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15 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/03524
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JUIN 2023
N° RG 22/03524 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VG4J
AFFAIRE :
S.A.S.U. RESIDE ETUDES APPARTHOTELS
C/
[O] [E]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 Avril 2022 par le Président du TJ de NANTERRE
N° RG : 21/02712
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 15.06.2023
à :
Me Julie GOURION, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S.U. RESIDE ETUDES APPARTHOTELS
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Assistée de Me Guilhem AFFRE de l’AARPI MIGUERES MOULIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R016
Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 2221211
APPELANTE
****************
Monsieur [O] [E]
né le 28 Juin 1957 à [Localité 8] (94)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 005323
Représentant : Me Emmanuel BRUDER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1369
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président ,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat en date du 11 février 2008, M. [B] a donné à bail à la société Résidences services gestion un studio qui constitue le lot de copropriété n°1039 au sein d’un immeuble sis [Adresse 2] -[Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 6] (92). Un avenant du 14 mars 2015 indique que M. [O] [E] est le nouveau propriétaire et bailleur tandis que la société Réside études apparthotels vient aux droits de la société preneuse initiale.
La société Réside études apparthotels a, par acte huissier en date du 26 mars 2018, fait signifier une demande de renouvellement de bail à compter du 1er avril 2018. En réponse, Monsieur [O] [E] lui a fait signifier le 21 juin 2018 un congé comportant refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction, à effet du 1er avril 2018.
Par acte d’huissier de justice délivré le 13 octobre 2021, M. [O] [E] a fait assigner en référé la société Réside études apparthotels aux fins d’obtenir principalement l’expulsion de cette dernière, sa condamnation à lui payer à titre provisionnel une somme de 900 euros par mois au titre d’une indemnité d’occupation à compter du 1er avril 2018, déduction faite des sommes acquittées durant cette période.
Par ordonnance contradictoire rendue le 22 avril 2022, le président du tribunal judiciaire de Nanterre statuant en référé a :
– ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de la société Réside études apparthotels ou de tous occupants de son chef de 1’appartement appartenant à M. [O] [E] et consistant en le lot de copropriété n°1039 au sein d’un immeuble sis [Adresse 2] -[Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 6] (92) ;
– condamné la société Réside études apparthotels à payer à M. [O] [E] une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 1er avril 2018 égale au montant du loyer augmenté des charges et taxes afférentes, qu’il aurait perçu si le bail n’était pas arrivé à son terme, déduction faite des sommes versées durant cette période au titre de l’occupation du local;
– condamné la société Réside études apparthotels à payer à M. [O] [E] une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties ;
– condamné la société Réside études apparthotels aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 25 mai 2022, la société Réside études apparthotels a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Dans ses dernières conclusions déposées le 22 août 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Réside études apparthotels demande à la cour, au visa des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, 56 2°, 699, 700, 768, 834, 835 du code de procédure civile et 1131 ancien, 1134 ancien, 1104, 1188, 1219, 1722 du code civil de :
‘- déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par la société Réside études apparthotels,
y faisant droit,
– réformer l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Nanterre du 22 avril 2022 en ce qu’elle a :
– ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de la société Réside études apparthotels ou de tous occupants de son chef de 1’appartement appartenant à M. [O] [E] et consistant en le lot de copropriété n°1039 au sein d’un immeuble sis [Adresse 2] -[Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 6] (92) ;
– condamné la société Réside études apparthotels à payer à M. [O] [E] une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 1er avril 2018 égale au montant du loyer augmenté des charges et taxes afférentes, qu’il aurait perçu si le bail n’était pas arrivé à son terme, déduction faite des sommes versées durant cette période au titre de l’occupation du local;
– condamné la société Réside études apparthotels à payer à M. [O] [E] une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté la demande de condamner M. [O] [E] à verser à la société Réside études apparthotels la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties ;
– condamné la société Réside études apparthotels aux dépens.
et statuant à nouveau
sur la demande d’expulsion de la société Réside études apparthotels :
– dire l’absence d’urgence sur la demande de M. [E] ;
– juger l’existence de contestations sérieuses tenant à :
– à l’existence d’un bail verbal dérogatoire entre la société Réside études apparthotels et M. [E] à compter du 1er avril 2018 ;
– l’existence d’un bail commercial soumis au statut des baux commerciaux entre la société Réside études apparthotels et M. [E] à compter du 1er avril 2021 ;
en conséquence ;
– dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de demande M. [E] tendant à l’expulsion de la société Réside études apparthotels ;
– débouter M. [E] de sa demande à ce titre ;
sur les demandes au titre de l’indemnité d’occupation :
– juger prescrite l’action en fixation et en paiement, à titre provisionnel, de l’indemnité d’occupation de M. [E] ;
– juger l’existence de contestations sérieuses tenant notamment à :
– aux ‘circonstance exceptionnelle et grave affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale’, selon les termes contractuels insérés dans les baux ;
– à la destruction partielle des lieux loués conformément à l’article 1722 du code civil et à l’exception d’inexécution opposée aux bailleurs ;
– à l’exigence de bonne foi ;
en conséquence,
– déclarer irrecevables les demandes de M. [E] tendant à la fixation et au paiement, à titre provisionnel, d’une indemnité d’occupation de 900 euros par mois rétroactivement à compter du 1er avril 2018 ;
– dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de fixation et de paiement, à titre provisionnel, d’une indemnité d’occupation de M. [E] en raison de contestations sérieuses ;
en tout état de cause :
– déclarer M. [E] mal fondé en son appel incident ;
– l’en débouter,
– débouter M. [E] en toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [E] à payer à la société Réside études apparthotels la somme de 3 000 euros en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [E] aux entiers dépens.
– dire qu’ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’.
Dans ses dernières conclusions déposées le 21 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [O] [E] demande à la cour, au visa des articles 834, 835 du code de procédure civile, L. 145-9, 145-60, 145-25 du code de commerce, de :
‘- débouter la société Réside études apparthotels de son appel comme non fondé,
– juger que l’urgence tient du maintien abusif de la Réside études apparthotels qui n’est plus en droit de contester le congé et ses effets, la rendant occupante sans droit ni titre,
– juger également que ce maintien sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite.
– juger que la société Réside études apparthotels, par l’effet de la prescription de l’article L. 145-9 du code de commerce, est irrecevable à contester le congé et ses effets, qu’elle ne peut dès lors revendiquer l’existence d’un bail verbal qui supposerait, au surplus, l’accord implicite du bailleur, alors que la renonciation de M. [E] au bénéfice du congé et de ses effets doit être expresse certaine et non équivoque, ce qui n’est pas établi en l’espèce,
– constater que le congé a été donné avec refus de renouvellement à effet au 1er avril 2018, et juger, en conséquence, la société Réside études apparthotels occupante sans droit, ni titre, depuis, rétroactivement, le 1er avril 2018,
– juger qu’il n’existe, en l’espèce, aucune contestation sérieuse, et que l’argumentaire, développé par la société Réside études apparthotels, se heurte à la prescription de son action en contestation de congé,
– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a prononcé l’expulsion de la société Réside études apparthotels ainsi que de tous occupants de son chef du studio n°A0307 constituant le lot de copropriété n°1039 de la résidence ‘Paris Malakoff’, sise [Adresse 2]-[Adresse 1] & [Adresse 4] à [Localité 6], et ce avec assistance de la force publique si besoin est,
– juger que la demande de fixation et de condamnation à une indemnité d’occupation est recevable, comme ne se fondant pas sur une disposition issue de statut des baux commerciaux, que la demande vise la fixation de l’indemnité d’occupation de droit commun, non prescrite,
– infirmer l’ordonnance de référé en ce qu’elle a limité le montant de l’indemnité d’occupation au montant du loyer majoré des charges.
– fixer, à titre provisionnel, l’indemnité d’occupation de droit commun à la somme de 900 euros par mois à compter du 1er avril 2018.
– condamner la société Réside études apparthotels à payer, à titre de provision, l’indemnité d’occupation à compter du 1 er avril 2018 jusqu’à la parfaite libération des lieux, déduction faite des sommes qu’elle aurait acquittées durant cette période au titre de l’occupation du local.
– juger que la société Réside études apparthotels ne peut revendiquer le bénéfice d’un bail auquel il a été mis fin, et que la pandémie covid 19 ne constitue, en aucun cas, une cause de nature à exonérer la société Réside études apparthotels au paiement de l’indemnité d’occupation, et ce pour quelque motif que ce soit, conformément à ce qu’a jugé la Cour de cassation dans deux arrêts du 30 juin 2022.
– condamner la société Réside études apparthotels à payer à M. [E] la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens qui comprendront, notamment, le coût de la mesure d’expulsion, si celle-ci s’avérait être initiée’.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société Réside études apparthotels invoque en premier lieu au soutien de son appel l’absence d’urgence dès lors que l’assignation de M. [E] visant à obtenir son expulsion est postérieure de plus de 18 mois à l’éventuelle prescription biennale de son action. Elle fait valoir qu’aucun trouble manifestement illicite n’est davantage caractérisé puisqu’elle bénéficie d’un bail verbal.
Arguant ensuite de l’existence de contestations sérieuses faisant obstacle à la demande d’expulsion de M. [E], l’appelante affirme bénéficier depuis le 1er avril 2018 d’un bail commercial verbal, prévu par l’article L. 145-5 du code de commerce, qui serait démontré par le paiement des loyers en contrepartie de la jouissance des locaux.
Elle soutient qu’en vertu du même article, ce bail dérogatoire est devenu un bail commercial à compter du 1er avril 2021 dès lors qu’elle est restée en possession des locaux à l’issue d’un délai de 3 ans et 1 mois sans que M. [E] émette la moindre contestation à ce titre.
Sur l’indemnité d’occupation, la société Réside Etudes Apparthôtels invoque la prescription biennale de la demande de M. [E] en fixation et en paiement à ce titre depuis le 21 juin 2020.
Elle soulève également l’existence de contestations sérieuses tenant d’une part à l’existence d’un bail verbal dérogatoire devenu bail commercial faisant obstacle à sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation, et d’autre part à la crise sanitaire au regard de son activité particulière.
L’appelante précise sur ce point que l’article VIII du bail permet de décaler le paiement du loyer en cas de survenance de circonstances exceptionnelles et graves, comme la pandémie de Covid 19, qui l’empêchait de sous-louer le bien et donc de l’exploiter conformément à sa destination.
Elle se fonde ensuite sur la destruction ou disparition partielle des lieux loués dans le contexte de son exploitation de résidences de tourisme d’affaires urbaines.
Arguant enfin de l’exigence de bonne foi, la société Réside Etudes Apparthôtels fait valoir que l’équilibre économique du bail a été rompu pendant les périodes de confinement et que le bailleur aurait dû surseoir à l’exigence de perception des loyers.
M. [E] expose en réponse que son action est bien fondée, tant sur le fondement de l’article 834, l’urgence étant caractérisée par la nécessité de ne pas laisser perdurer une occupation sans droit ni titre, que sur celui de l’article 835 du code de procédure civile avec l’existence d’un trouble manifestement illicite lié au maintien dans les lieux de sa locataire.
Il conclut à la confirmation de l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a ordonné l’expulsion de la société Réside Etudes Apparthôtels au motif que l’action en contestation du congé qu’il lui a délivré est prescrite depuis le 1er avril 2020 et que celle-ci est donc incontestablement devenue occupante sans droit ni titre.
Contestant l’argumentation de l’appelante relative au bail verbal, M. [E] fait valoir que celle-ci n’a pas contesté le congé qui lui a été délivré, auquel qu’il n’a jamais entendu renoncer, et que les factures émises par la société Réside Etudes Apparthôtels elle-même ne peuvent démontrer l’existence d’un tel bail, étant précisé que le maintien dans les lieux implique le versement d’une indemnité d’occupation et que l’acceptation par le bailleur de règlements postérieurement au congé n’a donc aucune portée spécifique.
Sur l’indemnité d’occupation, l’intimé soutient que son action n’est pas prescrite puisqu’il disposait selon lui d’un délai de 5 ans, postérieurement à l’expiration du délai de 2 ans prévu à l’article L. 145-9 du code de commerce pour initier sa procédure.
M. [E] ajoute que, n’ayant pas contesté le congé dans le délai de 2 ans qui lui était imparti, la société Réside Etudes Apparthôtels est définitivement occupante sans droit ni titre, ce qui la rend redevable d’une indemnité d’occupation de droit commun.
Il sollicite la fixation de l’indemnité d’occupation à la somme de 900 euros, et non au montant qu’il aurait perçu si le bail s’était poursuivi comme alloué par le premier juge, tirant argument de la taille et de la qualité de son studio.
Rappelant les arrêts de la Cour de cassation du 30 juin 2022, l’intimé fait valoir qu’il n’existe aucune contestation sérieuse quant à l’exigibilité de l’indemnité d’occupation.
Sur ce,
La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constater’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.
Sur l’expulsion
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
L’illicéité du trouble suppose la violation d’une obligation ou d’une interdiction préexistante et doit être manifeste. Il appartient à la partie qui s’en prévaut d’en faire la démonstration avec l’évidence requise devant le juge des référés.
M. [E] expose à juste titre que constitue un trouble manifestement illicite l’occupation sans droit ni titre d’un local commercial.
En vertu des dispositions de l’article L. 145-10 du code de commerce, ‘à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.
La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception . Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu’à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l’égard de tous.
Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l’alinéa ci-dessous.
Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
L’acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement’.
L’article L. 145-28 du même code dispose qu”aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation’.
En l’espèce, par acte d’huissier du 21 juin 2018, M. [E] a fait signifier à la société Réside études apparthôtels un congé avec refus de renouvellement de bail commercial sans offre d’indemnité d’éviction, à effet au 1er avril 2018.
Ce congé, dont la validité n’est pas contestée, comprenait la mention prévue au dernier alinéa de l’article L. 145-10 susmentionné quant au délai biennal de prescription.
Il résulte des articles L. 145-28 et L. 145-60 du code de commerce que le locataire, qui entend demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit agir avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Dès lors que la société Réside études apparthôtels n’a pas demandé le paiement d’une indemnité d’éviction avant l’expiration du délai de deux ans à compter de la date d’expiration du bail, soit le 1er avril 2018, l’action en paiement de l’indemnité d’éviction est, avec l’évidence requise en référé, prescrite et l’appelante ne peut plus se prévaloir, fût-ce par voie d’exception, du droit au maintien dans les lieux qui en est le corollaire.
Si M. [E] a attendu le 13 octobre 2021 pour solliciter l’expulsion de la société Réside Etudes Apparthôtels, il ne peut être déduit de ce simple délai, au demeurant limité puisque celui-ci fait valoir à juste titre qu’il ne pouvait obtenir cette expulsion tant que le délai de deux ans mentionné à l’article L. 145-28 du code de commerce n’était pas expiré (soit avant le 1er avril 2020), le renoncement du bailleur à se prévaloir du congé qu’il avait délivré.
En effet, la renonciation implique une manifestation de volonté expresse et non équivoque qui fait défaut en l’espèce, le simple encaissement par M. [E] des règlements de la société Réside Etudes Apparthôtels pouvant être interprété comme la perception d’une indemnité d’occupation, la qualification de ‘loyer’ ne figurant que sur des documents établis par l’appelante elle-même.
Au surplus, comme le souligne longuement l’appelante, les circonstances particulières de la crise sanitaire en 2020 ont pu également inciter M. [E] à différer son action en justice.
Aucun élément ne permet donc d’étayer les arguments de la société Réside Etudes Apparthôtels quant à l’existence d’un bail verbal postérieurement au 1er avril 2018 et c’est à juste titre que M. [E] fait valoir que celle-ci doit être considérée comme occupante sans droit ni titre depuis le 1er avril 2020, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.
En conséquence, il y a lieu de confirmer l’ordonnance querellée en ce qu’elle a ordonné l’expulsion de la société Réside études apparthôtels.
Sur la provision
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
En application de ce texte, le montant de la provision qui peut être allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Le principe du paiement d’une indemnité d’occupation par un occupant sans droit ni titre, en contrepartie de l’occupation des lieux, n’est pas sérieusement contestable et l’action n’est pas soumise au délai de prescription de deux ans prévu à l’article L. 145-60 du code de commerce, s’agissant d’une indemnité d’occupation de droit commun. Aucune prescription n’est donc manifestement susceptible d’être acquise en l’espèce, l’action ayant été engagée dans les 5 ans de la résiliation du bail.
Ainsi qu’il l’a déjà été indiqué, ne sont pas davantage sérieuses les contestations liées à l’existence d’un bail verbal.
Si l’article VIII du bail commercial conclu entre les parties prévoit : ‘dans le cas où la non sous-location résulterait soit du fait d’une faute du bailleur, soit de l’apparition de désordre de nature décennale, soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu’incendie de l’immeuble etc) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer défini ci avant ne sera pas payé jusqu’au mois suivant la fin du trouble de jouissance.’, ces dispositions ne s’appliquent qu’au paiement du loyer et non d’une indemnité d’occupation et ne sont donc pas de nature à caractériser une contestation sérieuse.
En revanche et même si les arguments liés à la destruction ou la disparition partielle des lieux loués ont été tranchés par la Cour de cassation dans ses arrêts du 30 juin 2022, il y a lieu de dire que, s’agissant d’une entreprise ayant pour vocation la sous-location des logements loués dans le cadre du tourisme d’affaires, qui a été particulièrement et durablement affecté par la crise sanitaire, il convient de dire la contestation sur le montant de l’indemnité d’occupation est en partie sérieuse. La société Réside Etudes Apparthôtels sera en conséquence condamnée à verser par provision à M. [E] une indemnité d’occupation d’un montant égal à la moitié du loyer qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi entre le 1er avril 2020 et le 31 mai 2021, et une indemnité d’occupation du montant du loyer contractuellement prévu entre le 1er avril 2018 et le 30 mars 2020 ainsi qu’à compter du 1er juin 2021, ce qui correspond au montant incontestable de sa créance.
Sur les demandes accessoires
L’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie essentiellement perdante, la société Réside études apparthôtels devra supporter les dépens d’appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. [E] la charge des frais irrépétibles exposés. L’appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme l’ordonnance querellée sauf sur le montant de l’indemnité d’occupation ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Réside études apparthôtels à payer à M. [O] [E] par provision une indemnité d’occupation d’un montant égal à la moitié du loyer qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi entre le 1er avril 2020 et le 31 mai 2021, et une indemnité d’occupation du montant du loyer contractuellement prévu entre le 1er avril 2018 et le 30 mars 2020 ainsi qu’à compter du 1er juin 2021 ;
Condamne la société Réside études apparthôtels à verser à M. [E] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que la société Réside études apparthôtels supportera les dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,