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15 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/06958
N° RG 19/06958
N° Portalis DBVX – V – B7D – MUB7
Décision du tribunal de grande instance de LYON
Au fond du 08 octobre 2019
Chambre 10 cab 10 H
RG : 15/11627
ch n°
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 15 Juin 2023
APPELANTS :
M. [V] [F] domicile élu chez son mandataire de gestion la société Cabinet Pierre RIVOIRE,
né le 04 Juin 1971 à [Localité 5] (RHONE)
[Adresse 2]
[Localité 4]
M. [J] [F] domicile élu chez son mandataire de gestion la société Cabinet Pierre RIVOIRE,
né le 04 Octobre 1974 à [Localité 5] (RHONE)
[Adresse 2]
[Localité 4]
M. [K] [F] domicile élu chez son mandataire de gestion la société Cabinet Pierre RIVOIRE,
né le 08 Août 1967 à [Localité 5] (RHONE)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Mme [Y] [F] domicile élu chez son mandataire de gestion la société Cabinet Pierre RIVOIRE,
née le 04 Juillet 1941 à [Localité 5] (RHONE)
[Adresse 2]
[Localité 4]
tous représentés par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475
et pour avocat plaidant la SELARL LEFEBVRE AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 149
INTIMEE :
EURL VITTON 17
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SELARL JUGE FIALAIRE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 359
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 05 Février 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Mars 2022
Date de mise à disposition : 2 juin 2022 prorogée au 22 septembre 2022, au 24 novembre 2022, au 16 février 2023, au 1er juin 2023 puis au 15 juin 2023, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Anne WYON, président
– Françoise CLEMENT, conseiller
– Annick ISOLA, conseiller
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Par acte du 26 juillet 2001, les consorts [F], bailleurs, ont conclu un bail commercial avec l’EURL Luxe Vitton portant sur un local situé 17 cours Vitton à [Localité 4], à destination de prêt-à-porter féminin petite maroquinerie et accessoires, pour une durée de neuf ans à compter du 1er août 2001.
La société Luxe Vitton a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et son liquidateur a conclu un acte de cession du fonds de commerce le 27 janvier 2006 avec la société Vitton 17.
Par acte d’huissier du 13 juin 2013, Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] (ci-après les consorts [F]) ont fait délivrer à la société Vitton 17 une sommation de déposer le climatiseur installé sans autorisation en façade sur cour, de supprimer la porte de sortie sur cour créée sans autorisation, de rétablir les lieux dans leur état initial et de rétablir l’arrière-boutique transformée en magasin.
Par acte extrajudiciaire du 19 juin 2013, la société Vitton 17 a sollicité le renouvellement de son bail. Par courrier du 27 juin suivant, elle a contesté les infractions reprochées.
Le 5 juillet 2013, les consorts [F] lui ont fait signifier une sommation de faire et un commandement visant la clause résolutoire reprenant les termes de la sommation.
Par lettre du 12 juillet 2013, la société Vitton 17 a réitéré ses contestations.
Par acte extrajudiciaire du 17 septembre 2013, les bailleurs ont signifié à la société preneuse le refus de renouvellement du bail avec refus d’indemnité d’éviction en raison du motif grave et légitime tenant au fait qu’elle n’avait pas satisfait à la sommation et au commandement.
La société Vitton 17 a saisi le tribunal de grande instance de Lyon par acte d’huissier de justice du 15 septembre 2015 afin d’obtenir le paiement de l’indemnité d’éviction.
Par jugement du 18 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :
– dit que les bailleurs ne justifient pas d’un motif grave et légitime fondant le refus de renouvellement de bail sans le versement d’une indemnité d’éviction,
– débouté les consorts [F] de leur demande tendant à la constatation de la résiliation de plein droit du bail liant les parties à la date du 6 août 2013 par l’effet du commandement du 5 juillet 2013,
-débouté les consorts [F] de leur demande visant à entendre prononcer la résiliation judiciaire du bail ;
– condamné in solidum les consorts [F] à payer à la société Vitton 17 une indemnité d’éviction se décomposant comme suit :
– 377’925,52 euros TTC au titre de l’indemnité principale
– 37’792,55 euros au titre de l’indemnité de remploi
– l’indemnité de licenciement qui donnera lieu à indemnisation sur la production de justificatifs par la société Vitton 17 aux bailleurs
– dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;
– dit que la capitalisation des intérêts s’accomplira conformément aux dispositions de l’article 1154 devenu 1343-2 du code civil à l’issue d’une année entière, puis à chaque échéance ultérieure ;
– débouté la société Vitton 17 de ses demandes en paiement d’une indemnité pour frais de déménagement, d’une indemnité pour frais de réinstallation, d’une indemnité pour trouble commercial, d’une indemnité au titre de la perte de stocks et d’une indemnité au titre des frais de publicité juridique ;
– dit et jugé que la clause intitulée « révision du loyer » figurant au bail est non écrite ;
– condamné in solidum les consorts [F] à payer à la société Vitton 17 la somme de 20’430,94 euros au titre du remboursement des loyers ;
– condamner in solidum les consorts [F] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, et au paiement à la société Vitton 17 de la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Les consorts [F] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 9 octobre 2019.
Par ordonnance du 18 novembre 2019, le premier président a fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par les consorts [F].
Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 11 décembre 2020,
les consorts [F] demandent à la cour de :
‘ à titre principal, sur le congédiement sans indemnité d’éviction :
– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a jugé que les consorts [F] ne justifiaient pas de motifs graves et légitimes pour refuser le renouvellement du bail de la société Vitton 17 sans indemnité d’éviction,
statuant à nouveau, débouter la société Vitton 17 de l’ensemble de ses demandes,
‘ à titre subsidiaire, sur la résiliation de plein droit :
– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a jugé que les consorts [F] avaient mis en ‘uvre la clause résolutoire de mauvaise foi et a refusé de constater l’acquisition de la clause résolutoire,
statuant à nouveau,
– déclarer prescrite la demande de la société Vitton 17 portant sur la nullité de la clause résolutoire,
– constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail à la date du 5 août 2013,
– condamner la société Vitton 17 au versement d’une indemnité d’occupation entre le 5 août 2013 et le 3 octobre 2019, date de libération des lieux, égale au montant des loyers et charges contractuels,
– débouter la société Vitton 17 de l’ensemble de ses demandes ;
‘ à titre infiniment subsidiaire, sur la résiliation judiciaire :
– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté les consorts [F] de leur demande de résiliation judiciaire du bail en raison du manquement répété de la société Vitton 17 à ses obligations,
statuant à nouveau,
– prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts de la société Vitton 17 et sans indemnité,
-débouter la société Vitton 17 de l’ensemble de ses demandes ;
‘ à titre très infiniment subsidiaire sur les demandes de la société Vitton 17
– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné les consorts [F] au paiement des sommes de 377 925,52 euros, 37’792,55 euros, l’indemnité de licenciement, 20’438 94 euros, et 4 000 euros.
Statuant à nouveau,
– fixer le montant de l’indemnité d’éviction à une somme totale qui ne saurait être supérieure à la somme de 50’000 euros,
– débouter la société Vitton 17 de ses demandes au titre du remboursement des loyers et de dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
– débouter la société Vitton 17 de sa demande de restitution du dépôt de garantie,
– condamner la société Vitton 17 à verser aux consorts [F] la somme de 6571,68 euros au titre du coût de remise en état des peintures du local,
– débouter la société Vitton 17 de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– condamner la société Vitton 17 à verser à chacun des consorts [F] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens distraits au profit de la SCP Aguiraud-Nouvellet sur son affirmation de droit.
Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 3 février 2021, la société Vitton 17 demande à la cour de :
Déclarerrecevable l’appel incident de la société Vitton 17 à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 8 octobre 2019,
Réformer partiellement le jugement en date du 8 octobre 2019 en ce qu’il a :
‘ Condamné in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M.[K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à payer à la société Vitton 17 une indemnité d’éviction se décomposant comme suit :
– 377.925, 52 euros TTC au titre de l’indemnité principale
– 37.792, 55 euros au titre de l’indemnité de remploi
– une indemnité de licenciement qui donnera lieu à indemnisation sur la production de justificatifs par la société Vitton 17 aux bailleurs
‘ Débouté la société de ses demandes en paiement d’une indemnité pour frais de déménagement, d’une indemnité pour frais de réinstallation, d’une indemnité pour trouble commercial, d’une indemnité au titre de la perte de stock et d’une indemnité au titre des frais de publicité juridique.
‘ Débouté la société Vitton 17 de sa demande en dommages-et-intérêts
‘ Condamné in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à payer à la société Vitton 17 la somme de 20.430, 94 euros au titre du remboursement des loyers ;
Le confirmer pour le surplus et donc :
‘ dire et juger que Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] ne justifient pas d’un motif grave et légitime fondant le refus de renouvellement de bail sans le versement d’une indemnité d’éviction
‘ Débouter Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] de leur demande tendant à la constatation de la résiliation de plein droit du bail liant les parties à la date du 6 août 2013 par l’effet du commandement du 5 juillet 2013 ;
‘ Débouter Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] de leur demande visant à entendre prononcer la résiliation judiciaire du bail,
‘ Dire et juger que la clause intitulée « révision du loyer » figurant au bail est non écrite,
‘ dire et juger que les sommes dues par Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,
‘ dire et juger que la capitalisation des intérêts s’accomplira conformément aux dispositions de l’article 1154 devenu 1343-2 du code civil, à l’issue d’une année entière, puis à chaque échéance ultérieure ;
Et statuant à nouveau,
Condamner in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à payer à la société Vitton 17 une indemnité d’éviction se décomposant comme suit :
– 453 511 euros au titre de l’indemnité principale d’éviction,
– 68 027 euros au titre de l’indemnité de remploi
– 8.223, 95 euros au titre des indemnités de licenciement et de la contribution versées à Pôle-emploi
– 15.000 euros au titre des frais de déménagement,
– 50.000 euros au titre d’une indemnité pour frais de réinstallation,
– 42.000 euros au titre d’une indemnité pour trouble commercial,
– 1.039, 86 euros au titre des frais de publicité juridique
Condamner in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à payer à la société Vitton 17 la somme de 50.000 euros à titre de dommages-et-intérêts en raison du préjudice causé par l’absence de bonne foi et de la déloyauté dans l’exécution de la convention
Condamner in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à payer à la société Vitton 17 la somme de 27.167, 12 euros au titre du remboursement des loyers indûment perçus,
Y ajoutant,
Condamner in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à verser la somme de 2.012, 33 € à la société Vitton 17 en restitution du dépôt de garantie.
Débouter Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] de leurs demande de condamnation au titre des travaux de remise en état,
En tout état de cause,
DébouterMme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] de leurs demandes en toutes fins, moyens et prétentions.
Débouter Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] vu de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamner in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à payer à la société Vitton 17, une indemnité de 7.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel, outre la somme de 4.000 euros allouée en première instance.
Condamner in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de la Selarl Juge Fialaire Avocats, sur son affirmation de droit.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2021.
Alors que les dernières conclusions des consorts [F] ont été déposées au greffe le 11 décembre 2020, la société Vitton 17 a conclu en réponse le 3 février 2021, deux jours avant la clôture des débats.
Par conclusions du 5 février 2021 déposées au greffe après qu’a été rendue l’ordonnance de clôture, les consorts [F] ont demandé la révocation de l’ordonnance de clôture afin que leurs conclusions puissent être accueillies, indiquant qu’ils avaient bénéficié de moins de 48 heures pour répliquer aux écritures de leur adversaire qui a communiqué des pièces totalement nouvelles, mais qu’ils n’entendaient pas solliciter que les conclusions de leur adversaire soient retirées des débats dans la mesure où des pièces utiles à la manifestation de la vérité et aux débats ont été produites le 3 février.
MOTIVATION
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
S’il est regrettable qu’une partie ne réponde que deux mois plus tard aux écritures adverses et ce, deux jours avant la clôture de la procédure, il ne peut être reproché à l’intimée d’avoir répondu aux dernières conclusions des appelants. Ces derniers ne demandent pas à la cour d’écarter les conclusions de la société Vitton 17 du 3 février 2021, ainsi que les pièces communiquées à cette date et indiquent au contraire que ces dernières pièces confortent leur position. Ils ne soutiennent pas que leurs écritures du 5 février 2021 comporteraient des éléments nouveaux indispensables à leur défense alors que les parties ont échangé trois jeux de conclusions dans le cadre de la seule procédure d’appel. C’est pourquoi, aucune cause grave n’étant alléguée, l’ordonnance de clôture ne sera pas révoquée.
Au fond, en application de l’article L 145-17 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant.
La société Vitton 17 est cessionnaire du bail conclu entre les consorts [F] et la société Luxe Vitton. Ainsi que l’ont relevé les premiers juges, le cessionnaire est débiteur des fautes de son prédécesseur à condition que soit établie l’existence de manquements contractuels et que ceux-ci se soient poursuivis après la cession.
En l’espèce, par acte d’huissier de justice du 13 juin 2013, les consorts [F] ont fait sommation à la société Vitton 17 de :
1- procéder à la dépose du climatiseur en façade sur cour installée sans autorisation du bailleur ni de la copropriété,
2- procéder à la suppression de la porte de sortie sur cour créée sans autorisation et rétablir les lieux en leur état initial
3- rétablir l’arrière-boutique transformée en magasin recevant la clientèle en rétablissant les cloisons de séparation démolies avec remise en état des lieux conformément à la désignation du bail, savoir « un local avec vitrine sur rue et un arrière magasin donnant sur cour ».
Le même acte relevait que la société Vitton 17 encombrait les parties communes de l’immeuble et les poubelles de la copropriété de ses cartons d’emballage mais ne comportait pas sommation d’y mettre fin.
Par lettre du 27 juin 2013, la société Vitton 17 a répondu qu’elle n’avait aucunement modifié les lieux et que lors des discussions engagées sur le renouvellement du bail la locataire avait été autorisée verbalement à utiliser les poubelles de l’immeuble mais que pour éviter tout problème, elle ferait dorénavant son affaire personnelle de l’évacuation de ses cartons et déchets.
Le 5 juillet 2013 les consorts [F] ont fait délivrer à la société Vitton 17 une sommation de faire et commandement visant la clause résolutoire du bail commercial afin d’obtenir l’exécution des trois obligations rappelées ci-avant.
Aux termes du bail conclu entre les consorts [F] et l’EURL Luxe Vitton, les lieux loués sont ainsi décrits : un local avec vitrine sur rue et un arrière magasin donnant sur cour, plus une soupente accessible par un escalier intérieur. Les lieux sont loués en l’état sans aucun travaux ni équipement à la charge du bailleur. Le bail précise que les ouvertures sur cour pourront être remplacées par des fenêtres ou baies vitrées, mais ne pourront en aucun cas être équipées de porte permettant le passage des livraisons, la cour étant louée par ailleurs à une société qui en a la jouissance exclusive.
L’article 3 des conditions générales du bail impose au preneur de ne pas changer l’aspect extérieur des lieux loués ni leur distribution intérieure, ni d’y faire de travaux, transformations ou installations nouvelles sans autorisation écrite du bailleur ou de son mandataire.
Enfin, il n’est pas versé aux débats d’état des lieux d’entrée, que ce soit lors du bail de 2001 ou à la date d’entrée de la société Vitton 17.
Les consorts [F] produisent divers échanges écrits entre leur mandataire de gestion et l’EURL Luxe Vitton dont il résulte que cette dernière a installé sans autorisation du bailleur deux climatiseurs côté cour, ce qui lui a été reproché. Les consorts [F] lui reprochaient en outre d’avoir transformé l’arrière magasin en surface commerciale (leurs pièces 4 à 6).
Par courrier du 22 novembre 2005, le mandataire de gestion a adressé à Me [A], liquidateur de l’EURL Luxe Vitton, la copie du bail de 2001 et lui a signalé que la locataire avait transformé la désignation du local en supprimant l’arrière magasin pour étendre la surface de vente, n’avait pas respecté ses obligations concernant la fermeture du local côté cour et avait installé des équipements sans autorisation du bailleur, joignant à son courrier les lettres qu’il avait expédiées à la société Luxe Vitton à ce sujet.
Le 16 décembre 2005, le liquidateur a répondu au mandataire de gestion que les conditions du bail seraient scrupuleusement respectées par le repreneur.
Le conseil de la société Vitton 17 a écrit au mandataire de gestion les 4 avril et 21 juillet 2006 que sa cliente n’avait jamais eu connaissance du litige existant entre la précédente locataire et le bailleur, que sa cliente ne saurait en aucun cas être tenue responsable des éventuels manquements du précédent locataire et qu’elle ne supprimerait pas les climatiseurs.
Il ressort toutefois de l’acte de cession de fonds de commerce du 27 janvier 2006 que le cessionnaire déclare parfaitement connaître les stipulations du bail souscrit par l’EURL Luxe Vitton le 26 juillet 2001 par la communication qui lui en a été faite, préalablement à la signature des présentes.
– sur le refus de renouvellement du bail, les manquements de la société Vitton 17 et le motif grave et légitime
‘ l’installation d’un appareil de climatisation
Les consorts [F] ne contestent pas que l’appareil de climatisation a été installé par la société Luxe Vitton comme l’a énoncé le tribunal. Ils rappellent que leur autorisation n’a pas été sollicitée et que la société Vitton 17 a modifié l’installation existante en plaçant de nouveaux matériels, alors qu’elle était parfaitement informée du litige qui avait opposé sur ce sujet le cédant au bailleur. Ils font observer que la société Vitton 17 a remplacé les deux compresseurs par un compresseur unique de plus grande taille sans demander leur autorisation alors que le pargraphe 3° des conditions générales du bail vise aussi bien les nouvelles installations que leur transformation.
Ils indiquent que la société Vitton 17 a supprimé les vitrages des fenêtres hautes de la porte-fenêtre donnant sur la cour pour les remplacer par du contreplaqué et qu’elle a percé la menuiserie pour y faire passer le tuyau d’évacuation des condensats, que l’eau sortant de ce tuyau s’est déversée sur les menuiseries et la façade et a contribué à les dégrader, et que pour raccorder les compresseurs de climatisation, elle a percé les murs et cloisons.
La société Vitton 17 indique qu’elle n’a pas installé de climatisation en façade, le tribunal ayant constaté qu’il n’y avait pas de fixation apparente ou de trous de fixation dans le mur extérieur donnant sur la cour, que l’évacuation extérieure de traverse pas le mur et que l’installation est visuellement très discrète dans un environnement assez vétuste.
Elle soutient qu’il n’est pas possible de lui imputer ainsi qu’à son prédécesseur des percements sauvages des murs et cloisons comme le soutiennent les consorts [F], que la climatisation a été installée par le cédant pour pallier la défectuosité du chauffage et son coût excessif, les lieux loués n’étant pas chauffés initialement, que l’installation précédente était connue du bailleur depuis 2004 et qu’il l’a acceptée puisqu’il n’a pas poursuivi le précédent locataire. Elle ajoute avoir fait réaliser les travaux par une entreprise spécialisée et n’avoir procédé à aucun percement, de sorte qu’elle n’avait aucune autorisation à solliciter puisqu’elle se contentait de remplacer l’installation précédente. Elle fait valoir que le bail interdit les transformations ou installations neuves, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, et que le remplacement d’un appareil défectueux en raison de sa vétusté incombait au bailleur.
Sur ce :
Les locaux ont été donnés à bail au preneur précédent sans système de chauffage (p 12 des consorts [F]) et la société Luxe Vitton y a installé un chauffage réversible à ses frais et sans autorisation du bailleur (p 11). Les photographies du constat d’huissier de justice établi le 21 janvier 2013 montrent que le bloc chauffage-climatisation est encastré dans la partie supérieure intérieure du vitrage de la porte-fenêtre donnant sur la cour. Ainsi que l’a constaté le tribunal, les traces de fixations ne sont pas visibles sur le mur extérieur qui donne sur la cour au vu des photographies du constat d’huissier. Il est incontestable que l’installation est située dans un environnement vétuste de murs non entretenus comme le souligne l’huissier de justice ; elle est en effet discrète, le bloc ne dépassant pas de la façade mais étant positionné à l’intérieur du local, derrière les barreaux métalliques. Aucune nuisance sonore n’est au surplus démontrée.
La société Vitton 17 ne conteste pas avoir équipé les locaux de deux radiateurs électriques acquis le 8 février 2006 (sa pièce 42), d’un rideau d’air chaud acquis le 17 février 2006 (p 43) et avoir procédé au remplacement de l’installation de climatisation précédente suivant devis du 12 avril 2010 et facture du 23 mai suivant (sa pièce 39).
Contrairement à ce qu’affirment les consorts [F], il n’est nullement démontré que la société Vitton 17 a personnellement été informée du litige opposant son prédécesseur au bailleur sur ce point.
Pour autant, les conditions générales du bail interdisaient à la preneuse de réaliser des travaux, transformations ou installations nouvelles sans autorisation écrite du bailleur ou de son mandataire. Le remplacement d’une installation vétuste constitue indéniablement une installation nouvelle qui requérait l’autorisation préalable du bailleur ou de son mandataire, la circonstance qu’une climatisation soit indispensable pour exercer l’activité commerciale indiquée au bail ne dispensant pas la locataire de respecter cette stipulation. Au surplus, les travaux n’ont pas été réalisés à l’identique puisque les deux compresseurs précédents ont été remplacés par un seul, ce qui a nécessairement entraîné la modification des fixations.
Cependant, le remplacement d’une installation préexistante dont le bailleur avait une parfaite connaissance comme le démontrent les échanges de courriers entre son mandataire et la société Luxe Vitton en 2004, et qui est de nature à améliorer les locaux et à permettre l’activité commerciale prévue au bail et alors qu’il n’est pas établi que la société Vitton 17 avait été informée des échanges de 2004 ne peut être considéré à lui seul comme un motif grave et légitime justifiant le refus de paiement de l’indemnité d’éviction.
‘ la création d’une ouverture donnant sur la cour
Il résulte du constat du 21 juin 2013 que la porte-fenêtre sur cour dont les photographies figurent page 6 du constat, est en bois, comporte trois vantaux, est entièrement barraudée par un cadre métallique fixe pour la partie fenêtre et mobile pour la partie porte, et présente un aspect vétuste. Ainsi que le fait observer la société Vitton 17, le bailleur qui se contente de l’affirmer n’établit nullement que la société locataire ou son prédécesseur auraient créé une porte de sortie sur cour en infraction aux dispositions du bail, la désignation des lieux loués indiquant au contraire que l’arrière magasin donne sur la cour, ce qui peut être compris comme ‘donnant accès’ à la cour.
En effet, l’existence d’une porte donnant sur la cour est matérialisée sur le plan non daté produit par le bailleur et qui est manifestement bien antérieur au bail de 2001 au vu des noms des locataires qui y sont portés ; l’ouverture sur la cour y est représentée par les mêmes pointillés que l’entrée donnant accès au commerce, ce que confirme la vétusté de la porte telle qu’elle ressort des photographies figurant au constat du 13 juin 2013, ainsi que sa réalisation en bois et non en métal, qui atteste de son âge.
Il est ainsi démontré qu’avant la conclusion du bail de juillet 2001, il existait déjà au fond des lieux loués une ouverture donnant accès à la cour.
Au surplus, Mesdames [L] et [C], qui ont travaillé dans le magasin pour le compte de la société Vitton 17, attestent que la porte-fenêtre donnant sur la cour était condamnée, un radiateur électrique étant fixé devant elle sur toute sa largeur, démontrant ainsi qu’elle ne permettait pas le passage dans la cour, de sorte qu’il n’est pas établi de violation à la clause du bail qui prohibe l’équipement de cette ouverture par une porte permettant le passage ou les livraisons du fait de la jouissance exclusive de la cour par une autre locataire, étant observé que les consorts [F] ne rapportent pas la preuve d’un seul passage dans la cour d’un représentant de la société Vitton 17 ou d’un de ses salariés.
Le manquement allégué par le bailleur n’est en conséquence pas établi.
‘ la suppression de la cloison séparative
Le bail décrit les lieux loués en 2001 comme un local disposant d’une vitrine sur rue et d’un arrière-magasin donnant sur cour. Cette rédaction ne permet pas d’affirmer qu’une cloison séparait les deux parties du magasin avant l’entrée dans les lieux de la société Luxe Vitton, faute pour le bailleur de produire l’état des lieux établi lors de la conclusion du bail du 26 juillet 2001 qui pourrait témoigner de la présence d’une cloison.
De plus, le plan versé aux débats par le bailleur, déjà évoqué ci-avant, et qui fait apparaître une séparation entre les deux parties des lieux, est manifestement antérieur à 2001.
Enfin, la société Vitton 17 produit plusieurs attestations de témoins ayant personnellement constaté que le magasin était d’un seul tenant, sans cloison séparative au moins depuis 1993. Ceci est en effet indiqué par M. [I], commerçant établi cours Vitton depuis 1993, Mme [Z] dont la famille tient le restaurant situé en face des lieux loués depuis 1968 et qui y exerce depuis 2003, M. [N] qui exploite un autre restaurant également situé en face depuis 1994, ainsi que Mme [R] qui exerce dans le magasin situé au n° 15 de la même rue.
Ce manquement n’est donc pas davantage établi que le précédent.
‘ sur l’encombrement des parties communes
Enfin, le manquement par la société Vitton 17 à son obligation de faire son affaire personnelle de ses ordures, dûment constaté par huissier de justice à trois reprises en janvier 2013, a été reproché par le bailleur à la société preneuse dans le corps de la sommation du 13 juin 2013 sans pour autant être repris dans les obligations auxquelles elle était sommée de se conformer.
Le conseil de la société Vitton 17 a indiqué par courrier du 27 juin 2013 que sa cliente arrêtera immédiatement l’utilisation des bacs à déchets de l’immeuble et fera son affaire personnelle de l’évacuation de ses cartons et déchets.
Le bailleur ne justifie nullement que cette infraction ait persisté après la mise en demeure, de sorte qu’il ne peut se prévaloir de ce manquement.
‘ sur l’attitude de M. [W]
Le refus de renouvellement notifié à la société Vitton 17 le 17 septembre 2013 se fonde en outre sur le comportement de M. [W], gérant de la société preneuse à l’égard du mandataire de gestion et à l’égard de l’un des indivisaires, M. [J] [F] et cite le dépôt de plainte du mandataire de gestion du 30 novembre 2012 et de la déclaration de main courante de l’indivisaire le 17 juillet 2013. Toutefois, il n’est pas justifié de la moindre poursuite consécutive à ces doléances, et donc de la réalité du comportement allégué, de sorte que le grief allégué n’est pas établi.
Il n’est donc pas justifié de violations imputables à la société Vitton 17 et à son cédant qui caractérisent un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction.
À titre subsidiaire, les consorts [F] demandent à la cour de constater la résiliation de plein droit du bail par l’effet du commandement du 5 juillet 2013.
– sur la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire
Les consorts [F] se prévalent du commandement délivré à la société Vitton 17 le 5 juillet 2013 d’avoir à se conformer aux trois griefs figurant dans la sommation du 13 juin 2017 et déjà évoqués ci-avant.
En réponse à la société Vitton 17 qui soutient que la clause résolutoire insérée dans le bail prévoit sa mise en ‘uvre dans un délai de 15 jours après une sommation d’exécuter restée infructueuse, clause qui n’est pas conforme à l’article L 145-41 du code de commerce qui prévoit un délai d’un mois et qui est ordre public et que cette clause doit être réputée non écrite, les consorts [F] indiquent que le commandement du 5 juillet 2013 laisse au preneur un mois pour s’exécuter, et que la demande tendant à faire déclarer la clause non écrite est prescrite car soumise au délai de prescription biennale de l’article L 145-60 du code de commerce dans la mesure où le régime juridique applicable au bail du 26 juillet 2001 n’est pas celui de la loi du 18 juin 2014, non encore applicable. Ils ajoutent que cette contestation n’a pas été présentée en première instance mais ne tirent aucune conséquence juridique de cette affirmation.
Faisant valoir l’absence de manquement contractuel de la société preneuse à ses obligations, la société Vitton 17 affirme que la clause résolutoire ne peut jouer. Enfin, elle invoque l’absence de bonne foi des consorts [F] dans la mise en ‘uvre de la clause résolutoire afin d’obtenir le départ du locataire sans bourse délier dans la mesure où la locataire a demandé le renouvellement du bail avant que sa durée ait atteint 12 ans, privant ainsi les propriétaires du bénéfice du déplafonnement.
Les consorts [F] font valoir que dans le cadre de la mise en ‘uvre de la clause résolutoire, ils n’ont pas à faire la démonstration d’un motif grave et légitime et que le juge n’a pas à apprécier la gravité du manquement. Ils indiquent que la réalité et la persistance des infractions au bail n’a pas été discutée ni remise en cause par le tribunal. Ils ajoutent que contrairement à ce qu’a relevé le tribunal qui leur a reproché d’avoir été de mauvaise foi en ne mentionnant pas dans le bail de 2006 l’existence du matériel de climatisation installé par la société Luxe Vitton, aucun bail n’a été conclu à cette date, la société Vitton 17 s’étant vu transmettre le bail lorsqu’elle a acquis le fonds de commerce dans le cadre de la liquidation judiciaire de son prédécesseur.
Sur ce :
En l’espèce, le commandement du 5 juillet 2013 a été délivré avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 dite loi Pinel, de sorte que seule la nullité de la clause du bail prévoyant un délai de 15 jours était encourue aux termes de la législation alors en vigueur, la demande de ce chef étant au surplus prescrite en application de la prescription biennale.
Le demande de la société Vitton 17 tendant à faire dire à la cour que cette clause est réputée non écrite, sanction qui a été instaurée par la loi du 18 juin 2014 à l’article L 145-15 du code de commerce et qui est inapplicable en l’espèce, ne peut être que rejetée.
Par le commandement du 5 juillet 2013, il a été demandé à la société Vitton 17 de procéder à la dépose du climatiseur, à la suppression de la porte de sortie sur cour et au rétablissement de la cloison séparant les deux parties des lieux loués dans le délai d’un mois à compter de cette date, de sorte qu’ayant visé le délai légal et non le délai contractuel, il n’est pas irrégulier.
La société Vitton 17 affirme que ce commandement n’a pas été délivré de bonne foi, le bailleur cherchant à échapper aux conséquences du droit au renouvellement du locataire comme le prouvent les difficultés qu’elle a eues pour se procurer les identités et adresses des indivisaires propriétaires des lieux loués. Toutefois, elle ne produit aucune preuve corroborant cette affirmation, les nombreux actes d’huissier délivrés à la demande du bailleur à compter de janvier 2013, soit six mois avant que le bail n’entre dans sa 13ème année, ne suffisant pas à établir la mauvaise foi du bailleur, malgré la coïncidence des dates. Aucun nouveau bail n’ayant été conclu entre les parties dont les relations sont régies par le bail de 2001 aux termes de l’acte de cession, il ne peut être reproché au bailleur d’avoir fait preuve de mauvaise foi à l’occasion d’un acte inexistant, contrairement à ce qu’on décidé les premiers juges.
Il n’est donc pas établi que le commandement du 5 juillet 2013 ait été délivré de mauvaise foi et cet acte doit produire tous ses effets.
Il est constant que le remplacement de l’installation de climatisation sans autorisation préalable du bailleur constitue une infraction aux conditions générales du bail, que tel était le cas de l’installation en place à la date du commandement, et que la société Vitton 17 n’a pas procédé à la dépose demandée dans le délai d’un mois du commandement et n’a pas saisi la juridiction afin d’obtenir des délais pour s’exécuter.
C’est pourquoi la cour ne peut que constater la réalité de la faute alléguée et par suite la résiliation du bail liant les parties à compter du 5 août 2013 (cf Civ, 3ème, 11 mars 2021, n° 20-13639 ; Civ, 3ème, 3 avril 2012, n° 11-15378).
La société Vitton 17 sera condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges à compter de cette date jusqu’à la libération des lieux du 3 octobre 2019.
En conséquence, le bail étant résilié depuis le 5 août 2013, il y a lieu, infirmant la décision entreprise, de débouter la société Vitton 17 de ses demandes en paiement de l’indemnité d’éviction et des indemnités accessoires réclamées ainsi que de sa demande de dommages et intérêts.
– sur la demande en remboursement de loyers
La société Vitton 17 demande que soit déclarée non écrite la clause du bail intitulée ‘révision du loyer’ et ainsi rédigée : ce loyer sera révisé tous les ans en suivant les règles de forme et de fond prévues par l’article 27 du décret du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux, étant précisé que sera retenu comme indice de référence le dernier indice mesurant le coût de la construction publié par l’INSEE connu à la date de prise d’effet du bail. Elle demande la restitution des sommes qu’elle a versées et qui excédent le loyer d’origine.
Les appelants répondent que la lecture de la clause montre qu’il s’agit d’une clause d’échelle mobile qui n’a pas pour but de faire échec au mécanisme de révision triennale dans la mesure ou elle prévoit une adaptation automatique du loyer chaque année en application de l’indice du coût de construction, et que la référence au décret du 30 septembre 1953 ne saurait être interprétée comme ayant pour but de clarifier les dispositions, les mécanismes d’indexation conventionnelle et de révision du loyer pouvant parfaitement coexister et concluent à l’infirmation de la décision entreprise sur ce point.
La rédaction de la clause est en l’espèce ambigüe et nécessite interprétation. Elle renvoie à l’article 27 du décret de 1953 qui correspond désormais aux articles L145-37 et 38 du code de commerce relatifs à la révision triennale, qui sont d’ordre public, tout en stipulant un indice et une périodicité annuelle qui ne sont pas compatibles avec la révision triennale. Au regard du renvoi exprès au texte de 1953 qui apparaît au début du paragraphe, il apparaît que la commune volonté des parties a consisté à se placer dans le cadre de ce texte d’ordre public et, partant, que cette clause doit être réputée non écrite.
La cour confirme donc le jugement en ce qu’il a condamné in solidum les consorts [F] à payer à la société Vitton 17 le trop-perçu et, actualisant la somme qui avait été arrêtée par les premiers juges au 31 décembre 2017, porte à 27’167,16 euros la somme due à ce titre à la date de restitution des lieux, ce calcul développé dans les écritures de la société Vitton 17 n’ayant d’ailleurs fait l’objet d’aucune contestation.
‘ sur la restitution du dépôt de garantie
La société Vitton 17 réclame la restitution du dépôt de garantie d’une somme de 2 012,33 euros. Les consorts [F] s’opposent à la demande, font observer que le dépôt de garantie s’élevait à 12’300 francs soit 1875,12 euros. Ils sollicitent la condamnation de la preneuse à leur payer la somme de 6 531,38 euros correspondant au coût de remise en état des peintures et de la devanture sur cour, déduction faite du montant du dépôt de garantie. Ils font valoir qu’aux termes du bail, la preneuse était tenue de toutes les réparations à l’exception de celles prévues par l’article 606 du code civil, et qu’aux termes de l’article 33 du bail elle était tenue d’entretenir, peindre au moins une fois tous les trois ans et même remplacer s’il y a lieu les devantures, rideaux ou volets sur rue et sur cour, même si ces réparations proviennent d’intempéries, de force majeure, vétusté, faute d’un tiers.
La société Vitton 17 répond que l’huissier chargé de l’état des lieux de sortie a indiqué le 3 octobre 2019 que les revêtements des sols, murs et plafonds ne présentent aucune dégradation particulière mais ont un aspect défraîchi par l’exploitation normale du fonds de commerce. Elle fait valoir qu’il n’est pas dérogé à l’article 1755 du code civil et que la vétusté incombe au bailleur, et que l’article 33 du bail ne s’applique pas à la grille de la porte donnant sur la cour.
Il résulte de l’article 33 des conditions générales du bail que l’entretien des devantures, rideaux et volets sont à la charge du preneur. Tel n’est pas le cas des peintures intérieures, dont la vétusté incombe au bailleur en application de l’article 1755 du code civil ; les lieux ayant été laissés en état d’usage, comme l’a relevé l’huissier de justice dans le constat du 3 octobre 2019, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la société Vitton 17 la somme de 3 154 80 euros correspondant au devis de rénovation intérieure (pièce 58). En revanche, il sera fait droit à la demande d’une somme de 5 292 euros correspondant au devis de remplacement de la porte vitrée donnant sur la cour qui a été dégradée par la pose et l’enlèvement des installations de climatisation et qui au vu des photographies versées aux débats n’a pas fait l’objet de l’entretien triennal prévu à l’article 33 des conditions générales du bail. Le dépôt de garantie de 1 875,12 euros dû par les consorts [F] à la société Vitton 17 sera déduit de cette somme.
En conséquence, la société Vitton 17 sera condamnée à payer aux consorts [F] :
5 292 – 1 875,12 = 3 416,88 euros
La société Vitton 17 succombant en appel, le jugement sera infirmé en ce qu’il a mis les dépens et une indemnité sur le fondement de l’article 700 à la charge des consorts [F] ; la société Vitton 17 sera condamnée aux dépens de première instance et sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée. Elle sera condamnée aux dépens d’appel. L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte que la demande des consorts [F] de ce chef sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 8 octobre 2019 en ce qu’il a dit que la clause intitulée « révision du loyer » est non écrite ;
L’infirmant sur le surplus, et statuant à nouveau :
Constate la résiliation du bail liant les parties à compter du 5 août 2013 ;
Condamne la société Vitton 17 à payer à Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à compter de cette date et jusqu’au 3 octobre 2019, date de restitution des lieux, une indemnité d’occupation égale au montant du loyer outre charges ;
Déboute la société Vitton 17 de ses demandes en paiement des indemnités d’éviction, de remploi, de licenciement et de la contribution versée à Pôle Emploi, des frais de déménagement, des frais de réinstallation, des frais de publicité juridique et d’indemnité pour trouble commercial, ainsi que de dommages et intérêts ;
Condamne in solidum Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] à payer à la société Vitton 17 la somme de 27’167,12 euros en remboursement de sommes indûment perçues au titre des loyers ;
Y ajoutant :
Condamne la société Vitton 17 à payer à Mme [Y] [U] veuve [F], M. [K] [F], M. [V] [F] et M. [J] [F] la somme de 3 416,88 euros au titre des réparations locatives, après déduction du dépôt de garantie ;
Condamne la société Vitton 17 aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Aguiraud-Nouvellet, avocat, sur son affirmation de droit, et rejette les demandes formées par les parties en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT