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17 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/06415
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 17 MAI 2023
(n° 2023/ , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06415 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCOCL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/02588
APPELANTE
SELAFA MJA , en la personne de Maître [I] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. ON PARLE DE VOUS
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
INTIMÉ
Monsieur [W] [E] [F]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Stéphanie ZAKS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0277
INTERVENANTE
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 7]
Non constituée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– réputé contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société On parle de vous (SARL) a employé M. [W] [E] [F], né en 1973, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2011 en qualité de styliste et il a été mis fin à la période d’essai le 16 mars 2011. Le contrat de travail a alors pris fin le 15 avril 2011.
La société On parle de vous a employé à nouveau M. [E] [F] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2011 en qualité de styliste avec une reprise d’ancienneté au 3 janvier 2011.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale habillement, mercerie, chaussure et jouet (commerce de gros et négoces connexes) (IDCC 3148).
Sa rémunération mensuelle brute s’élevait en dernier lieu à la somme de 2 533,88 €.
Par lettre notifiée le 5 mars 2018, M. [E] [F] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 13 mars 2018.
M. [E] [F] a ensuite été licencié pour motif économique par lettre notifiée le 3 avril 2018 ; la note d’information sur le motif économique du licenciement de M. [E] [F] indique :
« La situation économique de notre société se dégrade depuis maintenant plusieurs mois.
Ainsi sur le dernier exercice 2017, notre chiffre d’affaires s’établit à 1.369.518,52 € contre 1.605.262,17 € en 2016 soit une baisse de plus de 17%.
Si l’on compare le chiffre d’affaires du dernier trimestre 2017 en comparaison à celui de 2016, nous connaissons une baisse de 330.603,16 €. Nous avions réalisé, sur cette période, 546.626,70 € en 2016 contre 216.023,59 € sur la même période en 2017. Le chiffre d’affaires a été sur cette période divisé par 2,53.
Compte tenu de cette situation, situation qui de manière générale touche également notre secteur d’activité, nous avons décidé, afin de préserver la pérennité de la société et celle du maximum d’emplois, d’orienter notre activité vers le négoce et cesser la création.
Compte tenu de la petite taille, il ne nous a pas été possible de pouvoir vous proposer de solutions de poste de reclassement (‘) ».
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [E] [F] avait une ancienneté de 7 ans et 3 mois.
La société On parle de vous occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
M. [E] [F] a saisi le 28 mars 2019 le conseil de prud’hommes Paris pour former les demandes suivantes :
« – Dire et juger que la société n’est pas affectée par des difficultés économiques et que le poste de travail de Monsieur [E] [F] n’a pas été supprimé
– Dire et juger la rupture du contrat de Monsieur [E] DE SOUS doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Indemnité compensatrice de préavis 5 067,76 €
– Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 506,77 €
– Reliquat d’indemnité légale de licenciement 646,21 €
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 30 406,56 €
– Dire et juger que la SARL ON PARLE DE VOUS a dissimulé l’emploi de Monsieur [E] [F] du 16 avril au 12 septembre 2011
– Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (L. 8223-1 CT) 15 203,28 €
– Dire et juger que la SARL ON PARLE DE VOUS n’a pas respecté son obligation de formation et d’adaptation à son poste
– Dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de formation et d’adaptation 10 000,00 €
– Article 700 du code de procédure civile 3 000,00 €
– Remise des bulletins de paie conformes
– Remise de l’attestation d’employeur destinée au Pôle Emploi
– Remise d’un certificat de travail conforme
– Remise du solde de tout compte conforme
– Remise sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement
– Se réserver la liquidation de l’astreinte
– Exécution provisoire article 515 du code de procédure civile
– Intérêts au taux légal et anatocisme
– Capitalisation des intérêts
– Dépens »
Par jugement du 27 novembre 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :
« Dit le licenciement de Monsieur [W] [E] [F] sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la SARL ON PARLE DE VOUS à payer à Monsieur [W] [E] [F] les sommes suivantes :
– 13.936,34 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 5.067,76 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 506,77 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
– 642,21 € à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement
– 1.100,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Ordonne à la SARL ON PARLE DE VOUS de remettre à Monsieur [W] [E] [F] les documents sociaux suivants conforme à la présente décision :
– un certificat de travail
– une attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi
– un reçu pour solde de tout compte
– les bulletins de paie
Déboute Monsieur [W] [E] [F] du surplus de ses demandes.
Déboute la SARL ON PARLE DE VOUS de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL ON PARLE DE VOUS aux entiers dépens. »
La société On parle de vous a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 6 octobre 2020.
La constitution d’intimée de M. [E] [F] a été transmise par voie électronique le 10 décembre 2020.
Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 juillet 2021, la société On parle de vous a été placée en liquidation judiciaire et la SELAFA MJA, en la personne de Maître [I] [M] en a été désignée liquidateur judiciaire.
La SELAFA MJA est intervenue volontairement à la procédure d’appel.
L’Unedic délégation AGS, CGEA d’Île-de-France Ouest a fait l’objet d’une assignation en intervention forcée par acte du 8 novembre 2022 : ont alors signifiés :
– la requête introductive d’instance du 28 mars 2019 déposée devant le Conseil de Prud’hommes de Paris – section commerce ;
– les conclusions et pièces de première instance communiquées par la société ON PARLE DE VOUS le 23 juillet 2019 en vue de l’audience du 23 septembre 2019 ;
– les conclusions responsives de première instance et pièces de première instance, selon bordereau afférent, communiquées par Monsieur [E] [F] le 19 septembre 2019 en vue de l’audience du 23 septembre 2019 ;
– le jugement rendu le 27 novembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes de Paris ‘ RG n° 19/02588 ;
– la déclaration d’appe1 n°20/06415 effectuée le 6 octobre 2020 par la société ON PARLE DE VOUS et enregistrée le 9 octobre 2020 ;
– l’avis de changement de distribution du 17 mai 2021 ;
– l’avis de fixation du 13 juillet 2021 ;
– l’avis de fixation du 16 juin 2022 ;
– les dernières conclusions d’appelante et d’intervention volontaires prises dans l’intérêt de la société ON PARLE DE VOUS signifiées par RPVA le 26 octobre 2022 ;
– les pièces numéro 1 à 34 communiquées par la société ON PARLE DE VOUS selon bordereau afférent;
– les dernières conclusions d’intimé et d’appelant incident prises dans l’intérêt de Monsieur [E] [F] signifiées par RPVA le 4 novembre 2022 ;
– les pièces numéro 1 à 29 communiquées par Monsieur [E] [F] selon bordereau afférent.
L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 17 janvier 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 20 mars 2023.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 26 octobre 2022, la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [I] [M], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ON PARLE DE VOUS demande à la cour de :
« RECEVOIR la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [I] [M], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ON PARLE DE VOUS en son intervention volontaire et ses conclusions, l’y déclarer bien fondée et, y faisant droit,
Par conséquent,
INFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de PARIS en date du mercredi 27 novembre 2019 en ce qu’il :
– Dit le licenciement de Monsieur [W] [E] [F] sans cause réelle et sérieuse,
– Condamne la SARL ON PARLE DE VOUS à payer à Monsieur [W] [E] [F] les sommes suivantes :
. 13.936,34 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 5.067,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 506,77 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
. 646,21 euros à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement,
. 1.100,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Ordonne à la SARL ON PARLE DE VOUS de remettre à Monsieur [W] [E] [F] les documents sociaux suivants conformes à la présente décision : un certificat de travail, une attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi, un reçu pour solde de tout compte, les bulletins de paie,
– Déboute la SARL ON PARLE DE VOUS de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamne la SARL ON PARLE DE VOUS aux entiers dépens.
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [F]
[F] du surplus de ses demandes,
Ainsi, statuant à nouveau
JUGER que le licenciement économique de Monsieur [W] [E] [F] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
DEBOUTER Monsieur [W] [E] [F] de l’ensemble de ses demandes,
DEBOUTER Monsieur [W] [E] [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées en cause d’appel
CONDAMNER Monsieur [W] [E] [F] à payer à la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [I] [M], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ON PARLE DE VOUS la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction faite au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, prise en la personne de Maître Matthieu BOCCON-GIBOD. »
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 4 novembre 2022, M. [E] [F] demande à la cour de :
« SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
JUGER que la société n’était pas affectée par des difficultés économiques et que le poste de travail de Monsieur [W] [E] [F] n’a pas été supprimé
JUGER que la société n’a pas satisfait à son obligation de reclassement
JUGER que l’ancienneté de Monsieur [W] [E] [F] est fixée au 3 janvier 2011
JUGER que Monsieur [W] [E] [F] est bien fondé à solliciter le bénéfice de deux mois de préavis en application de l’article 26 de la convention collective applicable
JUGER que la société ON PARLE DE VOUS n’a pas réglé à Monsieur [W] [E] [F] l’intégralité de l’indemnité de licenciement qui lui était due
JUGER que Monsieur [W] [E] [F] rapporte la preuve de l’important préjudice qu’il a subi du fait de son licenciement injustifié
En conséquence,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement de Monsieur [W] [E] [F] sans cause réelle et sérieuse
Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société ON PARLE DE VOUS à verser à Monsieur [W] [E] [F] la somme de 5 067,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et fixer cette somme au passif de la société ON PARLE DE VOUS
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société ON PARLE DE VOUS à verser à Monsieur [W] [E] [F] la somme de 506,77 euros au titre des congés payés afférents et fixer cette somme au passif de la société ON PARLE DE VOUS
Sur le reliquat d’indemnité de licenciement
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société ON PARLE DE VOUS à verser à Monsieur [W] [E] [F] la somme de 646,21 euros à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement et fixer cette somme au passif de la société ON PARLE DE VOUS
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
A titre principal
REFORMER le quantum de la condamnation de la société ON PARLE DE VOUS au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Statuant à nouveau,
FIXER au passif de la société ON PARLE DE VOUS la somme de 30 406,56 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
A titre subsidiaire
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société ON PARLE DE VOUS à verser à Monsieur [E] [F] la somme de 13 936,34 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixer cette somme au passif de la société ON PARLE DE VOUS
SUR LE TRAVAIL DISSIMULE
JUGER que la demande formée par Monsieur n’est pas prescrite
JUGER que la société ON PARLE DE VOUS a dissimulé l’emploi de Monsieur [W] [E] [F] du 16 avril au 12 septembre 2011
En conséquence,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la demande formée par Monsieur
[W] [E] [F] n’était pas prescrite
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [E] [F] de sa demande de versement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
Statuant à nouveau,
FIXER au passif de la société ON PARLE DE VOUS la somme de 15 203,28 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
SUR LE NON-RESPECT DE L’OBLIGATION DE FORMATION ET D’ADAPTATION
JUGER que la société ON PARLE DE VOUS n’a pas respecté son obligation de formation et d’adaptation à son poste
JUGER que Monsieur [E] [F] rapporte la preuve du préjudice subi
En conséquence,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [E] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de formation et d’adaptation
Statuant à nouveau,
FIXER au passif de la société ON PARLE DE VOUS la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de formation et d’adaptation
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société ON PARLE DE VOUS à verser à Monsieur [E] [F] la somme de 1 100 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
FIXER au passif de la société ON PARLE DE VOUS la somme de 1 100 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
FIXER au passif de la société ON PARLE DE VOUS la somme de 4 000 euros pour les frais exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné à la société ON PARLE DE VOUS la remise des bulletins de salaires conformes à la décision à intervenir ainsi que les documents de fin de contrat (solde de tout compte, attestation pôle emploi et certificat de travail)
Statuant à nouveau,
PRONONCER la remise des documents susvisés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt
ASSORTIR les sommes fixées au passif de la société ON PARLE DE VOUS des intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation et anatocisme au titre des dispositions de l’article 1154 du Code de procédure civile
FIXER au passif de la société ON PARLE DE VOUS toute somme afférente aux dépens
DECLARER l’arrêt à intervenir opposable à la DELEGATION UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST
DECLARER opposable à la DELEGATION UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST toute somme qui serait fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société ON PARLE DE VOUS. »
Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 17 mai 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le licenciement économique
L’article L.1233-3 du code du travail dispose « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants. »
A l’appui de ses demandes de confirmation du jugement, M. [E] [F] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison de :
– l’absence de baisse de chiffre d’affaires,
– l’absence de suppression de son poste,
– la violation par l’employeur de son obligation de reclassement,
Sur le chiffre d’affaires
– loin de baisser contrairement à ce que prétend la société On parle de vous, son chiffre d’affaires a substantiellement augmenté entre 2016 et 2017 (pièces adverses n°11 et n°12) : en 2016, le chiffre d’affaires net s’élevait à 1 610 262 euros ; en 2017, le chiffre d’affaires net s’élevait à 1 956 501 euros ; d’ailleurs la société reconnaît dans ses conclusions d’appelante que son chiffre d’affaires a en réalité augmenté entre les années 2016 et 2017 (conclusions adverses ‘ page 9) ;
– le chiffre d’affaires de la société n’avait donc nullement baissé ‘ mais avait au contraire augmenté ‘ au dernier trimestre de l’année 2017 précédant la rupture du contrat de travail pour motif économique ;
– la baisse de l’EBITDA alléguée par la société en cause d’appel n’est pas démontrée, ni étayée par la moindre explication ;
– il est vain pour la société On parle de vous d’invoquer les difficultés économiques par la baisse de son chiffre d’affaires au cours de l’année 2018, postérieurement à la rupture du contrat de travail intervenue au mois de mars 2018 au motif que les difficultés économiques doivent être exclusivement appréciées au moment de la rupture du contrat de travail ;
– la baisse de la rémunération de la gérante ainsi que la location d’un nouvel entrepôt avec un loyer moins élevé sont inopérantes dès lors qu’il s’agit de mesures de bonne gestion qui ne démontrent nullement l’existence de difficultés économiques ;
– la société ne fournit aucun élément démontrant qu’elle aurait été à l’initiative de la résiliation du bail et expliquant pourquoi elle a perçu des indemnités d’éviction à hauteur de 83 459 euros lorsqu’elle a quitté les locaux (pièce adverse n°18) ;
– la société a fait l’acquisition de nouveaux locaux au [Adresse 3] pour installer son showroom ainsi qu’en atteste sa page Facebook en date du 8 mars 2019 (pièce n°12) ;
– l’existence de créances douteuses est inhérente à l’activité d’une entreprise et la société On parle de vous ne démontre nullement en quoi ces créances douteuses auraient impacté la situation économique de l’entreprise ;
Sur la suppression de son poste
– Mme [S] l’a remplacé sur son poste qui n’a pas été supprimé ;
– alors que la suppression de son poste était justifiée par la société On parle de vous au prétexte de préserver la pérennité de la société par l’orientation de l’activité vers le négoce et la cessation de la création, la société n’a en réalité pas cessé son activité de création de vêtements ; elle le reconnaît en ces termes dans ses conclusions (conclusions adverses ‘ page 5) : « la société ON PARLE DE VOUS a finalement décidé de [‘] confier la réalisation de ses collections à un freelance extérieur » ;
– en réalité la société On parle de vous met en vente des vêtements qui ont été créés pour son compte par sa styliste, Mme [I] [S], et notamment la collection printemps-été 2019 (pièce n°12) ;
– la société On parle de vous l’a remplacé dès le mois de janvier 2018, par Mme [I] [S] qui travaillait exclusivement et à plein temps pour la société au sein de ses locaux, ce dont il résulte que le poste de l’intimé n’a nullement été supprimé ;
– Mme [S] a d’abord travaillé durant les week-ends, de janvier à mars 2018, avant de le remplacer à son poste durant la semaine après son licenciement comme cela ressort du profil LinkedIn de Mme [S] qui fait mention d’un début de collaboration au sein de la société ON PARLE DE VOUS au mois de janvier 2018 et comporte des photographies des modèles créés pour le compte de la société tout au long de l’année 2018 et du premier semestre 2019 (pièce salarié n° 9) ; Mme [B], stagiaire en atteste aussi (pièces salarié n° 10 et 11) ;
Sur l’obligation de reclassement
– la société On parle de vous ne démontre pas qu’elle a recherché toutes les possibilités de reclassement avant d’envisager son licenciement pour motif économique ;
– le registre unique du personnel (pièces employeur n° 29 et salarié n° 24) démontre que la société On parle de vous a embauché Mme [Y], par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de responsable marketing le 5 janvier 2018, soit deux mois avant d’engager la procédure de licenciement pour motif économique et un salarié, par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’agent logistique le 6 février 2019, soit moins d’un an après l’engagement de la procédure ;
– la liasse fiscale de l’année 2018 mentionne que la société On parle de vous détient deux filiales, les sociétés Distry et Embiance, toutes deux spécialisées dans le commerce de l’habillement (pièce adverse n°13) ; or elle ne rapporte pas la preuve qu’elle a recherché les solutions de reclassement au sein de ses filiales.
Au soutien de l’appel, le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous fait valoir que :
Sur l’existence des difficultés économiques
– la hausse du chiffre d’affaires pour l’année 2017 correspond à un seul client, la société CRIS CONF qui a réalisé 299 735 € (pièces employeur n° 19 et 33) ;
– Le tableau comparatif réalisé par l’expert-comptable de l’entreprise pour les années 2016, 2017 et 2018 met en relief une baisse significative de la marge entre 2016 et 2017 (pièce employeur n° 19) ; la marge réalisée en 2017 est en recul de 10% et qu’elle est en baisse de 6. 840 € pour passer de 549 K€ à 482 K€ ; la marge continue à baisser en valeur en 2018 ce qui confirme que la société se trouvait bien en difficulté depuis 2017 ;
– l’EBITDA est en baisse en 2017 pour passer de +130 K€ à -45K€ soit une baisse de 175K€ par rapport à 2016 ;
– les difficultés économiques ont été confirmées par l’expert-comptable de la société, qui a attesté non seulement de la baisse de chiffre d’affaires, mais aussi de la diminution de la rémunération de la gérante de la société, de la présence d’une dizaine de créances douteuses ainsi que du changement du local de stockage pour bénéficier d’un loyer plus bas (pièces employeur n° 9, 10, 14, 16, 33) ;
Sur la suppression effective de l’emploi
– la création a été confiée à un prestataire extérieur et indépendant, Mme [S], qui ne peut être considérée comme salariée de l’entreprise (pièces employeur n° 28 à 31) ;
Sur l’obligation de reclassement
– les postes occupés par les deux nouveaux salariés ne correspondent en aucun cas aux fonctions de styliste occupées par M. [E] [F].
Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que M. [E] [F] a été licencié pour motifs économique ; la lettre de licenciement mentionne notamment :
– les difficultés économiques de l’entreprise ;
– la suppression du poste de M. [E] [F] ;
– l’impossibilité pour l’employeur de le reclasser.
La cour rappelle que les difficultés économiques doivent exister et s’apprécier à la date de rupture du contrat de travail, soit en d’autres termes à la date de la notification du licenciement.
Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats que la société On parle de vous n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’existence, à la date de la rupture du contrat de travail, des difficultés économiques qu’elle invoque ; en effet la société On parle de vous ne démontre pas qu’elle a subi une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Et c’est en vain que le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous soutient que la hausse du chiffre d’affaires pour l’année 2017 correspond à un seul client, la société CRIS CONF qui a réalisé 299 735 € (pièces employeur n° 19 et 33) ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif qu’en aucun cas cette hausse du chiffre d’affaires ne peut caractériser la baisse du chiffre d’affaires susceptible de caractériser légalement les difficultés économiques justifiant le licenciement économique d’un salarié étant précisé que la baisse du chiffre d’affaires invoquée dans la lettre de licenciement est contredite par les documents comptables : loin de baisser contrairement à ce que prétend la société On parle de vous, la cour retient que son chiffre d’affaires a en effet augmenté entre 2016 et 2017 (pièces employeur n°11 et n°12) dès lors qu’en 2016, le chiffre d’affaires net s’élevait à 1 610 262 euros et qu’en 2017, le chiffre d’affaires net s’élevait à 1 956 501 euros étant ajouté que non seulement le chiffre d’affaires de la société n’a pas baissé mais qu’il a au contraire augmenté au dernier trimestre de l’année 2017 précédant la rupture du contrat de travail pour motif économique.
C’est aussi en vain que le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous soutient que le tableau comparatif réalisé par l’expert-comptable de l’entreprise pour les années 2016, 2017 et 2018 met en relief une baisse significative de la marge entre 2016 et 2017 (pièce employeur n° 19), que la marge réalisée en 2017 est en recul de 10% et qu’elle est en baisse de 6. 840 € pour passer de 549 K€ à 482 K€, que la marge continue à baisser en valeur en 2018 ce qui confirme que la société se trouvait bien en difficulté depuis 2017 ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que cette baisse de la marge entre 2016 et 2017 est de 1,25 % ce qui ne saurait suffire à démontrer la réalité des difficultés économiques susceptibles de justifier le licenciement économique d’un salarié.
C’est toujours en vain que le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous soutient que l’EBITDA est en baisse en 2017 pour passer de +130 K€ à -45K€ soit une baisse de 175K€ par rapport à 2016 ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que si le législateur a retenu la dégradation de l’excédent brut d’exploitation comme l’un des indicateurs susceptibles de caractériser des difficultés économiques, tel n’est pas le cas de l’EBITDA qui ne saurait se confondre avec l’excédent brut d’exploitation ; si ce dernier permet en effet d’évaluer la capacité de l’entreprise à générer des bénéfices à partir de son activité principale dès lors que l’excédent brut d’exploitation est égal au chiffre d’affaires diminué des coûts des biens et des charges d’exploitation, tel n’est pas le cas de l’EBITDA qui évalue la performance financière dès lors qu’il est égal au résultat d’exploitation augmenté des amortissements et des dépréciations.
C’est enfin en vain que le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous soutient que les difficultés économiques ont été confirmées par l’expert-comptable de la société, qui a attesté non seulement de la baisse de chiffre d’affaires, mais aussi de la diminution de la rémunération de la gérante de la société, de la présence d’une dizaine de créances douteuses ainsi que du changement du local de stockage pour bénéficier d’un loyer plus bas (pièces employeur n° 9, 10, 14, 16, 33) ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que la baisse de chiffre d’affaires est contredite par les éléments de preuve, que la diminution de la rémunération de la gérante de la société, la présence d’une dizaine de créances douteuses et changement du local de stockage pour bénéficier d’un loyer plus bas, ne suffisent pas à démontrer la réalité des difficultés économiques de la société On parle de vous à la date de la notification du licenciement.
Il ressort de ce qui précède que la société On parle de vous n’a pas suffisamment caractérisé dans la lettre de licenciement de M. [E] [F] et à l’occasion de la présente instance la cause réelle et sérieuse justifiant son licenciement économique au sens de l’article L. 1233-3 du Code du travail et qu’en conséquence, le licenciement de M. [E] [F] est jugé sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement économique de M. [E] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [E] [F] demande par infirmation du jugement la somme de 30 406,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous s’oppose à cette demande.
Selon l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 7 ans et 3 mois entre 2 et 8 mois de salaire.
Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats, compte tenu de l’âge de M. [E] [F], de son ancienneté, de la durée de son chômage, de la perte des avantages en nature, des difficultés financières générées par son licenciement abusif, du dommage moral qui a été nécessairement subi par M. [E] [F] à la suite de la perte de son emploi dans des conditions injustes, que l’indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 13 936,34 euros.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a octroyé à M. [E] [F] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 13 936,34 euros mais compte tenu de l’évolution du litige, la cour fixe la créance de M. [E] [F] au passif de la société On parle de vous à la somme de 13 936,34 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités de rupture
M. [E] [F] demande par confirmation du jugement les sommes de :
– 5 067,76 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 506,77 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
– 642,21 € à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement
Le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous s’oppose à ces demandes sans faire valoir de moyens ni sur le principe ni sur le quantum.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a octroyé à M. [E] [F] les sommes de :
– 5 067,76 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 506,77 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
– 642,21 € à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement
Mais compte tenu de l’évolution du litige, la cour fixe la créance de M. [E] [F] au passif de la société On parle de vous aux sommes de :
– 5 067,76 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 506,77 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
– 642,21 € à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement ;
Sur l’obligation de formation
M. [E] [F] demande par infirmation du jugement la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de formation et d’adaptation et fait valoir, à l’appui de cette demande que :
– il n’a bénéficié d’aucune formation pendant toute la durée de la relation de travail ;
– le métier de styliste suppose de s’adapter constamment à l’évolution de la mode et des tendances ainsi qu’à celle des nouvelles technologies ;
– l’employeur ne lui a jamais remis à d’attestation des heures DIF qu’il avait acquises jusqu’au mois de décembre 2014 ;
– postérieurement à son licenciement, il a suivi une formation de 28 heures pour acquérir les fondamentaux de Photoshop et améliorer son employabilité (pièce salarié n° 14).
Le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation qu’aucun élément n’est apporté par M. [E] [F] pour établir son préjudice.
En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
Sans qu’il soit besoin d’examiner le fait générateur de responsabilité, il résulte de l’examen des moyens débattus que M. [E] [F] n’articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser le préjudice découlant, selon lui, du manquement à l’obligation de formation, ni dans son principe, ni dans son quantum ; dans ces conditions, le moyen de ce chef est donc rejeté.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [E] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de formation et d’adaptation.
Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l’article L. 8223-1 du Code du travail
M. [E] [F] soutient que :
– il a travaillé pour la société On parle de vous après la rupture de sa période d’essai et avant la conclusion de son nouveau contrat de travail, entre le 15 avril 2011 et le 12 septembre 2011 ;
– il verse aux débats les couvertures des catalogues sur lesquelles il a travaillé sans avoir été déclaré à savoir le catalogue Automne / Hiver 2011, le catalogue Printemps / Été 2012 et le catalogue Automne / Hiver 2012 (pièce salarié n° 19), l’attestation de Mme [H], mannequin (pièce salarié n° 25) et la photographie publiée au mois de novembre 2011 sur le profil Facebook de Mme [U], ancienne commerciale de l’entreprise, sur laquelle il apparaît avec la mannequin portant la parka qu’il avait dessinée quelques mois plus tôt (pièce salarié n°20).
Le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous soutient que :
– M. [E] [F] a été embauché par un contrat de travail à durée indéterminé le 3 janvier 2011 et qu’il a été mis fin à ce contrat de travail le 15 avril 2011 pendant la période d’essai ;
– puis l’entreprise a proposé à M. [E] [F] le même poste de styliste à compter du 12 septembre 2011 ;
– le catalogue Automne / Hiver 2011 a été préparé entre le mois de janvier et le mois de mars 2011 ; M. [E] [F] a travaillé sur le catalogue Automne / Hiver 2011 pendant sa période d’essai ;
– le catalogue Printemps / Été 2012 a été élaboré entre les mois de septembre et novembre 2011, date auxquelles M. [E] [F] avait réintégré l’entreprise suivant son nouveau contrat de travail en date du 12 septembre 2011 ;
– il en est de même pour le catalogue Automne / Hiver 2012 sur lesquels M. [E] [F] a travaillé entre les mois de Janvier et Mars 2012 ;
– les pièces salarié n° 25 et 20 ne comportent pas la datation des faits ;
Il résulte de l’article L. 8223-1 du Code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l’employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que M. [E] [F] n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que la dissimulation d’une partie de son travail, à la supposer établie, était intentionnelle de la part de la société On parle de vous.
Il convient donc de rejeter la demande de M. [E] [F] formée au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l’article L. 8223-1 du Code du travail.
Sur la délivrance de documents
M. [E] [F] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.
Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu’ils ne sont pas conformes ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par M. [E] [F].
Rien ne permet de présumer que le liquidateur judiciaire de la société On parle de vous va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n’y a donc pas lieu d’ordonner une astreinte.
Le jugement déféré est donc confirmé sur ce point mais compte tenu de l’évolution du litige, la cour ordonne au liquidateur judiciaire de la société On parle de vous de remettre M. [E] [F] le certificat de travail, les bulletins de paie et l’attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision,
Sur les autres demandes
La cour dit que les intérêts moratoires sont dus pour les rappels de salaire et les créances salariales à compter de la date de réception par la société On parle de vous de la convocation devant le bureau de conciliation et qu’en application des dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce, le cours des intérêts moratoires a été interrompu à la date d’ouverture de la procédure collective.
La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu’elle est demandée et s’opérera par année entière en vertu de l’article 1343-2 du code civil.
La cour rejette en revanche la demande d’intérêts moratoires en ce qui concerne les dommages et intérêts.
La cour condamne la SELAFA MJA, en la personne de Maître [I] [M], liquidateur judiciaire de la société On parle de vous aux dépens de la procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de M. [E] [F] les frais irrépétibles de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf à préciser, compte tenu de l’évolution du litige et de la liquidation judiciaire de la société On parle de vous que la cour fixe la créance de M. [E] [F] au passif de la société On parle de vous aux sommes de :
– 13 936,34 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 067,76 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 506,77 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 642,21 € à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement ;
Dit que les intérêts moratoires sont dus pour les rappels de salaire et les créances salariales à compter de la date de réception par la société On parle de vous de la convocation devant le bureau de conciliation et dit qu’en application des dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce, le cours des intérêts moratoires a été interrompu à la date d’ouverture de la procédure collective.
Ordonne la capitalisation des intérêts échus sur une année entière.
Rejette la demande d’intérêts moratoires en ce qui concerne les dommages et intérêts.
Ordonne à la SELAFA MJA, en la personne de Maître [I] [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société On parle de vous, de remettre à M. [E] [F] le certificat de travail, le reçu pour solde, et l’attestation destinée à Pôle Emploi, rectifiés conformément à la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision,
Déclare le présent arrêt commun à l’Unedic délégation AGS, CGEA d’Île-de-France Ouest ;
Dit que les sommes allouées à M. [E] [F] seront garanties par l’Unedic délégation AGS, CGEA d’Île-de-France Est dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture, à l’exclusion de l’indemnité allouée à l’intéressé au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [E] [F] de sa demande formée en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SELAFA MJA, en la personne de Maître [I] [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société On parle de vous aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT