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18 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/02186
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 18 JANVIER 2024
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02186 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGMA
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de PARIS le 22 novembre 2017 sous le RG n° F17/05142 ; infirmé partiellement par un arrêt de la chambre 6/4 de la Cour d’appel de PARIS rendu le 03 Juin 2020 sous le RG n° 18/02462 lui-même partiellement cassé par la Cour de cassation dans son arrêt n° 1294 FS-B rendu le 17 novembre 2021, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’appel de PARIS autrement composée.
APPELANT
Monsieur [Y] [E] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Ghislain DADI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257
INTIMEE
S.A.S. ARGEDIS inscrite au RCS de NANTERRE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jérôme LAMBERTI, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Carine SONNOIS, Présidente de la chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Gwenaëlle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
– contradictoire
– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile prorogé jusqu’à ce jour.
– signé par Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [Y] [E] [G] a été embauché en qualité d’assistant de vente par la société Proseca du 5 juillet 2011 au 15 août 2011 par contrat à durée déterminée, pour remplacer un salarié absent.
Il a ensuite signé trois autres contrats à durée déterminée entre le 16 août 2011 et le 31 janvier 2012.
La convention collective applicable est celle des services de l’automobile.
M. [E] [G] travaillait au sein de la station service Total située sur le périphérique extérieur au niveau de [Adresse 6] ([Localité 8]) et de celle située au relais [Adresse 5] ([Localité 7]).
Le 26 décembre 2011, alors qu’il se trouvait sur son lieu de travail, le salarié a été victime d’un vol à main armée avec violence.
M. [E] [G] a été placé en arrêt de travail du 27 décembre 2011 au 7 janvier 2013, puis du 1er juin au 3 octobre 2013. Un accident du travail a été reconnu.
Suite à cette agression et à l’arrêt maladie de M. [E] [G], la société Proseca n’a plus renouvelé ou proposé de nouveaux contrats à M. [E] [G].
En décembre 2015, la société Argédis a absorbé la société Proseca.
Estimant que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée, M. [E] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 4 juillet 2017.
Par jugement en formation paritaire du 22 novembre 2017, notifié le 8 janvier 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a :
-débouté M. [E] [G] de l’intégralité de ses demandes,
-débouté la société Argédis venant aux droits de la société Proseca de sa demande reconventionnelle formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-laissé les dépens à la charge de M. [E] [G].
M. [E] [G] a interjeté appel de ce jugement le 5 février 2018.
Dans un arrêt du 3 juin 2020, la cour d’appel de Paris a :
– infirmé le jugement du 22 novembre 2017,
– requalifié les contrats à durée déterminée liant M. [E] [G] à la société Argédis en contrat à durée indéterminée,
– dit que la rupture de ce contrat de travail ainsi requalifié est nulle
– ordonné la réintégration de M. [E] [G] au poste qu’il occupait avant la rupture du contrat de travail ou à un poste équivalent,
– condamné la société Argédis à payer à M. [E] [G] les sommes de :
* 2 000 euros d’indemnité prévue à l’article L.1245-2 du code du travail,
*10 000 euros de rappel de salaire, à titre provisionnel, sur les salaires dus entre la rupture de son contrat de travail et sa réintégration effective,
* 190 euros de rappel de salaire pour la période du 11 au 15 novembre 2011,
– précisé que les demandes de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation et pour violation de l’obligation de sécurité rattachées à l’accident du travail devaient être formées devant le tribunal judiciaire,
– rejeté les autres demandes,
– vu l’article 700, rejeté la demande de la société Argédis et l’a condamnée à payer à M. [E] [G] la somme de 2 000 euros,
– condamné la société Argédis aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Saisie du pourvoi formé par la société Argédis, la Cour de cassation, par arrêt du 17 novembre 2021, au visa de l’article L.1244-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris « sauf en ce qu’il dit que les demandes de dommages-intérêts pour violation des obligations de formation et de sécurité rattachées à l’accident du travail doivent être formées devant le tribunal judiciaire ».
Cette décision est motivée par le fait que, pour requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dire la rupture de la relation de travail nulle et condamner l’employeur à diverses sommes, l’arrêt retient qu’il résulte des dispositions de l’article L 1244-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, que le délai de carence de l’article L. 1244-3 du même code est applicable notamment lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé, alors que, lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l’article L.1244-1 du code du travail autorisent la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, sans qu’il y ait lieu à application d’un délai de carence.
Dans un arrêt du 30 mars 2023, la cour d’appel de Paris a, sur renvoi après cassation, statué comme suit :
Statuant dans la limite de sa saisine,
– Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– Requalifie les contrats à durée déterminée liant M. [E] [G] à la société Argédis en contrat à durée indéterminée
– Dit que la rupture de ce contrat de travail ainsi requalifié est nulle
– Condamne la société Argédis à payer à M. [E] [G] les sommes suivantes :
-1 425,01 euros à titre d’indemnité de requalification
-190 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 11 au 15 novembre 2011
-1 425,01 euros à titre d’indemnité de préavis
-142,50 euros au titre des congés payés afférents
-500 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
Avant-dire droit sur la demande au titre du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre le licenciement et le 10 juin 2020, date de sa réintégration,
– Enjoint à M. [E] [G] de justifier dans un délai de trois mois de sa situation professionnelle et de ses revenus, tels que salaires et indemnités de chômage perçus entre son licenciement et le 10 juin 2020, date de sa réintégration,
– Enjoint aux parties de conclure avant le 15 juin 2023,
– Fixe la clôture au 3 juillet 2023,
– Renvoie l’affaire à l’audience du 11 septembre 2023 à 9 heures
– Dit que le présent arrêt vaut convocation,
– Réserve les demandes au titre des frais irrépétibles d’appel et les dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 juin 2023, M. [E] [G] demande à la cour de condamner la société au paiement de :
-la somme de 37 521,84 euros à titre de rappel de salaire du 31 janvier 2021 au 10 juin 2020, outre 3 752,18 euros de congés payés afférents
-la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel
-les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 juin 2023, la société Argédis, venant aux droits de la société Proseca, demande à la cour de :
– juger que M. [E] [G] n’a pas respecté l’injonction de la cour en ce qu’il n’a pas justifié dans un délai de trois mois de sa situation professionnelle et de ses revenus, tels que salaires et indemnités de chômage perçus entre le 31 janvier 2012 et le 10 juin 2020
– juger que M. [E] [G] ne fournit pas les justificatifs nécessaires au soutien de ses demandes de rappel de salaire
Par conséquent :
Sur la demande de rappel de salaire au titre de l’indemnité d’éviction
– A titre principal :
o débouter M. [E] [G] de sa demande de rappel de salaires au titre du préjudice qui s’est écoulé entre la rupture du contrat de travail fixée au 31 janvier 2012 et le 10 juin 2020, date de sa réintégration
– A titre subsidiaire :
o réduire le quantum du rappel de salaire à la somme de 10 000 euros bruts
Sur la demande de rappel de congés payés
– A titre principal :
o débouter M. [E] [G] de sa demande de rappel de congés payés
– A titre subsidiaire :
o réduire le quantum du rappel de congés payés à la somme de 1 000 euros bruts
En tout état de cause
– condamner M. [E] [G] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure ainsi que des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1/ Sur la demande en paiement formulée pour la période du 31 janvier 2012, date de la rupture du contrat de travail et le 10 juin 2020, date de la réintégration
A titre préliminaire, il convient de rappeler que le salarié dont le licenciement a été annulé peut prétendre à une indemnité d’éviction correspondant aux salaires qu’il aurait perçus au cours de la période courant de la rupture du contrat de travail à sa réintégration, assortis des congés payés et après déduction des revenus de remplacement.
M. [E] [G] verse aux débats l’ensemble de ses avis d’imposition pour justifier des revenus qu’il a perçus entre 2012 et 2020, ainsi qu’un tableau récapitulant les salaires qu’il aurait dû percevoir et les sommes réclamées à la société Argédis, après déduction de ses revenus. Il en déduit que la société Argédis doit lui payer la somme de 37 521,84 euros, outre 3 752,18 euros au titre des congés payés.
La société Argédis rétorque que le salarié ne fournit aucune pièce justificative permettant de connaître la nature des revenus qu’il a perçus. Elle souligne, par ailleurs, qu’il n’apporte aucun élément sur les revenus tirés de son activité de gérant de la société K2Bioh Nettoyage depuis février 2019. Elle soutient que M. [E] [G] a minoré ses revenus puisqu’ils diffèrent des sommes figurant dans les avis d’imposition et qu’il déduit des sommes nets de revenus bruts. Enfin, elle affirme que le salarié ne peut prétendre à des congés payés s’il a occupé un autre emploi pendant la période. Faute de pièces justificatives, elle estime qu’il doit être débouté de cette demande.
La cour retient que les revenus figurant sur les avis d’imposition, incluent tant les salaires que les indemnités chômage, les indemnités journalières et les revenus perçus par le gérant d’une SARL. Ils correspondent donc au montant total des revenus nets perçus entre le 31 janvier 2012 et le 10 juin 2020, soit 104 535 euros (95 310 euros de 2012 à 2019 et 9 225 euros en 2020 (20 916 x 161/365)).
Ces revenus doivent être déduits du montant des salaires nets qui auraient dû être versés.
Le salaire brut s’élevant à 1 425,01 euros, soit 1 140 euros net après déduction des charges salariales, M. [E] [G] aurait dû percevoir, sur la même période, 114 376 euros nets (1 140 x 100,33 mois).
Faute pour le salarié de justifier s’il a ou non occupé un emploi pendant la période, la cour retient qu’il peut prétendre au versement de la somme de 9 841 euros net (114 376 – 104 535 ), soit 11 809 euros brut, après réintégration des charges salariales.
2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
La cour rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, qu’enfin la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil.
La société Argédis sera condamnée à verser à M. [E] [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d’appel.
Elle sera, par voie de conséquence, déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONDAMNE la SAS Argédis, venant aux droits de la société Proséca, à payer à M. [Y] [E] [G] les sommes suivantes :
– 11 809 euros brut au titre de l’indemnité d’éviction pour la période entre le 31 janvier 2012 et le 10 juin 2020
– 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt et que la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil,
DEBOUTE la SAS Argédis, venant aux droits de la société Proseca, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Argédis, venant aux droits de la société Proseca, aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE