment des devis, sous réserve, comme il l’a fait, d’écarter le devis prévoyant la réinstallation d’une mezzanine, à 10 000 euros le montant des frais de réinstallation.
S’agissant de l’indemnisation de la perte du stock, la cour n’aperçoit pas, en l’état des éléments dont elle dispose, de motif de remettre en cause l’évaluation retenue par le premier juge à hauteur de 10 000 euros, l’appelante ne démontrant pas que la valeur du stock excéderait cette valeur, le constat d’huissier de justice en date du 7 octobre 2020 étant, à cet égard, insuffisamment probant en ce que la valorisation qu’il relève repose sur les seules affirmations de M. [W], gérant de la société Moda In France.
Quant aux frais et droits de mutation, dès lors qu’il n’est pas établi, par le bailleur, que le preneur ne se réinstallera pas, la cour, au vu des éléments dont elle dispose, et notamment au regard des conclusions auxquelles elle est parvenue sur l’indemnité principale, indemnisera la société Moda In France à hauteur de 2 000 euros au titre des frais et droits de mutation qu’elle va devoir exposer pour ouvrir un autre fonds de commerce ou acquérir un droit au bail de même valeur, le jugement entrepris étant, ainsi, infirmé en ce qu’il a écarté cette demande.
Sur les frais de déménagement, la cour n’aperçoit pas de raison de nature à s’écarter de l’appréciation faite, sur la foi des conclusions du rapport d’expertise, par le premier juge, dont elle approuve, également, les motifs sur ce point, tout en précisant que, dès lors que la société Moda In France a été indemnisée de la perte de son stock, il convient, certes, d’en indemniser l’évacuation mais pas le déménagement, de surcroît sur une distance de 56 kilomètres qu’aucun élément ne vient justifier, de sorte que la valeur de 1 500 euros retenue en première instance sera validée.
L’indemnisation de la réinstallation implique également celle du trouble commercial, laquelle, tout en tenant compte de la perte du fonds, doit être appréciée en fonction des éléments dont la cour dispose, tels qu’ils ont été détaillés ci-avant, sur l’activité de la société Moda In France, de sorte que ce poste sera indemnisé, comme décidé dans le jugement entrepris, à hauteur de 800 euros.
Au total, l’indemnisation de la société Moda In France sera fixée comme suit :
– indemnité principale : 36 400 euros,
– frais de réinstallation : 10 000 euros,
– perte de stock : 10 000 euros,
– frais et droits de mutation : 2 000 euros,
– frais de déménagement : 1 500 euros,
– trouble commercial : 800 euros.
Aussi la cour, infirmant sur ce point le jugement entrepris, condamnera-t-elle la Communauté de Communes de la Vallée de [Localité 4] au versement à la société Moda In France d’une somme de 60 700 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La Communauté de Communes de la Vallée de [Localité 4] succombant pour partie à hauteur de cour, sera tenue des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, sans qu’il n’y ait lieu, pour autant, de remettre en cause les dispositions du jugement déféré sur cette question.
L’équité commande en outre de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de l’une ou l’autre des parties à l’instance d’appel, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
Le jugement entrepris sera, en l’absence de contestation, confirmé pour le surplus des chefs de son dispositif.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 23 février 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse en ce qu’il a :
– fixé l’indemnité d’éviction due par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA VALLEE DE SAINT AMARIN à la SASU MODA IN FRANCE, à la somme de 22.300 euros (VINGT DEUX MILLE TROIS CENT EUROS),
En conséquence,
– condamné la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA VALLEE DE SAINT AMARIN, prise en la personne de ses représentants légaux, à payer à la SASU MODA IN FRANCE la somme de 22.300 euros (VINGT-DEUX MILLE TROIS CENTS EUROS), outre intérêts légaux courant à compter de la présente décision jusqu’à la date de remise des fonds au séquestre,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés et y ajoutant,
Fixe l’indemnité d’éviction due par la Communauté de Communes de la Vallée de [Localité 4], à la somme de 60 700 euros,
En conséquence,
Condamne la Communauté de Communes de la Vallée de [Localité 4] à payer à la SAS Moda In France la somme de 60 700 euros, outre intérêts légaux courant à compter de la présente décision, jusqu’à la date de remise des fonds au séquestre,
Condamne la Communauté de Communes de la Vallée de [Localité 4] aux dépens de l’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la Communauté de Communes de la Vallée de [Localité 4] que de la SAS Moda In France.
La Greffière : la Présidente :