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17 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/11821
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 17 MAI 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/11821 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHR5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 18/01577
APPELANTE
S.A.R.L. CDC
Agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 2]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de Paris sous le n°509 691 143
Représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053
Asssistée de Me Jean PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0344
INTIMES
Monsieur [S] [Z] en son nom propre et en qualité d’héritier de Madame [X] [O] veuve [Z]
né le 09 Mai 1949 à Tananarive (MADAGASCAR)
demeurant:
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [P] [T] épouse [Z]
née le 01 Novembre 1944 à [Localité 5] (VIETNAM)
demeurant:
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée de Me Laetitia FAYON, avocat au barreau de PARIS, toque : K0001
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GIROUSSE, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie RECOULES, présidente
Monsieur Douglas BERTHE, conseiller
Madame Marie GIROUSSE, conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Madame FOULON
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie RECOULES, présidente et par Madame Laurène BLANCO, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 23 janvier 2009, M. [S] [Z], Mme [P] [T] épouse [Z] et Mme [X] [O] veuve [Z], décédée aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui M. [S] [Z], ont donné à bail commercial à la société CDC un local situé au rez-de-chaussée de l’immeuble édifié [Adresse 2] à [Localité 4], pour 9 ans à compter du même jour, moyennant un loyer annuel en principal de 16 400 euros et pour l’exercice d’une activité « salon de thé, épicerie fine, vente de glaces et crêpes, et petite restauration sur place et à emporter, ne nécessitant pas de local fermé dédié à la cuisine ». La société CDC exploite dans les locaux loués un restaurant spécialisé dans les hamburgers.
Plusieurs procédures ont opposé les parties devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, qui a rendu des ordonnances, les 10 septembre 2013 et 31 octobre 2013, validant des commandements visant la clause résolutoire délivrés par les bailleurs mais disant n’y avoir lieu à constater l’acquisition de celle-ci, le preneur ayant apuré les causes dans les délais impartis, ainsi qu’une ordonnance le 24 juin 2016 envoyant les parties en médiation suite à la saisine du preneur en autorisation de réaliser dans les locaux loués, pour le compte de qui il appartiendra, des travaux de pose d’une extraction conforme à la réglementation sanitaire de la Ville de Paris.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 20 juin 2017, la société CDC a sollicité auprès du mandataire de gestion des bailleurs le renouvellement de son bail. Par acte extrajudiciaire du 18 juillet 2017, les consorts [Z] ont refusé le renouvellement du bail sans offrir de paiement de l’indemnité d’éviction, se prévalant des motifs suivants : « exercice d’une activité de vente de hamburgers et de cuisson de viande non autorisée par le bail ; nuisances olfactives ; création d’un conduit de ventilation raccordé sur le conduit intérieur de l’immeuble sans autorisation ».
Soutenant que ce refus de renouvellement, non précédé d’une mise en demeure et non fondé sur des motifs graves, ne pouvait la priver de son droit à indemnité d’éviction, la société CDC a fait assigner les consorts [Z] devant le tribunal de grande instance de Paris par actes des 29 et 31 janvier 2018 aux fins essentielles de se voir reconnaître un droit à indemnité d’éviction.
Par jugement du 05 mai 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– dit que le refus de renouvellement sans offre de paiement de l’indemnité d’éviction délivré le 18 juillet 2017 par M. [S] [Z], Mme [P] [T] épouse [Z] et Mme [X] [O] veuve [Z] à la société CDC a mis fin, à compter du 22 janvier 2018 minuit, au bail du 23 janvier 2009 portant sur un local situé [Adresse 2] à [Localité 4], sans offrir au preneur au droit au paiement d’une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux ;
– rejeté la demande de la société CDC en paiement d’une indemnité d’éviction ;
– rejeté la demande de la société CDC en désignation d’un expert ;
– condamné la société CDC aux dépens et dit qu’ils pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire ;
– rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 07 août 2020, la société CDC a interjeté appel partiel du jugement.
Saisi par les consorts [Z], le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a rendu une ordonnance le 28 septembre 2022 aux termes de laquelle il a prononcé la résiliation du bail et l’expulsion de la société preneuse en constatant l’acquisition de la clause résolutoire, faute pour la société preneuse d’avoir régularisé dans le délai d’un mois les causes du commandement délivré le 1er septembre 2021.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 novembre 2022, la société CDC, appelante, demande à la Cour de :
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– dit que le refus de renouvellement sans offre de paiement de l’indemnité d’éviction délivré le 18 juillet 2017 par M. [S] [Z], Mme [P] [T] épouse [Z] et Mme [X] [O] veuve [Z] à la société CDC a mis fin, à compter du 22 janvier 2018 minuit, au bail du 23 janvier 2009 portant un local situé [Adresse 2] à [Localité 4], sans offrir au preneur au droit au paiement d’une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux ;
– rejeté la demande de la société CDC en paiement d’une indemnité d’éviction ;
– rejeté la demande de la société CDC en désignation d’un expert ;
– condamné la société CDC aux dépens et dit qu’ils pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
– dire que la société CDC bénéficie d’un droit à indemnité d’éviction pour le bail du 22 janvier 2009 ;
– débouter les consorts [Z] de l’ensemble de leurs demandes ;
En conséquence,
– condamner in solidum et à défaut solidairement Monsieur [S] [Z], Mme [P] [Z], Mme [X] [Z], à payer à la société CDC la somme de 440 000 € ;
Subsidiairement,
– désigner tel Expert qu’il plaira à la Cour afin de chiffrer l’indemnité d’éviction prévue par l’article L.145-14 du Code de commerce ;
– condamner in solidum ou à défaut solidairement Monsieur [S] [Z], Madame [P] [Z], Mme [X] [Z], à payer à la société CDC la somme de 50 000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’éviction ;
– condamner in solidum ou à défaut solidairement M. [S] [Z], Mme [P] [Z], Madame [X] [Z], à payer à la société CDC la somme de 12 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum ou à défaut solidairement M. [S] [Z], Mme [P] [Z], Mme [X] [Z] aux dépens de première instance et d’appel, que Maître Jean-Philippe Autier, avocat, pourra recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur l’irrégularité du congé, la société CDC expose que le bailleur n’a pas fait précéder sa demande de refus de renouvellement d’une mise en demeure exigée par l’article L.145-17 1° du code de commerce fait défaut ; que l’acte délivré le 04 juin 2012 n’est pas un commandement en ce qu’il ne vise pas la clause résolutoire; que la mise en demeure préalable à un refus de renouvellement sans indemnité est prescriptible dans un délai de deux ans, contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal ; qu’en outre par application de l’article L.110-4 du code de commerce, la mise en demeure est prescrite en ce qu’elle a été délivrée plus de cinq ans avant la délivrance du congé ; que la mise en demeure a été adressée avant plusieurs révisions triennales ; que les motifs de la mise en demeure visent uniquement la vente de hamburgers et que les autres motifs visés dans le congé n’ont pas été préalablement visés par une mise en demeure, de sorte que les griefs relatifs à la nuisance olfactive et à la création d’un conduit de ventilation sans autorisation ne pourront être examinés par la Cour.
Par ailleurs, elle fait valoir que le bail présenté à sa signature quelques jours après l’acte de cession du fonds de commerce diffère de celui dont bénéficiait le cédant du fonds comportant un changement significatif de destination; que les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance en refusant la mise en place d’une extraction conforme pour l’activité prévue par le bail ; que la cuisson était autorisée par le bail, notamment de crêpes et blinis, au regard des outils énumérés en annexe de l’acte de cession du fonds auquel est intervenu le représentant des bailleurs; que l’indemnité d’éviction pour perte du fonds peut être évaluée à la somme de 440 000 €, soit une indemnité principale de 405 000 €, des frais de remploi de 7 300 €, des frais de déménagement de 2 000 €, des frais d’agencement de 10 000 €, un trouble commercial de 17 272 € et des frais divers de 4 000 €.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 novembre 2022, Monsieur [S] [Z] et Mme [P] [T] épouse [Z], intimés, demandent à la Cour de :
À titre principal :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
«- dit que le refus de renouvellement sans offre de paiement de l’indemnité d’éviction délivré le 18 juillet 2017 par M. [S] [Z], Mme [P] [T] épouse [Z] et Mme [X] [O] veuve [Z] à la société CDC a mis fin, à compter du 22 janvier 2018 minuit, au bail du 23 janvier 2009 portant un local situé [Adresse 2] à [Localité 4], sans offrir au preneur le droit au paiement d’une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux ;
– rejeté la demande de la société CDC en paiement d’une indemnité d’éviction ;
– rejeté la demande de la société CDC en désignation d’un expert ;
– condamné la société CDC aux dépens et dit qu’ils pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile ; »
– juger que la résiliation judiciaire du bail empêche la société CDC de se prévaloir d’une quelconque indemnité d’éviction ;
Pour le surplus, et statuant à nouveau,
À titre subsidiaire :
– désigner tel expert qu’il plaira au Tribunal afin de chiffrer le montant de l’indemnité d’éviction prévue par l’article L.145-14 du code de commerce avec cette circonstance que l’Expert aura notamment pour mission de :
– déterminer la part du chiffre d’affaires réalisée dans le cadre de l’activité de cuisson de hamburgers, et donc de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction sans ce montant d’une part et avec ce montant d’autre part ;
En tout état de cause :
– rejeter la demande de condamnation formée à l’encontre de M. [S] [Z], Madame [P] [M] [T], ép. [Z] ;
– condamner la société CDC au paiement d’une somme de 8 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
À titre principal, sur le refus de renouvellement avec refus d’indemnité d’éviction, les consorts [Z] exposent qu’ils ont notifié à la société preneuse leur refus de renouvellement avec refus d’indemnité d’éviction conformément à l’article L.145-10 du code de commerce; que la société preneuse a été mise en demeure à plusieurs reprises depuis l’année 2012 de régulariser la situation; que dans le commandement visant la clause résolutoire délivré le 4 juin 2012, ils l’ont valablement mise en demeure en visant l’article L.145-17 du code de commerce et la « confection et la vente de burgers » ; que la présente action a été introduite dans les délais, la mise en demeure visant l’article L.145-17 du code de commerce n’étant pas soumise à prescription; que la société preneuse a exercé exclusivement une activité non autorisée par le bail, à savoir la cuisson de viande, de légumes et la vente de hamburgers nécessitant un conduit d’évacuation des fumées; que cette nouvelle activité a causé des nuisances au voisinage; que pour leurs parts ils n’ont pas manqué à leur obligation de délivrance en refusant l’installation d’un conduit d’extraction exclue par le bail. Ils ajoutent que l’ordonnance de référé du 28 septembre 2022 ayant constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail et l’expulsion de la locataire, la société preneuse ne peut solliciter une indemnité d’éviction.
À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour reconnaitrait le droit de la locataire au paiement d’une indemnité d’éviction, ils demandent le rejet des conclusions du rapport d’expertise non contradictoire produit par la locataire et sollicitent la désignation d’un expert pour apprécier cette indemnité en déterminant la part du chiffre d’affaires obtenu par l’activité de cuisson.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Il résulte des dispositions combinées des articles L.145-10, L.145-14 et L.145-17 du code de commerce que le bailleur peut refuser au preneur le droit au renouvellement de son bail commercial sans indemnité en cas de faute de celui-ci constitutive d’un motif grave et légitime sous réserve de délivrer un refus de renouvellement motivé, que l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après la mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser, cette mise en demeure devant, à peine de nullité, être effectuée par un acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire le premier alinéa de l’article L.145-17; qu’à défaut le congé met régulièrement fin au bail, mais, affecté d’une irrégularité, ouvre droit au preneur au paiement d’une indemnité d’éviction.
En l’espèce, les consorts [Z] ont refusé par acte extrajudiciaire du 18 juillet 2017, le renouvellement du bail du 23 janvier 2009 sollicité par la société CDC, déniant à cette dernière le droit au paiement d’une indemnité d’éviction en se fondant sur trois motifs, soit l’exercice d’une activité de vente de hamburgers et de cuisson de viande non autorisée par le bail, des nuisances olfactives et la création d’un conduit de ventilation raccordé sur le conduit intérieur de l’immeuble sans autorisation.
Le jugement déféré a constaté à juste titre que la régularité formelle du refus de renouvellement n’étant pas contesté, il a mis fin au bail liant les parties le 22 janvier 2018 à minuit. Il a également constaté à juste titre que les bailleurs ne contestent pas ne pas avoir délivré de mise en demeure visant l’article L.145-17 du code de commerce, de cesser les infractions relatives aux nuisances olfactives et à la création d’un conduit de ventilation non autorisé, de sorte qu’ils ne peuvent se prévaloir de ces motifs pour fonder le refus de renouvellement du bail.
S’agissant de l’exercice d’une activité de vente de hamburgers et de cuisson de viande non autorisée par le bail, les consorts [Z] produisent un commandement, visant la clause résolutoire du bail ainsi que l’article L.145-17 du code de commerce, délivré le 4 juin 2012 à la société CDC, la sommant de cesser “la confection et la vente de hamburgers” dans le délai d’un mois. Cet acte, qui reproduit l’article L.145-17 du code de commerce, respecte les exigences formelles de ce texte. Il est inopérant de faire valoir qu’il ne reproduirait pas la clause résolutoire du bail, cet acte étant invoqué en ce qu’il constitue une mise en demeure préalable au refus de renouvellement pour motif graves.
Si ce texte exige que le preneur bénéficie du délai d’un mois pour faire cesser l’infraction reproché, il n’impose pas un délai maximum entre la délivrance de la mise en demeure et la date d’effet du refus de renouvellement la loi exigeant seulement que la mise en demeure soit délivrée au cours du bail expiré pour que le preneur connaisse les griefs qui lui sont adressés et le risque qu’il encourt en fin de bail s’il ne se conforme pas aux injonctions qui lui sont faites, sans contraindre le bailleur à réitérer sa mise en demeure. Au surplus en l’espèce, la mise en demeure délivrée par acte extrajudiciaire du 4 juin 2012 a été suivie de plusieurs courriers recommandés reprochant à la locataire l’exercice de l’activité prohibée, de sorte que cette dernière n’a pu se méprendre sur l’intention des bailleurs de s’en prévaloir à l’expiration du bail.
Les dispositions de l’article L.145-60 du code de commerce selon lesquelles les actions exercées en vertu du chapitre de ce code concernant le statut des baux commerciaux se prescrivent pas deux ans et celles de l’article L.110-4 du même code selon lesquelles les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans, concernent l’extinction du droit d’agir pour la reconnaissance d’un droit. Ces dispositions relatives à la prescription ne sont pas applicables en l’espèce puisque la mise en demeure exigée par l’article L.145-17 est une formalité préalable à la délivrance du refus de renouvellement et non un droit susceptible d’ouvrir une action.
C’est donc à juste titre que le jugement déféré a dit que le refus de renouvellement délivré le 18 juillet 2017 est régulier en ce qu’il invoque un motif grave tiré de la violation de la clause de destination dont il convient d’apprécier la légitimité contestée par l’appelante.
Le bail du 23 janvier 2009 liant les parties dispose en page 4, dans son paragraphe intitulé Occupation – Jouissance :
“1° Les lieux présentement loués seront utilisés commercialement à usage de boutique pour l’activité de salon de thé, épicerie fine, vente de glaces et crêpes, et petite restauration sur place et à emporter, ne nécessitant pas de local fermé dédié à la cuisine.
Il est ici précisé que le local ne dispose pas de conduit de fumée et le Preneur déclare expressément que son activité ne nécessite pas l’existence d’un tel conduit. Il renonce à tous recours contre le Bailleur de ce chef.
Le Preneur reconnaît que les locaux sont conformes à la destination qu’il entend leur donner et s’engage à ne jamais inquiéter ni rechercher la (sic) Bailleur à ce sujet”.
Il résulte de cette clause détaillée que le preneur est autorisé à exploiter dans les locaux loués une activité de petite restauration sur place ne nécessitant aucun système d’extraction des fumées et vapeurs de cuisine, nonobstant l’usage impropre du terme ‘conduit de fumée’ s’appliquant usuellement aux appareils de chauffage alors que tel n’est pas le sujet en l’espèce. Ainsi, le bail prévoit dès l’origine qu’aucune extraction n’est en place et rappelle clairement et précisément au preneur qu’il ne pourra en obtenir la création s’il développe une activité en nécessitant une. Le terme de restauration renvoie à l’activité de se restaurer, c’est à dire de manger sans précision sur le type d’aliment consommé. Il ne peut être assimilé à celui de restaurant, lequel implique une activité de cuisine avec cuisson et transformation des aliments nécessitant une extraction de l’air pollué conformément au règlement sanitaire de la Ville de [Localité 6]. Or, contrairement à ce qu’affirme la société CDC, la préparation de burger nécessite une telle extraction et n’est donc pas comprise dans la clause de destination du bail.
L’obligation de délivrance du bailleur a ainsi été contractuellement limitée à un local permettant une petite restauration ne nécessitant pas la pose d’un conduit d’extraction, et aucun manquement des consorts [Z] à leur obligation de délivrance n’est constitué du chef de l’absence de pose d’un conduit d’extraction.
Dès lors que la clause de destination du bail excluait sans ambiguïté toute cuisine imposant la présence d’une extraction, il est inopérant de prétendre à l’existence d’une ambigüité en se référant aux clauses du bail concernant les obligations d’entretien du preneur relatives notamment aux conduits de cheminée, leur ramonage et leurs ‘éventuels tubages nécessaires à son activité’ ou de faire valoir que le bailleur intervenu à l’acte de cession du fonds de commerce aurait pu constater que certains appareils de petite cuisson étaient cédés avec ce fonds.
En application de l’ancien article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au contrat en cause, dont les dispositions sont reprises au nouvel article 1103 du même code, le contrat de bail en cause signé par le mandataire des bailleurs et le représentant légal de la Sté CDC, qui n’en a pas contesté judiciairement la validité, s’impose aux parties. Il est donc inopérant de la part de cette dernière de se prévaloir des conditions de la signature de ce bail en faisant valoir qu’on lui aurait imposé une modification de la clause de destination du précédent bail dont bénéficiait le cessionnaire du fonds de commerce autorisant l’activité de ‘salon de thé, épicerie fine, vente de glaces Berthillon, restauration sur place et à emporter’ .
Or, ainsi que l’expose le jugement déféré, il ressort des procès-verbaux d’huissier dressés le 25 mai et 11 juillet 2012 à la demande des bailleurs et des extraits de la page Facebook de la locataire, exerçant sous l’enseigne Le Mal Barré, que la société CDC exploite dans les locaux loués un restaurant spécialisé dans les hamburgers, ce qui nécessite une cuisson de la viande, des légumes et des féculents servis à table; selon le rapport d’enquête dressé le 13 avril 2016 par un inspecteur de salubrité de la Ville de [Localité 6], la cuisine de la société CDC est équipée d’une plancha, d’un toaster, et de deux fours et a été installé dans cette cuisine un conduit d’extraction qui débouche sur la rue, en devanture et façade de l’immeuble; le préfet de police de [Localité 6] a mis en demeure le 20 avril 2016 la société CDC de remédier aux non-conformités constatées en se conformant aux prescriptions du règlement sanitaire du département de [Localité 6] du 23 septembre 1979 modifié qui exigent notamment pour l’activité pratiquée la pose d’un conduit de ventilation desservant les cuisines étanches et rejetant l’air à plus de 8 mètres de tout ouvrant ou prise d’air neuf.
Il est ainsi établi que la société CDC a développé dans les locaux loués une activité de restauration nécessitant la pose d’un conduit d’extraction alors que la clause restrictive de destination clairement stipulée au bail lui interdisait d’exploiter une telle activité. Or, cette violation de la clause de destination, que les bailleurs lui ont demandé de cesser par sommation délivrée par acte extrajudiciaire du 4 juin 2012 puis par courriers recommandés des 16 avril 2013, 14 avril 2015, 25 avril 2015, 19 mai 2016 et 7 juin 2016 constitue, de par la gêne qu’elle entraîne pour le voisinage et de par sa durée, un manquement suffisamment grave et légitime pour justifier le refus de renouvellement sans offre de paiement de l’indemnité d’éviction.
C’est donc a juste titre que la décision contestée a jugé que le refus de renouvellement délivré le 18 juillet 2017 par les consorts [Z] à la société CDC a mis fin au bail liant les parties à compter le 22 janvier 2018 à minuit sans offrir droit au preneur au paiement d’une indemnité d’éviction ni au maintien dans les lieux, a rejeté les demandes de la société CDC en paiement d’une indemnité d’éviction et en désignation d’un expert, a condamné la société CDC aux dépens et rejeté les demandes des parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement sera confirmé en toutes ces dispositions et la société CDC déboutée de l’ensemble de ses demandes, notamment en paiement d’une somme de 440.000 € ou d’une provision de 50.000 € avec désignation d’un expert.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘juger’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
La société CDC qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Elle sera condamnée, au titre de la procédure d’appel, à payer aux époux [Z] une somme qu’il est équitable de fixer à 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le Tribunal Judiciaire de Paris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la société CDC de l’ensemble de ses demandes,
Condamne la société CDC à payer à M. [S] [Z] et Mme [P] [T] épouse [Z] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
Déboute la société CDC de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société CDC aux dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE