Indemnité d’éviction : 15 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/15448

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Indemnité d’éviction : 15 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/15448

15 septembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
21/15448

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

SUR RENVOI DE COUR DE CASSATION

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 373

Rôle N° RG 21/15448 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKMY

[V] [S]

C/

SARL LA CORRIDA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Rachel COURT-MENIGOZ

Me Sandra JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 05 Avril 2012 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 09/13177.

Suite à saisine sur renvoi de la Cour de cassation qui par arrêt en date du 13 octobre 2021 n° 706 FD enregistré sous le numéro A 20-15.145 a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il dit qu’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant de 5 500 euros décidée par des dispositions non censurées de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 16 novembre 2017 est due par la société La Corrida à M. [S] entre le 30 novembre 2011 et le 1er mai 2014, l’arrêt rendu le 9 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence enregistré sous le n° RG 19/05053 et a remis, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur [V] [S] né le 09 Octobre 1946 à [Localité 5] (84)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3] – [Localité 1]

représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

SARL LA CORRIDA Représentée par Maître Simon LAURE, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur domicilié [Adresse 2]

Le Grand Sud 13006 MARSEILLE, demeurant [Adresse 4] – [Localité 6]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Nicolas CASTELLAN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 01 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Carole HARAND-DAUX, Présidente de chambre, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 1er décembre 2002, Madame [S] a donné à bail à usage commercial un local situé à [Localité 6] à la SARL LA CORRIDA moyennant un loyer annuel de 9.140 €.

Par acte du 4 mai 2006, le preneur a mis son fonds de commerce en location-gérance à compter du 1er mai 2006 pour une durée de quatre ans renouvelable par tacite reconduction percevant à ce titre une redevance mensuelle de 5.500 € de Monsieur [K], locataire gérant.

Au terme de la deuxième période triennale, le 30 novembre 2008, Monsieur [S] venant aux droits de Madame [S] décédée le 27 novembre 2017 a notifié à la SARL LA CORRIDA par acte du 23 mars 2009, son intention d’obtenir la révision du loyer en application des dispositions de l’article L 145- 38 du code de commerce.

Cette demande de révision entraînant le doublement du loyer prévu au bail était refusé par la SARL LA CORRIDA.

Par acte du 18 septembre 2009, Monsieur [S] a assigné la SARL LA CORRIDA devant le juge des loyers commerciaux de [Localité 6] en sollicitant la révision du loyer à la somme de 20.’000€.

Par jugement du 13 décembre 2010, Monsieur [S] était débouté de ses prétentions faute d’avoir établi une modification matérielle suffisante des facteurs locaux de commercialité.

Par acte du 22 septembre 2009, Monsieur [S] délivrait à la SARL LA CORRIDA un commandement de payer la somme de 24.’433, 12 € visant la clause résolutoire correspondant à une régularisation de charges depuis 1997.

La SARL LA CORRIDA s’opposait à ce commandement en assignant Monsieur [S] devant le tribunal de grande instance de Marseille par acte du 16 octobre 2009.

Le même jour Monsieur [S] faisait délivrer à la SARL LA CORRIDA un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire en réclamant la somme de 16.’221,18 euros correspondant à la régularisation des mêmes charges mais depuis 2004.

Par acte du 13 novembre 2009, la SARL LA CORRIDA faisait opposition à ce nouveau commandement devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Le 18 avril 2021 Monsieur [S] délivrait à la SARL LA CORRIDA une sommation d’avoir à payer dans le délai d’un mois la somme de 14.303,62 euros au titre des charges locatives à la suite de quoi Monsieur [S] délivrait le 26 mai 2011 un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime sans indemnité d’éviction pour la date du 30 novembre 2011.

Par acte du 18 juin 2010 Monsieur [S] a assigné en intervention forcée le cabinet [P] [C], mandataire du bailleur dans la gestion des locaux donnés à bail commercial en lui imputant le retard dans la régularisation des charges.

Suivant jugement en date du 5 avril 2012, le tribunal de grande instance de Marseille, après avoir joint les deux affaires, a condamné la SARL LA CORRIDA à payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement à Monsieur [S] la somme de 568,71 € au titre de la régularisation de charges pour la période du 16 octobre 2004 au 31 décembre 2010 et a dit que les commandements de payer délivrés le 22 septembre 2009 et le 16 octobre 2009 étaient sans effet et qu’il n’y avait pas lieu à constatation de la clause résolutoire.

Par ailleurs le tribunal a condamné la société cabinet [P] [C] à payer à Monsieur [S] la somme de 1.316,55 € au titre de la régularisation des charges de l’année 1997 au 16 octobre 2009.

Sur appel de Monsieur [S], la cour d’appel d’Aix-en-Provence, par un arrêt du 14 novembre 2013, a infirmé le jugement entrepris et a déclaré valable le commandement de payer délivré le 16 octobre 2009 à la SARL LA CORRIDA.

La SARL LA CORRIDA a été condamnée à payer à Monsieur [S] la somme de 17.’820,25€ au titre des charges locatives pour la période du 16 octobre 2004 au 31 décembre 2012 avec intérêts au taux légal sur la somme de 15.’997,32 € à compter du 16 octobre 2009 et à compter du présent arrêt pour le surplus.

La cour d’appel a également constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail à compter du 17 novembre 2009, ordonné l’expulsion de la SARL LA CORRIDA ainsi que celle de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique et a condamné la SARL LA CORRIDA à payer à Monsieur [S] une indemnité mensuelle d’occupation de 5.500 € jusqu’à complète libération des lieux.

La cour d’appel a condamné la société cabinet [P] [C] à payer à Monsieur [S] la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts.

La SARL LA CORRIDA a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Monsieur [S] a mis à exécution l’arrêt du 14 novembre 2013 en multipliant les mesures d’exécution signifiant notamment un procès-verbal de saisie attribution portant sur la somme de 261.043,37 € et un commandement de quitter les lieux contraignant la SARL LA CORRIDA à déclarer sa cessation des paiements en sorte qu’elle était mise en liquidation judiciaire simplifiée par un jugement du 1er septembre 2014 du tribunal de commerce de Marseille.

En outre, par acte du 1er septembre 2014, Monsieur [S] concluait avec le locataire gérant Monsieur [K] une convention d’occupation précaire prévoyant un loyer mensuel de 3.500€ hors-taxes privant ainsi la SARL LA CORRIDA des loyers qu’elle percevait de la part du locataire gérant.

Par arrêt en date du 5 novembre 2015, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt attaqué en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail à compter du 17 novembre 2009, ordonné l’expulsion de la SARL LA CORRIDA ainsi que celle de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique et a condamné la SARL LA CORRIDA à payer à Monsieur [S] une indemnité mensuelle d’occupation de 5.500 € jusqu’à complète libération des lieux.

La Cour de cassation a considéré que la cour d’appel ne pouvait accueillir les demandes du bailleur tendant à l’acquisition du bénéfice de la clause résolutoire et à l’expulsion de la SARL LA CORRIDA après avoir constaté que le bailleur s’était durablement abstenu de procéder à la régularisation des charges et d’en réclamer paiement locataire sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause résolutoire n’avait pas été mise en ‘uvre de mauvaise foi.

Statuant sur renvoi après cassation par un arrêt du 16 novembre 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence déclarait la SARL LA CORRIDA irrecevable à invoquer en appel la nullité du congé, confirmait le jugement entrepris en ce qu’il avait débouté Monsieur [S] de sa demande tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, de celle tendant à la validation du congé pour refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction et de celle en rejet de la demande de la SARL LA CORRIDA en dommages-intérêts.

La cour d’appel a dit que le congé devait être considéré comme un congé avec refus de renouvellement avec indemnité d’éviction, a déclaré la SARL LA CORRIDA prescrite en sa demande d’indemnité d’éviction, a ordonné l’expulsion de cette dernière des lieux loués et a fixé la créance de Monsieur [S] à titre d’indemnité d’occupation mensuelle à la somme de 5.500€ à compter du 30 novembre 2011 jusqu’à parfaite libération des lieux.

Elle déboutait la SARL LA CORRIDA de sa demande au titre des redevances de location-gérance, déclarait irrecevable l’intervention volontaire de Madame [T] en son nom personnel et déboutait Monsieur [S] de sa demande tendant à être relevé et garanti de la condamnation précédente par la SARL LA CORRIDA.

La SARL LA CORRIDA a formé un nouveau pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt en date du 7 février 2019 Cour de cassation a de nouveau cassé partiellement l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré prescrite la demande de la SARL LA CORRIDA en paiement d’une indemnité d’éviction et a rejeté la demande de la SARL LA CORRIDA contre Monsieur [S] au titre des redevances de location-gérance.

La Cour de cassation a considéré que la cour d’appel ne pouvait accueillir les demandes du bailleur tendant à voir prescrite la demande de la SARL LA CORRIDA alors qu’elle avait constaté que le congé donné pour le 30 novembre 2011 avait été contesté par le preneur par conclusions du 3 avril 2013 soit dans le délai de deux ans.

La Cour de cassation précisait qu’aux termes de l’article 625 alinéa 2 du code de procédure civile la cassation de la disposition sur la prescription de la demande en paiement de l’indemnité d’éviction entraînait la cassation par voie de conséquence de la disposition ayant rejeté la demande de la SARL LA CORRIDA au titre des redevances de location-gérance laquelle s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

La Cour de cassation a renvoyé cette affaire devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.

Par déclaration du 27 mars 2019 la SARL LA CORRIDA a saisi la cour d’appel d’Aix en Provence sur renvoi de l’arrêt rendu le 7 février 2019 par la Cour de cassation.

Le débat devant la cour de renvoi portait sur le chef de la décision de la cour d’appel du 16 novembre 2017 qui avait fait l’objet d’une cassation partielle en ce que qu’elle avait déclaré prescrite la demande de la SARL LA CORRIDA en paiement d’une indemnité d’éviction et avait rejeté la demande de la SARL LA CORRIDA contre Monsieur [S] au titre des redevances de location-gérance.

Par arrêt du 9 janvier 2020 la cour d’appel de céans a précisé que la Cour de cassation au visa de l’article L 145-9 alinéa 5 du code de commerce que ‘ pour déclarer prescrite cette demande en paiement de l’indemnité d’éviction, l’arrêt retient que le locataire qui entend solliciter le paiement d’une indemnité d’éviction doit agir avant l’expiration du délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné et que le fait pour celui-ci de conclure au rejet des prétentions du bailleur au titre du congé avec refus de renouvellement sans d’indemnité d’éviction ne s’analyse pas en demande en paiement de cette indemnité. Qu’en statuant ainsi alors qu’elle constatait que le congé donné pour le 30 novembre 2011 avait été contesté par le preneur par conclusions du 3 avril 2013 soit dans le délai de deux ans la cour d’appel a violé le texte susvisé.’

La cour d’appel considérait que les pièces versées aux débats étaient insuffisantes pour permettre à la cour d’apprécier sereinement la valeur réelle du fond perdu et que la demande de paiement des loyers de location-gérance ne constituait pas une prétention nouvelle en appel, s’analysant en une demande indemnitaire directe ou en une demande au titre de la perte de chance totale.

Aussi la cour d’appel ordonnait une mesure d’expertise aux frais avancés de la SARL LA CORRIDA et désignait [M] [J] en qualité d’expert judiciaire avec la mission de donner son avis sur le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle la SARL LA CORRIDA peut prétendre du fait de la perte de son fonds de commerce et de donner son avis sur l’indemnité compensant la privation de la perception des redevances de location-gérance ou de la perte de chance de les percevoir résultant de la disparition de son fonds de commerce.

Elle disait également qu’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant de 5.500 € décidée par des dispositions non censurées de l’arrêt rendu par la cour de céans le 16 novembre 2017 étaient du par la SARL LA CORRIDA à Monsieur [S] entre le 30 novembre 2011 et le 1er mai 2014.

Monsieur [S] a formé un pourvoi en cassation contre la décision rendue le 9 janvier 2020 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence relative aux redevances de location-gérance et l’indemnité d’occupation et la SARL LA CORRIDA a également formé un pourvoi incident relatif à l’indemnité d’occupation.

[M] [J] a déposé et communiqué aux parties son rapport d’expertise judiciaire le 28 janvier 2021 évaluant le montant de l’indemnité d’éviction et celui de l’indemnité au titre des redevances de location-gérance.

Dans un arrêt du 13 octobre 2021, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation faisant droit au pourvoi incident de la SARL LA CORRIDA a annulé l’arrêt rendu le 9 janvier 2020 entre les parties par la cour d’appel d’Aix en Provence mais seulement en ce qu’il a dit qu’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant de 5.500 € décidée par des dispositions non censurées de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix en Provence le 16 novembre 2017 est due par la SARL LA CORRIDA à Monsieur [S] entre le 30 novembre 2011 et le 1er mai 2014.

La Cour de cassation a remis sur ce point l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.

Monsieur [S] a saisi la cour de renvoi par acte du 2 novembre 2021.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 31 décembre 2021 auxquelles il convient de se référer pour l’exposé de ses prétentions et de ses moyens, la SARL LA CORRIDA demande à la cour, de :

* homologuer le rapport d’expertise judiciaire d'[M] [J].

* condamner Monsieur [S] au paiement de la somme de 330.’000 € à titre d’indemnité d’éviction.

* ordonner à titre de restitution l’indemnisation de la privation de jouissance de la SARL LA CORRIDA constituée par la perte des redevances de location-gérance consécutive à l’exécution par Monsieur [S] de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 16 novembre 2017 ultérieurement cassé.

*condamner Monsieur [S] au paiement de la somme mensuelle de 4.950 € au titre de la perte des redevances de location-gérance évaluée à dire d’expert judiciaire à compter du 1er mai 2014 jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction.

* fixer l’indemnité d’occupation au prix du loyer fixé dans le bail initial.

* fixer la créance de Monsieur [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL LA CORRIDA à la somme de zéro euro au titre de l’indemnité d’occupation pour la période du 1er décembre 2011 au 1er mai 2014 en l’état des règlements de loyer de la SARL LA CORRIDA durant cette période.

Subsidiairement,

* fixer la créance de Monsieur [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL LA CORRIDA à la somme de zéro euro au titre de l’indemnité d’occupation pour la période du 1er décembre 2011 au 1er septembre 2014 si la cour devait prendre en considération ce terme pour la libération des lieux en l’état des règlements des loyers durant cette période et de la saisie opérée par Monsieur [S] sur les redevances de location-gérance à compter du 1er mai 2014.

* condamner Monsieur [S] au paiement de la somme de 20.’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires de mandataire liquidateur exposés pour la procédure collective rendue nécessaire par les mesures d’exécution forcée mise en oeuvre par le bailleur.

* débouter Monsieur [S] de l’ensemble de ses fins et prétentions.

À l’appui de ses demandes, la SARL LA CORRIDA demande à la cour d’homologuer le rapport de l’expert et sollicite les indemnités arrêtées à dire d’expert.

Elle indique que l’indemnité principale déterminée à l’expert à savoir 288.’600 € arrondie à 290.’000 € est justifiée.

S’agissant des indemnités accessoires, elle indique que les frais de remploi fixé à 35.000 € sont justifiés ainsi que le trouble commercial évalué à 5.400 €.

Elle indique que la somme totale de 330.000 euros est due nonobstant la liquidation judiciaire résultant de la résiliation du bail sans paiement de l’indemnité d’éviction puisqu’une indemnité pour trouble commercial est allouée afin de couvrir le préjudice résultant de l’interruption d’activité durant le déménagement puis la réinstallation ou, faute de réinstallation, de l’arrêt d’exploitation.

Elle indique que Monsieur [S] persiste à soutenir la prescription de la demande de paiement de l’indemnité compensant la privation de la perception des redevances de location-gérance alors même que la Cour de cassation a statuée sur ce point ainsi que la cour de céans.

Elle rappelle que le lien de dépendance nécessaire sera confirmé entre la demande en paiement de l’indemnité d’éviction et la demande au titre des redevances de location-gérance.

Elle ajoute que l’indemnisation de la privation de la perception des redevances de location née de la perte du droit au maintien dans les lieux de la SARL LA CORRIDA ne constitue pas une double indemnisation contrairement à ce que prétend Monsieur [S] s’agissant d’un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité d’éviction.

Cette indemnisation constitue bien une restitution au sens de la tique L 111-11 du code des procédures civiles d’exécution, contrairement à ce que soutient Monsieur [S].

Elle indique que l’occupation des lieux par la SARL LA CORRIDA résultait en réalité de la seule perception des redevances de son locataire gérant.

Elle précise qu’à compter du 1er septembre 2014, Monsieur [S] a encaissé directement les loyers du locataire gérant par l’effet d’une convention d’occupation précaire de sorte qu’il ne peut aujourd’hui se prévaloir d’une prétendue occupation de la SARL LA CORRIDA à compter de cette date.

La SARL LA CORRIDA explique que depuis le 1er mai 2006 elle avait conclu un contrat de location-gérance avec Monsieur [K], ce dernier occupant toujours les lieux à la suite d’une convention d’occupation précaire du 1er septembre 2014 consentie par Monsieur [S].

Ainsi le gérant mis en place par elle-même étant toujours présent, aucune défaillance de paiement de ce dernier n’étant alléguée par Monsieur [S] depuis le 1er septembre 2014, elle est donc fondée à se prévaloir d’une perte totale des redevances de location-gérance soit la somme de 66.’000 € hors-taxes

Aussi elle indique que l’indemnité à dire d’expert étant de 4.950 €, par mois cette indemnité est due par Monsieur [S] à compter du 1er mai 2014 jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction soit au 1er novembre 2021.

S’agissant de l’indemnité d’occupation sollicitée par Monsieur [S], elle rappelle que ce dernier ne peut soutenir qu’elle aurait occupé les lieux au-delà du 1er mai 2014 et sollicitait une indemnité d’occupation.

Par ailleurs elle indique que l’indemnité d’occupation ne peut être qu’égale au loyer du bail expiré lequel a été intégralement réglé par elle, précisant qu’il convient de rejeter l’évaluation non contradictoire en date du 11 janvier 2016 fixée selon Monsieur [S] à la somme de 3.325€ par mois.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 6 avril 2022 auxquelles il convient de se référer pour l’exposé de ses prétentions et de ses moyens, Monsieur [S] demande à la cour de :

* débouter la SARL LA CORRIDA agissant par Maître LAURE ès qualité de l’ensemble de ses demandes.

* fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 290.’000 €.

* juger prescrite la demande au titre de l’indemnité compensant la privation de la perception des redevances de location-gérance ou de la perte de chance de les percevoir.

Subsidiairement.

* juger que la SARL LA CORRIDA n’a pas quitté les lieux au titre du congé mais en vertu de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence du 14 novembre 2013 ayant constaté l’acquisition de la clause résolutoire.

* juger qu’en l’état la SARL LA CORRIDA n’est pas fondée en sa demande au titre du maintien dans les lieux et ne peut revendiquer une indemnité.

Plus subsidiairement.

* juger qu’il n’est pas démontré que le locataire gérant serait demeuré en place de sorte que la perte de chance de percevoir les redevances est nulle.

* juger que la perte des redevances de location-gérance, si elle doit être indemnisée, ne peut sauf enrichissement sans cause, se calculer que corrélativement aux économies réalisées.

* juger en conséquence que la perte annuelle ne peut être évaluée à une somme supérieure à 19.’925 € par an.

En toute hypothèse.

* juger que la SARL LA CORRIDA est redevable d’une indemnité d’occupation fixée à la valeur locative à compter du 1er décembre 2011 jusqu’à parfaite libération des lieux.

* fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 3.325 € par mois à compter du 1er décembre 2011,

indexée annuellement au 1er décembre de chaque année, l’indice de référence étant le dernier indice des loyers commerciaux connu au 1er décembre 2011 soit celui du deuxième trimestre 2011 qui s’établit à 104,44.

* fixer la créance de Monsieur [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL LA CORRIDA à la somme de 58.530,04 euros au titre de l’indemnité d’occupation pour la période du 1er décembre 2011 au 31 août 2014.

S’il devait être admis que la SARL LA CORRIDA a droit à une indemnité compensant la privation de la perception des redevances de location-gérance ou de la perte de chance de les percevoir au delà du 31 août 2014.

* juger que la SARL LA CORRIDA est redevable envers le bailleur de l’indemnité d’occupation telle que fixée ci-dessus sur une période équivalente.

* ordonner la compensation des créances réciproques.

*condamner la SARL LA CORRIDA agissant par Maître LAURE ès qualité à payer à Monsieur [S] la somme de 20.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes Monsieur [S] rappelle que l’indemnité d’éviction correspond au préjudice causé par le non renouvellement laquelle a été fixée selon l’expert à la somme totale de 330.’000 €.

Toutefois Monsieur [S] relève que l’indemnité de remploi de 35.000 € est exclue si le propriétaire apporte la preuve que le locataire ne s’est pas réinstallé ce qui est le cas, la SARL LA CORRIDA se trouvant liquidation judiciaire.

Contrairement à ce qui est allégué, il indique qu’il n’est pas à l’origine du redressement puis de la liquidation judiciaire, la SARL LA CORRIDA ayant déposé le bilan dès lors qu’elle était dans l’incapacité de s’acquitter de l’arriéré du au titre des indemnités d’occupation telle que fixée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 14 novembre 2013 à 5.500 € mensuel.

Par ailleurs l’indemnité pour frais de réinstallation ne saurait être donnée à un locataire qui ne s’est pas réinstallé de sorte que seule indemnité principale évaluée à 290.’000 € peut être revendiquée.

S’agissant de l’indemnité d’éviction, Monsieur [S] rappelle que si la Cour de cassation dans son arrêt du 7 février 2019 a écarté la prescription de l’indemnité d’éviction qui avait été sollicitée cela ne vaut que pour l’indemnité d’éviction pas pour les autres demandes de la SARL LA CORRIDA et notamment pas pour celle afférente à la privation des redevances de location-gérance présentée pour la première fois devant la cour de céans le 26 novembre 2016.

Il maintient notamment que le commerçant qui a donné son fonds en location-gérance ne peut prétendre percevoir cumulativement une redevance et les fruits de l’exploitation commerciale qu’il a choisie de concéder un tiers.

Par ailleurs il rappelle que la SARL LA CORRIDA n’a pas quitté les lieux au titre du congé dont la cour d’appel dira le 16 novembre 2017 qu’il doit être considéré comme un congé avec refus de renouvellement et avec indemnité d’éviction mais en vertu de l’arrêt de la cour de céans du 14 novembre 2013 qui avait constaté l’acquisition de la clause résolutoire.

Dès lors le droit au maintien dans les lieux et le paiement de l’indemnité d’éviction qui est son corollaire ne peuvent donc être ici en cause.

Monsieur [S] précise que le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif d’exécution, il est fréquent qu’une décision ultérieurement censurée est été entre-temps déjà exécutée ce qui naturellement entraîne des mesures de restitution rappelant que le droit restitution ne saurait être confondu avec un droit à indemnisation.

Aux termes de l’article L 111-11 du code des procédures civiles d’exécution, il est exclu que le bénéficiaire de la décision ultérieurement censurée puisse être tenu de payer d’autre somme que celle qu’il a pu lui-même recevoir en exécution de cette décision.

Il indique avoir conclu directement avec Monsieur [K] un bail précaire moyennant un loyer mensuel de 3.500 € inférieur au montant de la redevance de location-gérance dont il s’acquittait jusqu’à présent entre les mains de la SARL LA CORRIDA puisque ce bail ne portait que sur les murs et non sur le fonds de commerce.

Elle rappelle que la SARL LA CORRIDA ne pouvait prétendre à sa réintégration dans les lieux puisqu’il avait été délivré par le bailleur un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction qui avait mis fin au bail à la date du 30 novembre 2011.

Monsieur [S] relève que c’est sur le fondement du droit au maintien dans les lieux et donc de l’article L 145- 28 du code de commerce que la SARL LA CORRIDA s’est placée pour solliciter sa condamnation au paiement d’une indemnité équivalente au montant des redevances de location-gérance qui auraient été potentiellement versées par le locataire gérant entre le 1er mai 2014 supposée correspondre à son départ des lieux et la date du paiement de l’indemnité d’éviction.

Toutefois il soutient que la SARL LA CORRIDA ne peut prétendre lui faire supporter la perte de redevance de location-gérance qu’il n’a lui-même jamais encaissé.

Il rajoute que la SARL LA CORRIDA n’a jamais démontré avoir été contrainte par son bailleur de quitter les lieux le 1er mai 2014 même s’il avait délivré un commandement de quitter les lieux en décembre 2013.

Il rajoute qu’il n’est pas possible de s’appuyer sur les conclusions de l’expert pour fixer l’indemnité sollicitée par la SARL LA CORRIDA , la perte des redevances de location-gérance si elle doit être indemnisée, ne pouvant sauf enrichissement sans cause être calculée que corrélativement aux économies réalisées

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L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mai 2022.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 1 juin 2022 et mise en délibéré au 15 septembre 2022.

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1°) Sur l’indemnité d’éviction

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L. 145-14 du code de commerce que ‘ le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.’

Que l’indemnité d’éviction est ainsi due par le bailleur au preneur d’un local commercial lorsqu’il lui est refusé le renouvellement de son bail alors qu’il remplissait pourtant les conditions pour bénéficier dudit renouvellement.

Que cette indemnité est destinée à l’indemniser du préjudice que cause au preneur le défaut de renouvellement de son bail qui va nécessairement entraîner soit une perte de fonds de commerce, soit un déplacement de celui-ci outre divers préjudice lié à un tel événement.

Attendu que pour déterminer la valeur de l’indemnité, l’expert a rappelé que l’indemnité d’éviction devait être évaluée à la date la plus proche possible du départ du locataire et s’est appuyé sur les méthodes avec calcul qui résultent directement des usages de la profession.

Qu’il est ainsi indiqué que le restaurant est situé à proximité de la mer et bénéficie d’une vue sur mer dans la salle de l’étage et d’un parking payant.

Qu’il est séparé de la plage par de grandes pelouses ainsi qu’un grand skate park et l’avenue de la pointe Rouge , se situant dans le quartier faisant partie des quartiers sud de [Localité 6], qualifiés de résidentiel.

a) Sur l’indemnité principale

Attendu qu’il convient de rappeler que le code du commerce ne mentionne aucune méthode obligatoire pour déterminer la valeur d’un fonds de commerce, les juges ayant le libre choix d’utiliser celle qui leur convient.

Que toutefois l’évaluation du fond de commerce prend en compte les chiffres d’affaires et les bénéfices des 3 dernières années ainsi que les éléments incorporels qui le composent à savoir :

– la qualité de l’emplacement.

– l’achalandage du magasin.

– sa notoriété.

– sa clientèle tangible.

– les conditions juridiques et financières du contrat de bail.

Attendu que l’expert judiciaire, après avoir pris en considération les exercices 2010, 2011, 2012 et 2013, la date de départ des lieux retenue par l’expert étant le 1er mai 2014 ainsi que les éléments valorisant à savoir l’emplacement, le chiffre d’affaires, la terrasse, la vue sur mer et l’ élément contraignant lié à la concurrence, a considéré que la valeur retenue pouvait atteindre 70 % du chiffre annuel moyen hors-taxes soit une estimation évaluée à 288.600 euros arrondis à 290.’000€, évaluation non contestée par les parties .

b) Sur les indemnités accessoires:

Attendu que l’indemnité principale peut être augmentée des indemnités accessoires suivantes :

– frais de déménagement,

– frais de réinstallation, pour mettre en place dans le nouveau local des aménagements semblables à ceux de l’ancien fonds,

– frais et droits de mutation liés à l’achat du nouveau fonds,

– éventuelles indemnités de licenciement dues aux salariés, si l’éviction entraîne leur licenciement

– indemnité pour perte de logement, quand le bail comporte des locaux d’habitation,

– frais liés au paiement d’indemnités de résiliation de contrats,

– préjudice lié à la perte d’activités accessoires (par exemple, vente de tabac dans un débit de boissons),

– indemnité de trouble commercial destinée à compenser la gêne due à l’éviction,

– frais de double loyer (pendant la période de réinstallation, le preneur peut devoir payer à la fois le loyer de l’ancien local et le nouveau).

Attendu qu’en l’état, l’expert a listé quatre indemnités accessoires :

– frais de remploi.

– indemnité de déménagement.

– trouble commercial.

– indemnité de licenciement.

Atendu que l’indemnité dite de remploi, estimée selon l’expert à la somme de 35.’000 € est destinée à couvrir les frais et droit de mutation à payer pour l’acquisition d’un nouveau fonds de commerce.

Que toutefois, l’indemnité n’est pas versée si le bailleur apporte la preuve que le locataire ne s’est pas réinstallé dans un nouveau local.

Qu’en l’état , il est aquis au débat que la SARL LA CORRIDA a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement en date du 1er septembre 2014 , procédure qui sera cloturée soit pour insuffisance d’actif, soit pour extinction du passif de sorte que cette dernière sera dissoute.

Que dés lors, il y a lieu de dire et juger que cette indemnité de remploi n’est pas due.

Attendu que l’expert a considéré comme nulle l’indemnité de déménagement, puisque comprise dans le fond.

Qu’il a également dit qu’il n’y avait pas lieu à accorder une indemnité de licenciement faute de justificatifs.

Qu’enfin s’agissant du trouble commercial, l’expert l’estimait à trois mois selon le dernier résultat d’exploitation connu en 2013 soit 21.711 = 5.427,75 euros arrondis à 5.400 €.

4

Que cette indemnité pour trouble commercial ou gain manqué est allouée afin de couvrir le préjudice résultant de l’interruption d’activité durant le déménagement puis la réinstallation ou faute de réinstallation, de l’arrêt de l’exploitation.

Qu’en l’état , il n’est pas contesté que la SARL LA CORRIDA a cessé son exploitation.

Que dés lors , cette indemnité au titre du trouble commercial est due.

Attendu qu’il convient , tenant l’ensemble de ces éléments de condamner Monsieur [S] au paiement de la somme de 295.400 € à titre de l’indemnité d’éviction.

2°) Sur l’indemnité compensant la privation de la perception des redevances de location gérance

Attendu que le 4 mai 2006, un contrat de location gérance pour une durée de 4 ans a été conclu entre la SARL LA CORRIDA et Monsieur [K], reouvellable d’année en année par tacite reconduction moyennant une redevance annuelle de 60.’000 € hors-taxes et hors charges.

Qu’une redevance de 6.000 € hors-taxes par an était également prévue en cas d’accord de la mairie de création d’une terrasse sur le domaine public.

Que Monsieur [K] exploite toujours ce restaurant depuis le 1er septembre 2014 au titre d’une convention d’occupation précaire consentie par Monsieur [S] pour une durée dépendant de la procédure judiciaire qui l’oppose à la SARL LA CORRIDA, la redevance étant fixée à 42.000 € hors-taxes et hors charge par an.

Attendu que la SARL LA CORRIDA soutient que l’indemnisation de la privation de la perception des redevances de location-gérance née de la perte du droit au maintien dans les lieux de la SARL LA CORRIDA ne constitue pas une double indemnisation contrairement à ce que prétend Monsieur [S] s’agissant d’un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité d’éviction.

Qu’elle fait valoir que l’indemnisation due au titre des redevances perdues en conséquence de l’expulsion de la SARL LA CORRIDA en vertu d’une décision anéantie par la Cour de cassation n’a pas pour fondement la faute du bailleur mais la perte de son droit au maintien dans les lieux par le preneur.

Attendu que Monsieur [S] fait valoir que cette demande est irrecevable se heurtant à la prescription de l’article L 145-60 du code de commerce et qu’au surplus, elle n’est pas fondée.

Attendu que la SARL LA CORRIDA fait valoir que Monsieur [S] persiste à soutenir la prescription de cette demande alors même que la Cour de cassation a jugé dans son arrêt en date du 7 février 2019 qu »en vertu de l’article 625 alinéa 2 du code de procédure civile que la cassation de la disposition sur la prescription de la demande en paiement de l’indemnité d’éviction entraîne la cassation par voie de conséquence de la disposition ayant rejeté la demande de la SARL LA CORRIDA au titre des redevances de location-gérance laquelle s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.’

Que Monsieur [S] soutient que dans son arrêt du 13 octobre 2021, la Cour de cassation a retenu que dans son arrêt du 9 janvier 2020, la cour de céans n’avait statué ni sur la recevabilité ni sur le bien-fondé de la demande formée par la preneuse au titre de ces redevances de sorte que la question de la prescription demeure.

Attendu effectivemment que la Cour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 2021 a indiqué que la cour d’appel avait donné mission à l’expert de donner un avis sur le montant des redevances de location-gérance susceptibles d’avoir été perdues en raison de la fin du contrat de bail mais n’avait pas statué ni sur la recevabilité, ni sur le bien-fondé de la demande formée par la preneuse au titre de ces redevances.

Attendu que l’article L 145-60 du code de commerce énonce que ‘toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.’

Attendu qu’il convient de fixer le point de départ au 1er septembre 2014 date à laquelle la convention d’occupation précaire a été consentie à Monsieur [K], s’agissant d’un élément certain, la date supposée du 1er mai 2014 date à laquelle la SARL LA CORRIDA aurait quitté les lieux étant contestée.

Que dés lors il appartenait à la SARL LA CORRIDA de faire valoir ses demandes relatives à la privation des redevances de location gérance au plus tard le 31 août 2016.

Que ces dernières ayant été présentée pour la première fois devant la cour de céans le 26 novembre 2016, il y a lieu de dire et juger les demandes de la SARL LA CORRIDA relative à la privation des redevances de location gérance prescrites.

3°) Sur l’indemnité d’occupation sollicitée par Monsieur [S]

Attendu que l’article L145-28 du code de commerce dispose qu ‘aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation.

Par dérogation au précédent alinéa, dans le seul cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 145-18, le locataire doit quitter les lieux dès le versement d’une indemnité provisionnelle fixée par le président du tribunal de grande instance statuant au vu d’une expertise préalablement ordonnée dans les formes fixées par décret en Conseil d’Etat, en application de l’article L. 145-56.’

Attendu que Monsieur [S] indique avoir confié au cabinet ROUSSEL -ROUANET & Associés, société d’expertise immobilière, foncière et commerciale, la mission d’évaluer la valeur locative du local commercial laquelle a été fixée à 39.’900 € par an soit 3.325 € par mois.

Qu’il indique que ce montant est proche du montant du loyer payé par Monsieur [K] au titre de la convention d’occupation précaire.

Qu’il ajoute que cette indemnité d’occupation sera indexée annuellement au 1er décembre de chaque année et qu’ainsi il lui est dû, du 1er décembre 2011 au 31 août 2014, la somme de 112.’114,65 euros.

Qu’il précise qu’eu égard aux loyers réglés, il justifie d’une créance de 58.’530,04 euros qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL LA CORRIDA.

Attendu qu’il convient de rappeler que l’occupation des lieux par la SARL LA CORRIDA résultait de la seule perception des redevances de son locataire gérant puisqu’elle n’occupait plus les lieux physiquement et personnellement depuis la mise en location de son fonds de commerce en 2006, son rôle se limitant à percevoir à ce titre les redevances de location-gérance jusqu’au 1er mai 2014.

Qu’en effet il est acquis qu’à compter du 1er mai 2014 jusqu’au 31 août 2014, Monsieur [S] a perçu les loyers du locataire gérant par l’effet d’une saisie attribution du 11 avril 2014 et à compter du 1er septembre 2014 a encaissé directement le loyer du locataire gérant par l’effet d’une convention d’occupation précaire.

Que dés lors il y a lieu de dire et juger que la SARL LA CORRIDA n’occupait plus les lieux à compter du 1er septembre 2014, Monsieur [S] ayant conlu directement avec Monsieur [K] , le locataire gérant, une convention d’occupation précaire.

Que s’agissant de la période comprise entre le 1 mai 2014 et le 31 août 2014, la SARL LA CORRIDA était incontestablement occupante des lieux et donc tenue au paiement d’une indemnité d’occupation.

Que cependant elle fait valoir qu’elle a été privée des redevances de location gérance à compter de cette date de sorte qu’elle n’était plus occupante des lieux à compter de cette date.

Que la cour ne saurait retenir cet argument dans la mesure où son locataire gérant lui a versé les redevances jusqu’à la conclusion de la convention d’occupation précaire.

Que ce n’est qu’à travers la saisie attribution mise en place par son bailleur , que ce dernier a perçu les sommes qui lui revenaient au titre des redevances de location gérance.

Attendu qu’enfin, sur la base d’une évaluation en date du 11 janvier 2016, Monsieur [S] entend voir fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 3.325 € par mois.

Qu’il convient de relever qu’il s’agit d’une expertise non judiciaire et non contradictoire réalisée à la demande de Monsieur [S] par un technicien de son choix alors même qu’il avait la possibilité de voir évaluer cette indemnité lors de l’expertise judiciaire ordonnée avant-dire droit par la cour de céans le 9 janvier 2020 et qu’il n’a pas soumis cet avis à l’expert judiciaire saisi postérieurement.

Que dès lors il y a lieu de dire et juger que l’indemnité d’occupation ne peut être qu’égale au loyer du bail expiré lequel a été intégralement réglé par la SARL LA CORRIDA jusqu’au 1er mai 2014 puis jusqu’au 1er septembre 2014 par l’effet des saisies opérées par Monsieur [S] .

Que Monsieur [S] ne dispose donc d’aucune créance à faire fixer au passif de la SARL LA CORRIDA et sera débouté de cette demande .

4°) Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Attendu que l’article 696 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que ‘la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.’

Qu’en l’espèce, Monsieur [S] est la principale partie succombant en appel.

Qu’il convient par conséquent de condamner Monsieur [S] aux entiers dépens de première instance et en cause d’appel.

Attendu que l’article 700 du code de procédure civile prévoit que le tribunal condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine , au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties.

Qu’il y a lieu de condamner Monsieur [S] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Vu le rapport d’expertise d'[M] [J] en date du 6 novembre 2020,

FIXE l’indemnité d’éviction à la somme de 295.400 €,

CONDAMNE Monsieur [S] au paiement de cette somme,

DÉCLARE prescrite la demande de la SARL LA CORRIDA au titre de l’indemnité compensant la privation de la perception des redevances de location-gérance ou de la perte de chance de les percevoir,

FIXE l’indemnité d’occupation au prix du loyer fixé dans le bail initial,

FIXE créance de Monsieur [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL LA CORRIDA à la somme de zéro euro au titre de l’indemnité d’occupation pour la période du 1er décembre 2011 au 1er septembre 2014,

CONDAMNE Monsieur [S] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE Monsieur [S] aux entiers dépens de première instance et en cause d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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