16 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-16.679
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 février 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 151 F-D
Pourvoi n° T 20-16.679
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022
La société J. [Y], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-16.679 contre l’arrêt rendu le 12 février 2020 par la cour d’appel d’Agen ( 1ère chambre civile), dans le litige l’opposant à la société La Luz de la Noche, société de droit étranger dont l’établissement en France est [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 3] (Espagne), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société J. [Y], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société La Luz de la Noche, après débats en l’audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Agen, 12 février 2020), la société La Luz de la Noche (la société), dont le siège est en Espagne, exploite à Pau un fonds de commerce, dans des locaux donnés à bail.
2. Le 29 août 2008, avant l’expiration du bail prévue le 1er mars 2009, le bailleur lui a notifié un congé avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction. Une ordonnance de référé du 11 février 2009 a ordonné une expertise à l’effet d’en évaluer le montant. La société s’est fait assister par la société civile professionnelle d’avocats J. [Y] (la SCP). Le 25 mai 2010, l’expert a déposé son rapport définitif. Le 12 novembre 2012, le représentant de la société a demandé à la SCP de ne plus intervenir
3. Le 26 mars 2013, le bailleur a assigné la société devant le tribunal de grande instance de Pau en expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation en soutenant que l’action en paiement de l’indemnité d’éviction était prescrite et que la société était devenue occupante sans droit ni titre.
4. Parallèlement à cette instance, le 7 octobre 2013, la société a assigné la SCP en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance d’Auch.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La SCP fait grief à l’arrêt de dire que la société, valablement représentée, dispose de la capacité d’ester en justice, alors « qu’il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre, au besoin d’office, la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent ; que la capacité juridique d’une société est régie par sa loi de son siège social ; qu’en jugeant, au regard de l’article 117 du code de procédure civile, que la société, dont le siège est à Saragosse (Espagne), disposait de la capacité à ester en justice du seul fait de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Pau au titre d’un établissement secondaire, sans mettre en oeuvre, d’office, la règle de conflit de lois applicable au litige, qui désignait la loi espagnole au regard du siège social, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. En retenant que la SCP ne justifiait ni d’une radiation ni d’un retrait d’inscription de la société du registre espagnol des sociétés commerciales, la cour d’appel a apprécié la capacité juridique de la société au regard de la loi espagnole.
7. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La SCP fait grief à l’arrêt de dire qu’elle a commis un manquement à son obligation d’information engageant sa responsabilité envers la société, alors « que le manquement de l’avocat à son devoir d’information n’est en lien de causalité avec le dommage invoqué par le client que s’il est établi, que mieux informé, le client aurait agi de façon à éviter le dommage ; qu’en l’espèce, la SCP faisait valoir que des « pourparlers transactionnels étaient en cours » entre le bailleur et le preneur, « afin de permettre le rachat des murs » ; qu’elle ajoutait que c’était en raison de cette « solution » « pleinement satisfaisante » que sa cliente, la société, preneur à bail, n’avait pas souhaité agir en paiement de l’indemnité d’éviction, tandis qu’elle était en mesure de le faire ; qu’elle précisait que le bailleur avait, de son côté, et pour la même raison, attendu avant de délivrer une assignation aux fins d’expulsion et que, une fois la procédure initiée, celle-ci a été radiée pour défaut de diligences dans la mesure où les parties ont alors repris leurs négociations ; que la SCP montrait ainsi que, même mieux informée, la société aurait agi de la même manière en préférant poursuivre les négociations en cours destinées à donner une issue amiable et non judiciaire au litige, par l’acquisition des murs ; qu’en estimant néanmoins que la SCP avait commis un manquement à son obligation d’information et engagé sa responsabilité professionnelle, sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée, si même informée de la date de prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’éviction, la société preneuse aurait engagé une action en paiement d’une indemnité d’éviction, quod non, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’existence d’un lien de causalité, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 en sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »