Indemnité d’éviction : 16 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02556

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Indemnité d’éviction : 16 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02556
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16 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/02556

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IF

13e chambre

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 16 MAI 2023

N° RG 22/02556

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEAN

AFFAIRE :

S.A.S.U. SEPHORA

C/

[J] [B]

….

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mars 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2021L03489

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Michèle DE KERCKHOVE

Me Martine DUPUIS

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S.U. SEPHORA

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, Représentant : Me Rémy CONSEIL de la SELARL BARBIER ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [J] [B]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Défaillant

S.C.P. B.T.S.G. prise en la personne de Me [Y] [F], ès qualités de liquidateur de la société LE CARREAU DE NEUILLY

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES,

Représentant : Me Patricia LE MARCHAND et Me Florian DE COULON DE LABROUSSE, Plaidants, avocats au barreau de PARIS

S.A.R.L. LE CARREAU DE NEUILLY

[Adresse 1]

[Localité 5]

Défaillante

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame Delphine BONNET, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN

Aux termes d’un acte sous seing privé en date du 12 juillet 2007, la SCI Neuilly Hôtel de Ville a donné à bail à la SARL Le Carreau de Neuilly une partie des locaux à usage commercial dépendant de l’immeuble situé [Adresse 1] (bail n°2).

Par acte sous seing privé en date du même jour, la société Le Carreau de Neuilly a donné les locaux loués aux termes du bail précité, en sous-location à la société Sephora, la société Neuilly Hôtel de Ville étant intervenue à l’acte.

Par acte d’huissier du 16 décembre 2016, la société Le Carreau de Neuilly a notifié à la société Neuilly Hôtel de Ville une demande de renouvellement du bail n°2 à effet au 1er janvier 2017.

Par acte d’huissier du 13 mars 2017, la société Neuilly Hôtel de Ville a notifié à la société Le Carreau de Neuilly son refus de renouveler le bail n°2 avec dénégation du droit au statut des baux commerciaux.

Par lettre recommandée du 27 mars 2017, la société Neuilly Hôtel de Ville a adressé à la société Sephora une copie du congé avec refus de renouvellement du 13 mars 2017.

Par acte du 10 avril 2017, la société Sephora a notifié à la société Neuilly Hôtel de Ville une demande directe de renouvellement du bail n°2.

Par acte du 7 juillet 2017, la société Neuilly Hôtel de Ville a refusé le renouvellement sollicité en offrant de payer à la société Sephora une indemnité d’éviction.

Par acte du 17 avril 2018, la société Sephora a assigné les sociétés Neuilly Hôtel de Ville et Le Carreau de Neuilly devant le tribunal de grande instance de Nanterre en paiement d’une indemnité d’éviction.

Par acte du 17 mai 2018, la société Le Carreau de Neuilly a assigné les sociétés Neuilly Hôtel de Ville et Sephora devant la même juridiction aux fins de juger que le bail du 12 juillet 2007 est soumis au statut des baux commerciaux, qu’il s’est renouvelé le 1er janvier 2017, et obtenir la condamnation de la société Sephora à lui payer les sous-loyers.

Ces deux instances ont été jointes et sont actuellement poursuivies devant le tribunal judiciaire de Nanterre sous le numéro RG 18/03856.

Par jugement du 5 août 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Le Carreau de Neuilly et désigné la Selarl El Baze [V], mission conduite par maître [V], en qualité d’administrateur et la SCP BTSG, mission conduite par maître [F], en qualité de mandataire judiciaire.

Puis, par jugement du 5 mai 2021, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Le Carreau de Neuilly, mis fin à la mission de l’administrateur judiciaire et nommé la société BTSG, prise en la personne de maître [F], en qualité de liquidateur.

Par ordonnance du 2 août 2021, le juge-commissaire, saisi par requête du liquidateur judiciaire reçue au greffe le 19 mai 2021, a, sans préjudice de l’exercice par la société Sephora de son droit direct au renouvellement de son bail à l’égard de la société Neuilly Hôtel de Ville, prononcé la résiliation du sous-bail liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Sephora, à effet du 19 mai 2021, décision à l’encontre de laquelle la société Sephora a formé un recours.

Par jugement réputé contradictoire du 31 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

– dit la société Sephora recevable dans sa demande d’opposition ;

– débouté la société Sephora de toutes ses demandes ;

– confirmé l’ordonnance du juge-commissaire du 2 août 2021 en toutes ses dispositions ;

– condamné la société Sephora à payer à la société BTSG , ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Sephora aux entiers dépens.

Par déclaration du 8 avril 2022, la société Sephora a interjeté appel de ce jugement. La déclaration d’appel a été signifiée le 16 juin 2022, selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, à M. [B], en qualité de représentant légal de la société le Carreau de Neuilly, qui n’a pas constitué avocat.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 juillet 2022, puis signifiées le 26 juillet 2022 à M. [B] en qualité de représentant légal de la société le Carreau de Neuilly, selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, la société Sephora demande à la cour de :

– la déclarer recevable en son appel ;

– confirmer le jugement en ce qu’il l’a dit recevable ;

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes, en ce qu’il a confirmé l’ordonnance du juge-commissaire du 2 août 2021 et en ce qu’il l’a condamnée à 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

statuant à nouveau,

in limine litis, se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nanterre déjà saisi ou se dessaisir et renvoyer l’affaire devant ledit tribunal judiciaire de Nanterre ;

subsidiairement, surseoir à statuer dans l’attente de la décision du tribunal judiciaire de Nanterre déjà saisi (RG n°18/03856) ;

très subsidiairement,

– constater que le sous-bail entre la société Le Carreau de Neuilly et elle-même n’existe plus du fait de la résiliation du bail de la société Le Carreau de Neuilly et de l’exercice du droit direct de la société Sephora ;

– déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt et de qualité à agir la société BTSG, ès qualités, concernant sa demande en résiliation du sous-bail devenu bail principal avec la société Neuilly Hôtel de Ville, portant sur les locaux situés [Adresse 1] ;

infiniment subsidiairement, constater que le sous-bail entre la société Le Carreau de Neuilly et elle-même n’existe plus par l’exercice du droit direct et débouter la société BTSG, ès qualités, de sa demande en résiliation du sous-bail devenu bail principal avec la société Neuilly Hôtel de Ville, portant sur les locaux situés [Adresse 1] ;

en tout état de cause,

– débouter la société BTSG, ès qualités, de toutes ses demandes ;

– condamner la société BTSG, ès qualités, à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens.

La société BTSG, ès qualités, dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 octobre 2022, puis signifiées le 18 octobre 2022 à M. [B] en qualité de représentant légal de la société le Carreau de Neuilly, demande à la cour de :

in limine litis,

– débouter la société Sephora de son exception d’incompétence ;

– débouter la société Sephora de son exception de connexité ;

– débouter la société Sephora de sa demande de sursis à statuer ;

sur le fond,

– la déclarer recevable en sa requête aux fins de résiliation du contrat de sous-location liant la société le Carreau de Neuilly à la société Sephora ;

– débouter la société Sephora de l’ensemble de ses prétentions ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté la société Sephora de toutes ses demandes ;

* confirmé l’ordonnance du juge-commissaire du 2 août 2021 en toutes ses dispositions ;

* condamné la société Sephora à payer à la société BTSG , ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société Sephora aux entiers dépens ;

– condamner la société Sephora aux entiers dépens de l’appel ;

– condamner cette dernière à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens engagés en cause d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2023.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer l’appel de la société Sephora recevable.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que la cour, aux termes de la déclaration d’appel, n’est pas saisie du chef du jugement ayant déclaré la société Sephora recevable en son opposition.

* sur la compétence du juge-commissaire et la connexité

La société Sephora, au visa de l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, prétend que la cour d’appel doit se déclarer incompétente au profit du tribunal judiciaire de Nanterre déjà saisi d’une action relative au bail commercial (RG n° 18/03856), précisant que le tribunal doit trancher des questions relatives au renouvellement ou au refus de renouvellement des baux liant la société Carreau de Neuilly à la société Neuilly Hôtel de Ville. Elle soutient que le bail de la société Carreau de Neuilly a pris fin par la délivrance du congé/dénégation du statut que lui a délivré la société Neuilly Hôtel de Ville et que par l’exercice de son droit direct en date du 10 avril 2017, le sous-bail entre elle et la société Le Carreau de Neuilly s’est nové de plein droit en bail principal entre elle et la société Neuilly Hôtel de Ville, en application de l’article L.145-32 du code de commerce. Elle estime qu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice et ce afin d’éviter des contradictions de décisions que ces questions soient instruites et jugées par une seule et même juridiction, le tribunal judiciaire de Nanterre déjà saisi. Elle considère que la présente procédure est totalement imbriquée dans celle pendante devant le tribunal judiciaire et que les deux doivent être jointes en sorte que la cour doit se déclarer incompétente et renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire déjà saisi.

La SCP BTSG ès qualités répond que le juge-commissaire est seul compétent pour statuer sur sa requête aux fins de résiliation du sous-bail n°2, conformément à l’article L. 641-11-1 IV du code de commerce qui donne compétence au seul juge-commissaire pour prononcer la résiliation d’un contrat lorsque l’obligation du débiteur ne porte pas sur une somme d’argent.

Le liquidateur soutient par ailleurs qu’il n’y a aucune connexité entre la présente affaire et celle pendante sous le numéro de RG 18/03856 devant le tribunal judiciaire de Nanterre, qui est appelé à se prononcer sur le renouvellement ou non du bail n°2 au bénéfice de la société Le Carreau de Neuilly à compter du 1er janvier 2017, et sur le montant que la société Sephora pourrait percevoir à titre d’indemnité d’éviction alors qu’il est demandé à la cour de céans, statuant sur le recours contre le jugement du tribunal de commerce de Nanterre lui-même saisi du recours contre l’ordonnance du juge-commissaire, de prononcer la résiliation du Sous-Bail n°2 en raison de l’impossibilité pour la société Le Carreau de Neuilly d’assumer son obligation de mise à disposition des locaux. Il ajoute qu’en tout état de cause, tout dessaisissement de la cour est impossible car elle demeure seule compétente pour statuer sur sa requête aux fins de résiliation du sous-bail n°2, conformément à l’article L. 641-11-1 IV du code de commerce.

– sur la compétence du juge-commissaire

L’article L. 641-11-1 du code de commerce dispose en son paragraphe IV qu’à la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent, la résiliation [d’un contrat en cours]  est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

L’article R.211-4 du code de l’organisation judiciaire donne compétence à certains tribunaux judiciaires pour connaître des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce.

Le premier de ces textes confère au juge-commissaire compétence pour prononcer la résiliation d’un contrat en cours et notamment d’un bail portant sur des locaux donnés par un bailleur atteint par une procédure de liquidation judiciaire.

En l’espèce, la SCP BTSG ès qualités, par requête du 19 mai 2021, a saisi le juge-commissaire désigné dans la procédure collective de la société Le Carreau de Neuilly aux fins d’autoriser la résiliation du contrat de sous-location conclu le 12 juillet 2007 au bénéfice de la société Sephora.

Il relève bien de la compétence du juge-commissaire de prononcer la résiliation du sous-bail liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Sephora, en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective ; la question de la survie de ce contrat en conséquence du refus du renouvellement du bail principal n° 2 notifié par la société Neuilly Hôtel de Ville à la société Le Carreau de Neuilly avec dénégation du droit au statut des baux commerciaux est indépendante de celle de la compétence du juge-commissaire pour statuer sur la requête présentée par le liquidateur judiciaire aux fins de résiliation du contrat de sous-location liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Sephora.

C’est donc à juste titre que le tribunal a débouté la société Sephora de son exception d’incompétence.

– sur la connexité

L’article 101 du code de procédure civile prévoit que s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction.

L’article 102 du même code précise que lorsque les juridictions saisies ne sont pas du même degré, l’exception de connexité ne peut être soulevée que devant la juridiction du degré inférieur.

Si la demande de dessaisissement pour connexité au profit du tribunal judiciaire de Nanterre a bien été présentée par la société Sephora devant le premier juge, celle-ci ne peut demander à la cour de se dessaisir au profit de la juridiction de premier degré. Cette demande ne peut donc être accueillie et le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

* sur la demande de sursis à statuer

La société appelante rappelle que la procédure actuellement en cours devant le tribunal judiciaire de Nanterre (RG N°18/03856) doit trancher des questions relatives au renouvellement ou au refus de renouvellement des baux liant les sociétés Carreau de Neuilly et Neuilly Hôtel de Ville et considère que les suites à donner à la requête du liquidateur judiciaire aux fins de résiliation dépendent de la décision à intervenir. Elle estime que les deux procédures ne peuvent être traitées séparément en sorte qu’il y a lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Nanterre.

Le liquidateur répond que les demandes soutenues devant le tribunal judiciaire de Nanterre et devant la cour sont parfaitement indépendantes les unes des autres et procèdent de fondements juridiques différents. Il précise que le tribunal judiciaire devra décider si le bail n°2 a été renouvelé ou non à compter du 1er janvier 2017 et quel est le montant de l’indemnité d’éviction qui pourrait être allouée à la société Sephora tandis que la cour doit se prononcer sur sa requête aux fins de résiliation du sous-bail n°2, conformément à l’article L. 641-11-1 §IV du code de commerce, compte tenu de l’impossibilité pour la société le Carreau de Neuilly d’assumer son obligation de mise à disposition des locaux. Il considère donc que quelle que soit la décision qui sera prise in fine dans la procédure actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Nanterre, celle-ci n’aura pas d’incidence sur la décision de la cour de céans, puisque dans tous les cas, renouvellement ou non-renouvellement du bail n°2 à compter du 1er janvier 2017, la société Le Carreau de Neuilly n’est plus en mesure d’assumer sa prestation de mise à disposition des locaux dès lors que le bail n°2 a été résilié. Il estime donc nécessaire de statuer sur sa demande de résiliation du sous-bail n°2 sans attendre l’issue du litige dont est saisi le tribunal judiciaire de Nanterre.

En dehors des cas où le sursis est imposé par le législateur, le juge dispose du pouvoir d’apprécier discrétionnairement les conditions et l’opportunité de l’ordonner pour une bonne administration de la justice.

En l’espèce, l’action actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Nanterre (RG N°18/03856) porte sur le renouvellement ou non à compter du 1er janvier 2017 du bail liant la société Neuilly Hôtel de Ville à la société Le Carreau de Neuilly et sur le paiement d’une indemnité d’éviction qui pourrait être allouée à la société Sephora, étant observé que celle-ci a uniquement versé aux débats son assignation délivrée le 17 avril 2018 aux sociétés Neuilly Hôtel de Ville et Le Carreau de Neuilly en paiement d’une indemnité d’éviction, l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre et l’arrêt rendu par la présente cour saisie de l’appel de cette ordonnance, mais n’a pas produit ses conclusions au fond devant le tribunal judiciaire.

La présente cour est appelée à examiner la requête aux fins de résiliation du sous-bail n°2 liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Sephora.

S’il existe incontestablement un lien entre ces deux instances, il n’apparaît pas être d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive à intervenir sur la question du renouvellement ou non du bail principal liant la société Neuilly Hôtel de Ville à la société Le Carreau de Neuilly (bail n°2) dès lors que par arrêt du 13 septembre 2022 la présente cour a dit que le bail n°2 s’est trouvé résilié au 6 novembre 2020.

La cour confirme donc le jugement en ce que la demande de sursis à statuer présentée par la société Sephora a été rejetée.

* sur la recevabilité de la demande du liquidateur

La société Sephora soutient en premier lieu que la requête du liquidateur aux fins de résiliation du sous-bail n°2 trouvait son fondement dans la lettre de résiliation du bail principal notifiée par le liquidateur à la SCI Neuilly Hôtel de Ville en date du 17 mai 2021 et que dès lors que par jugement du 25 juin 2021 le tribunal de commerce a écarté cette résiliation unilatérale du liquidateur et prononcé une résiliation judiciaire du bail principal, le liquidateur est irrecevable en sa requête.

En second lieu, elle prétend que par suite de l’exercice de son droit direct en date du 10 avril 2017, le sous-bail n’existe plus et il s’est créé de plein droit un nouveau bail principal entre elle et la société Neuilly Hôtel de Ville en application de l’article L. 145-32 du code de commerce en sorte que le liquidateur n’a plus ni intérêt ni qualité de bailleur à agir pour résilier le nouveau bail qu’elle a désormais en direct avec le propriétaire.

Elle précise que suite à la résiliation du bail principal par le liquidateur, par acte extrajudiciaire du 8 juin 2021, elle a exercé à nouveau, subsidiairement et en tant que de besoin, son droit direct

auprès de la société Neuilly Hôtel de Ville, droit d’option qui ne peut pas être remis en question. Elle ajoute également que par la résiliation judiciaire du bail principal découlant du récent jugement du tribunal de commerce du 25 juin 2021, elle a acquis un droit direct lui permettant de demander le renouvellement de son sous-bail, devenu bail principal, directement auprès du propriétaire, la société Neuilly Hôtel de Ville, droit qu’elle a à nouveau exercé, subsidiairement et en tant que de besoin, le 6 juillet 2021 et qui ne peut pas non plus être remis en question.

La SCP BTSG ès qualités répond que ce qui fonde sa requête aux fins de résiliation, c’est l’impossibilité pour la société Le Carreau de Neuilly d’exécuter son obligation de mise à disposition des locaux, peu important que la résiliation soit constatée au 6 novembre 2020 ou au 17 mai 2021.

Elle prétend par ailleurs que la société Le Carreau de Neuilly et elle-même soutiennent devant le tribunal judiciaire de Nanterre que le bail n°2 a été renouvelé au bénéfice de la société Le Carreau de Neuilly à compter du 1er janvier 2017, en conséquence de quoi la société Sephora n’avait au 10 avril 2017 aucun droit direct à exercer auprès du bailleur principal, la SCI Neuilly Hôtel de Ville. Elle considère que tant qu’il n’a pas été statué sur la demande de renouvellement du bail n°2 à compter du 1er janvier 2017 et sur le droit direct exercé par la société Sephora en date du 17 avril 2017, cette dernière ne peut soutenir qu’un nouveau bail principal serait intervenu entre elle et la SCI Neuilly Hôtel de Ville, ni que le liquidateur ne serait plus son bailleur.

Dès lors que le contrat de sous-location liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Sephora était en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective, et n’a pas été résilié amiablement ou

judiciairement, le liquidateur de la sous-bailleresse a bien intérêt et qualité pour demander la résiliation de ce contrat de sous-location au juge-commissaire, peu important le fondement invoqué dans la requête et indépendamment de la question du renouvellement ou non du bail principal ou du droit direct exercé par la société Sephora auprès de la société Neuilly Hôtel de Ville, le fait d’avoir perdu la jouissance des locaux sous-loués en étant d’ailleurs le motif. La fin de non-recevoir soulevée par la société Sephora ne peut par conséquent être accueillie. Il convient, ajoutant au jugement, de déclarer la SCP BTSG ès qualités recevable en sa requête aux fins de résiliation du contrat de sous-location liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Sephora.

* sur le fond

La société Sephora soutient que le sous-bail n’existant plus, le liquidateur n’a plus la qualité de bailleur à son égard et ne peut pas résilier son nouveau bail la liant à la société Neuilly Hôtel de Ville, rappelant que suite à la résiliation du bail principal par le liquidateur, elle a exercé à nouveau et en tant que de besoin son droit direct auprès de la société Neuilly Hôtel de Ville.

Elle fait valoir par ailleurs, que la demande de résiliation du bail ne respecte pas les conditions de l’article L. 641-11-1IV du code de commerce, d’une part parce qu’elle n’est pas nécessaire aux opérations de liquidation mais qu’au contraire c’est la poursuite de son bail qui l’est puisqu’elle a continué à payer les loyers et d’autre part, parce qu’elle porte une atteinte excessive à ses intérêts puisqu’elle perdrait son fonds de commerce avec la mise au chômage de plusieurs dizaines de salariés.

Le liquidateur répond que dès lors que le bail n°2 est résilié, la société Le Carreau de Neuilly n’a plus la jouissance des locaux et ne peut donc plus les mettre à disposition de la société Sephora. Il soutient que cette résiliation n’est donc pas seulement nécessaire aux opérations de liquidation mais est indispensable. Il souligne que la société Sephora ne manque pas d’audace à soutenir que la résiliation du sous-bail n°2 porterait une atteinte excessive à ses intérêts alors qu’elle ne paie plus ses loyers à la société Le Carreau de Neuilly, ce qui est directement à l’origine de la conversion de sa procédure de sauvegarde en liquidation judiciaire. Il relève qu’au demeurant le juge-commissaire a prononcé cette résiliation ‘sans préjudice de l’exercice par la société Sephora de son droit direct au renouvellement de son bail à l’égard de la société Neuilly Hôtel de Ville’.

Dès lors que le bail principal n°2 se trouve résilié, et ce à effet au 6 novembre 2020 comme l’a jugé la présente cour dans son arrêt du 13 septembre 2022, le liquidateur est fondé à mettre fin à la relation contractuelle découlant du contrat de sous-location conclu entre la société en liquidation judiciaire et la société Sephora puisque la sous-bailleresse ne peut plus respecter son obligation principale de mettre à disposition les locaux objet du sous-bail. Cette résiliation est nécessaire aux opérations de liquidation judiciaire dans la mesure où il importe d’éviter que le sous-preneur ne poursuive l’exécution forcée du contrat de sous-location. Ce dernier ne peut invoquer une atteinte excessive à ses intérêts, celui-ci ayant d’une part assigné la société Le Carreau de Neuilly et son liquidateur devant le tribunal judiciaire en paiement d’une indemnité d’éviction et recherchant également à faire reconnaître son droit direct au renouvellement de son bail à l’égard de la société Neuilly Hôtel de Ville.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a confirmé l’ordonnance en toutes ses dispositions conformément à la demande du liquidateur.

Le jugement doit encore être confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par défaut, dans les limites de sa saisine

Déclare l’appel de la société Sephora recevable ;

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Déclare la SCP BTSG recevable en sa requête aux fins de résiliation du contrat de sous-location liant la société Le Carreau de Neuilly à la société Sephora ;

Condamne la société Sephora aux dépens de la procédure d’appel ;

Condamne la société Sephora à payer à la société BTSG, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,

 


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