Indemnité d’éviction : 15 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03134

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Indemnité d’éviction : 15 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03134
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15 juin 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
22/03134

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03134 – N°Portalis DBVH-V-B7G-ISKC

MPF-AB

JUGE DE LA MISE EN ETAT D’AVIGNON

06 septembre 2022 RG:20/01361

[F]

S.E.L.A.R.L. CABINET [X] [F]

Mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

C/

[P]

S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE NEDELAS

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

SA MMA IARD

Grosse délivrée

le 15/06/2023

à Me Florence ROCHELEMAGNE

à Me Philippe PERICCHI

à Me Jean-baptiste ITIER

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état d’avignon en date du 06 Septembre 2022, N°20/01361

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTS :

Maître [X] [F] représenté par son liquidateur judiciaire en exercice, la SELARL [N] & Associés, en sa la personne de me [K] [N], es-qualité de liquidateur judiciaire et dont le siège est sis [Adresse 10] à [Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1953

[Adresse 9]

[Localité 2]

S.E.L.A.R.L. CABINET [X] [F]

représentée par son liquidateur judiciaire en exercice, la SELARL [N] & Associés, en sa la personne de me [K] [N], es-qualité de liquidateur judiciaire et dont le siège est sis [Adresse 10] à [Localité 2]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, es qualité d’assureur responsabilité civile professionnelle de Maître [X] [F].

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentés par Me Florence ROCHELEMAGNE de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

Représentés par Me Emmanuel BRANCALEONI, Plaidant, avocat au barreau de NICE

INTIMÉES :

Madame [T] [P]

née le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 12] (Maroc)

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Rémi JEANNIN de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE NEDELAS

société civile au capital de 1.524,49 euros, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-baptiste ITIER, Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

Représentée par Me Thomas RAMON, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Société d’assurance mutuelle inscrite au RCS de Le Mans sous le N°D 775 652 126 poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège sis

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Rémi JEANNIN de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

SA MMA IARD

SA à conseil d’administration au capital de 537.052.368€, inscrite au RCS de LE MANS N° 440 048 882 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Rémi JEANNIN de la SELARL SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 15 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Par acte sous seing privé du 1er février 1996, la SCI Nedelas a consenti un bail commercial d’une durée de douze années à la société Color Photos France, devenue la SA Générale de Téléphone.

En conflit avec son locataire depuis plusieurs années, la SCI Nedelas faisait délivrer un congé en date du 30 mars 2007 avec effet au 1er janvier 2008 pour motifs graves et légitimes.

Par acte du 19 janvier 2010, la SA Générale de Téléphone a assigné la SCI Nedelas devant le tribunal de grande instance de Nice en paiement d’une indemnité d’éviction.

La Sci Nedelas a confié la défense de ses intérêts à Maître Paul Guetta, avocat au barreau de Nice.

Par jugement du 4 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Nice a condamné la SCI Nedelas à verser au preneur une indemnité d’éviction, fixé une provision de 20 000 euros et ordonné une expertise aux fins d’évaluer son montant.

La SCI Nedelas a interjeté appel de ce jugement et confié la défense de ses intérêts à un nouvel avocat, Me Sandra Elmaleh, avocat au barreau de Grasse.

Suite au dépôt du rapport d’expertise, le tribunal judiciaire de Nice a rendu le 4 juin 2019 un jugement dans lequel il a fixé l’indemnité d’éviction à la somme de 215 565 euros.

Ce jugement a été adressé par Rpva par le conseil du preneur le 6 juin 2019 à Maître [X] [F], lequel l’a envoyé à la SCI Nedelas le 16 juillet 2019.

La SCI Nedelas, estimant qu’elle n’avait pas pu faire appel de ce jugement en temps voulu à la suite de la faute de ses conseils, a assigné devant le tribunal judiciaire d’Avignon, par actes des 11, 22 mai et 13 octobre 2020, Maître [T] [P] et son assureur, les sociétés MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mutuelles ainsi que Maître [X] [F] et la Selarl Cabinet [X] [F] en indemnisation de son préjudice.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 15 septembre 2021, Maître [X] [F] a soulevé la prescription de l’action en responsabilité civile professionnelle formée par la société Nedelas.

Par ordonnance contradictoire du 6 septembre 2022, le juge de la mise en état a :

– débouté Me [X] [F] et la SELARL Cabinet [X] [F], tous deux représentés par leur liquidateur judiciaire, la SELARL [N] et associés, ainsi que la société MMA Iard Assurances mutuelles de leur fin de non-recevoir et a déclaré en conséquence recevable l’action introduite le 22 mai 2020 par la SCI Nedelas ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Me [X] [F], la SELARL Cabinet [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens de l’incident ;

Le premier juge a retenu en effet que, conformément aux dispositions de l’article 420 du code de procédure civile, la mission de Maître [X] [F] avait pris fin après le prononcé du jugement, le 4 juin 2019 de sorte que l’action engagée contre lui les 11 et 22 mai 2020 n’est pas prescrite.

Par déclaration du 26 septembre 2022, la SELARL Cabinet [X] [F], Me [X] [F] et Mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles ont interjeté appel de cette décision.

Par avis de fixation de l’affaire à bref délai du 2 janvier 2023, l’instruction de l’affaire a été déclarée close le 13 avril 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 20 avril 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2023, les appelants demandent à la cour de réformer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté Me [F], la SELARL [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription et, statuant à nouveau, de :

– juger que la mission confiée par la SCI Nedelas à Me [X] [F] a pris fin le 5 novembre 2014,

– juger que la SCI Nedelas a acquiescé de manière implicite à cette demande par ses conclusions en réponse,

– débouter en conséquence la SCI Nedelas de ses demandes ,

– déclarer irrecevable comme prescrite l’action intentée par la SCI Nedelas à l’encontre de Me [X] [F] et de la SELARL Cabinet [X] [F] ,

– débouter la SCI Nedelas de toutes ses demandes contre Me [X] [F] et la SELARL [X] [F]

– condamner la SCI Nedelas à payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– déclarer irrecevable l’action subrogatoire de Maître [P] et de son assureur pour défaut d’intérêt et de qualité à agir ,

– la déclarer prescrite,

En tout état de cause :

– condamner la SCI Nedelas à payer à Me [X] [F] et à la SELARL Cabinet [X] [F] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,

– condamner la SCI Nedelas aux entiers dépens de la procédure.

Les appelants rappellent qu’en application de l’article 2225 du code civil le délai de prescription de cinq ans commence à courir à compter de la fin de la mission de l’avocat, laquelle est fixée par l’article 420 du code de procédure civile et la jurisprudence au jour du prononcé de la décision de justice qui termine l’instance pour laquelle il a reçu ladite mission. Ils considèrent que la Sci Nedelas a confié la défense de ses intérêts à Maître [F] jusqu’au prononcé du jugement avant dire droit du 4 novembre 2014, l’intimée le reconnaissant dans ses écritures et le courrier de Me [P] du 23 avril 2015 adressé à l’expert judiciaire démontrant que ce nouveau conseil représentait désormais la SCI Nedelas. Les appelants par ailleurs estiment que les demandes de Maître [P] au titre d’une action en garantie à leur encontre est irrecevable, la subrogation ne pouvant trouver application au cas d’espèce. Ils demandent réparation du préjudice causé par la procédure abusive engagée par la SCI Nedelas laquelle ne pouvait ignorer qu’elle avait changé de conseil.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 janvier 2023, la société Nedelas, intimée, demande à la cour de confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 6 septembre 2022 et de condamner solidairement Me [X] [F] et la SELARL Cabinet [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles au paiement de la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée considère que la fin de mission de l’avocat, au regard de l’article 13 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, se situe à la date de l’envoi par le client d’une lettre indiquant à son conseil la fin de sa mission. Elle estime que le jugement avant dire du 4 novembre 2014 ne peut être assimilé à un jugement mettant un terme à la mission du conseil, la nature du jugement avant dire droit impliquant le prononcé d’un second jugement définitif. Quant au fait d’avoir confié la défense de ses intérêts à un autre conseil dans le cadre de l’appel de ce jugement avant-dire droit, la Sci Nedelas plaide qu’elle n’a pas dessaisi Maître [F] de sa mission devant le tribunal judiciaire de Nice et fait observer à la cour que le jugement du 4 juin 2019 fixant l’indemnité d’éviction après expertise mentionne Maître [X] [F] comme étant l’avocat constitué : elle en conclut que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité contre Maître [F] a commencé à courir le 4 juin 2019 de sorte que son action n’est pas prescrite. Elle soulève l’irrecevabilité de la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive au visa de l’article 564 du code de procédure civile, la demande étant présentée pour la première fois en appel.

Maître [T] [P] et son assureur, aux termes de leurs conclusions signifiées le 20 décembre 2022 par Rpva, demandent à la cour d’écarter la fin de non-revevoir tirée de la prescription de leur appel en garantie à l’encontre de Maître [F] et de déclarer leurs demandes recevables.

Les intimés font valoir que leur action contre Maître [F] n’est pas une action subrogatoire mais un appel en garantie et qu’elle a été engagée en temps utile, le délai de prescription de leur appel en garantie ayant commencé à courir à la date à laquelle la SCI Nedelas les a assignés en indemnisation de son préjudice. Leur intérêt à agir n’est apparu en effet qu’à la date de cette assignation aux termes de laquelle la responsabilité civile professionnelle de Maître [P] était recherchée.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l’action en responsabilité formée par la Sci Nedelas contre Maître [X] [F], la SELARL Cabinet [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles :

Le juge de la mise en état a relevé que le jugement rendu le 4 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Nice était un jugement mixte en ce qu’il avait condamné la SCI Nedelas à verser au preneur une indemnité d’éviction et ordonné une expertise aux fins d’évaluer le montant de cette indemnité. Il a donc considéré que si la Sci Nedelas avait donné mandat à un nouveau conseil, Maître [P], de défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure d’appel, il n’était pas démontré qu’elle avait entendu révoquer le mandat de représentation donné à Maître [F] pour la procédure de première instance : il en a déduit qu’en l’absence de désignation d’un nouveau conseil pour la représenter devant le tribunal de grande instance de Nice, Maître [F] avait continué à assumer cette charge et que sa mission n’avait pris fin qu’après le prononcé du jugement du 4 juin 2019 statuant sur le montant de l’indemnité d’éviction après le dépôt du rapport d’expertise.

Les appelants considèrent au contraire que la mission de Maître [F] a pris fin le 4 novembre 2014, date du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice. Ils soutiennent que la Sci Nedelas a confié la défense de ses intérêts à Maître [F] jusqu’au prononcé du jugement avant dire droit du 4 novembre 2014, qu’elle a confié à compter de cette date la défense de ses intérêts à un nouvel avocat, Maître [P] laquelle l’a représentée non seulement dans le cadre de l’appel de ce jugement mais aussi lors des opérations d’expertise ainsi qu’en atteste le courrier qu’elle a adressé à l’expert judiciaire le 23 avril 2015.

La Sci Nedelas, intimée, estime quant à elle que la mission de Maître [F] n’a pas pris fin le 4 novembre 2014, date du jugement avant dire droit ordonnant une expertise mais le 4 juin 2019, date du jugement statuant après le dépôt du rapport d’expertise. Elle considère en effet qu’en confiant la défense de ses intérêts à un autre conseil dans le cadre de l’appel du jugement avant-dire droit, elle n’a pas dessaisi Maître [F] de sa mission dans le cadre de la procédure de première instance, ce dernier étant d’ailleurs resté constitué dans cette instance.

Elle fait valoir qu’il incombe à Maître [F] de rapporter la preuve que sa mission a pris fin le 4 novembre 2014 et qu’en application de l’article 419 du code de procédure civile, il ne pouvait être déchargé de son mandat de représentation qu’à compter de son remplacement par un autre avocat constitué par la partie de sorte qu’à défaut de constitution de Maître [P] en ses lieu et place, son mandat de représentation n’a pas pris fin.

L’article 2225 du code civil dispose : « L’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris en raison de la perte et de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission ».

La mission de l’avocat prend fin à la date de la décision qui met un terme à la procédure à l’occasion de laquelle l’avocat a reçu mandat de défendre les intérêts de son client, mais le client et son avocat peuvent prendre chacun l’initiative de mettre fin de manière anticipée à cette mission, le premier en dessaisissant son avocat et le second en renonçant à son mandat . Leurs initiatives respectives sont alors régies par deux textes distincts, l’article 418 du code de procédure civile imposant à la partie qui révoque son avocat de pourvoir immédiatement à son remplacement, l’article 419 du même code disposant que l’avocat qui entend mettre fin à son mandat ne peut en être déchargé qu’à compter de son remplacement par un nouveau représentant constitué par la partie.

Par jugement du 4 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Nice a condamné la Sci Nedelas à payer une indemnité d’éviction à la société Photo Service à laquelle elle avait consenti un bail commercial le 1er février 1996 et ordonné une expertise aux fins d’en évaluer le montant.

Ce jugement mixte n’ayant pas mis fin à l’instance engagée devant le tribunal judiciaire de Nice dans laquelle il avait reçu mandat de défendre les intérêts de la Sci Nedelas, la mission de Maître [X] [F] avait donc vocation à se poursuivre jusqu’à ce que le tribunal statue de manière définitive après le dépôt du rapport d’expertise ayant pour objet d’évaluer l’indemnité d’éviction.

Ainsi que le relève justement la Sci Nedelas, il incombe donc à l’appelant de rapporter la preuve que son mandat a été révoqué avant la fin de sa mission.

Maître [X] [F] soutient que son mandat a été révoqué le 5 novembre 2014, date à laquelle sa cliente a décidé de changer d’avocat et confié la défense de ses intérêts à un nouveau conseil, Maître [P], laquelle l’a représentée dans le cadre de l’appel du jugement mixte du 4 novembre 2014, d’une part, et dans le cadre des opérations d’expertise menées par l’expert désigné par le tribunal, d’autre part.

La Sci Nedelas plaide qu’elle a donné mandat à Maître [P] de la représenter dans le cadre de la procédure d’appel mais n’a pas révoqué celui donné à Maître [F] dans le cadre de la procédure de première instance.

Si l’on suit l’intimée dans son argumentation, Maître [P] aurait reçu mandat de la représenter exclusivement dans le cadre de la procédure d’appel.

La cour remarque cependant que dans ses écritures et particulièrement dans la partie intitulée «  rappel des faits et de la procédure », la Sci Nedelas expose que le jugement du 4 novembre 2014 lui ayant été défavorable, elle a décidé d’interjeter appel et de changer d’avocat. L’appelante précise que son nouveau conseil, Maître [T] [P], a accepté de reprendre le dossier, l’a représentée dans le cadre de la procédure d’appel, était présente le 4 juin 2015 à une première réunion d’expertise et a été destinataire du rapport d’expertise.

En indiquant que Maître [P] est intervenue pour la représenter lors des opérations d’expertise menées dans le cadre de la procédure de première instance, la Sci Nedelas reconnaît implicitement qu’elle a dessaisi Maître [F] et donné mandat à son nouveau conseil de la représenter dans le cadre de la procédure de première instance.

Il est par ailleurs établi que Maître [P] a représenté la Sci Nedelas lors des opérations d’expertise. En effet, dans son rapport définitif du 7 novembre 2017 versé aux débats, l’expert relate qu’il a convoqué le parties et leurs conseils à une première réunion d’expertise le 5 janvier 2015 et que par lettre du 16 février, Maître [F] l’a informé qu’il ne représentait plus la SCI Nedelas. L’expert précise qu’il a alors demandé à la SCI Nedelas le nom de son nouvel avocat et que par courrier du 23 avril 2015, Maître [P] l’a informé qu’elle représentait désormais la Sci Nedelas. Une première réunion d’expertise s’est tenue le 4 juin 2015 en présence de Maître [P] à laquelle l’expert a envoyé son prérapport le 15 septembre 2017 puis son rapport définitif le 7 novembre 2017. L’expert a également adressé à la Sci Nedelas son rapport définitif dans lequel il mentionne les éléments susvisés de sorte que cette dernière était informée qu’elle était représentée par Maître [P] lors des opérations d’expertise.

L’appelant justifie enfin que le 10 février 2015, il a adressé à sa cliente qui en a accusé réception l’ensemble des pièces du dossier.

La cour déduit des éléments susvisés que de manière non équivoque, la SCI Nedelas a révoqué le 5 novembre 2014 le mandat de représentation qu’elle avait confié à Maître [F] et a donné mandat à son nouveau conseil de la représenter à compter de cette date dans le cadre de la procédure d’appel comme dans celui de la procédure de première instance, laquelle était toujours en cours.

La Sci Nedelas plaide en vain qu’à défaut de constitution de son nouvel avocat en lieu et place de l’ancien, la mission de Maître [F] n’avait pas pu prendre fin. En effet, l’article 419 qui subordonne la fin de la mission de l’ancien avocat à la constitution du nouvel avocat n’est applicable qu’à l’hypothèse dans laquelle l’avocat prend lui-même l’initiative de mettre fin à son mandat.

Une telle condition n’est pas requise dans l’hypothèse dans laquelle la partie prend l’initiative de révoquer le mandat de son avocat : dans cette situation, régie par les dispositions de l’article 418 du code de procédure civile, la charge de pourvoir immédiatement au remplacement de l’avocat révoqué pèse sur la partie et non sur son ancien avocat. Cette disposition ne subordonne pas la fin de la mission de l’ancien avocat à la constitution du nouvel avocat. Tout au contraire, il se déduit des termes de cette disposition que la révocation du mandat de l’avocat par son client met fin immédiatement à la mission de ce dernier.

L’absence de constitution du nouvel avocat a seulement pour effet de rendre la révocation de l’avocat inopposable à la partie adverse qui peut poursuivre la procédure jusqu’à son terme en continuant à s’adresser à ce dernier, conformément aux dispositions de l’article 418 alinéa 2 du code de procédure civile. Le juge de la mise en état a donc à tort considéré qu’en l’absence de désignation par la Sci Nedelas d’un nouveau conseil pour la représenter devant le tribunal de grande instance de Nice, Maître [F] avait continué à assumer la charge de représenter sa cliente dans le cadre de cette procédure et que sa mission n’avait pris fin qu’après le prononcé du jugement du 4 juin 2019.

La mission de Maître [X] [F] ayant pris fin le 5 novembre 2014, l’action en responsabilité engagée contre lui et la selarl [X] [F] par assignation des 11 et 22 mai 2010 est prescrite en application de l’article 2225 du code civil.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmée.

Sur la recevabilité de l’action formée par Maître [P] et de son assureur contre Maître [X] [F], la selarl [X] [F] et leur assureur :

L’action formée par Maître [P] et son assureur contre Maître [X] [F], la selarl [X] [F] et leur assureur est pareillement prescrite, l’article 2225 disposant que toute action tendant à engager la responsabilité d’un avocat se prescrit dans le délai de cinq ans de la fin de sa mission.

La demande de Maître [P] formée à son encontre dans ses conclusions du 8 mars 2021 aux fins d’être relevée et garantie par Maître [X] [F] de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre s’analyse en effet en une action en responsabilité dirigée contre ce conseil dont la mission a pris fin le 5 novembre 2014.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

Dans leurs conclusions d’incident adressées au juge de la mise en état et dont le contenu exhaustif a été rappelé en page 4 de l’ordonnance critiquée, Maître [X] [F], la selarl [X] [F] et leur assureur ont demandé la somme de 5000 euros de dommages-intérêts.

Leur demande n’a donc pas été formée pour la première fois en cause d’appel et elle est donc recevable.

Elle est néanmoins mal fondée. En effet, la Sci Nedelas qui n’a pas été en mesure d’interjeter appel en temps voulu du jugement rendu le 4 juin 2019 la condamnant à payer à son preneur une indemnité d’éviction élevée n’a pas commis un abus de droit en recherchant à titre subsidiaire la responsabilité de Maître [X] [F] dès lors qu’à la date du jugement susvisé, à défaut de constitution du nouvel avocat, il apparaissait toujours comme son représentant. L’intimée a donc pu penser que sa mission s’était poursuivie jusqu’à cette date et le premier juge a d’ailleurs statué en ce sens.

Les appelants seront donc déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner la Sci Nedelas à payer à Maître [X] [F], la SELARL Cabinet [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite l’action engagée par la SCI Nedelas à l’encontre de [X] [F], la SELARL Cabinet [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles,

Déclare irrecevable comme prescrite l’action engagée par Maître [P] et la société MMA à l’encontre de [X] [F], la SELARL Cabinet [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles,

Déboute [X] [F], la SELARL Cabinet [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Y ajoutant,

Condamne la Sci Nedelas à payer à Maître [X] [F], la SELARL Cabinet [X] [F] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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