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17 mai 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/02370
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 17 MAI 2023
N°2023/100
Rôle N° RG 20/02370 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFTNS
[R] [L]
C/
Etablissement Public ETABLISSEMENT PUBLIC METROPOLE [Localité 5] COTE D’ AZUR
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Emmanuel BRANCALEONI
Me Jean-françois JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 03 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/05307.
APPELANT
Monsieur [R] [L]
né le 14 Avril 1952 à [Localité 4] (MAROC), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Emmanuel BRANCALEONI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
METROPOLE [Localité 5] COTE D’ AZUR pris en la personne de son Président en exercice, Monsieur [N] [G], et dûment habilité à cet effet
domicilié [Adresse 2]
représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JF JOURDAN – PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Lolita TEYSSIER, avocat au barreau de LYON du cabinet PETIT barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Par acte sous seing privé du 2 mai 2006, Mme [H] [K] aux droits de laquelle vient la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur, a donné à bail à M. [R] [L] des locaux situés [Adresse 3], à usage de tous commerces et de logement.
Le bail s’est poursuivi par tacite prolongation après le 1er mai 2015.
Par acte du 13 décembre 2017, la bailleresse a signifié au locataire un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction pour le 30 juin 2018.
Par acte du 25 juillet 2018, la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur a signifié au locataire un acte portant dénégation du statut des baux commerciaux en application de l’article L.145-8 du code de commerce, pour défaut d’exploitation effective du fonds de commerce au cours des trois années précédant la date pour laquelle le congé a été donné, défaut d’exploitation justifié par :
– le défaut d’inscription du locataire au RCS entre le 7 avril 2016 et le 23 juin 2017,
– le constat d’abandon des locaux et d’absence de commerce lors de la délivrance du congé du 13 décembre 2017,
– le constat effectué par Maître [C] [Y] le 17 avril 2018,
– le constat effectué par Maître [J] [B] le 29 juin 2018.
Par acte du 20 novembre 2018, M. [R] [L] a fait assigner la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins d’obtenir la condamnation de la bailleresse à lui payer, à titre d’indemnité d’éviction, la somme de 60000 euros représentant la valeur du fonds de commerce telle que ressortant d’un compromis de vente du fonds signé le 21 juillet 2017, augmentée de 11000 euros pour frais de déménagement et 5000 euros pour frais divers. Il sollicitait en outre une somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 3 février 2020, le tribunal judiciaire de Nice a :
– dit que la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur est bien fondée à dénier à M. [R] [L] le droit au statut des baux commerciaux,
– ordonné l’expulsion de M. [L] et de tous occupants de son chef avec si besoin est le concours de la force publique et l’aide d’un serrurier,
– condamné M. [L] à payer à la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer augmenté des charges à compter du 1er juillet 2018 jusqu’à son départ effectif,
– condamné M. [L] à payer à la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– condamné M. [L] aux dépens.
Le tribunal a retenu à cet effet :
– que la délivrance d’un congé avec offre d’indemnité d’éviction ne rend pas irrecevable une demande subséquente de dénégation du droit au statut,
– qu’en application de l’article L.145-8 du code de commerce, à défaut d’une exploitation effective par le preneur au cours des trois années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa prolongation, le bailleur peut dénier à son locataire le renouvellement de son bail en contestant l’application du statut,
– qu’il résulte des procès-verbaux de constat d’huissier des 15 octobre 2014, 17 avril 2018 et 29 juin 2018 produits par la bailleresse que M. [L] ne remplit pas les conditions d’exploitation de sorte que la bailleresse est fondée à lui dénier le droit au statut,
– qu’il échet de relever à titre superfétatoire que M. [L] a donné le local en sous-location par acte sous seing privé du 1er mai 2018 sans que la bailleresse ait été appelée à concourir à l’acte, ce qui constitue une infraction irréversible et un motif grave et légitime justifiant un refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction.
M. [R] [L] a interjeté appel de ce jugement le 14 février 2020.
Par conclusions déposées et notifiées le 19 mai 2020 il demande à la cour, vu l’article L.145-14 alinéa 1 du code de commerce de :
– déclarer l’appel recevable, le dire bien fondé, réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,
– dire et juger que M. [L] remplit les conditions pour bénéficier du droit à une indemnité d’éviction,
– dire et juger n’y avoir lieu à résiliation du bail régularisé le 5 mai 2006 à ses torts,
– condamner la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur à payer à M. [L] les sommes suivantes au titre de l’indemnité d’éviction :
– s’agissant de la valeur du fonds : 60000 euros,
– s’agissant du déménagement des installations : 11000 euros,
– s’agissant des frais divers : 5000 euros,
– condamner la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur à payer à M. [L] la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur aux entiers dépens outre au paiement d’une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et notifiées le 10 mars 2021, la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur demande à la cour de déclarer recevable mais non fondé l’appel interjeté par M. [L] et de :
– à titre principal,
– confirmer le jugement entrepris,
– réparer l’omission de statuer du tribunal judiciaire de Nice et condamner M. [L] à payer à la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur le coût des actes nécessaires à la sauvegarde de ses droits, à savoir le coût des deux constats d’huissier et le coût de l’acte de dénégation de statut,
– à titre subsidiaire,
– dire et juger que les éléments versés aux débats par M. [L] n’ont pas de valeur probante et sont insuffisants à justifier de la réclamation indemnitaire de M. [L],
– en conséquence, débouter M. [L] de sa demande en paiement d’une indemnité d’éviction comme non fondée,
– en tout état de cause,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [L] et en tous cas débouter M. [L] de cette demande comme non fondée,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– y ajoutant, débouter M. [L] de sa demande d’indemnité judiciaire formée en cause d’appel comme non fondée,
– condamner M. [L] à payer à la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur en cause d’appel la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Jourdan Wattecamps et associés sur son affirmation de droit en application de l’article 699 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée le 21 février 2023.
MOTIFS :
Ainsi que l’ont énoncé les premiers juges, la délivrance d’un congé avec offre d’une indemnité d’éviction ne prive pas le bailleur de la possibilité de rétracter, par un acte postérieur, cette offre d’indemnité d’éviction, en déniant au preneur le droit au bénéfice du renouvellement du bail, s’il apparaît que le preneur ne remplit pas les conditions objectives d’application du statut.
Cette rétractation peut être signifiée tant que le principe du droit à indemnité d’éviction n’a pas été définitivement consacré.
Aux termes de l’article L.145-8 du code de commerce, le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux.
Le fonds transformé, le cas échéant, dans les conditions prévues à la section VIII du présent chapitre, doit, sauf motifs légitimes, avoir fait l’objet d’une exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa prolongation telle qu’elle est prévue à l’article L. 145-9, cette dernière date étant soit la date pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.
Il résulte de ce texte qu’à défaut d’une exploitation effective et régulière, le bailleur peut dénier au locataire le droit à renouvellement du bail.
Le congé ayant été délivré pour le 30 juin 2018, la période à prendre en considération est celle du 30 juin 2015 au 30 juin 2018.
La bailleresse se prévaut :
– des constatations faites par l’huissier lors de la signification du congé le 13 décembre 2017 (un mercredi) : l’huissier note qu’à l’adresse des locaux il n’y a aucun commerce et que les lieux semblent à l’abandon.
– d’un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 17 avril 2018 (un mardi), duquel il ressort que le local est entièrement fermé par un rideau métallique partiellement rouillé, qu’au dessus de l’ouverture un store en tissu est présent, déchiré et recouvert de poussière, que le seuil et la devanture du local sont recouverts de déchets et de végétaux.
– d’un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 29 juin 2018 (un vendredi), décrivant les lieux dans les mêmes termes.
Elle fait également valoir que M. [L] a été radié du registre du commerce et des sociétés le 7 avril 2016 et n’a été réinscrit que 23 juin 2017, soit une interruption d’immatriculation de plus de 14 mois.
L’extrait Kbis au 12 décembre 2017 versé aux débats mentionne qu’il s’agit d’une création de fonds avec une activité de snack pizzéria débutée le 1er janvier 2017.
Il ressort par ailleurs d’un compromis de cession du fonds signé le 21 juillet 2017 par M. [L] au profit de M. [M] [X] qu’aux termes de cet acte, le vendeur déclarait sous l’article ‘chiffre d’affaires et résultats d’exploitation’ que s’étant réinscrit récemment au RCS de Nice, il n’était pas en mesure de fournir les éléments afférents à son activité.
Il est ainsi suffisamment établi que M. [L] ne peut justifier d’une exploitation effective, régulière et continue de son fonds durant les trois années ayant précédé la date d’effet du congé, de sorte que la bailleresse est fondée en sa dénégation du droit au renouvellement.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Il n’y a pas lieu de mettre à la charge du preneur, en l’absence de fondement précis, le coût des constats d’huissiers et de l’acte de dénégation, exposé par la bailleresse.
Partie succombante, M. [L] sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déboute la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur de sa demande relative au coût des deux constats d’huissier et de l’acte de dénégation de statut,
Condamne M. [R] [L] à payer à la Métropole [Localité 5] Côte d’Azur la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [L] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT