Indemnité d’éviction : 18 octobre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/08648

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Indemnité d’éviction : 18 octobre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/08648

18 octobre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
19/08648

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 18 OCTOBRE 2022

D.D.

N°2022/325

Rôle N° RG 19/08648 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEK5H

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

C/

[T] [B]

[W] [B]

[S] [C]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Virginie ROSENFELD

Me Pierre-yves IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00144.

APPELANT

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, représentée par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches du Rhône, qui élit domicile en ses bureaux, [Adresse 16].

représenté par Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [T] [B], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat postulant du barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Michel BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Capucine CHAMOUX, avocat plaidant du barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Madame [W] [B], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat postulant du barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Michel BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Capucine CHAMOUX, avocat plaidant du barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Madame [S] [C], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat postulant du barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Michel BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Capucine CHAMOUX, avocat plaidant du barreau D’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Mme Danielle DEMONT, Conseiller, chargés du rapport.

Mme Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

M. Gilles PACAUD, Président

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2022.

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 13 juillet 2011 dressé par Me [X], notaire à [Localité 20], Mme [S] [C] a donné à M. [T] [B] et Mme [W] [B] la nue-propriété ‘des bâtiments à usage commercial avec terrain attenant’ sis à [Adresse 18], cadastrés section BH numéros [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

La surface totale des parcelles données, situées dans le golfe de [Localité 19], s’établit à 2 ha 3a et 39 ca (20 339 m²) provient de [F] [C] et [I] [H] selon acte de vente du 6 avril 1984, au prix de 600 000 €.

Les constructions édifiées sur ces parcelles, d’une superficie habitable cumulée de 634 m², se décomposent comme suit :

– un bâtiment à usage d’habitation de 50 m² construit en 1960 sur la parcelle [Cadastre 11] ;

– un bâtiment à usage commercial (restaurant et chambres d’hôtes) de 350 m², construit en 1994 sur la parcelle [Cadastre 11], pour lequel un bail commercial a été conclu entre Mme [S]

[C] et la SARL [Adresse 14] ;

– un bâtiment à usage d’habitation de 210 m², construit en 1980 sur la parcelle [Cadastre 13] ;

– un local agricole de [Cadastre 11] m2 transformé en bien d’habitation en 2010 sur la parcelle [Cadastre 4];

– une piscine de 55 m2 sur la parcelle [Cadastre 2].

Pour cet ensemble immobilier, la valeur en toute propriété indiquée dans l’acte (rubrique

« Evaluation ») est de 600 000 €.

En application de l’article 669-1 du Code Général des Impôts (CGI), l’usufruit de la donatrice, âgée de 48 ans au jour de la donation, a été évalué à 60 % de la valeur en pleine propriété, soit 360 000 €.

Les donataires ont reçu donc chacun la moitié de la nue-propriété soit 120 000 €.

Estimant cette valeur vénale minorée, l’administration fiscale a adressé aux donataires et à la donatrice des propositions de rectification les 10 avril et 30 juillet 2013.

La commission de conciliation en séance du 15 avril 2014 a adopté la position de l’administration.

Le 31 juillet 2014, après une division cadastrale du 10 juillet 2013, le notaire, Me [X], a dressé un ‘acte rectificatif’ qui limite les parcelles objet de la donation aux parcelles BH [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 9] et [Cadastre 11], pour la ramener à 2700 m², soit 13% de la superficie donnée dans l’acte initial, en conservant le même prix de 600 000 €.

Les réclamations des contribuables des 26 novembre 2014 et 3 mai 2016 ont donné lieu à des décisions de rejet des 30 avril 2015 et 7 novembre 2017 et un avis de mise en recouvrement a été émis le 4 avril 2016 pour un montant total de 1 040 137 € (704’151 € en droits et 55’998 et 279’988 € en pénalités).

Par exploit du 5 janvier 2018 M. [T] [B], et Mmes [W] [B] et [S] [C] ont assigné la direction générale des finances publiques aux fins d’obtenir l’annulation de la décision de rejet contentieux, en invoquant une erreur du notaire dans le premier acte, soutenant que l’intention de la donatrice était de ne donner que le batiment à usage commercial et non l’ensemble des 7 parcelles figurant à l’acte du 13 juillet 2011 et leurs constructions, et aux fins, à titre subsidiaire, de solliciter la désignation d’un expert judiciaire évaluateur, et en contestant la majoration pour manquement délibéré.

Par jugement en date du 6 mai 2019 le tribunal de grande instance de Draguignan a :

‘ dit que la valeur de la nue-propriété des biens donnés à [W] [B] et [T] [B] par

[S] [C] par acte authentique du 13 juillet 2011, rectifié par acte authentique du 31 juillet 2014, doit être évaluée à la somme de 5 591 600 euros, dont il convient de déduire le montant d’une indemnité d’éviction de 442 152 euros,

‘ dit que l’insuffisance taxable doit être fixée à la somme de 4 549 600 euros ;

‘ condamné [T] [B], [W] [B] et [S] [C] au paiement du rappel d’imposition afférent à cette insuffisance taxable et au paiement de la pénalité pour manquement délibéré due en vertu de l’article 1729 du code général des impôts ;

‘ annulé la décision de rejet de la direction générale des finances publiques du 7 novembre 2017 ;

‘ condamné [T] [B], [W] [B] et [S] [C], in solidum, aux dépens de l’instance ;

‘ et rejeté le surplus des demandes présentées par [T] [B], [W] [B] et [S]

[C].

Le 27 mai 2019, la direction générale des finances publiques a relevé appel de cette décision enregistré sous le n° RG 19/8648.

Le 27 juin 2019, M. [T] [B], et Mmes [W] [B] et [S] [C] ont également relevé appel sous le n° RG 19/10387.

Les deux procédures d’appel ont été jointes sous le premier numéro.

Par conclusions du 11 avril 2022, la direction générale des finances publiques, représentée par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, demande à la cour :

‘ de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

‘ de juger que la volonté des parties à l’acte était bien la transmission de l’ensemble des biens mentionnés dans l’acte du 13 juillet 2011, et que dès lors l’acte du 31 juillet 2014 n’est pas opposable à l’administration, et que l’évaluation en pleine propriété de l’ensemble immobilier transmis s’élève à 10 128 000 €, et après déduction de l’indemnité d’éviction, à 9 685 000 € ;

‘ de confirmer la décision de rejet contentieux du 7 novembre 2017 ;

‘ de débouter les consorts [M] de toutes leurs demandes ;

‘ et de les condamner au paiment de la somme de 5 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 11 janvier 2022, M. [T] [B], et Mmes [W] [B] et [S] [C] demandent à la cour :

‘ de déclarer irrecevables les moyens tendant à ce que l’acte authentique rectificatif du 31 juillet 2014 ne soit pas pris en considération excipant de sa nullité;

‘ de débouter la direction générale des finances publiques de toutes ses demandes ;

‘ de les recevoir en leur action et de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a retenu la consistance des biens donnés en application de l’acte authentique rectificatif du 31 juillet 2014 dans lequel « les parties déclarent qu’il y a eu une erreur tant dans le cadastre du secteur que dans les références cadastrales des biens donnés» et selon lequel il y a lieu de lire l’acte initial du 13 juillet 2011 comme visant les parcelles SH [Cadastre 6],[Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

‘ d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a :

– dit que la valeur de la nue-propriété des biens donnés à [W] [B] et [T] [B] par [S] [C] par acte authentique du 13 juillet 2011, rectifié par acte authentique

du 31 juillet 2014, doit être évaluée à la somme de 5 591 600 €, dont il convient de

déduire le montant d’une indemnité d’éviction de 442 152 €,

– dit que l’insuffisance taxable doit être fixée à la somme de 4 549 600 euros;

– condamné [T] [B], [W] [B] et [S] [C] au paiement du rappel

d’imposition afférent à cette insuffisance taxable, et de la pénalité pour manquement délibéré due en vertu de l’article 1729 du code général des impôts;

– rejeté le surplus des demandes présentées par [T] [B], [W] [B] et [S] [C] ;

Statuant a nouveau

‘ d’annuler la décision du 7 novembre 2017 du Directeur de la Direction départementale des finances publiques du Var de rejet de leur réclamation ;

‘ d’ordonner la décharge de l’imposition contestée de 1 043 136 € ;

A titre subsidiaire

‘ d’ordonner une expertise aux fins d’évaluation de la valeur vénale du bien et pour

cela, désigner un expert lui donnant la mission de :

‘ Entendre les parties,

‘ Prendre connaissance des actes notariés et donner son avis sur la pertinence de la présentation par le Notaire, dès son premier acte du 13 juillet 2011, de la mention des références cadastrales de la totalité des parcelles,

‘ Se rendre sur les lieux,

‘ Détailler la méthode d’évaluation retenue et comparer cette méthode et ses résultats obtenus aux chiffres de l’administration fiscale,

‘ Evaluer la valeur vénale réelle de la nue-propriété du bâtiment à usage commercial situé sur la parcelle n° BH [Cadastre 11] correspondant au restaurant exploité par M. [R] [B], père de [W] et [T], au jour de la donation, en l’état de l’occupation du bâtiment en vertu du bail commercial;

‘ Evaluer la valeur vénale de la nue-propriété de l’ensemble des biens objets de la donation inscrits dans l’acte du 13 juillet 2011 ;

Et en tout état de cause

‘ de condamner l’Etat à leur payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, avec distraction.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

En premier lieu, s’agissant de la fin de non-recevoir soulevée, les consorts [M], intimés, demandent ‘de déclarer irrecevables les moyens tendant à ce que l’acte authentique rectificatif du 31 juillet 2014 ne soit pas pris en considération excipant de sa nullité’.

Mais l’administration fiscale répond qu’elle ne sollicite pas l’ annulation de l’ « acte rectificatif» dressé Me [X], mais de dire que celui-ci ne lui est pas opposable ; qu’il ne s’agit pas d’ une demande nouvelle mais d’un moyen nouveau, alors qu’aux termes de l’article L199 C du Livre des Procédures Fiscales (LPF) applicable au litige : « L’administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d’appel, jusqu’à la clôture de l’instruction. Il en est de même devant le tribunal de grande instance et la cour d’appel.»; que l’ article 563 du code de procédure civile confirme que « Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer de moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. » ; et qu’enfin l’article 565 du même code précise que « Les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. »

Il convient de relever en outre qu’en première instance, selon les termes du jugement déféré, il était déjà soulevé par l’administration fiscale l’inopposabilité de l’acte au motif ‘qu’un acte rectificatif ne peut remettre en cause l’acte créateur de droits du 13 juillet 2011″. Il ne s’agit pas d’une prétention nouvelle en cause d’appel, mais seulement d’un moyen repris par l’administration en cause d’appel pour sa défense à l’action tendant au dégrèvement, et non une demande de nullité, d’où il suit sa recevabilité et le rejet de la fin de non-recevoir soulevée.

L’administration soutient au fond que l’« acte rectificatif » daté du 31 juillet 2014 du notaire ne lui est pas opposable ; qu’elle n’est pas tenue par la qualification donnée par les parties à un acte ; et que la donation qui est par principe irrévocable en application des articles 894 et l’article 953 du code civil demeure effective par sa publication au fichier immobilier le 29 juillet 2011, laquelle a opéré le transfert de propriété de l’ensemble des parcelles objet de la donation du 13 juillet 2011.

Si l’article 953 du code civil interdit seulement une révocation unilatérale par le donataire et ne fait pas obstacle à une révocation par consentement mutuel, l’acte dressé le 31 juillet 2014 par Me [X] ne constate aucune révocation de la donation du 13 juillet 2011.

L’officier ministériel indique :«Les parties déclarent qu’il y a eu une erreur tant dans le cadastre du secteur que dans les références cadastrales des biens donnés.

Par suite, et afin de mettre cet acte en conformité avec la réalité, il est passé l’acte rectificatif objet des présentes ».

Cet acte présente une incohérence intrinsèque, dans la mesure où il indique :

« Il y a lieu de rectifier l’acte de donation 13 juillet 2011 comme suit :

AU LIEU DE LIRE:

‘Désignation

La NUE-PROPRIÉTÉ de :

À [Localité 17]

Des batiments à usage commercial avec terrain attenant

Figurant au cadastre savoir

BH [Cadastre 10], [Cadastre 11] [Cadastre 11] 149 150 152 189 (…)

Surface totale : 2 ha 3a 39 ca. »

IL Y A LIEU DE LIRE :

Désignation

La NUE-PROPRIÉTÉ de :

À [Localité 17]

Des batiments à usage commercial avec terrain attenant

Figurant au cadastre savoir

BH [Cadastre 6], [Cadastre 7] et 203 (…) »

(‘) cette division résultant d’un document d’arpentage dressé par M. [Z] géomètre expert à [Localité 19] le 10 juillet 2013 »

L’administration soutient donc exactement que l’acte dit ‘rectificatif’ vise des parcelles qui n’existaient pas au moment de la donation (BH [Cadastre 6], [Cadastre 7] et 203), puisque celles-ci résultent d’une division qui n’a été opérée que par un arpentage du 10 juillet 2013, soit après l’acte de donation prétendument erroné, et après la réception par les donateur et donataires du redressement.

La donataire n’a ainsi pas pu vouloir donner le 13 juillet 2011 des parcelles précisément cadastrées qui n’existaient pas en 2011.

Aucune erreur n’est dès lors à déplorer, et ce d’autant que l’acte athentique du 13 juillet 2011, dont l’objet principal était la désignation des biens, comportait une désignation des parcelles données et la surface précise de chacune d’elle, ainsi que la surface totale de plus de 2 hectares, de sorte que les parties n’ont pu se méprendre sur ce qu’elles donnaient ou recevaient.

L’administration fiscale est donc fondée à solliciter l’inopposabilité à ses services de « l’acte rectificatif » daté du 31 juillet 2014, étant observé que le moyen tiré du caractère définitif de cet acte ‘compte tenu de sa publication, sauf inscription de faux’, est inopérant à cet égard, la nullité n’étant pas demandée.

S’agissant de la méthode et l’évaluation des biens transmis le 13 juillet 2011, il convient de relever que la valeur vénale des immeubles peut être déterminée par comparaison avec le prix de vente de biens intrinsèquement similaires, relatifs à des ventes antérieures à la date du fait générateur de l’imposition.

La valeur vénale réelle d’un bien est constituée par le prix qui pourrait être obtenu par son propriétaire dans le cadre d’une vente ordinaire réalisée dans des conditions normales de concurrence par un acquéreur quelconque, abstraction faite de toute valeur de convenance.

L’évaluation s’effectue par comparaison avec des éléments de référence possédant des caractéristiques similaires au bien litigieux, sans pour autant qu’elle soient strictement identiques. A défaut de termes de comparaison intrinsèquement identiques sur le marché pour la perte considérée, l’évaluation peut être réalisée par la méthode de la décote ou abattement à partir d’une évaluation par référence à des biens libres.

L’administration est tenue d’apporter la preuve de l’insuffisance des prix exprimés et les évaluations fournies dans les actes ou déclaration par rapport à la valeur vénale réelle du bien concerné.

L’un des biens immobiliers en cause est constitué d’un bâtiment commercial. à usage de restaurant et de chambre d’hôtes.

L’administration fait valoir exactement que la donation de la nue-propriété de ce bien doit être comparée avec des cessions de biens d’habitation, et non avec un hôtel-restaurant classique.

Il s’agit en effet d’un maison de maître entourée de vignes d’agrément qui est exploitée en maison d’hôtes ; elle est habitable et habitée sans travaux d’aménagement à faire comme les biens d’habitation qui lui sont comparés.

Les consorts [M] ne prétendent pas utilement que l’indemnité d’éviction doive être calculée en 2015, sur la base du chiffre d’affaires, alors que celle-ci est à la charge d’un acquéreur potentiel, et non de l’usufruitière. Le niveau et la nature des fruits perçus par l’usufruitière est sans lien avec cette indemnité.

La moins value correspondant à l’existence d’un bail commercial a été justement prise en compte en retenant à titre d’indemnité d’éviction la valeur du fonds de commerce évalué à la somme de 442 152 €, étant observé que la donation litigieuse a été effectuée dans un cadre intra-familial, et que le fonds de commerce est exploité par des membres de la famille.

La proposition de rectification vise cinq termes de comparaison pertinents sur les communes de [Localité 15] et [Localité 17], de standing similaire aux biens litigieux :

‘ la vente d’une maison de 150 m² sise à [Localité 17], au prix de 2 600 000 €, par acte du 2 mars 2009 ;

‘ celle de deux maisons sises à [Localité 15], d’une surface de 112 et 115 m², au prix de 3 776 000 € par acte du 21 novembre 2008 .

‘ celle d’une maison de 242 m², sise également à [Localité 15], au prix de 2 950 000 €, le 7 janvier 2005 ;

‘ un ensemble de trois immeubles, d’une surface utile de 447 m² , à [Localité 15], vendu, le 30 juin 2009, au prix de 8 500 000 € ;

‘ et celle d’une maison sise à [Localité 15], d’une superficie de 170 m², au prix de 2 500 000 €;

ce qui conduit à une moyenne au mètre carré de 15 976 €, ce qui correspond à la spécificité du marché immobilier tropézien, particulièrement prisé.

L’administration fiscale démontre que son rehaussement de la valeur déclarée par les consorts [M] est justifiée, et que la valeur de la pleine propriété des biens immobiliers donnés doit être évaluée à la somme de 10 128 000 € (15 976 € x 634 m² de surface habitable), et non à 600 000 € (soit 946 € le m² ), soit après déduction de l’indemnité d’éviction de 442 152 €, une insuffisance s’élèvant à 9 085 000 € ;

L’article 1729 du code général des impôts prévoit une majoration de l’imposition de 40 % en cas de manquement délibéré.

En l’espèce, les biens, tous affectables en l’état à l’usage d’habitation ‘haut de gamme’, ont été évalués à la modeste somme de 600 000 €, conduisant à un vil prix de 946 €/ m², de manière à produire artificiellement une franchise de droits, alors qu’il correspondrait seulement à la valeur d’une habitation d’une surface de 60 m2 au plus, soit 16 fois moins.

Le caractère délibéré du manquement des demandeurs a donc justement entraîné l’application de la majoration de l’article 1729 du code général des impôts.

Le jugement est infirmé.

Il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’instruction,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [M],

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et ajoutant

Déclare inopposable administration fiscale l’acte authentique rectificatif du 31 juillet 2014 dressé par Me [X], notaire à [Localité 20],

Dit que l’évaluation en pleine propriété des biens immobiliers transmis sis à [Localité 17] tels transmis dans l’acte de donation du 13 juillet 2011 s’élève à 10 128 000 €, et après déduction de l’indemnité d’éviction, à 9 685 000 €,

Déclare infondée la contestation de la décision de la direction générale des finances publiques en date du 7 novembre 2017 ayant rejeté la réclamation des consorts [M] formée le 4 mai 2016,

Condamne in solidum M. [T] [B], et Mmes [W] [B] et [S] [C] à payer à la Direction générale des finances publiques, la somme de 3 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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