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18 janvier 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/03101
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 JANVIER 2024
N° RG 21/03101 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UZO2
AFFAIRE :
[O] [S]
C/
S.A. ALLIANZ VIE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 18/03247
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Pierre ROUANET
Me Pascale ARTAUD de
la SELARL TRAJAN AVOCATS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [O] [S]
née le 06 Septembre 1978 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Pierre ROUANET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1798
APPELANTE
****************
S.A. ALLIANZ VIE
N° SIRET : 340 23 4 9 62
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Pascale ARTAUD de la SELARL TRAJAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0450 substitué par Me Maud VANDANEIGEN avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [O] [S] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 septembre 2018, en qualité de conseiller en gestion de patrimoine expert, par la société anonyme Allianz Vie, qui est une compagnie d’assurance, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective de l’inspection d’assurance.
Le contrat de travail de Mme [S] prévoit, en son article 2, une période d’essai de 4 mois, renouvelable.
A la suite de la dénonciation de faits de harcèlement sexuel par Mme [S], de la part d’un de ses collègues, M. [K], les deux salariés ont été reçus séparément en entretien par Mme [C], responsable des ressources humaines de la société.
Le 18 octobre 2018, Mme [S] s’est vu notifier la rupture de sa période d’essai.
Mme [O] [S] a saisi, le 12 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Nanterre, aux fins de solliciter, au titre de l’exécution de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour harcèlement sexuel, et au titre de la rupture de sa période d’essai, la nullité de celle-ci, assortie d’une réintégration au sein de la société ou à défaut, d’une indemnité pour nullité de son licenciement et à titre subsidiaire, juger abusive la rupture de la période d’essai.
La société s’est opposée aux demandes de la requérante et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 14 septembre 2021, notifié le 21 septembre 2021, le conseil a statué comme suit :
Constate que les faits de harcèlement sexuels invoqués par Mme [O] [S] ne sont pas caractérisés ;
Constate que la société a pris les mesures nécessaires visant à satisfaire son obligation de sécurité ;
Dit et juge que la rupture de la période d’essai de Mme [O] [S] est bien fondée.
En conséquence,
Déboute Mme [O] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Le 20 octobre 2021, Mme [O] [S] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 2 octobre 2023, Mme [O] [S] demande à la cour de :
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 14 septembre 2021 en ce qu’il a débouté Mme [O] [S] de l’ensemble de ses demandes
En conséquence,
A titre principal :
Prononcer la nullité de la rupture de la période d’essai de Mme [O] [S],
En conséquence :
Ordonner la réintégration de Mme [O] [S] à son poste de conseiller en gestion de patrimoine expert sur la Délégation Régionale IDF Ouest,
Condamner la société Allianz Vie à verser à Mme [O] [S] une indemnité d’éviction d’un montant égal à la rémunération qu’elle aurait perçue entre la date de la rupture de sa période d’essai et la date de sa réintégration effective.
A titre subsidiaire, si la réintégration s’avérait impossible :
Condamner la société Allianz Vie à verser à Mme [O] [S] la somme de 24 000 euros au titre de l’indemnité spécifique résultant de l’article L. 1235-3-1 du code du travail.
A titre infiniment subsidiaire, si le conseil ne prononçait pas la nullité de la rupture de la période d’essai,
Dire et juger abusive la rupture de la période d’essai de Mme [O] [S],
En conséquence :
Condamner la société Allianz Vie à verser à Mme [O] [S] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.
En tout état de cause :
Condamner la société Allianz Vie à verser à Mme [O] [S] la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant des agissements de harcèlement sexuel commis à son encontre et de la violation de l’obligation de sécurité incombant à l’employeur,
Condamner la société Allianz Vie à verser à Mme [O] [S] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens,
Dire que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et suivants du code civil, les condamnations prononcées emporteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes de Nanterre pour l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement, et d’une façon générale pour toutes sommes de nature salariale, et à compter de la décision à intervenir pour les sommes de nature indemnitaire.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 15 mars 2022, la société Allianz Vie demande à la cour de :
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 14 septembre 2021,
En conséquence,
Constater que les faits de harcèlement sexuel invoqués par Mme [O] [S] ne sont pas caractérisés,
Constater que la société a pris les mesures nécessaires visant à satisfaire à son obligation de sécurité,
Dire et juger que la rupture de la période d’essai de Mme [O] [S] est bien fondée,
Débouter Mme [O] [S] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, si la cour considérait que la rupture de la période d’essai de Mme [O] [S] était nulle :
Débouter Mme [O] [S] de sa demande de réintégration,
A titre reconventionnel :
Condamner Mme [O] [S] à payer à la société la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Mme [O] [S] aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 4 octobre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 6 novembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
Sur le harcèlement sexuel :
La salariée affirme avoir fait l’objet pendant sa période de formation de harcèlement sexuel de la part de M. [K], collègue récemment embauché également en période de formation.
La société Allianz Vie objecte que les faits de harcèlement sexuel dont fait état Mme [O] [S] n’ont pas pu être caractérisés, cette dernière n’apportant aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement.
Selon les dispositions de l’article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétée qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits précis et concordants qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La salariée évoque les faits suivants qui sont selon elle, constitutifs de harcèlement sexuel :
– Pendant la première session de formation, M. [K] s’est montré pressant vis-à-vis d’elle, l’a importunée pendant son travail et lui a donné son numéro de chambre d’hôtel.
– Pendant la seconde session de formation, M. [K] lui a touché les cheveux par surprise, prétextant lui retirer une poussière.
– M. [K] a suivi Madame [S] et a tenté à deux reprises de s’introduire dans les toilettes pour dames où la salariée venait d’entrer, malgré les protestations de cette dernière.
Au soutien de ses allégations, Madame [S] verse aux débats :
– Un mail du 5 octobre 2018, (pièce n° 5 de l’appelante) adressé à Mme [C], dans lequel la salariée relate les faits qui se sont déroulés lors des deux premières semaines de formation ayant suivi sa prise de poste : ” Lors de ma première semaine à la SAAF : je travaille sur l’ordinateur dans le hall après le dîner et M. [K] me prend les feuilles de sketching puis me les rend suite à ma demande. Il me fait une proposition non équivoque : il me communique le numéro de sa chambre d’hôtel. Lors de ma deuxième semaine à la SAAF : lors d’une pause à l’extérieur en groupe, il me surprend en arrivant derrière moi et me touche les cheveux en invoquant une plume voire une poussière. Mme [M] a été témoin de ce fait. Le lendemain et le surlendemain à deux reprises, il tente de rentrer à ma suite dans les toilettes des femmes du 5e étage, je ferme la porte pour éviter qu’il rentre car il est très insistant et lui indique que ce lieu est réservé aux femmes. Mme [M] a été témoin des faits. [‘] Je me suis sentie harcelée par ces actes notamment la répétition des intrusions dans les toilettes des femmes. J’ai tout fait pour éviter de croiser M. [K] et de me retrouver dans ces situations très gênantes et inconfortables. Malgré tout, nous nous sommes croisés à plusieurs reprises et j’ai été très gênée par ses regards persistants et insistants [‘] M. [K] et moi avons été questionnés ensuite ensemble par M. [E] et Mme [H]. Après exposition des faits, M. [K] a nié les deux intrusions dans les toilettes. Il s’est ensuite ravisé en s’excusant et en invoquant que c’était de l’humour, dès l’instant où on l’a informé qu’il y avait un témoin. Ces attitudes m’ont profondément choquées. Cette situation de harcèlement a engendré un choc émotionnel violent et un impact difficile dans ma vie personnelle et professionnelle. “.
– Le compte-rendu d’entretien entre Mme [O] [S] et Mme [C] du 8 octobre 2018 (pièce n° 5 de l’intimée), aux termes duquel la salariée réitère ses affirmations énoncées dans son mail du 5 octobre, et souligne la présence de Mme [M] comme témoin des faits.
– Le compte-rendu d’entretien entre M. [K] et Mme [C] le 10 octobre 2018 ( pièce n° 6 de la société intimée), duquel il ressort que le salarié déclare n’avoir pas eu d’échange en particulier avec Mme [O] [S], et aux termes duquel il conteste avoir eu un comportement inapproprié envers cette dernière.
– Le dépôt d’une plainte en date du 16 janvier 2019 dans laquelle Mme [O] [S] indique être victime de faits de harcèlement sexuel de la part de M. [K].
La salariée qui allègue que ces faits ont eu des répercussions dramatiques sur son état psychologique n’objective par la production d’aucune pièce une détérioration de son état de santé.
En état de ces éléments et de l’absence de preuve de la matérialité des éléments de fait invoqués au soutien de la demande au titre du harcèlement sexuel qu’aurait exercé par M. [K], celle-ci doit être rejetée.
Sur l’obligation de sécurité :
Mme [O] [S] demande que lui soit allouée la somme de 16 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la carence de la société Allianz Vie à prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité.
La société conclut au débouté de la demande de la salariée. Elle relève que Mme [O] [S] a été reçue à de multiples reprises téléphoniquement et physiquement dès la dénonciation des faits de harcèlement sexuel, et qu’une enquête interne a été diligentée, Mme [O] [S], puis M. [K] ayant été respectivement interrogés à propos des faits.
Conformément à l’article L. 1153-5 du code du travail dans sa version applicable, l’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner. Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L.1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal.
Il est établi que le 8 octobre 2018, Mme [O] [S] était entendue et interrogée par la société sur les faits dénoncés (pièce n°5 de la société intimée) et qu’il en était de même pour M. [K] le 10 octobre 2018 (pièce n° 6 de la société intimée ).
Même si les deux salariés ont été entendus par la hiérarchie à propos des faits de harcèlement sexuel dénoncés par Madame [S] contrairement à ce que la société allègue, à défaut d’avoir interrogé aussi les différentes personnes présentées comme témoins des faits par la salariée, telle que Mme [M], la société ne justifie pas avoir diligenté une enquête interne, ni pris une quelconque mesure de nature à protéger Mme [O] [S] des faits de harcèlement sexuel.
Dans ces conditions, l’audition de Mme [O] [S] et de M. [K] par l’employeur étant insuffisante, force est de constater que l’employeur n’a pas pris toutes les décisions propres à enquêter et à faire cesser les faits dénoncés dont se plaignait la salariée et a manqué aussi de ce fait à son obligation de sécurité.
Cependant, alors que la salariée a été déboutée de sa demande au titre du harcèlement sexuel, et que cette dernière, ne caractérise aucun préjudice au soutien de sa prétention, sa demande indemnitaire sera donc écartée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la nullité de la rupture et dénonciation de faits de harcèlement sexuel :
La salariée conclut à la nullité de la rupture de la période d’essai en raison de la dénonciation des faits de harcèlement sexuel.
À cet égard, elle rappelle avoir décrit de manière très circonstanciée les faits dont elle a été victime et les avoir dénoncés à son employeur au début du mois d’octobre 2018.
Madame [S] fait valoir que la rupture de la période d’essai lui a été notifiée seulement 10 jours après la dénonciation par celle-ci de ces mêmes faits alors qu’elle donnait entièrement satisfaction à son employeur, et qu’aucune remarque ne lui avait été faite.
Elle souligne que la rupture de la période d’essai est intervenue le 18 octobre 2018, alors qu’elle était en semaine de formation, six jours après avoir été amplement félicitée. Elle relève la précipitation avec laquelle la société a rompu cette période d’essai.
La société oppose que la rupture de la période d’essai de Madame [S] était motivée par le fait que celle-ci n’était pas concluante et conteste toute précipitation dans la rupture de cette période d’essai.
La société ajoute que, durant les périodes de formation, les salariés sont évalués, tant sur leur aptitude professionnelle que sur leur intégration au sein du groupe et estime que le mail de M. [U], responsable du marché, adressé à Mme [O] [S] en la félicitant sur sa préparation, ne suffit pas à démontrer la compatibilité des aptitudes professionnelles de cette dernière avec son poste.
Bien qu’en application de l’article L.1231-1 du code du travail, les dispositions relatives au licenciement personnel prévues par le titre III du livre II ne sont pas applicables à la rupture du contrat pendant la période d’essai, qui peut donc survenir à l’initiative de l’employeur, sans formalisme particulier, il est cependant constant que les dispositions relatives à l’interdiction des discriminations, insérées dans le titre III du livre I du code du travail sont applicables, elles, pendant la période d’essai (Soc., 16 février 2005, nº 02-43.402, Bull.nº 52).
Ainsi, la rupture discriminatoire de l’essai s’analyse en un licenciement nul (Soc., 21 septembre 2005, nº 03-44.855, Bull. nº262) et non en une rupture simplement abusive.
La cour relève que, comme l’interdiction des discriminations, les dispositions relatives à l’interdiction faite à l’employeur de tout agissement de harcèlement sexuel sont insérées dans ce même livre I, au titre V, de sorte que, de la même façon, elles doivent être considérées comme étant applicables à la période d’essai.
En effet, la liberté de la rupture en période d’essai n’existe que lorsqu’elle est justifiée par la finalité de l’essai à savoir l’insuffisance professionnelle du salarié quand la rupture est décidée par l’employeur. La rupture pour un motif étranger à l’essai, notamment la dénonciation par la salariée d’agissements de harcèlement sexuel, ne peut donc pas bénéficier du régime particulier de la période d’essai.
En application des articles L. 1153-3 et L. 1153-4 du code du travail, il est de droit, d’une part que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement sexuel par le salarié emporte à lui seul, la nullité de plein droit de la période d’essai, d’autre part, que pour faire échec à cette nullité, il ne suffit pas de caractériser de la part du salarié qui a dénoncé un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression, mais qu’il convient de démontrer sa mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits ne sont pas établis, mais seulement de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés.
Il ressort des éléments soumis à l’appréciation de la cour que Mme [O] [S] était en formation les quatre premières semaines suivant son embauche, soit du 10 septembre au 15 octobre 2018, qu’elle a dénoncé par écrit les faits de harcèlement sexuel allégués le 5 octobre 2018, qu’elle a été reçue en entretien le 8 octobre 2018, qu’elle a reçu une appréciation positive sur son travail de la part de M. [U] le 12 octobre 2018 et que sa période d’essai a été rompue le 18 octobre 2018.
Bien que la lettre de rupture de la période d’essai n’énonce pas de grief tiré de la relation par la salariée de faits de harcèlement sexuel, la chronologie des faits laisse ainsi apparaître que la période d’essai de Mme [O] [S] a été rompue le 18 octobre 2018 soit treize jours après son mail du 5 octobre 2018 aux termes duquel elle a dénoncé les faits de harcèlement sexuel de la part de M. [K] et dix jours après son entretien du 8 octobre 2018 dans lequel elle a réitéré ses affirmations, la rupture de sa période d’essai étant par ailleurs intervenue six semaines après son embauche, et au cours de la semaine du 15 octobre 2018 pendant laquelle la salariée était encore en formation et ce, de façon concomitante avec celle de M. [K].
Alors que la salariée justifie avoir reçu une appréciation positive de son formateur le 12 octobre 2018, la chronologie des faits laisse supposer que la période d’essai a été rompue en raison de la dénonciation des faits de harcèlement sexuel.
Il appartient donc à l’employeur de rapporter la preuve que sa décision de rompre la période d’essai est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la dénonciation d’un harcèlement.
Or, force est de constater que la société n’objective par aucun élément produit aux débats, contrairement à ce qu’elle soutient, que la période d’essai de Mme [O] [S] qui était encore en formation au moment de la rupture, n’ait pas été concluante.
Par ailleurs, faute pour l’employeur de démontrer la mauvaise foi de la salariée dans la dénonciation itérative des faits de harcèlement sexuel qu’elle prétendait subir, la violation par l’employeur des dispositions des articles L. 1153-2 et L. 1153-3 du code du travail emporte la nullité de la rupture de la période d’essai.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences de la nullité de la rupture :
Mme [O] [S] sollicite du fait de la nullité de la rupture sa réintégration et la condamnation de la société Allianz Vie à lui verser une somme égale à la rémunération qu’elle aurait perçue entre la date de la rupture de sa période d’essai et la date de sa réintégration effective.
La société qui observe que Mme [O] [S] a créé sa propre société s’oppose à cette demande.
En application de l’article L.1235-3-1 du code du travail, la salariée est fondée en sa demande de réintégration.
Le salarié dont le licenciement est nul en raison de la dénonciation de harcèlement sexuel et qui demande sa réintégration à droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, de sorte qu’il doit être tenu compte du revenu de remplacement servi à celui-ci pendant cette période. ( Soc. 14 décembre 2016, pourvoi n° 14-21.325).
Mme [O] [S] réclame une somme équivalente aux salaires qu’elle aurait perçus entre la rupture de la période d’essai par l’employeur et sa réintégration effective.
La société réplique à juste titre que cette indemnité doit être limitée au montant des salaires dont Mme [O] [S] a été privée déduction faite des revenus de remplacement qui lui ont été versés pendant la période d’éviction.
La rupture de la période d’essai étant nulle en raison de la dénonciation des faits de harcèlement sexuel retenus par la cour, sa demande d’indemnité d’éviction est justifiée et sera accueillie sur la base du salaire contractuel mensuel de 4 000 euros bruts à compter du 18 octobre 2018 jusqu’à sa réintégration effective, sous déduction des revenus de remplacement qu’elle a perçus.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur les intérêts moratoires :
Il sera rappelé que selon les dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 14 septembre 2021 en ce qu’il a jugé que les faits de harcèlement sexuel n’étaient pas caractérisés.
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés et y ajoutant,
Dit que la rupture de la période d’essai est nulle,
Déboute Mme [O] [S] de ses demandes de dommages intérêts au titre de l’obligation de sécurité et du harcèlement moral,
Ordonne la réintégration de Mme [O] [S] à son poste ou à un poste équivalent et ce dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision,
Condamne la société Allianz Vie à payer à Mme [O] [S] une indemnité d’éviction correspondant au salaire dû à compter de la date de la rupture de la période d’essai le 18 octobre 2018 jusqu’à sa réintégration effective dans son emploi sur la base mensuelle de 4 000 euros bruts sous déduction des revenus de remplacement qu’elle a perçus.
Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d’intérêts au taux légal, à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances à caractère indemnitaire sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Condamne la société anonyme Allianz Vie à payer à Mme [O] [S] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société anonyme Allianz Vie aux entiers dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,