Indemnité d’éviction : 16 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/02366

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Indemnité d’éviction : 16 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/02366

16 juin 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG
20/02366

N° RG 20/02366 – N° Portalis DBVM-V-B7E-

KP4C

C1

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Thierry DURAFFOURD

la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN THIBAULT LORIN – AVOCATS ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2022

Appel d’un jugement (N° RG 16/05993)

rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE

en date du 15 juin 2020

suivant déclaration d’appel du 28 juillet 2020

APPELANTS :

M. [L] [C]

né le 01 Avril 1945 à GRENOBLE (38000)

de nationalité Française

11 avenue de la Monta

38120 SAINT EGREVE

Mme [E] [C] épouse [K]

née le 22 Septembre 1939 à

de nationalité Française

11 bis avenue de la Monta

38120 SAINT EGREVE

M. [T] [K]

Marié sous le régime de la communauté universelle avec Madame [E] [C],

né le 24 Juillet 1938 à LA TRONCHE (38700)

de nationalité Française

11 bis avenue de la Monta

38120 SAINT EGREVE

M. [N] [K] Héritier de Monsieur [O] [C]

né le 30 Avril 1968 à GRENOBLE (38000)

de nationalité Française

142 rue Houdan

92330 SCEAUX

M. [S] [K]

En sa qualité d’héritier de Monsieur [O] [C]

né le 08 Avril 1973 à GRENOBLE (38000)

de nationalité Française

428 route de Montluzin

69380 CHASSELAY

S.C.I. LES JONCS

Société Civile Immobilière, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège ;

17 rue du Lac

38120 ST EGREVE

représentés et plaidant par Me Thierry DURAFFOURD, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉES :

S.A.R.L. ECO-TERRES

Anciennement dénommée PERROT TM, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de GRENOBLE sous le n°811 027 184,

17 rue du Lac

38120 SAINT EGREVE

représentée et plaidant par Me Michel BENICHOU de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN THIBAULT LORIN – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

S.A.S. KP1,

Société par actions simplifiée au capital de 24.583.860 €, immatriculée au RCS d’Avignon sous le N°976 320 309, représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,

135 Avenue Pierre Sémard

84000 AVIGNON

représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Anne-Laure ISTRIA de la SELARL 41 FOCH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

Société [C]

17 rue du Lac

38120 SAINT EGREVE

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Président,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 26 janvier 2022

Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré,

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant deux actes sous seing privé du 1er décembre 1998, la société KP1 a pris à bail deux tènements industriels pour une activité de fabrication, commercialisation et négoce de matériaux de construction :

– un terrain situé à Saint Egrève, lieu-dit les Iles, d’une superficie de 3850 m² sur lequel est édifié un bâtiment de 420 m², appartenant à la Sci Les Joncs,

– un terrain de 20.000 m² dépendant d’une parcelle de 32900 m² située à Saint Egrève, 17 rue du lac et 4 rue du port, comportant cinq bâtiments de 2090 m², 840 m², 368 m², 120 m² et 187 m², ainsi que des locaux à usage de bureaux dépendant d’un autre bâtiment, le tout appartenant à  » l’indivision [C] « .

Le 11 avril 2008, la Sci Les Joncs a renouvelé le bail consenti à la société KP1 pour une durée de neuf années à compter du 1er décembre 2007 venant à expiration le 30 novembre 2016, moyennant un loyer annuel de 22.180 euros ht.

Le même jour, «l’indivision [C]» a renouvelé le bail consenti à la société KP1 sous les mêmes conditions de durée, moyennant un loyer annuel de 77.160 euros ht.

Par courriers du 5 mars 2015, la locataire a sollicité de ses bailleresses l’autorisation de sous-louer les lieux à la Sas Perrot TM, ce qu’elles ont expressément accepté par lettre du 21 mai suivant.

Par actes d’huissier du 13 mars 2015, la société KP1 a fait signifier à la Sci Les Joncs et à «l’indivision [C]» son congé pour le terme des baux le 30 novembre 2016.

Le 21 mai 2015, a été signé entre la société KP1, la Sci Les Joncs, la société Perrot TM et « l’indivision [C]» un protocole d’accord relatif à la répartition des travaux de remise en état des lieux.

Parallèlement, les sociétés KP1 et Perrot TM ont régularisé un bail de sous-location d’une durée de dix-huit mois à compter du 1er juin 2015, sur une partie des tènements immobiliers.

Par courriers des 24 août et 6 septembre 2016, les bailleresses ont sollicité de la société KP1 la restitution des lieux libérés de tous matériaux et matériels au 30 novembre 2016, avant de lui confirmer qu’elles n’envisageaient pas de consentir un bail commercial à la société Perrot TM.

Par actes d’huissier du 24 novembre 2016, la société Perrot TM a fait signifier à la Sci Les Joncs et à «l’indivision [C]» une demande de renouvellement de bail commercial que les bailleresses ont chacune refusé par actes extra-judiciaire du 28 novembre suivant.

Le 30 novembre 2016, la société Perrot TM s’est opposée à l’établissement de l’état des lieux qu’elle a refusé de restituer et dans lesquels elle s’est maintenue.

Se prévalant du bénéfice d’une promesse verbale, la société Perrot TM a fait assigner la Sci Les Joncs et « l’indivision [C]» devant le tribunal de grande instance de Grenoble par acte d’huissier du 1er décembre 2016, aux fins de se voir reconnaître l’existence d’un bail commercial à compter du 1er décembre 2016 et subsidiairement chiffrer une indemnité d’éviction.

Par acte d’huissier du 18 avril 2017, la société KP1 a été appelée dans la cause.

Par jugement du 15 juin 2020, rectifié par jugement du 20 juillet suivant, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

– débouté la Sas KP1 de sa demande de nullité de l’assignation délivrée au nom de «l’indivision [C]» le 19 avril 2017 à son encontre ;

– débouté la société Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM de sa demande de nullité du congé délivré le 13 mars 2015 à l’indivision [C] par la société KP1;

– débouté la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM de sa demande de requalification du bail précaire de sous location en bail commercial ;

– débouté la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM de sa demande de promesse de bail ;

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à payer à la Sci Les Joncs la somme de 166.066 euros au titre de l’indemnité d’occupation couvrant la période de décembre 2016 à juin 2020 inclus ;

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à payer à la société Les Joncs une indemnité d’occupation de 3.862 euros par mois à compter du 1er juillet 2020 et ce jusqu’à la libération effective des locaux;

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K] et [T] [K] et de Mme [E] [C] épouse [K], la somme de 577.791 euros au titre de l’indemnité d’occupation couvrant la période de décembre 2016 à juin 2020 inclus ;

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K] et [T] [K] et de Mme [E] [C] épouse [K] une indemnité d’occupation de 13.437 euros par mois à compter du 1er juillet 2020 et ce jusqu’à la libération effective des locaux ;

– condamné in solidum la Sas KP1 et la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à remettre les lieux dans l’état dans lesquels ils ont été pris à bail ;

– ordonné l’expulsion de la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM et de tous les occupants de son chef ;

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à payer à la Sci Les Joncs, MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K] et [T] [K] et de Mme [E] [C] épouse [K] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM aux dépens;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclarations au greffe du 28 juillet 2020, la Sci Les Joncs et les consorts [C] / [K] ont relevé appel partiel de cette décision en ce qu’elle les a débouté de leurs demandes d’expulsion et de condamnation de la société KP1 in solidum avec la société Eco-Terres au paiement d’une indemnité d’occupation, de fixation d’une astreinte définitive assortissant la condamnation à la remise en état des lieux ou à défaut d’autorisation des bailleurs à faire procéder eux-mêmes aux travaux aux frais avancés par les sociétés Eco-Terres et KP1.

Selon déclaration au greffe du 6 août 2020, la société Eco-Terres a également relevé appel du jugement et les deux instances ont été jointes par décision du 14 octobre 2021.

Le 23 septembre 2020, il a été procédé à l’expulsion de la société Eco-Terres.

Prétentions et moyens de la Sci Les Joncs et des consorts [C]/[K] :

Au terme de leurs dernières écritures notifiées le 22 juillet 2021, la Sci Les Joncs et les consorts [C]/[K] demandent à la cour de :

– dire l’appel recevable et bien fondé ;

– dire mal fondés les appels incidents des sociétés Eco-Terres et KP1,

– confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes de condamnation in solidum de la société KP1 au paiement d’une indemnité d’occupation, d’expulsion de la société KP1 et de fixation d’une astreinte assortissant la condamnation à la remise en état des lieux ;

– y ajoutant ;

– ordonner l’expulsion de la société KP1, ainsi que celle de tous occupants de son chef et notamment de la société Eco-Terres des locaux et terrains situés à Saint Egrève 17 rue du lac et 4 rue du port dont sont propriétaires la Sci Les Joncs et les membres de «l’indivision [C]» ;

– condamner la société KP1 in solidum avec la société Eco-Terres à payer à la Sci Les Joncs la somme de 166.066 euros au titre de l’indemnité d’occupation couvrant la période d’occupation de décembre 2016 à juin 2020 inclus ;

– condamner la société KP1 in solidum avec la société Eco-Terres à payer à la Sci Les Joncs une indemnité d’occupation de 3.862 euros par mois à compter du 1er juillet 2020 et jusqu’à la libération effective des locaux et leur remise en état ;

– condamner in solidum la société KP1 et la société Eco-Terres à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K] et Mme [E] et [T] [K], pris solidairement, la somme de 577.791 euros au titre de l’indemnité d’occupation couvrant la période d’occupation de décembre 2016 à juin 2020 inclus ;

– condamner in solidum la société KP1 et la société Eco-Terres à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K] et Mme [E] et [T] [K], pris solidairement, une indemnité d’occupation de 13.437 euros par mois à compter du 1er juillet 2020 et jusqu’à la libération effective des lieux et leur remise en état ;

– assortir la condamnation à remettre les lieux en état d’une astreinte définitive de 1000 euros par jour à compter de la décision à intervenir ;

– dire qu’à défaut par les sociétés KP1 et Eco-Terres de s’exécuter suivant mise en demeure restée infructueuse pendant un mois, les membres de l’indivision [C] et la Sci Les Joncs seront bien fondés à procéder aux travaux aux frais avancés des sociétés KP1 et Eco-Terres ;

– débouter les sociétés Eco-Terres et KP1 de l’intégralité de leurs demandes ;

– à titre subsidiaire, et pour le cas où la cour jugerait que la société Eco-Terres est titulaire d’un bail commercial, en prononcer la résiliation aux torts exclusifs des sociétés Eco-Terres et KP1 et les condamner solidairement au paiement d’un loyer mensuel de 2575 euros ttc à la Sci Les Joncs et de 8958 euros ttc aux membres de l’indivision [C] pour la période courue du 30 novembre 2016 jusqu’à la décision à intervenir outre remboursement aux bailleurs des taxes et impôts fonciers afférents au tènement,

– à titre subsidiaire,

– dire et juger que la remise en état des locaux devra être effectuée conformément aux dispositions de l’accord du 21 mai 2015,

– condamner les sociétés KP1 et Eco-Terres à effectuer l’ensemble des travaux mis à la charge de la société KP1 par ce protocole ainsi que toutes les réparations nécessaires à remédier aux désordres survenus postérieurement au 21 mai 2015, de façon à ce que les bâtiments soient en parfait état d’entretien et de propreté et le tènement débarrassé de tout déchet inerte,

– condamner les sociétés KP1 et Eco-Terres aux entiers dépens ainsi qu’à payer à la Sci Les Joncs et à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K] et Mme [E] et M. [T] [K] pris solidairement une somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants contestent avoir consenti une promesse de bail commercial à la société Perrot TM Eco-Terres et considèrent que, conformément aux dispositions de l’article 1715 du code civil, en l’absence d’exécution du bail fait sans écrit la preuve par témoins n’en est pas recevable, ces règles de preuve n’étant pas contraires à celles de l’article 145-2 du code de commerce.

Ils font valoir que :

– les attestations de salariés de la société KP1 sont de pure complaisance,

– ils n’ont autorisé qu’un bail de sous-location, ce dernier devant prendre fin le 30 novembre 2016, sans possibilité de reconduction, mais ont refusé de concourir à l’acte,

– l’existence d’une sous-location et le maintien dans les lieux contre la volonté de leurs propriétaires ne constituent pas des commencements d’exécution du bail allégué,

– les travaux exécutés par la société Perrot TM Eco-Terres sont des travaux de démolition et de remise en état prévus suivant protocole d’accord dans la perspective de la restitution des lieux en fin de bail et non des travaux d’embellissement ou de rénovation, ni des investissements,

– leur coût réel est de l’ordre de 100.000 euros.

Ils rappellent que la société Eco-Terres bénéficiait d’un bail de sous-location dont le terme était identique à celui du bail principal, qui lui a été consenti par le locataire et non les propriétaires.

Ils estiment qu’elle ne peut revendiquer la titularité d’un bail dérogatoire, ni le bénéfice des dispositions de l’article L.145-5 du code de commerce au titre de son maintien dans les lieux, les propriétaires ayant exprimé leur intention d’en obtenir la restitution.

A titre subsidiaire, ils revendiquent la résiliation du bail aux torts de la société Eco-Terres aux motifs qu’elle ne respecte pas la destination des lieux, n’en use pas en bon père de famille et que les sommes versées ne correspondent pas au montant de loyers.

Ils rappellent que n’ayant pu reprendre possession des lieux, ils subissent un préjudice par l’immobilisation de leurs biens occupés sans droit, ni titre, et qu’ils n’ont pu ni utiliser, ni relouer.

Ils soutiennent que les clefs du tènement immobilier n’ont jamais été restituées, que la société Eco-Terres a été introduite dans les lieux par la société KP1, locataire en titre, qui n’a pas rempli son obligation contractuelle de restitution des lieux, que la sous-location n’a entraîné aucune novation par changement de débiteur et que les baux stipulaient que le locataire principal resterait solidairement tenu avec le sous-locataire du respect de leurs clauses et conditions, qu’enfin, la société KP1 n’a elle-même pas respecté son obligation de restituer les lieux dans l’état dans lequel elle les avait reçus, des matériels et déchets ayant été laissés sur place et les lieux étant devenus inexploitables pour une activité industrielle, que l’état des locaux doit être apprécié non pas à la date du terme du bail, mais à la date effective de restitution des clefs, jusqu’à laquelle le locataire reste tenu des dégradations, qui sont de surcroît intervenues postérieurement à l’accord du 21 mai 2015.

Ils contestent la réalité de versements allégués par la société Eco-Terres, comme le bien fondé de factures de travaux de remplacement d’équipements, réclamées par cette dernière, ces frais résultant d’une faute de la sous-locataire ayant endommagé les pompes d’évacuation des eaux pluviales.

Ils soulignent que malgré l’exécution provisoire ordonnée par le tribunal, aucun des travaux nécessaires à la remise en état n’a été entrepris, ce qui justifie le prononcé d’une astreinte définitive.

Prétentions et moyens de la société Eco-Terres :

Selon ses conclusions n°3 notifiées le 9 novembre 2021, la société Eco-Terres demande à la cour de :

– juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par la Sarl Eco-Terres à l’encontre du jugement du 15 juin 2020 et du jugement sur requête en rectification d’erreur matérielle du 20 juillet 2020, rendus par le tribunal judiciaire de Grenoble ;

– désigner tel médiateur qu’il lui plaira aux fins de réunir les parties et les entendre et tenter de trouver une solution et ce pour une médiation d’une durée de trois mois,

– infirmer le jugement ,

– juger que la Sci Les Joncs et l’indivision [C] avaient accordé une promesse de bail commercial verbal à la société Perrot TM et que cela avait été constaté par la société KP1 lors d’une réunion le 21 mai 2015 ;

– juger que cette promesse verbale était une man’uvre dolosive visant à faire assumer par la Sarl Eco-Terres près de 1.500.000 euros de travaux et ce, sous la simple foi de ladite promesse ;

– juger du manque de loyauté de l’indivision [C] et de la Sci Les Joncs et en tirer les conséquences juridiques en les déboutant de leurs demandes et les condamner au coût des travaux payés par la société Perrot TM soit 1.500.000 euros ;

– juger que la société Perrot TM bénéficie d’un bail commercial soumis au statut des baux commerciaux à compter du 1er décembre 2016 et à échéance du 30 novembre 2025 ;

– juger, à tout le moins, que la société Perrot TM – Eco-Terres en application de l’article L.145-5 alinéa 2 du code de commerce, bénéficie d’un bail dérogatoire ;

– à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 566 du code de procédure civile et 1104, 1231 et 1231-1 du code civil,

– juger recevable la nouvelle demande de la Sarl Eco-Terres, anciennement dénommée Perrot TM ;

– réformer le jugement et condamner la société KP1 à supporter le coût des travaux réalisés par la Sarl Eco-Terres, anciennement dénommée Perrot TM, soit 1.498.944,20 euros et ce, sur le fondement du défaut de loyauté et de bonne foi de la société KP1 et de ses fautes commises, tant par la résiliation du bail, que par ses manquements à ses obligations contractuelles ;

– réformer le jugement et condamner la société KP1 à payer, en sa totalité, l’indemnité d’occupation demandée par la Sci Les Joncs et l’indivision [C];

– à défaut, la condamner, in solidum avec la Sarl Eco-Terres, anciennement dénommée Perrot TM, au paiement de ladite indemnité d’occupation ;

– à titre subsidiaire, compte tenu de l’incohérence des chiffres, de la nécessité de transparence :

– ordonner l’instauration d’une expertise judiciaire et désigner quel expert qu’il plaira aux frais avancés de la concluante afin de chiffrer et évaluer l’indemnité d’éviction due à la société Perrot TM, faire les comptes entre les parties en tenant compte des travaux effectués par la société Perrot TM sur le site, travaux inutiles pour la société Perrot TM et uniquement motivés par la promesse de bail avancée par l’indivision [C] et la Sci Les Joncs ;

– rejeter la demande d’astreinte de la Sci Les Joncs et de l’indivision [C] ;

– débouter la Sci Les Joncs et les indivisaires composant l’indivision [C] de l’intégralité de leurs demandes ;

– condamner les mêmes à 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société Eco-Terres fait valoir que :

– lors de la réunion du 21 mai 2015, «l’indivision [C]» et la Sci Les Joncs lui ont fait une promesse claire et non équivoque de bail ,

– la preuve en matière de bail commercial est libre et peut être rapportée par témoins,

– son engagement de réaliser des travaux pour une somme de 1.500.000 euros, alors qu’elle ne disposait que d’un bail précaire, n’a été donné qu’en contrepartie de cette promesse,

– à défaut, elle n’aurait jamais consenti à un tel investissement, ni accepté une sous-location et a été victime de man’uvres dolosives.

Elle soutient que le bail de sous-location est en réalité un bail dérogatoire reconnu et accepté par les bailleurs, qu’ayant été laissée en possession des lieux après son terme, elle bénéfice d’un bail commercial en application de l’article L.145-5 §2 du code de commerce, ni la Sci Les Joncs, ni les indivisaires [C] n’ayant engagé de démarche ou action pour l’expulser.

Elle considère que compte tenu de la complexité des comptes à établir, il est nécessaire de recourir à une expertise, la société KP1 et elle n’ayant pas occupé la même surface de terrain, ni versé le même loyer et les différentes sommes payées aux bailleurs devant être compensées avec les réclamations pécunaires de ces derniers.

Elle indique qu’elle a procédé à une remise à neuf et un réaménagement du site conformément aux exigences des bailleurs pour un montant de travaux de 1.498.944,20 euros et conteste toute condamnation à une remise en état sous astreinte, que le juge de l’exécution a déjà fixé à hauteur de 600 euros par jour de retard et que rien ne justifie.

A titre subsidiaire, elle se prévaut d’une faute de la société KP1 pour obtenir une indemnisation de ses préjudices et soutient que :

– sa demande résulte de l’évolution du litige depuis la décision de première instance qui n’a pas prononcé de condamnation in solidum entre elle et la société PK1 et ne constitue que le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge,

– la société KP1 n’a pas exécuté la sous-location de bonne foi, que connaissant sa volonté de pérenniser son exploitation du site, elle lui a laissé croire qu’elle pourrait bénéficier d’un bail commercial pour lui faire supporter la charge de travaux lourds et coûteux et a donné congé aux bailleresses alors qu’elle lui avait offert l’acquisition de son droit au bail,

– la société KP1 n’a pas satisfait à ses obligations résultant du protocole d’accord du 21 mai 2015, certains travaux mis à sa charge n’ayant pas été réalisés avant le 30 novembre 2016,

– elle n’a pas non plus quitté les lieux au 30 novembre 2016, ni restitué les clefs aux propriétaires ainsi qu’il résulte du procès-verbal de constat dressé à cette date.

Prétentions et moyens de la société KP1 :

Par conclusions n°4 notifiées le 20 septembre 2021, la société KP1 entend voir:

– recevoir la société KP1 en ses demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement en date du 15 juin 2020 en ce qu’il a jugé que la société KP1 a quitté les locaux le 31 novembre 2016 et en ce qu’elle n’a pas engagé sa responsabilité quasi délictuelle à l’égard de la Sci Les Joncs et des consorts [C],

– l’infirmer en ce qu’il a condamné la société KP1, in solidum avec la société Eco-Terres, à remettre les lieux en l’état,

– statuant à nouveau,

– juger que la société KP1 a remis les lieux en l’état dans le respect du protocole en date du 21 mai 2015,

– débouter les Sci Les Joncs et les consorts [C] de l’ensemble de leurs demandes formées contre la société KP1,

– dire la demande de la société Eco-Terres tendant à obtenir la garantie de la société KP1 et sa condamnation à lui verser la somme de 1.500.000 euros, nouvelle en cause d’appel et partant, irrecevable,

– débouter la société Eco-Terres de ses demandes formées contre la société KP1,

– en tout état de cause,

– condamner solidairement les appelants à payer à la société KP1 la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens.

La société PK1 soutient que :

– elle a régulièrement quitté les lieux loués au terme du bail et se trouve libérée de toute obligation à l’égard de la Sci Les Joncs et des consorts [C]/[K],

– la seule présence d’une machine à sa marque ne suffit pas à caractériser son maintien dans les lieux,

– la sous-location qu’elle a consentie à la société Perrot TM avec l’autorisation des bailleurs était limitée au temps restant à courir jusqu’au terme de ses baux et elle n’a pas transmis plus de droits qu’elle n’en avait,

– elle ne peut être tenue pour responsable du maintien dans les lieux de la société Perrot TM qui est seule redevable d’une obligation d’indemnisation à l’égard des bailleurs,

– il ne peut en conséquence lui être mis à charge une obligation de remise en état des locaux au titre d’une occupation à laquelle elle est étrangère, obligation que son départ rend impossible à mettre en ‘uvre.

Elle considère que l’état des locaux ne peut être apprécié qu’en considération du protocole d’accord du 21 mai 2015 contenant état des lieux et liste des travaux à réaliser, qu’il a été constaté par huissier de justice que la quasi totalité des travaux mis à sa charge a été réalisée.

Elle soulève l’irrecevabilité en appel de la nouvelle demande de dommages intérêts de la société Perrot TM – Eco-Terres à son encontre, aucune évolution du litige ne la justifiant et la résiliation des baux principaux étant intervenue sans faute de sa part avant toute discussion relative à une promesse de bail au bénéfice de la sous locataire.

Dans sa déclaration d’appel du 6 août 2020, la société Eco-Terres a intimé une société [C]. Cette dernière n’ayant pas constitué avocat devant la cour et sur avis du greffe, en date du 28 septembre 2020, d’avoir à lui signifier la déclaration d’appel conformément à l’article 902 du code de procédure civile, la société Eco-Terres a indiqué être dans l’impossibilité d’y procéder, cette société [C] étant dépourvue d’existence.

La procédure a été clôturée le 16 décembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

La demande de médiation formée par la société Eco-Terres au terme de six années de procédure ne recueillant pas l’adhésion des autres parties au litige, la cour n’y donnera pas suite.

1°) sur l’existence d’une promesse de bail au profit de la société Eco-Terres :

Les bailleurs étant d’une part une société civile immobilière, d’autre part des indivisaires personnes physiques, ne peuvent leur être appliquées les règles de preuve de l’article L.110-3 du code de commerce. Il appartient en conséquence à la société Eco-Terres de rapporter la preuve du bail dont elle entend se prévaloir, selon les règles de l’article 1715 du code civil qui ne permet pas la preuve par témoins d’un bail non écrit qui n’a pas reçu exécution.

L’existence d’une promesse de bail valant bail ne peut être déduite de l’accord donné le 21 mai 2015 par la société Perrot, aux droits de laquelle vient la société Eco-Terres, à la réalisation à ses frais, de certains des travaux de remise en état du site, ce d’autant que l’article 1er du protocole signé entre les parties précise que ces travaux «lui profiteraient directement dans le cadre de la sous-location la liant à KP1»

Ne peut non plus constituer la preuve de l’exécution d’un bail, le maintien dans les lieux de la société Eco-Terres après le terme, le 30 novembre 2016, des baux principaux consentis à la société KP1, alors que selon les termes des courriers échangés entre le 24 août et le 16 novembre 2016, les bailleurs ont clairement réclamé la libération des lieux et refusé de signer un bail avec la société Eco-terres et qu’elles lui ont également signifié ce refus par acte d’huissier du 28 novembre 2016 en réponse à la signification par la société Eco-Terres, le 24 novembre précédent, d’une demande de renouvellement de bail.

Enfin, si la société Eco-terres se prévaut de paiements de sommes en contrepartie de son occupation du site, la cour relèvera qu’il ne sont intervenus que tardivement au cours de l’année 2019, que ceux des mois de mars et avril 2019 ont en réalité été émis à l’ordre du compte Carpa de son conseil et que les autres ont été réceptionnés et expressément acceptés par les bailleurs, non pas à titre de loyers, mais à titre d’indemnisation de l’occupation illicite de leurs biens immobiliers.

Au demeurant, si les témoignages soumis à la cour font état de l’éventualité de la conclusion d’un bail commercial entre d’une part la Sci les Joncs et les coindivisaires [C]/[K], d’autre part la société Eco-Terres, évoquée lors de la réunion du 21 mai 2015, il ne ressort d’aucun d’entre eux un accord intervenu

sur la détermination de l’assiette du bail, le montant du loyer, ni même la durée d’un tel bail, éléments essentiels du contrat. De plus, l’un des témoins, M. [Y], a fait état du refus exprès des consorts [C] de : «s’engager ce jour là».

L’existence d’une promesse de bail commercial valant bail n’est en conséquence pas établie ce qui conduira la cour à confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la société Eco-Terres ne pouvait s’en prévaloir.

2°) sur la requalification du bail précaire de sous location en bail commercial:

Avec l’autorisation des bailleurs et par acte sous seing privé du 21 mai 2015, la société KP1 a consenti à la société Perrot TM, devenue Eco-terres, la sous-location d’une partie des terrains dont elle était elle-même locataire, pour une durée de 18 mois à compter du 1er juin 2015, non susceptible de reconduction.

Cette sous-location pour une durée inférieure à la durée légale de neuf années édictée par l’article L.145-4 du code de commerce constitue bien un bail dérogatoire prévu par l’article L.145-5 du code de commerce.

Si selon ces dispositions, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux lorsqu’à l’expiration de la durée du bail dérogatoire et au plus tard un mois à compter du terme, le preneur se maintient dans les lieux et est laissé en possession, au cas particulier, la société KP1, bailleresse de la société Eco-Terres, lui a adressé le 6 décembre 2016 un courrier par lequel elle l’a sommée de vider les lieux.

En outre, suivant procès-verbal de constat du 4 novembre 2016 dressé sur sa requête, la société Perrot Eco-Terres a été dûment informée que les propriétaires des lieux entendaient récupérer les terrains et bâtiments loués à la date du 30 novembre 2016.

Enfin, comme il a été précédemment relevé, la société Perrot s’est vue notifier le 28 novembre 2016 un refus des bailleurs à sa demande de «renouvellement» » des baux.

Bien qu’elle ait été titulaire d’un bail précaire de sous-location, la société Eco-Terres ne peut se prévaloir de sa transformation en un bail commercial par l’effet d’un maintien dans les lieux au mépris de la volonté clairement exprimée tant de sa bailleresse, que des propriétaires.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de requalification du bail précaire en bail commercial.

3°) sur la restitution des lieux :

Le terme du bail entraînant celle de la jouissance des lieux loués par le locataire, ce dernier est tenu de les restituer au bailleur libres de toute occupation de sa part.

Le maintien dans les lieux de la société Eco-Terres n’étant justifié par aucun droit ou titre, la Sci Les Joncs et les consorts [C]/ [K] étaient bien fondées à en poursuivre l’expulsion et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a ordonnée.

Il résulte cependant des constatations faites par ministère d’huissier le 6 octobre 2020 que l’ensemble du site demeurait occupé par des quantités très importantes de terres, gravats et matériaux de construction issus de l’activité des occupants, qu’étaient également encore présents sur le site des véhicules, matériels divers d’exploitation et de bureau, engins de chantier et équipements industriels dont au moins un est revêtu d’une plaque d’identification au nom de la société KP1.

Compte tenu de l’importance des volumes de stocks de matériaux délaissés, il est établi que les lieux n’ont pas été intégralement libérés et que les bailleurs n’ont pu en reprendre la jouissance effective.

La société KP1, locataire principal, a donc manqué à son obligation de restitution des lieux quant bien même elle n’est plus elle-même présente sur le site depuis 2015, étant demeurée responsable, à l’égard des bailleurs, des occupants de son chef et ne justifiant pas avoir effectué des démarches concrètes, au-delà du seul envoi d’une simple lettre de sommation, pour en obtenir la libération par sa propre locataire.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’expulsion de la société KP1, mesure que la cour ordonnera.

L’atteinte à la jouissance normale de leurs biens par les bailleurs doit être indemnisée par le biais d’une indemnité d’occupation à compter du 1er décembre 2016 et jusqu’à la libération complète des lieux par l’évacuation des stocks de matériaux et des matériels à l’égard de la société KP1, locataire, et jusqu’au jour de son expulsion le 23 septembre 2020 en ce qui concerne la société Eco-Terres.

La cour infirmera le jugement en ce qu’il n’a mis l’indemnité d’occupation qu’à la charge de cette dernière et en ce qu’il a condamné la sociét Eco-Terres au paiement des indemnités d’occupation jusqu’à la libération complète des lieux.

Les sociétés KP1, sur le fondement de son obligation contractuelle, et Eco-Terres, sur le fondement de sa responsabilité délictuelle, seront condamnées in solidum, au paiement de cette indemnité d’occupation pour la période du 1er décembre 2016 au 23 septembre 2020 et la société KP1, seule, pour la période courant depuis le 23 septembre 2020 jusqu’à la libération complète des lieux loués.

L’article 16 des baux renouvelés le 11 avril 2008 stipulait que le preneur se maintenant indûment dans les lieux serait débiteur d’une indemnité d’occupation fixée forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location majorée de 50 %.

Les bailleurs sont donc en droit de voir fixer l’indemnité due à raison de la privation de jouissance de leur bien dans les conditions contractuelles fixées avec leur locataire principal, la société KP1, seule tenue à leur égard d’une obligation de restitution des lieux loués.

La société Eco-Terres ne peut se prévaloir à l’égard des bailleurs de la différence des surfaces occupées par elle, la sous-location, quoiqu’expressément autorisée, n’ayant créé aucun lien de droit entre elle et la Sci Les Joncs d’une part et les consorts [C]/[K] d’autre part.

De plus, si l’assiette du bail de sous-location ne correspond pas en surfaces de stockage et de bâtiments à celle des baux consentis à la société KP1, il n’est pas démontré que malgré le refus de la société Eco-Terres de restituer les lieux loués, les bailleurs ont pu reprendre possession de la partie du tènement qui ne faisait pas l’objet du bail de sous-location, alors que tant les descriptions des baux que les constats d’huissier font apparaître qu’il s’agit d’un site d’un seul tenant dont l’accès s’effectue par les mêmes entrées situées rue du Port et rue du Lac et que selon procès-verbal d’huissier du 30 novembre 2016, les consorts [C]/[K] ont refusé une restitution partielle de la chose louée portant sur 324 m² de bureaux, qu’ils n’avaient pas l’obligation d’accepter.

Dans leurs écritures, les consorts [C]/[K] reconnaissent avoir perçu de la société Eco-Terres la somme de 80.200 euros entre le 1er décembre 2016 et le 30 juin 2020, ainsi que celle de 25.599, 39 euros versée en septembre 2020, qu’il conviendra de déduire du calcul effectué sur la base d’une indemnité mensuelle de 13.432 euros durant les 43 mois ayant couru du 1er décembre 2016 au 30 juin 2020, l’expulsion ayant été réalisée le 23 septembre 2020.

La société Eco-Terres ne peut valablement prétendre être créancière des consorts [C]/[K] du coût des travaux et réparations qu’elle a réalisés dans le cadre du contrat de sous-location la liant non pas avec eux, mais avec la société KP1 et dont elle ne démontre pas qu’ils n’entraient pas dans l’exécution de ses obligation de sous-locataire alors que leur description dans les deux factures produites correspond aux travaux de remise en état listés par le protocole d’accord signé le 21 mai 2015 et expressément mis à sa charge.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a fixée l’indemnisation des consorts [C]/[K] à la somme de 577.791 euros pour la période du 1er décembre 2016 au 30 juin 2020, somme qui sera ramenée à 471.991,61euros.

Concernant la Sci Les Joncs, les indemnités d’occupation sont dues sur la période du 1er décembre 2016 au 30 juin 2020 sur la base d’une indemnité mensuelle non contestée de 3862 euros, ce qui conduira la cour à confirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnisation à 166.066 euros.

4°) sur la remise en état du site :

Il résulte des énonciations des baux que des états des lieux ont été dressés le 29 juillet 1999 qui ne sont pas produits aux débats.

Si les parties ont, selon les termes du protocole d’accord du 21 mai 2015, défini et organisé entre elles les travaux de remise en état des lieux et leur prise en charge financière en vue de leur restitution au 30 novembre 2016, l’exécution de cet accord ne peut permettre d’exonérer les sociétés KP1 en sa qualité de locataire, et Eco-Terres en sa qualité d’occupant sans droit ni titre, de leur obligation de remise en état résultant de leur maintien dans les lieux au-delà de cette date.

Il est dés lors indifférent que l’une et l’autre démontrent avoir bien exécuté avant le terme des baux leur part des travaux mis à leur charge en 2015, si les bailleurs établissent qu’ultérieurement les lieux loués ont subi des dégradations.

Au surplus, le procès-verbal de constat du 27 mars 2017 fait apparaître que la société KP1 ne s’est pas acquittée intégralement des travaux mis à sa charge.

Ainsi qu’il a été précédemment décrit, divers matériels industriels et de bureaux ainsi que d’importants volumes de matériaux ont été délaissés sur les deux tènements immobiliers par le locataire principal et l’occupant de son chef, qui doivent tous deux supporter la charge et le coût de leur enlèvement.

Il résulte par ailleurs du procès-verbal de constat dressé le 6 octobre 2020 que l’huissier a relevé que les bâtiments présentaient des fissures des murs, des trouées dans les bardages, que le portail d’accès situé rue du Port était endommagé, que le réseau de collecte des eaux pluviales est encombré et défectueux, que l’intérieur des bâtiments est sale.

La cour relèvera cependant que pour la plupart des désordres relevés ce constat ne comporte aucune identification précise ni des bâtiments concernés, alors que le site en comporte au moins six concernés par les baux, ni l’emplacement des détériorations.

Par ailleurs, les bailleurs ne produisent aucune évaluation des travaux de remise en état dont ils demandent que les sociétés KP1 et Eco-Terres supportent la charge.

La cour relèvera que les baux laissaient à la charge des bailleurs les grosses réparations définies par l’article 606 du code civil qui portent notamment sur la réparation des gros murs, des poutres et des couvertures dans leur entier, et qu’en l’absence de précisions du constat, les photographies qu’il inclut n’identifient que la fissure du mur extérieur d’un bâtiment dont la réparation ne peut être imputée au locataire et dont l’origine de la détérioration ne peut être imputée à faute à l’occupant.

En conséquence, il y a lieu de condamner in solidum les sociétés KP1 et Eco-Terres à faire procéder :

– d’une part, à l’enlèvement de l’intégralité des matériaux encore entreposés sur les lieux loués ainsi que des matériels de toutes sortes et déchets d’exploitation qu’elles y ont délaissés,

– d’autre part à la remise en état du pilier du portail situé rue du Port et de son muret droit (fissure), du réseau de collecte des eaux pluviales , à la réparation des trous sur les bardages des bâtiments et au nettoyage de l’intérieur de ces derniers.

Un délai de quatre mois à compter de la présente décision leur sera accordé pour s’exécuter, sans qu’il soit nécessaire d’assortir la condamnation d’une astreinte puisqu’à l’issue de ce délai, les bailleurs seront autorisés à y procéder eux- mêmes, après vaine mise en demeure, aux frais des sociétés KP1 et Eco-Terres.

Le jugement sera complété en ce sens.

5°) sur la demande d’indemnisation de la société Eco-Terres à l’encontre de la société KP1 :

Conformément aux dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent, à peine d’irrecevabilité, soumettre à la cour des prétentions nouvelles, sauf pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de la survenance ou de la révélation d’un fait.

La demande en dommages-intérêts formée par la société Eco-Terres ne tend pas aux mêmes fins que celles qu’elle a présentées au premier juge à l’encontre des consorts [C]/[K] et de la Sci Les Joncs, qui ne visaient qu’à lui reconnaître le bénéfice d’un bail commercial et un droit à indemnité d’éviction et qui n’en constitue pas l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Cette demande nouvelle en cause d’appel fondée sur l’exécution de mauvaise foi du contrat de sous-location par la société KP1, partie en première instance, ne peut se rattacher à une quelconque évolution du litige résultant du jugement alors que la faute invoquée consistant dans la résiliation du bail principal mettant fin à la sous-location consentie à la société Eco-Terres sans que cette dernière ait obtenu la conclusion d’un bail commercial à son profit, n’a pas été révélée par le jugement mais que ces circonstances étaient parfaitement connues de la demanderesse avant l’introduction de l’ instance.

Cette demande devra en conséquence être déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par défaut, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE irrecevable la demande en dommages-intérêts formée par la Sarl Eco-Terres à l’encontre de la Sas KP1,

DIT n’y avoir lieu à médiation,

CONFIRME en ses chefs de dispositifs critiqués, le jugement du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 15 juin 2020 sauf en ce qu’il a’:

– rejeté les demandes formées à l’encontre de la Sas KP1en expulsion et condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation,

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à payer à la société Les Joncs une indemnité d’occupation de 3.862 euros par mois à compter du 1er juillet 2020 et ce jusqu’à la libération effective des locaux,

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K] et [T] [K] et de Mme [E] [C] épouse [K], la somme de 577.791 euros au titre de l’indemnité d’occupation couvrant la période de décembre 2016 à juin 2020 inclus,

– condamné la Sarl Eco-Terres anciennement dénommée Perrot TM à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K] et [T] [K] et de Mme [E] [C] épouse [K] une indemnité d’occupation de 13.437 euros par mois à compter du 1er juillet 2020 et ce jusqu’à la libération effective des locaux,

Statuant à nouveau,

ORDONNE l’expulsion de la Sas KP1 et de tous occupants de son chef,

CONDAMNE la Sas KP1, in solidum avec la Sarl Eco-Terres, à payer à la Sci Les Joncs la somme de 166.066 euros au titre de l’indemnité d’occupation échue pour la période du 1er décembre 2016 au 30 juin 2020,

CONDAMNE in solidum la Sas KP1 et la Sarl Eco-Terres à payer à la Sci Les Joncs une indemnité d’occupation de 3.862 euros par mois à compter du 1er juillet 2020 jusqu’au 23 septembre 2020,

CONDAMNE la Sas KP1, à payer à la Sci Les Joncs une indemnité d’occupation de 3.862 euros par mois à compter du 23 septembre 2020, jusqu’à la libération complète des lieux,

CONDAMNE in solidum la Sas KP1 et la Sarl Eco-Terres à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K], [T] [K] et à Mme [E] [C] épouse [K] la somme de 471.991,61 euros au titre du solde des indemnités d’occupation échues pour la période du 1er décembre 2016 au 30 juin 2020,

CONDAMNE in solidum la Sas KP1 et la Sarl Eco-Terres à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K], [T] [K] et à Mme [E] [C] épouse [K] une indemnité d’occupation de 13.437 euros par mois à compter du 1er juillet 2020 jusqu’au 23 septembre 2020,

CONDAMNE la Sas KP1 à payer à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K], [T] [K] et à Mme [E] [C] épouse [K] une indemnité d’occupation de 13.437 euros par mois à compter du 23 septembre 2020, jusqu’à la libération complète des lieux,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la Sas KP1 et la Sarl Eco-Terres, au titre de la remise en état des lieux, à procéder ou faire procéder, dans le délai de six mois à compter du présent arrêt :

– à l’enlèvement de l’intégralité des matériaux encore entreposés sur les lieux loués ainsi que des matériels de toutes sortes et déchets d’exploitation,

– à la remise en état du pilier du portail situé rue du Port et de son muret droit (fissure) et du réseau de collecte des eaux pluviales ,

– à la réparation des trous sur les bardages des bâtiments,

– au nettoyage de l’intérieur de ces derniers,

– DIT que passé ce délai et dix jours après mise en demeure restée vaine, la Sci Les Joncs et MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K], [T] [K] et Mme [E] [C] épouse [K] pourront faire réaliser ces travaux,

– DIT que les frais de ces travaux seront supportés in solidum par la Sas KP1 et la Sarl Eco-Terres et les y condamne,

– CONDAMNE in solidum la Sas KP1 et la Sarl Eco-Terres à payer à la Sci Les Joncs, à MM. [L] [C], [N] [K], [S] [K], [T] [K] et à Mme [E] [C] épouse [K] la somme complémentaire en cause d’appel de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– CONDAMNE in solidum la Sas KP1 et la Sarl Eco-Terres aux dépens de l’instance d’appel.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La GreffièreLa Présidente

 


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