Indemnité d’éviction : 15 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-15.276

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Indemnité d’éviction : 15 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-15.276
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15 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n°
22-15.276

COUR DE CASSATION
Première présidence
__________
ORejRad

Pourvoi n° : J 22-15.276
Demandeur : la société Institut d’Accompagnement Psychologique et de Ressources
Défendeur : Mme [F]
Requête n° : 1139/22
Ordonnance n° : 90718 du 15 juin 2023

ORDONNANCE
_______________

ENTRE :

Mme [L] [F], ayant la SCP Le Bret-Desaché pour avocat à la Cour de cassation,

ET :

la société Institut d’Accompagnement Psychologique et de Ressources, ayant la SCP Célice, Texidor, Périer pour avocat à la Cour de cassation,

Jean Rovinski, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation, assisté de Vénusia Ismail, greffier lors des débats du 25 mai 2023, a rendu l’ordonnance suivante :

Vu la requête du 3 octobre 2022 par laquelle Mme [L] [F] demande, par application de l’article 1009-1 du code de procédure civile, la radiation du pourvoi formé le 19 avril 2022 par la société Institut d’Accompagnement Psychologique et de Ressources à l’encontre de l’arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d’appel de Paris, dans l’instance enregistrée sous le numéro J 22-15.276 ;

Vu les observations développées au soutien de la requête ;

Vu les observations développées en défense à la requête ;

Vu l’avis de Sylvaine Laulom, avocat général, recueilli lors des débats ;

Mme [F] a présenté requête en radiation du rôle du pourvoi formé par la SAS l’Institut d’accompagnement psychologique et de ressources (l’IAPR) à l’encontre de l’arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d’appel de Paris.

Mme [F] explique que, licenciée pour faute grave le 8 juillet 2015 alors qu’elle était placée en arrêt maladie et que son employeur l’IAPR était informé qu’elle entendait faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie, elle a contesté la validité de la rupture de son contrat de travail devant le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de voir son employeur la réintégrer dans son poste et de lui verser différentes sommes de nature salariale et indemnitaire ; que par un jugement du 25 mars 2019, le conseil de prud’hommes a re-qualifié son licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, condamné l’employeur au versement des sommes de 3826,78 € au titre de l’indemnité de licenciement, 10141,65 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 1141 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis avec intérêt au taux légal, fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3380 € et l’a déboutée du surplus de ses demandes ; que par un arrêt infirmatif en date du 23 février 2022, la cour de Paris a dit le licenciement nul, condamné l’IAPR à lui verser une indemnité correspondant aux salaires augmentées des congés payés qui lui aurait été réglés depuis son éviction jusqu’à sa réintégration déduction faite des revenus de remplacement perçus au cours de cette période, fixé son salaire à la somme de 3378,81 € et condamné l’IAPR à lui verser la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts et de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; que la société IAPR a frappé cet arrêt d’un pourvoi sans cependant en exécuter intégralement les causes et qu’elle ne démontre nullement que les conséquences manifestement excessives l’empêcheraient d’exécuter intégralement les causes de l’arrêt frappé de pourvoi ; que dans ses dernières conclusions, Mme [F] explique que si l’IAPR a bien versé en quatre versements la somme de 186449,04 € d’indemnité d’éviction, outre la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, elle reste toujours lui devoir une somme de 425,06€ d’indemnité d’éviction outre les intérêts de retard à hauteur de 574,57€ ; que l’IAPR n’a toujours pas, malgré ses affirmations, exécuté l’intégralité des obligations mises à sa charge par la décision de la cour d’appel, dès lors qu’elle n’a pas fourni de bulletin de salaire régulier le 1er octobre 2022 ; qu’elle n’a pas réglé dans les délais légaux, soit au 31 décembre 2022 au plus tard, les charges sociales et fiscales que l’employeur doit indiquer obligatoirement lors de l’émission du bulletin de salaire ; qu’ainsi, le bulletin de salaire que l’IAPR produit comme tel n’en est pas s’agissant d’un simple tableau Excel sans valeur légale dont les calculs sont pour le moins approximatifs en comparaison du décompte qu’elle a effectué. Elle ajoute qu’elle produit à l’appui de ses affirmations quatre nouvelles pièces, à savoir la preuve du non-paiement des cotisations sociales, la soi-disant fiche de paie et les courriels du 5 septembre et du 10 octobre 2022 dans lesquels l’IAPR affirme avoir réglé les charges sociales et fiscales, que le bulletin de salaire, truffé d’erreurs, ne permet pas d’établir le solde de tout compte mais également l’attestation destinée à Pôle emploi et le certificat de travail indiquant les bonnes dates d’entrée et de sortie, ce qui lui est très préjudiciable ; que l’IAPR a déjà tenté de la tromper en présentant un calcul d’indemnisation incorrect afin de diminuer le montant de 44 854,76€ lui restant dû, en effectuant des déclarations fiscales annuelles à cheval sur deux années fiscales (cf leur tableau de calcul effectué le 21 juin 2022 où l’IAPR met des déclarations annuelles à cheval sur deux années fiscales et, en comparaison, le décompte au 30 juin 2022 effectué par Mme [F] à partir des même pièces). Mme [F] en conclut que l’IAPR oppose une résistance abusive à respecter ses obligations légales d’employeur et ses obligations contractuelles envers son ex-salariée et à exécuter de bonne foi la décision de la cour d’appel à l’encontre de laquelle elle a formé un pourvoi, ce qui lui cause un préjudice évident.

L’IAPR explique qu’elle est une entité fondée par les groupes RATP et GMF au début des années 2000 afin d’accompagner les entreprises dans la prévention et la gestion des troubles et des risques psychosociaux ainsi que des situations de crise ; que Mme [F] est entrée au service de l’IAPR à compter du 29 août 2012, en qualité de psychologue clinicienne et qu’elle bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée depuis le 1er avril 2013 ; que Mme [F] a été placée en arrêt de travail à partir du 3 mars 2015 et qu’elle a été licenciée le 8 juillet 2015 pour faute grave ; que l’indemnité d’éviction devait être calculée sur la base du salaire mensuel de Mme [F] fixé par la cour d’appel à la somme de 3378,81 euros, après déduction des revenus de remplacements perçus par la salariée pendant cette période ; qu’en exécution des condamnations prononcés par le conseil de prud’hommes le 25 mars 2019, elle a remis à Mme [F], le 13 novembre 2019, un chèque de 15109,43 euros (production 1) se décomposant comme suit :
– 3826,78 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 10141,65 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1141 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
que ces condamnations ayant été infirmées, elles ont été déduites des condamnations prononcées par la cour d’appel ; que pour permettre le calcul de l’indemnité d’éviction, Mme [F], après de nombreuses relances, a transmis les documents suivants :
– ses avis d’impositions pour la période de 2016 à 2022 (production 2),
– une attestation des indemnités journalières versées par la CPAM de [Localité 1] du 8 juillet 2015 au 29 février 2016 pour un montant de 10219,44 euros (production 3)
– une attestation de pôle emploi pour les périodes indemnisées du 8 mars 2016 au 31 mars 2020 pour un montant de 56186,86 euros (productions 4 et 5).
– deux bulletins de paie des mois de janvier et février 2022 (productions 6 et 7) ;
que compte tenu de ces documents, il a été effectué un décompte dont il résulte que l’indemnité d’éviction s’élève à 186 449,04€ au 19 juillet 2022 ; que selon l’article 1231-7 du code civil « En cas de condamnation au paiement d’une indemnité, cette dernière emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement ou de la décision d’appel sauf dérogation du juge»;
que la cour d’appel l’ayant condamnée à payer l’indemnité d’éviction à Mme [F] par arrêt du 23 février 2022, les intérêts de retard couraient donc à compter de cette date et le montant des intérêts dus est de 574, 57€ ; que le montant de l’indemnité d’éviction et des intérêts a été réglée par trois virements bancaires à Me Martel, conseil de Mme [F] :
– un premier virement de 80 000€ en date du 14 juin 2022 (production 8)
– un deuxième de 61 594,31€ en date du 21 juin 2022 (production 9)
– et le dernier virement, comprenant les intérêts, de 30 319,60€ en date du 4 août 2022 (production 10) ; qu’à ces sommes versées doit s’ajouter, pour rappel, la somme de 15 109,43€ déjà versée à Mme [F] en exécution des chefs du jugement de 1ère instance infirmés par la cour d’appel (voir supra) ; qu’elle a versé, par virement du 23 juin 2022 au conseil de Mme [F], les sommes de 2000€ au titre des dommages et intérêts et de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile (production 11) ; qu’elle a donc versé une somme totale de 192 023,61€ à Mme [F] (production 12) ; que le bordereau récapitulatif des cotisations à verser s’élève à 46 769€ ( (production 23) et qu’il ressort du bulletin de paie du mois d’octobre 2022 ainsi que du bordereau récapitulatif des cotisations que Mme [F] lui est redevable de la somme de 31107,41€ au titre des cotisations sociales et du prélèvement à la source ; que par courrier du 24 mars 2022 (production 13), elle a invité la salariée à réintégrer son poste mais que cette dernière a transmis un premier arrêt de travail couvrant la période du 29 mars au 26 avril 2022 (production 14),prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 25 juillet 2022 (productions 15,16 et 17); que le 27 juillet 2022, Mme [F] a été déclarée inapte avec dispense de reclassement (productions 19 et 20) ; que face à cette impossibilité de reclassement, elle n’a eu d’autre choix que de notifier à la salariée son licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 août 2022 (production 21) et lui a versé une indemnité de licenciement et lui a remis son bulletin de paie du mois d’août 2022 (production 22); qu’entre la date de sa réintégration et son licenciement, elle lui a versé les salaires dus et tenant compte des indemnités journalières de sécurité sociale versées (production 18).

L’IAPR, par dernières observations, précise :
-sur l’allégation d’un préjudice tenant aux erreurs figurant sur le bulletin de paye : qu’il n’a pas été condamné par la cour d’appel à établir de bulletin de paye mais à réintégrer la salariée, laquelle n’a jamais demandé la rectification de ce bulletin de paye depuis la date de son licenciement, et au plus tard à la réception de ce bulletin de paye le 2 novembre 2022, tandis qu’elle n’a jamais cessé d’exercer son activité libérale avant et après son licenciement ; qu’il ressort de l’avis SIRENE que celle-ci dirige une SAS (CABINET 17) dans laquelle elle exerce son métier de psychologue depuis le 5 mars 2016 (production 24) ; qu’il apparaît en outre que celle-ci a immatriculé ladite société (819 320 151 R.C.S. Lorient) au 30 mars 2022 dans le département du Morbihan (56) (production 25), soit postérieurement à l’arrêt attaqué ; que Mme [F] ne l’a jamais informé de ce changement de département, ni de la poursuite de son activité professionnelle ; que cette situation explique sans doute son refus d’être réintégrée dans l’entreprise parisienne puisqu’elle poursuivait son activité libérale dans un autre département ; que malgré la demande de réintégration professionnelle formulée par Mme [F] en cause d’appel, celle-ci n’a jamais eu l’intention de poursuivre son activité au sein de l’IPAR, laquelle exige une présence in situ et qu’elle n’a jamais cessé d’exercer une activité lui permettant d’obtenir des revenus et de s’acquitter des cotisations au titre des risques sociaux.
-sur le reliquat des sommes dues :
.sur les sommes déjà versées : L’IAPR fait valoir que Mme [F] reconnaît qu’elle lui a bien payé en 4 fois la somme de 186 449,04 € d’indemnité d’éviction, outre la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
.sur le reliquat de 425, 06 euros au titre de l’indemnité d’éviction : L’IAPR fait valoir que Mme [F] soutient qu’elle serait toujours redevable à son égard de la somme de 425,06 euros au titre de l’indemnité d’éviction mais que cette somme a été réglée par virement sur le compte CARPA de Me MARTEL le 20 mai 2023 (production 26).
-sur le versement des cotisations sociales :
sur les difficultés administratives liées au traité d’apport partiel d’actifs: L’IAPR explique que l’association IAPR a signé avec elle, selon un traité d’apport partiel d’actifs le 14 juin 2016 et un pacte d’associés le 30 juin 2016 dont les dispositions régissent les litiges prud’homaux concernant les salariés ayant quitté l’entreprise avant ou après le transfert d’entreprise, dont il ressort que le contentieux afférent à Mme [F] est à la charge de l’association, laquelle est « mise en sommeil » et qui a transféré tous les contrats de travail auprès de la SAS IAPR ; que l’association ne peut donc plus établir de déclarations sociales, n’ayant plus de personnel à sa charge ; que la répartition des obligations sociales issues de ce traité d’accord partiel d’actif a donc généré une difficulté au niveau de la prise en charge impactant la régularisation du versement des cotisations auprès des organismes sociaux.
sur le règlement des cotisations URSSAF: L’IAPR fait valoir qu’après avoir interrogé l’URSSAF les 27 mars, 18 avril et 6 mai 2023, ledit organisme a imposé à l’association de rouvrir son compte URSSAF pour procéder aux régularisations et que par courrier du 16 mai 2023, elle a adressé à l’URSSAF la déclaration unifiée de cotisations sociales, le bordereau récapitulatif URSSAF, le bulletin de salaire rectifié de Mme [F] et un chèque d’un montant de 46 768 € (productions 27 à 31).
sur le règlement des cotisations retraite et prévoyance : L’IAPR fait valoir que le 19 mai 2023, elle s’est acquittée du versement de :
– 11 761,58€ au titre des cotisations retraite (productions 28 et 35) ;
– 1562,66€ au titre des cotisations prévoyance (production 28 et 34).
sur les sommes dues par Mme [F]: L’IAPR fait valoir qu’il ressort du bulletin de paye que toutes les sommes dues au titre de l’indemnité d’éviction ont été versées en brut, qu’en réalité, c’est bien elle qui souffre d’un préjudice, Mme [F] étant débitrice du versement de cotisations à hauteur de 31 409,90 euros (production 30) ; que cette somme a été réclamée par voie officielle le 10 octobre 2022, sans que celle-ci ne s’acquitte, même pour partie, des sommes dues. (production 36).

L’IAPR en conclut qu’elle a pleinement exécuté les condamnations de l’arrêt attaqué.

Par dernières observations, Mme [F] fait valoir que son conseil a adressé à son confrère un courriel officiel dès le 18 octobre 2022 afin d’obtenir la régularisation des éléments de solde de tout compte actualisés et qu’elle a réclamé dès le 18 octobre 2022 la preuve de l’envoi du fichier DSN concernant la régularisation du paiement des cotisations sociales ; que l’IARP lui a réclamé les cotisations sociales dès le 10 octobre 2022 alors qu’elle n’avait aucunement l’intention de les acquitter puisque les échanges avec l’URSSAF datent de l’année 2023 et qu’il en est de même du solde de 425,06€ qui n’a été réglé que le 20 mai 2023 ; que l’IARP n’a toujours pas fourni le justificatif demandé attestant du règlement des cotisations qui n’apparaît toujours pas sur son interface impôt.gouv ; que son activité libérale marginale n’est nullement un frein à sa réintégration.

SUR CE

Il résulte clairement des échanges entre les parties, ci-dessus résumés, que l’IAPR a procédé pour sa quasi-intégralité à l’exécution de la décision et que seules demeurent en question la régularisation tardive du paiement des cotisations sociales et la production du justificatif demandé par Mme [F] attestant du règlement des cotisations ainsi que l’établissement du solde de tout compte entre les parties outre, à sa suite, le certificat de travail indiquant les bonnes dates d’entrée et de sortie et l’attestation conforme destinée à Pôle emploi.

Il s’agit de difficultés connexes à la mise en oeuvre de la décision frappée de pourvoi exécutée pour l’essentiel, qui ne sauraient entraîner la radiation demandée, au prétexte de la mauvaise foi prétendue de l’IAPR qui n’est pas établie.

Il y a lieu, en conséquence, de rejeter la requête en radiation.

EN CONSÉQUENCE :

La requête en radiation est rejetée.

Fait à Paris, le 15 juin 2023

Le greffier,
Le conseiller délégué,

Vénusia Ismail
Jean Rovinski

 


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