Indemnité d’éviction : 15 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02298

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Indemnité d’éviction : 15 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02298
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15 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02298

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2023

N° RG 21/02298

N° Portalis DBV3-V-B7F-UUOQ

AFFAIRE :

[F] [U]

C/

Société ARTOIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 2,juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : AD

N° RG : F 18/03376

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mikaël KLEIN

Me Mélina PEDROLETTI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [F] [U]

né le 10 mars 1985 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Mikaël KLEIN de la SELARL LBBA, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0469, substitué à l’audience par Me Alizée GILLAUX, avocat au barreau de Paris

APPELANT

****************

Société ARTOIS

N° SIRET : 499 087 625

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me David LINGLART de l’ASSOCIATION LECANET & LINGLART, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0554 et Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE-MONNYER, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Mme Florence SCHARRE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK,

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [U] a été engagé à compter du 12 novembre 2013 en qualité de consultant, par la société Artois, filiale de la société Ernst &Young France et spécialisée dans le secteur des activités d’audit et de services comptables, qui emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des cabinets d’experts comptables et des commissaires aux comptes.

Par décision en date du 22 septembre 2015, la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de [Localité 3] a attribué à M. [U] la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (ci-après RQTH).

À l’issue d’une visite en date du 10 mai 2017, le médecin du travail a établi une fiche d’aptitude concernant le salarié, ainsi libellé : ‘Apte – privilégier missions longues région parisienne’ et sous la rubrique à revoir ‘6 mois’.

Par courriel en date du 19 octobre 2017, M. [U] a alerté Mme [W], directrice des ressources humaines sur le comportement de son supérieur, à qui il reprochait de remettre en cause la décision des médecins à son égard en précisant qu’il bénéficiait d’une RQTH depuis plus de deux ans.

Convoqué le 4 décembre 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 décembre suivant, M. [U] a été licencié par lettre datée du 21 décembre 2017 énonçant une cause réelle et sérieuse avec dispense d’exécuter le préavis.

Le 24 décembre 2018, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins d’entendre juger le licenciement nul comme étant fondé sur une discrimination en raison de son handicap et de son état de santé, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s’est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 2 juin 2021, notifié le 29 juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit et juge que licenciement pour insuffisance professionnelle, prononcé par la société Artois s’analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la société Artois à payer à M. [U] les sommes suivantes :

– 11 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 2 juin 2021 ;

– 950 euros, à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 2 juin 2021 ;

Ordonne le remboursement, par la société Artois, à Pôle Emploi, des allocations versées à M. [U] du jour de son licenciement jusqu’au 2 juin 2021, dans la limite de 6 mois d’indemnité de chômage ;

Dit qu’à l’expiration du délai d’appel, une copie certifiée conforme du présent jugement sera adressée par le greffier de la section activités diverses du Conseil de prud’hommes de Nanterre à la direction générale de Pôle Emploi ‘ [Adresse 6], en précisant si ledit jugement a fait ou non l’objet d’un appel ;

Déboute M. [U] de ses demandes plus amples ou contraires ;

Déboute la société Artois de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure ;

Condamne la société Artois aux entiers dépens comprenant notamment les frais éventuels de signification et d’exécution forcée du présent jugement, par voie d’huissier.

Le 13 juillet 2021, M. [U] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 18 janvier 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 mars 2023, laquelle a été reportée au 11 avril 2023.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 5 janvier 2023, M. [U] demande à la cour de :

A titre principal:

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande visant à voir juger son licenciement nul et, en conséquence, de sa demande de réintégration au sein de la société Artois sous astreinte et de sa demande de paiement des salaires qu’il aurait dUS percevoir entre son licenciement et sa réintégration ;

Et, statuant à nouveau,

Juger que son licenciement constitue une discrimination directe fondée sur son état de santé et son handicap ;

Prononcer en conséquence la nullité de son licenciement ;

Ordonner à la société Artois de le réintégrer dans son emploi, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

Condamner la société Artois à lui verser une indemnité correspondant à la totalité de la rémunération qu’il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration, sur la base d’un salaire mensuel brut de 2 341,50 euros ;

A titre subsidiaire:

Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement en ce qu’il a limité à 11 000 euros l’indemnité qui lui est due par la société Artois pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et, statuant à nouveau,

Juger que le barème d’indemnisation de l’article L. 1235-3 du code du travail est illicite ou, en tout état de cause, que son application porte une atteinte disproportionnée à ses droits en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché ; Condamner la société Artois à lui verser la somme de 28 098 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Subsidiairement, condamner la société Artois à lui verser la somme de 11 707 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause:

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel d’indemnité compensatrice de préavis ;

Et, statuant à nouveau,

Condamner la société Artois à lui verser la somme de 2 341,50 euros bruts à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 234,15 euros bruts de congés payés y afférents ;

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination dont il a été victime en raison de son état de santé et de son handicap ;

Et, statuant à nouveau,

Condamner la société Artois à lui verser la somme de 7 024,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination en raison de son état de santé et de son handicap ;

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Et, statuant à nouveau :

Condamner la société Artois à lui verser la somme de 2 341,50 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Débouter la société Artois de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société Artois à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en appel ;

Condamner la société Artois aux entiers dépens.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 6 janvier 2022, la société Artois demande à la cour de recevoir M. [U] en son appel mais l’y déclarer mal fondé, la recevoir en son appel incident et la déclarer bien fondée en conséquence :

A titre principal,

Débouter M. [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement de M. [U] ;

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à verser M. [U] les sommes de 11 000 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse et 950 euros pour frais irrépétibles de procédure.

A titre subsidiaire,

Ramener les demandes de M. [U] à de plus justes proportions ;

Y ajoutant,

Condamner M. [U] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

La lettre de licenciement, en date du 21 décembre 2017, est ainsi libellée:

« Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est déroulé 18 décembre dernier et sommes au regret de vous informer que les explications que vous nous avez fournies n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Nous constatons en effet que vous ne souhaitez pas intégrer les exigences de votre poste, faisant preuve de trop nombreux mois d’un intérêt variable pour l’exercice de vos fonctions, lequel est incompatible avec l’investissement que nous sommes en droit d’attendre de votre part.

Nous vous rappelons ainsi le retour que nous vous avons fait à l’issue du dernier exercice FY17.

Celui-ci aurait logiquement dû vous inciter à vous investir pleinement dans vos fonctions, dès lors que votre niveau de performance avait été considéré comme étant en deçà des attentes légitimes de vos responsables.

Pour autant, il est manifeste vous n’avez pas compris la nature de celles-ci et que vous n’avez (pas) entendu notre message.

Pour mémoire, l’exercice 2017 avait tout d’abord été notablement marqué par un échec notoire de votre part sur la mission CNP TI. En effet, le client avait expressément sollicité que vous soyez écarté de cette mission eu égard à votre comportement à la piètre qualité de vos prestations marquées par de nombreuses erreurs. Afin de ne pas mettre la poursuite de cette mission en péril et compte tenu du constat objectif opéré par le client, nous avions accédé à sa demande.

Malgré cette sérieuse alerte quant à votre professionnalisme et le niveau de vos prestations, vous n’avez pas semblé prendre conscience de la nécessité de démontrer votre implication et vos qualités professionnelles.

Car au lieu de réagir conformément à nos attentes, vous avez ajouté une curieuse lenteur dans l’exécution de vos tâches sur la mission GENERALI. En effet, votre responsable découvrait que vous prétendiez avoir effectué des heures supplémentaires sans pour autant le lui signaler ni l’alerter sur votre charge de travail. Bien au contraire, il avait retenu après avoir échangé avec vous lors de cette mission à plusieurs reprises eu égard à votre faible engagement et votre manque de professionnalisme, que les horaires appliqués étaient adaptés et vous assuraient un relatif confort’

Outre cette contribution très mitigée et en tout état de cause insuffisante sur ces missions, il était également noté que sur les travaux récurrents de tenue de dossiers, il était difficile de pouvoir compter sur votre concours.

Vos évaluateurs relevaient en effet qu’en plus de vos lacunes techniques, vous reconnaissiez ne pas avoir les compétences pour traiter les travaux basiques relatifs aux déclarations fiscales tels que les liasses fiscales, les acomptes d’IS… Le bilan de votre contribution sur l’exercice 2017 justifiait ainsi que vos responsables jugent opportun de vous maintenir une saison supplémentaire au grade d’assistant-débutant et de ne pas vous passer assistant expérimenté.

De nouveau, votre réaction n’était pas celle attendue. Car peu de temps-après cet entretien, vous annonciez ne pas pouvoir continuer à intervenir sur la mission CRCAM Nord Est à [Localité 5] invoquant des raisons médicales la veille de vos congés, sans pour autant justifier de votre état de santé. Malgré le fait que vous n’ayez pas justifié de votre état de santé, nous avons pris soin de vous retirer de cette mission dès le 2 mai, date à laquelle vous étiez supposé rencontrer le médecin du travail. L’avis médical a été rendu par ce dernier le 10 mai indiquant une restriction des déplacements en région Île-de-France, engagement que nous avons parfaitement respecté depuis.

La suite de votre saison n’a pas révélé d’amélioration. En fait, le 17 octobre dernier, au cours de la mission BNPP, votre manager a été contraint de vous rappeler à l’occasion d’un entretien spécifique la nécessité de vous impliquer et d’améliorer très sensiblement la qualité de vos livrables. Vous avez reconnu votre niveau de production exagérément bas pour un salarié bénéficiant de votre expérience et en outre alerté à de nombreuses reprises sur son insuffisance. Or en dépit de votre engagement et malgré une attitude plus impliquée, force est de constater que la qualité de vos livrables est demeurée très en deçà de ce que nous pouvons légitimement attendre de votre part.

Malgré ce bilan, loin de constater une amélioration de votre comportement, vos supérieurs ainsi que les ressources humaines ont eu à faire face au cours de ces derniers mois à vos demandes fréquentes de jours de récupération, d’autorisations d’absences sollicitées au dernier moment pour vos examens ou à vos récriminations voire menaces pour obtenir une révision de votre positionnement conventionnel et la revalorisation de votre salaire induite par cette dernière.

Tout d’abord, nous constatons que vous persistez à déclarer des heures supplémentaires à l’occasion des missions auxquelles vous participez sans en référer au préalable à vos responsables. Eu égard aux multiples rappels qui vous ont été adressés, vous ne pouvez pourtant prétendre ignorer le processus concernant les heures supplémentaires. Celles-ci sont effectuées par le collaborateur à la demande et sur autorisation du responsable hiérarchique à qui vous devez avoir préalablement fait état de la nécessité de dépasser le temps de travail qui est normalement le vôtre. Force est de constater que vous persistez à vous affranchir de cette procédure et mettez fréquemment vos managers devant « le fait accompli » malgré les rappels dont vous avez été destinataire.

De plus, ces déclarations nous semblent pour le moins curieuses dans la mesure où il apparaît que vous demeurez un des collaborateurs avec le taux de chargeabilité et d’occupation les plus bas. Il nous apparaît de ce fait difficile de pouvoir concilier un faible temps de travail avec ces heures supplémentaires alléguées.

Par ailleurs, bien que conscient de nos attentes vous concernant, vous demeurez réticent à vous investir aux côtés de vos collègues et n’êtes curieusement jamais présent en cas de disponibilité sur votre planning pour effectuer les tâches internes inhérentes à l’équipe EC+.

Vous ne respectez pas plus les procédures d’absence qui supposent que pour toute absence prévisible, vous avisiez le service planning et vos responsables. En l’espèce, à plusieurs reprises, alors que vous étiez informé de la date de vos examens d’expertise comptable, vous n’avez pas prévenu de vos absences à venir ou l’avez fait tardivement, à la requête de vos responsables. Vous connaissez pourtant la procédure de demande formation externe (ASFOREF) mais persistez à agir au mépris de celle-ci.

Votre attitude est similaire concernant les congés, vous avez été relancé à de nombreuses reprises et malgré un entretien spécifique le 17 mai dernier, vous avez persisté à ignorer les règles. Nous avons été contraints de vous relancer à ce sujet notamment au mois de juillet dernier ainsi que plus récemment au mois d’octobre.

Compte tenu de votre ancienneté dans vos fonctions, vous ne pouvez prétendre ignorer ces obligations élémentaires, votre attitude a pour conséquence de bouleverser les plannings et mobiliser certains de vos collègues appelés à pallier celle-ci.

Votre attitude peu professionnelle et à tout le moins peu impliquée a fortement altéré la confiance que pouvaient vous porter vos responsables. En effet, les insuffisances professionnelles dont vous faites preuve n’incitent pas ces derniers à vous programmer sur des missions à l’avenir, d’autant moins que les différents axes d’amélioration qui vous avaient été soumis à l’issue de votre évaluation 2017 n’ont pas été suivis.

Nous vous rappelons qu’il était souhaité vous voir gagner en autonomie après trois ans et demi passés au sein du cabinet. Or, nous constatons peu d’amélioration.

Vous ne respectez pas davantage les règles en vigueur et n’avez pas progressé techniquement.

Loin de satisfaire les différents souhaits émis par vos responsables, vous avez à plusieurs reprises sollicité une correction de votre positionnement que vos performances ne justifient nullement. A cette fin, vous n’avez de plus pas hésité à exciper de votre état de santé dont vous n’avez jamais justifié, indiquant que vous bénéficieriez du statut de travailleur handicapé suite à une RQTH que vous n’avez jamais transmise. Nous vous rappelons que toute restriction émise par le médecin du travail sur votre avis d’aptitude consistait en une limitation des déplacements, laquelle est parfaitement respectée.

Le manque de qualité dans l’exercice de vos fonctions ainsi que votre désinvestissement parfois véritablement visible lors de la réalisation de vos missions sont d’autant plus regrettables qu’ils génèrent un véritable mécontentement de la part de nos clients, ce qui ne peut que nuire au développement de notre activité.

Dès lors, alors même qu’il est manifeste que votre niveau de performance est insuffisant et qu’il n’existe aucune perspective d’amélioration, nous ne pouvons plus envisager la poursuite de notre collaboration et sommes contraints de vous notifier votre licenciement.

[…] »

Il résulte des dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l’article L. 1132-4, toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

En application de l’article L. 1134-1, en cas de litige relatif à la méconnaissance de ces textes, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Affirmant que son travail a toujours fait l’objet d’évaluations positives, tant de la part de sa hiérarchie que des clients auprès desquels il effectuait des missions, et qu’il venait d’être affecté sur la mission BNPP relevant d’un domaine, sensiblement éloigné de son champ de compétences, à savoir celui de la conformité bancaire, M. [U] soutient avoir fait l’objet d’une évaluation à charge et discriminatoire, peu de temps après l’annonce de sa qualité de travailleur handicapé. Il estime avoir été licencié et ce sous couvert de motifs fallacieux en raison de son état de santé et/ou son handicap.

La société Artois qui soutient que les griefs visés dans la lettre de licenciement sont établis, affirme au contraire que pour l’essentiel, les manquements qui lui sont reprochés sont antérieurs à l’annonce de sa RQTH et donc sans lien avec son état de santé et son handicap, le salarié ne lui ayant, du reste, jamais communiqué la décision de la MDPH. Elle ajoute que peu de temps avant le comité d’évaluation du 12 mai 2017, les supérieurs hiérarchiques de M. [U] lui avaient fait part de ses carences professionnelles, dont il était conscient.

Au soutien de son action tendant à voir juger le caractère discriminatoire de son licenciement, M. [U] établit les éléments suivants :

– bénéficiaire d’une RQTH depuis 2015, il a été examiné le 10 mai 2017, par le médecin du travail.

L’appelant relève dans la fiche d’aptitude, aux termes de laquelle il a été préconisé de ‘privilégier les missions longues (en) région parisienne’, que le médecin du travail a coché positivement sur la fiche, la mention ‘surveillance médicale renforcée’, tout en y substituant manuscritement la mention ‘SIA’ correspondant, selon le salarié, à l’acronyme de ‘suivi individuel adapté’, l’article R. 4624-17 du code du travail, dans sa rédaction applicable, énonçant sous le paragraphe consacré à ‘l’adaptation du suivi individuel de l’état de santé des travailleurs’, que « tout travailleur dont l’état de santé, l’âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent, notamment les travailleurs handicapés, les travailleurs qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité et les travailleurs de nuit mentionnés à l’article L. 3122-5, bénéficie, à l’issue de la visite d’information et de prévention, de modalités de suivi adaptées déterminées dans le cadre du protocole écrit prévu au 3ème alinéa de l’article L. 4624-1, selon une périodicité qui n’excède pas une durée de 3 ans »,

– le 11 mai 2017, il a adressé un courriel à Mme [M], chef de projet handicap, en l’informant de sa ‘reconnaissance de qualité de travailleur handicapé’ et que ‘suite à [sa] visite chez le médecin du travail, [il aurait] aimé [la] rencontrer, afin d’échanger sur la pertinence de faire valoir cette reconnaissance au sein de l’entreprise’ ;

– il a été reçu par cette collaboratrice du service DSRH d’ EY (Ernst and Young) le 23 mai suivant ;

– le 12 mai 2017, le comité d’évaluation se réunissait concernant son évaluation 2017 (juillet 2016/juin 2017), lequel décidait de le maintenir à son positionnement et de rejeter la demande d’élévation d’échelon qu’il avait formulée ;

– le 26 juin 2017, M. [S] rédigeait son évaluation, dont il recevra restitution le 28 juillet suivant ; il en ressort que son supérieur hiérarchique après avoir indiqué que le salarié a été ‘sorti très brutalement du job CNP TI à la demande du client en juin 2016″, mentionné que ‘globalement, [F] n’a pas fait une bonne année, son chargeable étant compromis dès le début de la saison en juillet 2016 (en disponibilité de juillet à novembre 2016) comte tenu de son exclusion de CNP’, qu’il ‘n’y a pas eu d’alerte majeure sur la mission Generali, très encadrée’, sous réserve des heures supplémentaires dont le salarié ne s’est prévalu que le 14 mars 2017, ‘sans avoir prévenu en temps voulu lors de la réalisation de la mission comme expliqué plusieurs fois’ a noté concernant la mission CRCA [Localité 5], ‘que le salarié n’y a fait que 8 jours de mission, a démontré un manque de volonté et finalement un refus de faire cette mission au titre d’une raison médicale ; aucune inaptitude n’a été démontrée par la médecine du travail (rdv du 10 mai 2017)’, sans que M. [S] ne fasse référence à la préconisation de limiter le périmètre géographique d’intervention ;

– ensuite du message adressé à la directrice des ressources humaines le 19 octobre 2017, aux termes duquel il dénonçait le fait que son supérieur remettait ‘systématiquement en cause les décisions des médecins (le concernant) au point de devoir lui proposer lors du dernier entretien d’aller ensemble voir le médecin du travail, suite à ses paroles niant la véracité de la décision. Bénéficiant d’une RQTH depuis plus de 2 ans, je n’apprécie pas vraiment son attitude, surtout lorsque cela paralyse mon évolution et mes primes/augmentations au sein de l’entreprise’, il a été convoqué à plusieurs reprises par la responsable des ressources humaines avant d’être convoqué le 4 décembre 2017 à l’entretien préalable à un éventuel licenciement, le salarié soulignant la proximité temporelle entre cette alerte et l’engagement de la procédure de licenciement ;

– il ressort de la lettre de licenciement, que la société y fait expressément référence à l’état de santé et/ou la RQTH du salarié, l’employeur reprochant au salarié, d’une part, d’avoir annoncé en avril 2017 qu’il ne pourrait poursuivre la mission à [Localité 5] en ‘invoquant des raisons médicales la veille de vos congés, sans pour autant justifier de votre état de santé’, tout en concédant que le médecin du travail indiquera le 10 mai ‘ une restriction des déplacements en région Île-de-France’ et, d’autre part, relativement à sa demande de ‘correction de [son] positionnement’ de ne pas avoir hésité, ‘à cette fin, […] à exciper de [son] état de santé dont il n’a jamais justifié indiquant qu'[il bénéficierait] du statut de travailleur handicapé suite à une RQTH qu'[il n’a] jamais transmise’.

Pris dans leur ensemble, les éléments ainsi établis par le salarié laissent supposer l’existence d’un lien entre l’état de santé et la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, dont M. [U] justifie, et le licenciement dont il a fait l’objet.

Au vu de ces éléments, il convient d’examiner la cause du licenciement afin de vérifier que celui-ci est étranger à toute discrimination en raison de l’état de santé et/ou du handicap du salarié ainsi que le soutient l’employeur.

Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Cela étant, l’insuffisance professionnelle, qui se caractérise par une mauvaise qualité du travail due à une incompétence professionnelle ou une inadaptation à l’emploi, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié.

Il ressort de la lettre de licenciement que l’employeur fonde le licenciement pour cause réelle et sérieuse sur quatre séries de griefs à savoir, des carences professionnelles notamment dans les missions exercées chez les clients de la société, des lacunes techniques dans les travaux de tenue des dossiers, une méconnaissance des procédures applicables au sein de l’entreprise, en matière d’heures supplémentaires et en matière d’autorisation d’absences et, enfin, une attitude récriminatoire pour obtenir la révision de son coefficient d’embauche et de son salaire.

1) Sur les carences professionnelles dans les missions exercées chez les clients de la société

Il est constant que M. [U] s’est vu retirer au mois de juin 2016 de la mission CNP TI à laquelle il avait été affecté au mois d’avril précédent.

Il ressort des pièces communiquées par l’employeur que suite au signalement de M. [O] du service comptabilité fournisseur de CNP, de la réception par ce dernier d”une relance au titre d’une facture de la société Orange de 15 138 euros’, Mme [A] [X] a établi une note à l’attention du responsable de la mission soulignant de nombreuses défaillances imputables à [F] [U] qui ‘ne prend pas note des conseils, ne respecte pas les consignes données par ses collègues, ne fait pas preuve d’implication sur les sujets confiés, aucune gestion des priorités, ne fait pas de feed-back malgré les relances’, ‘aucune facture d’achat classé depuis avril, le tableau de suivi des factures d’achat n’était pas mis à jour depuis plus d’un mois bien que la demande lui a été faite plusieurs fois, CVAE : [F] a confirmé que le règlement de l’acompte à l’échéance 15/06 était déclaré et payé. J’ai constaté mercredi que le paiement de l’acompte (320k€) n’avait pas été fait […]’ (pièce n° 5 de l’employeur).

Le salarié conteste que son retrait de cette mission soit en lien avec son manque d’implication, pourtant stigmatisé par Mme [X], dont il concédera dans un mail adressé à M. [C] le 20 juillet 2016, qu’ ‘[A] avait été très aidante par mail (bien que débordée sur La Banque Postale)’, tout en se plaignant d’un manque de formation, ‘une seule demi-journée après 3 semaines d’intervention’ et en objectant à son responsable sa faible présence sur cette mission en raison de ‘nombreux jets et de CP à utiliser suite à la mission AZ’.

S’il ne ressort pas des pièces communiquées que le salarié a été retiré de la mission à la demande du client, il est en revanche établi un manque d’implication et de professionnalisme de l’intéressé à l’origine de nombreuses erreurs, dont au moins une a pu être identifiée par la société CNP. À ce titre le manquement est avéré.

Concernant la mission Generali, qui s’est déroulée de novembre 2016 à mars 2017, si l’employeur établit que M. [C] relevait qu’avant même de commencer M. [U] faisait ‘des siennes’ au motif qu’il ne souhaitait pas rester jusqu’à 17h30 pour recevoir des précisions sur l’heure et le lieu de rendez-vous pour débuter la mission (pièce n°9 de l’employeur), le salarié lui oppose utilement l’évaluation positive que le responsable de cette mission, M. [N], a rédigé à l’issue de celle-ci, dont le salarié justifie qu’elle a représenté près de 70% de son activité chargeable pour l’exercice 2017.

Le grief portant sur ‘une curieuse lenteur dans l’exécution de [ses] tâches’ ne saurait être caractérisé au motif que le salarié a déclaré, le 14 mars 2017, avoir effectué 11h15 d’heures supplémentaires sur cette mission qui s’est déroulée de novembre 2016 à mars 2017 ; de même, le grief relevant un ‘faible engagement et [un] manque de professionnalisme’, qui n’est étayé par aucun élément, est utilement contredit par l’évaluation positive de M. [N] versée aux débats par le salarié. Au titre de cette mission, aucune insuffisance n’est établie.

Concernant la mission BNPP, s’il est établi par l’employeur qu’un ‘plan d’actions’ a été mis en oeuvre par le responsable, M. [L], le 17 octobre 2017, après avoir relevé ‘un niveau de production exagérément bas pour un salarié de son expérience’, M. [U] objecte, sans être contredit sur ce point par l’employeur, d’une part, que cette mission s’inscrivait dans le domaine de la conformité bancaire, distinct de ses missions comptables habituelles, et, d’autre part, que cette appréciation intervenait seulement après 6 jours de travail (déduction faite des jours de congés).

L’appelant relève également que si M. [L] s’est montré initialement critique sur sa production, il a noté le 15 novembre 2017 l’évolution positive de son travail en retenant une ‘amélioration continue et régulière’ sur le plan quantitatif, même si sur le plan qualitatif c’était ‘encore insuffisant’, soulignant que ‘l’évolution positive des résultats projet montre que [F] s’est impliqué pour respecter ses engagements issus du meeting du 17/10/2017″.

Sous cette réserve, le grief énoncé dans la lettre de licenciement, reprochant une ‘qualité de[…]livrables […]demeurée très en deçà’ des attendus, est établi, le responsable constatant au 15 novembre 2017 un taux de dossiers sans erreur de 45% soit ‘significativement en dessous des objectifs et de la moyenne de l’équipe à 86%’.

2) Concernant les lacunes techniques dans les travaux de tenue des dossiers

La société reproche au salarié des lacunes en matière de tenue des dossiers, et de ne pas avoir les compétences pour traiter les travaux basiques relatifs aux déclarations fiscales tels que les liasses fiscales, les acomptes d’impôt sur les sociétés, ce qui nuit nécessairement à son positionnement sur de nouvelles missions.

M. [U] fait valoir d’une part qu’il n’a jamais été averti de lacunes techniques par ses évaluateurs sur ce point, d’autre part que la tenue des dossiers ne faisait pas partie des tâches qui lui étaient assignées, étant principalement affecté à des missions externes auprès de clients de la société, et non à des missions en interne.

À ce titre, la société se borne à se prévaloir de l’évaluation 2017, aux termes de laquelle M . [S] fait état du fait que le salarié ‘reconnaît de lui-même qu’il n’a pas les compétences techniques pour effectuer les travaux récurrents relatifs aux déclarations fiscales’. Le salarié relève qu’il s’agit là d’une mission classique d’un stagiaire expert-comptable, que M. [U], en poste depuis trois ans dans l’entreprise, n’a jamais fait l’objet de critique sur ce point, qu’il a par ailleurs été évalué comme ayant une ‘bonne maîtrise des sujets d’expertise comptable’ en juin 2015, élément confirmé par l’évaluation du comité de l’ordre des experts-comptables relatif au stage qu’il a effectué, duquel il ressort que les ‘sujets techniques [sont] parfaitement maîtrisés’.

Dès lors, au bénéfice du doute qui profite au salarié, le grief évoqué dans la lettre de licenciement selon lequel le salarié ne dispose pas des ‘compétences pour traiter les travaux basiques relatifs aux déclarations fiscales tels que les liasses fiscales, les acomptes d’IS’ sera considéré comme n’étant pas établi.

3) Concernant la méconnaissance des procédures internes au titre des heures supplémentaires et des autorisations d’absence

En matière d’heures supplémentaires

La société soutient que le salarié n’avait de cesse de réclamer la récupération ou le paiement d’heures supplémentaires qu’il avait déclarées, sans même en avoir échangé en amont avec ses managers et sans qu’il ne lui ait été demandé de les réaliser, mettant ces derniers devant le fait accompli, alors même qu’il avait un taux de rendement bas.

M. [U] objecte qu’il n’a jamais reçu d’informations précises de la part de sa hiérarchie sur la procédure à suivre en matière de déclaration des heures supplémentaires, notamment sur la nécessité d’obtenir l’accord de son supérieur hiérarchique, ni aucun rappel verbal ou écrit sur cette procédure. Soulignant que contrairement à nombre de ses collègues, il n’était pas personnellement soumis à une convention de forfait et que l’une des missions prévoyait la mise à disposition d’un consultant à raison de 39 heures hebdomadaires, il soutient qu’il ne peut lui être reproché d’en avoir effectuées.

S’il est constant que M. [U] a demandé à bénéficier de récupération au titre des heures supplémentaires accomplies, force est de constater que l’employeur les lui a accordées en juin 2016 pour les missions BPA et Allianz, ainsi qu’en mars 2017 pour les missions Generali, Pro BTP et Europe Assistance, son supérieur ayant alors répondu à sa demande par un simple ‘c’est noté’, sans en discuter ni l’existence, ni le volume des heures déclarées.

S’agissant de la procédure de déclaration des heures supplémentaires, si l’employeur produit l’évaluation 2017 aux termes de laquelle M. [S] expose que le salarié: ‘a fait des heures supplémentaires, sans avoir prévenu en temps voulu lors de la réalisation de la mission comme expliqué plusieurs fois’, le salarié communique un mail de mars 2017 dans lequel il écrit à M. [S] : ‘comme convenu ensemble lors de l’entretien annuel, et surtout en accord avec la législation, je vous adresse le détail de mes heures supplémentaires à jour au 12 mars 2017′, M. [S] ne contestant alors pas, la procédure de déclaration des heures supplémentaires.

En l’état de ces seuls éléments, et aucun élément n’étant communiqué de nature à étayer les allégations de l’employeur selon lesquelles il a informé le salarié d’une procédure de pose des heures supplémentaires et a adressé au salarié des rappels concernant celle-ci, le grief selon lequel M. [U] aurait ignoré ‘le processus concernant les heures supplémentaires’ et se serait affranchi ‘de cette procédure et [mettrait] fréquemment [ses] managers devant « le fait accompli » malgré les rappels dont [il a] été destinataire’ n’est pas démontré.

En matière d’autorisation d’absences

La société soutient que le salarié informait tardivement ses responsables de ses absences, et de ses congés, contraignant ces derniers à lui rappeler les règles applicables au sein de la société.

Le salarié objecte qu’il n’existe aucune trace écrite d’un quelconque rappel ou avertissement au sujet de la prise des congés payés et que le grief invoqué par la société à ce titre concerne une difficulté rencontrée au moment de la définition des plannings de congés estivaux de 2017, qui n’est toutefois pas sérieuse. Il affirme par ailleurs avoir posé en amont ses congés pour examen et formation et que, concernant les congés en période de disponibilité, il a justifié ses absences auprès de son responsable.

Concernant la pose des congés payés, il est établi que M. [U] a été invité à plusieurs reprises à formaliser ses demandes d’absence sur le logiciel dédié. Il ressort des mails communiqués par l’employeur qu’en juin 2016, sa responsable de mission rappelle lui avoir fait part oralement du ‘briefing sur le process des congés’, ceux datant de juin 2017 consistant en des messages circulaires, qui ne lui étaient pas exclusivement adressés. À ce titre, le grief est établi.

Il en va de même concernant la pose des congés de récupération en raison des heures supplémentaires effectuées, la société communiquant un mail d’octobre 2017 rappelant à l’intéressé la procédure de pose de ce type de congés.

S’agissant des absences pour formation, si la société produit un mail du 19 juillet 2016 dans lequel le salarié demande la validation d’une formation commençant effectivement le lendemain, 20 juillet, ce qui n’est pas discuté par le salarié, ce dernier souligne que cette situation est survenue dans un contexte exceptionnel lié à la reprise du travail à l’issue d’un arrêt maladie de plusieurs semaines.

Le salarié verse par ailleurs aux débats un mail de juin 2017 dans lequel il formalise une demande d’absence pour des examens prévus en septembre et un mail de septembre 2017, dans lequel il sollicite une autorisation d’absence pour révision et examens se tenant en octobre et novembre, de sorte que le grief selon lequel le salarié ‘à plusieurs reprises, alors [qu’il était informé] de [ses] examens d’expertise comptable, [n’a] pas prévenu de [ses] absences à venir ou l’a […] fait tardivement’, partiellement établi, ne présente pas de caractère sérieux.

Enfin, s’agissant des absences en période de disponibilité, si la société produit un mail de M .[S] du 24 novembre 2016, dans lequel il demande au salarié de se mettre à disposition de l’équipe dans l’espace réservé, M. [U] produit les courriels échangés à cette occasion desquels il ressort qu’il a justifié son absence le 24 novembre en raison d’une journée de formation pour ‘Consolidation – Journée 2’, M. [S] ne discutant pas au demeurant cette absence.

Il en va de même concernant une prétendue absence en avril 2016, le salarié justifiant que son responsable, M. [E], qui l’avait interrogé sur ce point le remerciera à réception de sa réponse en lui assurant ‘qu’il était sûr qu’il était chez eux la semaine dernière’ (pièce n°19).

Dès lors, le grief énoncé par la société dans la lettre de licenciement selon lequel le salarié ‘demeure réticent à [s’]investir aux côtés de [ses] collègues et [n’est] curieusement jamais présent en cas de disponibilité sur [son] planning pour effectuer les tâches internes inhérentes à l’équipe EC+’ n’est pas établi.

4) Concernant l’attitude récriminatoire du salarié au vu obtenir la révision de son coefficient d’embauche et de son salaire.

La société fait grief au salarié de relancer souvent les ressources humaines pour obtenir des rendez-vous, lesquelles lui indiquaient la nécessité d’attendre le comité d’évaluation pour aborder son éventuel changement de grade et de classification.

Le salarié fait valoir qu’une telle attitude n’est pas caractérisée et n’est, en tout état de cause, pas un grief relevant de l’insuffisance professionnelle, mais un grief d’ordre disciplinaire.

L’employeur ne saurait sérieusement reprocher au salarié de solliciter de la direction des ressources humaines une évolution de son statut, dans des termes courtois, et non excessifs, les mails de M. [U], produits à ce titre par l’employeur, ne recélant aucune menace, ce dernier se contentant de demander des informations relatives au coefficient d’embauche et à une éventuelle revalorisation conventionnelle, le grief ainsi invoqué par la société dans la lettre de licenciement selon lequel le salarié aurait formulé des ‘récriminations voire menaces pour obtenir une révision de [son] positionnement conventionnel et la revalorisation de [son] salaire induite par cette dernière’ n’est pas établi.

En définitive, il suit de ce qui précède que les manquements reprochés au salarié ne sont que partiellement établis, le plus sérieux d’entre eux, à savoir celui concernant son manque de professionnalisme lors de la mission CNP TI, ayant conduit à son retrait le 17 juin 2016, paraissant en décalage avec la date d’engagement de la procédure de licenciement.

Dans ces circonstances, et alors que les griefs formulés par l’employeur consistant à reprocher au salarié, d’une part, de ne pas s’être ressaisi en termes d’implication professionnelle et d’avoir interrompu en avril 2017 la mission CRCAM à [Localité 5] en invoquant un motif médical, lequel sera validé le 10 mai 2017 par le médecin du travail qui préconisera à l’employeur que le salarié accomplisse des missions en région parisienne, et, d’autre part, d’avoir excipé de son état de santé et de son statut de travailleur handicapé au soutien de sa demande de revalorisation sans justifier de la RQTH, observation faite qu’il ressort du message adressé par Mme [K] à la direction des ressources humaines que si cette chargée de missions handicap indique avoir sollicité lors de l’entretien du 23 mai 2017 que le salarié lui communique la décision de la MDPH, elle concède ne l’avoir pas relancé sur ce point, ne sont pas justifiés par des éléments étrangers à toute discrimination, le licenciement prononcé repose au moins partiellement sur des motifs discriminatoires. Par suite, il est frappé de nullité conformémeà l’article L. 1132-4 du code du travail.

La demande de réintégration du salarié dans l’emploi qu’il occupait, ou, en cas d’impossibilité, dans un emploi équivalent à celui qu’il occupait, est bien fondée. Elle sera ordonnée sous astreinte selon les modalités précisées au dispositif.

Le salarié dont le licenciement est nul en raison d’une discrimination fondée, comme en l’espèce, sur son état de santé, laquelle caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l’article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction dans l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période.

La demande de M. [U] en ce sens sera par voie de conséquence accueillie. En revanche, la société soutient à juste raison que le salarié ne saurait cumuler cette indemnité d’éviction avec les indemnités de rupture, à savoir l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement qu’elle a versées lesquelles seront déduites.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a retenu que le licenciement de M. [U] était sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il a condamné la société au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de la nullité du licenciement et de l’indemnité d’éviction allouée au salarié, ce dernier n’est pas fondé à solliciter un complément d’indemnité compensatrice de préavis.

La nullité du licenciement étant prononcée au visa des dispositions de l’article L. 1132-4 du code du travail, le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné à l’employeur de rembourser des indemnités chômage dans la limite de six mois de salaire conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Par ailleurs, le salarié est fondé à solliciter l’indemnisation de la discrimination dont il a ainsi fait l’objet. Justifiant d’un préjudice moral distinct de celui réparé par la réintégration et de la condamnation de l’employeur au paiement de l’indemnité d’éviction, la société sera condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Sur le caractère irrégulier de la procédure de licenciement

A l’appui de sa demande relative à l’irrégularité de la procédure, M. [U] fait valoir qu’en application de l’article L. 1232-5 al.3 du code du travail, l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation, qu’en l’espèce, ayant reçu la lettre de convocation le 14 décembre 2017 pour un entretien prévu le 18 décembre 2017, la société n’a pas respecté le délai légal de 5 jours, ce qui lui a causé un préjudice au titre duquel il souhaite être indemnisé.

Si la société Artois ne conteste pas que le délai de 5 jours n’a pas été respecté, elle objecte cependant que le salarié ne souhaitait pas bénéficier de délai supplémentaire et était présent et assisté lors de l’entretien, et que ce dernier ne justifie pas d’un préjudice lui ouvrant droit à indemnisation.

Dans sa rédaction applicable au jour de l’engagement de la procédure de licenciement, l’article L. 1235-2 du code du travail énonce que lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l’espèce, le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et encourt la nullité. La demande de M. [U], qui a été assisté lors de l’entretien préalable, et ne justifie, en toute hypothèse, d’aucun préjudice, n’est pas fondée en droit. Elle sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé en ce sens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a, d’une part, condamné la société Artois à payer à M. [U] la somme de 950 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, d’autre part, ordonné à la société Artois de rembourser à Pôle-emploi les allocations versées à M. [U] du jour de son licenciement jusqu’au 2 juin 2021, dans la limite de 6 mois d’indemnité de chômage et, enfin, débouté M. [U] de ses demandes tendant au paiement d’un complément d’indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité pour licenciement irrégulier,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Prononce la nullité du licenciement,

Ordonne à la société Artois de réintégrer M. [U] dans son emploi de consultant, ou en cas d’impossibilité, dans un emploi équivalent à celui qu’il occupait, et ce sous peine d’une astreinte de 150 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, la durée de la dite astreinte provisoire étant limitée à 90 jours,

Condamne la société Artois à payer à M. [U] :

– une indemnité d’éviction correspondant au salaire dû de la date de son licenciement jusqu’à sa réintégration effective dans son emploi, sur la base mensuelle de 2 341,50 euros bruts, sous déduction des indemnités de rupture à savoir l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement versées par l’employeur,

– la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour discrimination en raison de son état de santé et de son handicap.

Y ajoutant,

Condamne la société Artois à verser à M. [U] la somme de 1 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Artois aux entiers dépens.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier auquel la minute la décision à été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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