15 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/03858
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
4ème chambre expropriations
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 MARS 2023
N° RG 22/07232 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VRPB
et
N° RG 20/03858 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UACS
AFFAIRE :
S.A. ETABLISSEMENTS MONCASSIN
C/
E.P.I.C. ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER ILE DE FRANCE – EPFIF
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mai 2020 par le juge de l’expropriation de [Localité 6]
RG n° : 19/00051
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Emmanuel DESPORTES
Mme [J] [R] (Commissaire du gouvernement) + les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. ETABLISSEMENTS MONCASSIN
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – Représentant : Me Jean-marie POUILHE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0091
APPELANTE
****************
E.P.I.C. ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER ILE DE FRANCE – EPFIF
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Emmanuel DESPORTES de la SCP BROCHARD & DESPORTES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 243 et Me Barbara RIVOIRE de la SCP LONQUEUE – SAGALOVITSCH – EGLIE-RICHTERS & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0482
INTIMÉ
****************
Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Madame [J] [R], direction départementale des finances publiques
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Versailles
Madame Pascale CARIOU, Conseiller à la Cour d’appel de Versailles, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Versailles
Madame Marietta CHAUMET, Vice-Président placé, à la Cour d’appel de Versailles, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Versailles
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE
********************
La société anonyme Les établissements Mocassin exerce une activité de gardien de fourrière et de remorquage automobile sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8], d’une conférence de 4 198 m2 et située au [Adresse 2].
Le 27 septembre 2011, le Conseil municipal de la commune de Bagneux a approuvé la création d’une Zone d’Aménagement Concerté, la ZAC ‘Ecoquartier Victor Hugo’ dans le cadre du processus de renouvellement urbain du quartier nord de la ville.
La Semaba a été désignée le 4 juin 2012, par délibération du Conseil municipal, en qualité de concessionnaire de l’opération d’aménagement de la ZAC ‘Ecoquartier Victor Hugo’.
Suivant arrêté du 22 septembre 2014, le Préfet des Hauts-de-Seine a déclaré d’utilité publique au profit de la Semaba l’acquisition des parcelles nécessaires à la réalisation de la ZAC ‘Ecoquartier Victor Hugo’ et déclaré cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation du projet par arrêté du 25 février 2015, en ce compris la parcelle [Cadastre 7].
Par délibération du 20 septembre 2016, le Conseil municipal de la ville de Bagneux a donné son accord à la cession du traité de concession d’aménagement de la ZaC ‘Ecoquartier Victor Hugo’ à la SAEM Société d’Aménagement et de Développement des Villes et du Département du Val de Marne, dit la SADEV94, laquelle vient donc aux droits de la Semaba par avenant du 30 septembre 2016 au traité de concession et acte notarié du 25 octobre 2016 par lequel la Semaba a cédé les biens visés dans l’ordonnance d’expropriation à la SADEV94.
Par arrêté du 8 décembre 2016 puis du 24 mai 2017, le Préfet des Hauts de Seine a transféré à la SADEV94 et à l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France (l’EPFIF) le projet de réalisation de la ZAC ‘Ecoquartier Victor Hugo’.
Par arrêté du 26 janvier 2019, le Préfet a déclaré immédiatement cessibles pour cause d’utiité publique au profit de l’EPFIF la parcelle cadastrée section [Cadastre 8].
Une ordonnance d’expropriation, emportant transfert de propriété, a été rendue le 8 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre.
L’EPFIF a saisi le juge de l’expropriation près le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de faire fixer l’indemnité d’éviction commerciale à revenir aux Etablissements Mocassin.
Le transport sur les lieux est intervenu le 20 janvier 2020.
Par jugement du 29 mai 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– Fixé à la somme de 441 909,02 euros l’indemnité d’éviction due par l’EPFIF à la SA les Etablissements Mocassin pour l’éviction du local commercial situé [Adresse 2]), sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] qui se décompose comme suivant:
* Indemnité principale : 320122 euros TTC ;
* Indemnité de remploi : 29 712,20 euros TTC ;
* Indemnité pour frais de démémagement : 37 485 euros HT ;
* Indemnité pour double loyers : 45 589,82 euros HT ;
* Indemnité pour frais administratifs : 9 000 euros HT ;
– Sursis à statuer sur la demande d’indemnités pour l’aménagement du terrain et le déplacement des véhicules, sauf meilleur accord entre les parties ;
– Rejeté la demande d’indemnisation du préjudice d’éloignement ;
– Condamné l’EPFIF à verser à la SA Etablissements Moncassin la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit que les dépens sont à la charge de l’EPFIF conformément à l’article L.312-1 du code de l’expropriation.
Les Etablissements Moncassin ont interjeté appel de ce jugement suivant déclaration expédiée le 15 juillet 2020 à l’encontre de l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France.
Ils demandent à la cour, par conclusions expédiées le 16 octobre 2020et signifiées à l’EPFIF (AR du 21.10.2020) et au commissaire du gouvernement (AR du 21.10.2020), de :
– Infirmer le jugement entrepris à l’exception de ses dispositions portant sur le sursis à statuer sur l’aménagement du terrain et le déplacement des véhicules ainsi que sur l’article 700 et les dépens ;
– En conséquence, confirmer le sursis à statuer sur les demandes d’indemnités accessoires portant sur la frais d’aménagement de la nouvelle implantation de la fourrière et le déplacement des véhicules ;
– Surseoir à statuer sur le préjudice d’éloignement et renvoyer sa détermination au juge de l’expropriation, à titre subsidiaire le fixer à 325 080 euros HT ;
– Allouer aux Etablissements Moncassin , pour éviction d’un immeuble à usage de fourrière et d’atelier de carroserie, peinture et mécanique automobile, la somme à titre d’indemnité hors taxes de 1 846 025 euros remploi et indemnités accessoires compris, les postes d’indemnités accessoires faisant l’objet de sursis à statuer comme ci-dessus étant réservés;
– Condamner l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France aux Etablissements Mocassin la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
– Condamner l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France aux dépens de première instance et d’appel.
L’EPFIF , par conclusions reçues au greffe de la cour le 21 décembre 2020 et signifiées aux Etablissements Mocassin (AR du 08.01.2021)et au commissaire du gouvernement (AR du 08.01.2021), demande à la cour, au visa de l’article 5-1 de la loi du 31 décembre 1971, des articles 117 et 119 du code de procédure civile, des articles R311-26 et R311-27 du code de l’expropriation et de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 2020, de :
A titre liminaire,
– Déclarer irrecevable l’appel en raison de la nullité au fond entachant la déclaration pour défaut de pouvoir de l’avocat postulant ;
– Prononcer la caducité de la déclaration d’appel en raison de la tardivité du dépôt des conclusions d’appelant ;
– Constater l’absence d’acquittement par l’appelant de la taxe prévue à l’article 963 du code de procédure civile et en tirer les conséquences ;
En conséquence,
– Constater l’extinction de l’instance ;
A défaut et à titre uniquement subsidiaire en cas de rejet des demandes précédentes :
– Recevoir l’EPFIF dans son appel incident ;
– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment en tant qu’il sursoit à statuer pour deux chefs d’indemnités, fixe l’indemnité totale à la somme de 441 909,02 euros et une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile dues aux Etablissements Moncassin pour l’éviction du local commercial cadastré section [Cadastre 8] situé [Adresse 2]) ;
– Fixer l’indemnité totale d’éviction à la somme de 201 888 euros, décomposée comme suit:
* Indemnité principale : 46 200 euros ;
* Indemnité de remploi : 3 740 euros ;
* Indemnité pour frais de déménagement : 30 000 euros ;
* Indemnité pour frais d’aménagement du terrain : 100 000 euros ;
* Indemnité pour double loyer : 18 253 euros ;
* Indemnité pour éloignement : 0 euro ;
* Indemnité pour frais administratif : 3 225 euros ;
– Dire qu’en tout état de cause il n’y a lieu à aucun sursis à statuer ;
– Débouter les Etablissements Moncassin de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
– Condamner les Etablissements Moncassin à verser à l’EPFIF une somme de 5 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner les Etablissements Moncassin aux entiers dépens de l’instance d’appel.
Le commissaire du gouvernement, par conclusions reçues au greffe de la cour le 15 janvier 2021 et signifiées aux Etablissements Moncassin (AR du 19.01.21) et à l’l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France (AR du 19.01.21) sollicite la fixation de l’indemnité principale à la somme de 198 000 euros et la somme de 18 650 euros au titre de l’indemnité de remploi, soit un total de 216 650 euros.
Les Etablissements Moncassin, par conclusions reçues au greffe de la cour le 8 avril 2021 et signifiées à l’EPFIF (AR du 12.04.21) et au commissaire du gouvernement (AR du 12.04.21), répondent à l’intimé et formulent de nouvelles demandes aux fins de :
– Rejeter l’exception de nullité de la déclaration d’appel ;
– Rejeter la demande de caducité de la déclaration d’appel ;
– Déclarer recevable son appel.
Ils formulent également de nouvelles demandes à titre subsidiaire aux fins de :
– outres les indemnités demandées à titre principal, fixer l’indemnité pour l’aménagement de la nouvelle implantation à 829 147 euros, l’indemnité pour déplacement de véhicules à 35 838 euros, l’indemnité pour préjudice d’éloignement à 325 080 euros ;
– en conséquence, allouer aux Etablissements Moncassin, pour éviction d’un immeuble à usage de fourrière et d’atelier de carrosserie, peinture et mécanique automobile, la somme à titre d’indemnité hors taxes de 3 036 090 euros remploi et indemnités accessoires compris.
Ils produisent également deux pièces supplémentaires, la pièce n°19 (‘Libération des locaux’) et n°20 (‘Règlements consultation fourrière).
L’EPFIF, par conclusions reçues au greffe de la cour le 30 avril 2021 et signifiées aux Etablissements Moncassin (AR du 04.05.21) et au commissaire du gouvernement (AR du 04.05.21), répond à l’appelant et formule de nouvelles demandes au sein de demandes subsidiaires, aux fins de :
– Déclarer irrecevables le mémoire d’appelant n°2 notifié le 8 avril 2021 concernant les demandes nouvelles pour trois chefs de préjudice formulées à titre subsidiaire et supérieures de 1 190 065 euros par rapport à ses premières conclusions en violation de l’article R 311-26 du code de l’expropriation ;
– Déclarer irrecevable la pièce n°20 déposée le 8 avril 2021 dès lors que, d’une part, cette pièce n’a pas été notifiée dans le délai de trois mois conformément à l’article R311-26 du code de l’expropriatio, et d’autre part, elle est bien antérieure à l’appel et vise à critiquer le jugement de première instance.
Les Etablissements Moncassin, par conclusions reçues au greffe de la cour le 2 décembre 2022 et signifiées à l’EPFIF (AR du 07.12.2022) et au commissaire du gouvernement (AR du 06.12.2022), répondent à l’intimé et formulent une nouvelle demande de jonction des deux procédures d’appel. Ils produisent également deux pièces supplémentaires (la pièce n°21 ‘notification du mémoire n°1 au greffe’ et la pièce n°22 ‘Copie du timbre fiscal’).
L’EPFIF, par conclusions reçues au greffe de la cour le 8 décembre 2022 et signifiées aux Etablissements Mocassin (AR signé non daté ) et au commissaire du gouvernement (AR du 12.12.2023), répond à l’appelant et formule de nouvelles demandes aux fins de :
A titre liminaire,
– Ordonner la jonction des instances RG 20-3858 et RG 22-7232 ;
– Prononcer la caducité de la déclaration d’appel en raison de l’absence de conclusions déposées par un avocat postulant dans le délai de trois mois.
Les Etablissements Moncassin, par conclusions reçues au greffe de la cour le 9 décembre 2022 et signifiées à l’EPFIF (AR du 14.12.2022) et au commissaire du gouvernement (AR du 13.12.2022), répondent à l’intimé sans formuler de nouvelle demande.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
A l’issue de l’audience, les parties ont été invité le 28 octobre 2022 (par lettre RAR pour le commissaire du gouvernement et par RPVA pour l’EPFIF et les Etablisssements Moncassin) à produire une note en délibéré sur l’incidence de la régularisation sur les premières conclusions d’appelant, quant à savoir précisément :
si elle ouvrait à l’appelant un nouveau délai de trois mois pour conclure de sorte que seule devait être prise en compte les nouvelles conclusions du 2 décembre 2022 rendant sans objet la question de la tardiveté éventuelle des premières conclusions et ce pour ne pas priver cette régularisation de toute portée
ou si, au contraire, la caducité de l’appel n’était pas susceptible de régularisation, afin de ne pas conférer à l’appelant ‘fautif’ procéduralement un avantage résultant de cette ‘faute’ procédurale laissant ainsi à sa discrétion l’écoulement du délai pour conclure, pourtant préfix.
SUR CE LA COUR
I – Sur la demande de jonction des deux procédures d’appel
Il convient , pour une bonne administration de la justice, de faire droit à cette demande de jonction de la procédure d’appel initial (RG 20/3858) et de la procédure destinée à la régularisation de la déclaration d’appel initiale (RG 22/7232).
II – Sur la nullité et/ou la caducité de l’appel
En vertu de l’article R311-27 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans sa version issue du décret du 11 décembre 2019, la représentation par avocat est obligatoire en matière d’expropriation depuis le premier janvier 2020 .
D’autre part, il est constant que l’ article 5-1 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971 ne prévoit de possibilité, pour un avocat ayant postulé à Paris en première instance, de postuler auprès de la cour d’appel de Versailles que lorsque le ministère d’avocat est obligatoire.
Enfin, il n’est pas en débat que tel n’est pas le cas de la présente affaire devant le premier juge dès lors qu’elle a été introduite le 26 août 2019, soit avant l’entrée en vigueur du décret susvisé.
***
L’EPFIF soutient au visa de ces dispositions, d’un arrêt de la cour de cassation (Civ 2, 8 janvier 2020, n° 18-24107) et d’un avis de celle-ci( Civ 2, 6 mai 2021, n° 21-70004) ainsi que de l’article R 311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, que la déclaration d’appel est nulle comme ayant été signée par un avocat parisien dépourvu du pouvoir de postuler auprès de la cour d’appel de Versailles.
Il ajoute au visa des articles 2241 du code civil et 121 du code de procédure civile que la régularisation de l’irrégularité de fond de la déclaration d’appel encourue de ce chef ne concerne que la déclaration d’appel à l’exclusion des actes de procédures telles les conclusions.
Il soutient en outre, sous les mêmes visas, que l’appel est caduc dès lors que les premières conclusions d’appelant sont signées d’un avocat parisien qui ne peut donc postuler auprès de la cour d’appel de Versailles.
Il en déduit que, puisqu’aucune interruption du délai de trois mois de l’article R 311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique n’est permise pour un acte de procédure devant être notifié dans un délai préfix, l’appel est caduc, peu important la régularisation de la déclaration d’appel dès lors que les premières conclusions d’ appelants sont tardives pour avoir été expédiées le 16 octobre 2020 soit plus de trois mois à compter de l’expédition de sa déclaration d’appel le 15 juillet 2020 .
Par note en délibéré reçue le 21 décembre 2022 et notifiée à l’appelant et au commissaire du gouvernement par lettre RAR du 21décembre 2022, il maintient que la caducité est encourue en l’espèce faute de dépôt de conclusions régulières, par un avocat disposant du pouvoir pour le faire et dans le délai de l’article R311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et qu’aucune régularisation n’est possible dès lors qu’il ne s’agit d’un délai de forclusion ni d’un vice de procédure.
Les Etablissements Mocassin, pour contester toute nullité de la déclaration d’appel et de leurs premières conclusions d’appelant faute de pouvoir de leur avocat parisien, soutiennent que, comme en matière sociale (avis Cour de cassassion du 5 mai 2017, n° 17-70004), la postulation n’est pas obligatoire dès lors qu’existe, en vertu de l’article R311-20 (lire R 311-9) du code ci-dessus auquel renvoie son article R 311-27, une alternative à la constitution d’avocat permettant au commissaire du gouvernement, partie jointe et aux autorités expropriantes comme à l’Etat d’être représentées par leurs agents.
Ils ajoutent que ces intervenants n’ont pas accès au RPVA et en déduit une impossibilité matérielle d’appliquer les règles de la postulation territoriale, que toutefois ils ne détaillent pas. Ils estiment que la représentation obligatoire par avocat en expropriation n’a pas eu pour but de reconstituer le monopole territorial des avoués, sans intérêt mais d’assurer un meilleur service aux usagers dans une matière très spécialisée.
Ils soutiennent qu’en tout état de cause, d’une part ils sont fondés à régulariser une nouvelle déclaration d’appel signée d’un avocat du barreau de Versailles ainsi , au visa des articles 2241 du code civil et 121 du code de procédure civile et d’arrêts de la Cour de cassation rendus sous ces visas (Civ 2, 17 juin 2017, n° 16-14300; Civ 3, 3 décembre 2020, n° 19-17868 et 19-20259; Civ 2, 17-9-2020, n° 19-18608), ainsi que de nouvelles conclusions, ce qu’ils ont fait les 30 novembre et 2 décembre 2022 et, d’autre part, que cette régularisation concerne toute la procédure d’appel.
Ils soutiennent enfin, au visa des articles 668 et 669 du code de procédure civile relatives aux notifications en la forme ordinaire applicable à la déclaration d’appel par lettre RAR, que les premières conclusions ne sont pas tardives dès lors que le point de départ du délai imparti de trois mois est la date d’enregistrement de la déclaration d’appel par le greffe, soit en l’espèce le 17 juillet 2020.
Ils en déduisent qu’ils avaient jusqu’au 17 octobre 2020 pour pour conclure tandis qu’ils ont adressé leurs conclusions au greffe dans ce délai soit, le 16 octobre 2020, date de dépôt de leur envoi postal.
Par note en délibéré reçue le 31 janvier 2023 et notifiée à l’EPFIF et au commissaire du gouvernement par lettre RAR du 1er février 2023, ils maintiennent à titre principal que le vice de défaut de pouvoir de l’avocat non habilité à postuler encourt non pas la caducité qui sanctionnerait le seul défaut de production d’un mémoire mais la nullité et qu’il est susceptible de régularisation jusqu’à ce que le juge statue, ce qui est le cas en l’espèce.
Subsidiairement, ils maintiennent que leur second mémoire produit avec la régularisation de la déclaration d’appel par un avocat habilité à postuler régularise toute la procédure, en ce compris le caractère tardif du mémoire initial.
A titre infiniment subsidiaire, il demande que la cour ne prononce pas la caducité de l’appel mais bien la nullité de la déclaration d’appel, au constat de ce que la nouvelle déclaration d’appel et les mémoires produits sont sans effets.
Le commissaire du gouvernement n’a pas produit de note en délibéré.
La Cour retient ce qui suit.
1. Certes, comme rappelé ci-dessus, depuis le 1er janvier 2020 la procédure d’expropriation est une procédure avec représentation obligatoire, en vertu des articles R311-9 et R 311-27 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dans leur version issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019.
2. Toutefois, au visa des articles 2241 alinéa 2 du code civil et 121 du code de procédure civile, l’acte de saisine de la juridiction, même entaché d’un vice de procédure, interrompt les délais de prescription et de forclusion de sorte que la régularisation est possible jusqu’à ce que le juge statue de ce chef (V. Par ex Civ 2, 16 octobre 2014, n° 13-22088 ; 1er juin 2017, n° 16.14300; 17 septembre 2020, n°19-18608).
3. Dès lors que le défaut de pouvoir de son signataire à été régularisé par une nouvelle déclaration d’appel signée par un avocat du barreau de Versailles, l’exception de nullité de la déclaration d’appel pour défaut ne peut donc être accueillie.
4. Quant à l’exception de caducité de l’appel, elle est prétendument encourue à un double titre, pour défaut de pouvoir de l’avocat signataire des premières conclusions d’ appelants et pour tardiveté de ces premières conclusions d’ appelants .
5. Ainsi, à supposer même que l’irrégularité au titre de ce défaut de pouvoir puisse, au visa de l’article 121 du code de procédure civile qui vise les actes de procédure tels ces conclusions, être régularisé jusqu’à ce que le juge statue et non dans le seul délai initial pour conclure de l’article R311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, cette régularisation ne dispense pas de déterminer si l’irrégularité au titre de cette tardiveté est caractérisée et, dans l’affirmative, si elle est susceptible de régularisation au visa de l’article 121 du code de procédure civile.
6. En effet, s’il convient d’interpréter les textes pertinents de la réforme litigieuse afin de ne pas priver la régularisation autorisée de toute portée de ce dernier chef, cette interprétation ne saurait conduire à conférer à l’appelant ‘fautif’ procéduralement un avantage résultant de cette ‘faute’ procédurale.
Sur la tardiveté des premières conclusions d’ appelants
7. Vu l’article R 311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, selon lequel l’appelant dispose, à peine de caducité de l’appel, d’un délai de trois mois à compter de sa déclaration d’appel pour conclure.
Vu les articles 668, 669 et 930-1 du code de procédure civile,
8. Les Etablissements Moncassin admettent que le dépôt de l’envoi postal de leurs premières conclusions d’ appelants est le 16 octobre 2020 (conclusions p.14 et pièce 21). Ils admettent de même avoir expédié leur déclaration d’appel le 15 juillet 2020 (conclusions p. 3).
9. Par suite et en vertu tant de l’article 930-1 alinea 2 que de l’article 668 ci-dessus visés, ils avaient un délai de trois mois pour conclure qui courait de l’expédition de cette déclaration d’appel le 15 juillet 2020 et qui expirait donc le 15 octobre 2020, la date d’enregistrement par le greffe étant sans incidence à cet égard .
10. Il s’en déduit que l’expédition de leurs conclusions d’ appelants le 16 octobre 2020 est tardive et que la caducité de l’appel est encourue.
Sur la régularisation de conclusions tardives
11. L’article 2241 du code civil ne vise que l’acte introductif d’instance et si l’article 121 du code de procédure civile est expressément applicable aux actes de procédures, il réserve la régularisation des vices de ceux-ci aux cas dans lesquels elle est possible.
12. Or, les appelants ne fondent pas en droit la possibilité d’une telle régularisation en l’espèce, alors même que le vice en cause concerne le non respect d’un délai préfix.
13. L’appel doit donc être déclaré caduc.
III – Sur les demandes accessoires
14. Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile , les appelants dont le recours échoue doivent supporter les dépens d’appel et l’équité commande de les condamner comme suit en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Ordonne la jonction des instances RG 20-3858 et RG 22-7232 ;
Déclare l’appel caduc ;
Condamne les Etablissements Moncassin aux dépens d’appel.
Condamne les Etablissements Moncassin à payer une indemnité de procédure de 3.000 euros à l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France et rejette toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,