Indemnité d’éviction : 16 mars 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-26.012

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Indemnité d’éviction : 16 mars 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-26.012

16 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-26.012

CIV. 3

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2023

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 214 F-D

Pourvoi n° G 21-26.012

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023

M. [H] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-26.012 contre l’arrêt rendu le 26 novembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige l’opposant à la société Bruver Immo, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. [S], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société civile immobilière Bruver Immo, après débats en l’audience publique du 7 février 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2021), le 14 mars 2018, la société civile immobilière Bruver Immo (la bailleresse) a consenti à M. [S] deux baux en l’état futur d’achèvement afférents à des locaux situés dans un centre commercial, l’un pour un lot « B7 », l’autre pour un lot « Restaurant 2 ».

2. Le 26 mars 2019, la bailleresse a assigné M. [S] en résolution du bail portant sur le lot « Restaurant 2 » pour défaut de prise de possession et en paiement d’une indemnité contractuelle.

3. M. [S] a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à se défendre.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l’arrêt de déclarer la bailleresse recevable en son action, de prononcer la résolution du contrat de bail et de le condamner au paiement d’une certaine somme, alors « qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir ; qu’il était stipulé aux termes de la clause « Faculté de substitution du Preneur » insérée dans le bail commercial en l’état futur d’achèvement « Enseigne Madras » conclu le 14 mars 2018 entre la SCI Bruver Immo et M. [S] : « Le Preneur est informé de l’obligation qui lui est faite de s’immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés, et si nécessaire au Répertoire des Métiers, ainsi que des conséquences du défaut d’immatriculation : absence du bénéfice du statut des baux commerciaux, du droit au renouvellement du bail et du droit à l’indemnité d’éviction. En conséquence, le Preneur devra se substituer toute personne morale de son choix dans l’exécution des présentes, conformément à la clause de destination stipulée au présent bail. Cette faculté devra être mise en oeuvre au plus tard le jour de la prise d’effet convenue du bail, sans autre formalité que la demande expresse du Preneur accompagnée du Kbis et des statuts de la société substituante, ce que le Bailleur accepte expressément et irrévocablement. Bien que cette substitution soit analysée comme une cession, le Preneur ne demeurera donc pas dans cette hypothèse garant du loyer et des charges du substitué. Cette substitution emportera automatiquement au profit de la Société substituante reprise de l’intégralité des engagements contenus au Bail qui seront alors réputés avoir été effectués dès l’origine par cette dernière » ; qu’en énonçant, pour reconnaître à M. [S] la qualité de seul contractant du bail, « qu’une lettre-avenant au bail venant constater la substitution du preneur a été signée pour le bail « Coq and Cook », c’est-à-dire le lot « B 7 », le 24 juillet 2018 entre la SCI Bruver Immo et M. [S], au profit de la société à responsabilité limitée Madras Eden mais qu’aucune lettre semblable n’a été signée avec M. [S] pour le lot « Restaurant 2 » quand « la faculté de substitution » reconnue à M. [S] pouvait être mise en oeuvre par ce dernier « sans autre formalité que la demande expresse du preneur accompagnée de Kbis et des statuts de la société substituante » et n’était aucunement subordonnée à la signature d’un avenant, la cour d’appel a ajouté à la volonté des parties en violation de l’article 1103 du code civil, ensemble les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen

5. La bailleresse conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu’il est nouveau et mélangé de fait et droit.

6. Cependant, le moyen n’est pas nouveau dès lors que, dans ses conclusions d’appel, M. [S] soutenait qu’il avait été substitué par une personne morale en application de la clause de substitution et énonçait que, conformément à l’accord des parties, il avait transmis à la bailleresse l’extrait Kbis de la société Madras Eden.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 32 du code de procédure civile et 1103 du code civil :

8. Aux termes du premier de ces textes, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

9. Aux termes du second, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

10. Pour déclarer la bailleresse recevable en son action, l’arrêt retient qu’une lettre-avenant au bail venant constater la substitution de M. [S] a été signée pour le bail afférent au lot « B7 » entre celui-ci et la bailleresse au profit de la société Madras Eden mais qu’aucune lettre semblable n’a été signée avec M. [S] pour le lot « Restaurant 2 », de sorte qu’il demeure le seul contractant de ce bail.

11. En statuant ainsi, alors que la clause de substitution rétroactive au profit d’une personne morale stipulée au bail pouvait être mise en oeuvre sans autre formalité que la demande expresse de M. [S] accompagnée du Kbis et des statuts de la société substituante, la cour d’appel, qui a ajouté une condition non prévue par le contrat, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 novembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière Bruver Immo aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Bruver Immo et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-trois.

 


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