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15 juin 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
22/03739
N° RG 22/03739 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LRSK
C8
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 15 JUIN 2023
Appel d’une ordonnance (N° RG 22/00104)
rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VIENNE
en date du 29 juillet 2022
suivant déclaration d’appel du 17 octobre 2022
APPELANTE :
E.U.R.L. CARROSERIE MICHEL au capital de 8 000 euros, immatriculée au RCS de VIENNE sous le n°537 551 319, représentée par l’un de ses co-Gérants en exercice Monsieur [M] [U], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Géraldine CAVAILLES de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Olivier PIQUET-GAUTHIER, avocat au barreau de LYON, plaidant par Me GONTHIER, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.C.I. IMMOBILIERE DP, immatriculée au RCS de VIENNE sous le numéro 539 058 529, prise en la personne de ses représentants légaux en exercices, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Edouard BERTRAND, avocat au barreau de LYON, substitué et plaidant par Me LE MAITRE, avocat au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 mars 2023, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
Exposé du litige
Par acte notarié du 5 juin 2014, la société Immobilière DP a donné en sous-location à la société Avenir Carosserie Beaurepaire, aujourd’hui dénommée Carrosserie Michel, un bâtiment industriel d’environ 400 m2, avec terrain attenant, situé [Adresse 4] moyennant un loyer mensuel de 1.170 euros ht outre charges locatives et taxes foncières. Cette sous-location commerciale a été consentie pour une durée de neuf années à compter du 1er décembre 2011 pour se terminer le 30 novembre 2020.
Les lieux ont été loués pour servir à l’exploitation d’un fonds de commerce de “carrosserie, tôlerie, peinture de tous véhicules automobiles, dépannage de véhicules, achat, vente, location, réparation, entretien de tous véhicules neufs ou d’occasion, pièces ou accessoires se rattachant à l’industrie de l’automobile, de caravaning, du motonautisme, de la motoculture de loisirs, import-export de véhicules et de pièces d’occasion, transport de petits colis.
Suivant acte extrajudiciaire du 15 mai 2020, la société Immobilière DP a notifié congé à la société Carrosserie Michel venant aux droits de la société Avenir Carosserie Beaurepaire avec effet à la date d’échéance du bail commercial, soit au 30 novembre 2020.
Par acte du 1er octobre 2021, la société Carrosserie Michel a assigné son bailleur devant le tribunal judiciaire de Vienne afin de fixer l’indemnité d’éviction.
Le 2 février 2022, la société Immobilière DP a notifié son droit de repentir, entraînant ainsi un renouvellement du bail.
Des incidents de paiement sont intervenus.
Le 8 février 2022, la société Immobilière DP a fait délivrer à la société Carrosserie Michel un commandement de payer la somme de 4.370,91 euros outre coût de l’acte.
Par ordonnance du 29 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Vienne a :
– condamné la société Carrosserie Michel à payer à la société Immobilière DP à titre provisionnel la somme de 1.456,97 euros à valoir sur les loyers échus au 30 juin 2022,
– constaté que le bail du 5 juin 2014 se trouve résilié par l’effet de la clause résolutoire depuis le 8 mars 2022,
– accordé à la société Carrosserie Michel des délais de paiement pour procéder au règlement de la somme ci-dessus, en 12 mensualités de 121,42 euros chacune à verser le 10 de chaque mois en sus du loyer courant,
– suspendu pendant ce délai les effets de la clause résolutoire,
– dit qu’à défaut de respect de l’une quelconque des mensualités prévues sur l’arriéré ou d’un seul loyer courant à bonne date pendant la durée des délais octroyés ci-dessus, la clause résolutoire retrouvera pleinement ses effets après envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception au locataire défaillant et la clause résolutoire sera définitivement acquise à compter du 8 mars 2022,
– dit que dans cette hypothèse, la société Carrosserie Michel sera condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant des loyers et charges prévus au contrat résilié jusqu’à la libération effective des lieux avec remise des clés et à la libération des locaux commerciaux situés [Adresse 4] et à défaut il sera procédé à son expulsion avec l’assistance de la force publique,
– dit que dans l’hypothèse où la société Carrosserie Michel se sera libérée de sa dette dans le respect des conditions fixées ci-dessus, la clause résolutoire ne jouera pas et sera réputée n’avoir jamais joué,
– rejeté toutes autres demandes,
– condamné la société Carrosserie Michel à payer à la société Immobilière DP la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Carrosserie Michel aux dépens comprenant le coût du commandement de payer.
Par déclaration du 17 octobre 2022, la société Carrosserie Michel a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions qu’elle a énoncées dans son acte d’appel.
Prétentions et moyens de la société Carrosserie Michel
Dans ses conclusions remises le 25 novembre 2022, elle demande à la cour de:
– octroyer à la société Carrosserie Michel un délai suspensif au 30 juin 2022 pour s’être libérée des causes du commandement de payer du 8 février 2022 et de toute dette locative courante à même date,
– constater qu’au 30 juin 2022, la société preneuse est à jour de tous loyers et charges,
– réformer intégralement l’ordonnance de référé du 29 juillet 2022,
Statuant à nouveau,
– condamner la société Immobilière DP à payer à la société Carrosserie Michel une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,
– la condamner à lui payer une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que les causes du commandement de payer du 8 février 2022 ont été intégralement réglées le 7 juin 2022 outre les loyers échus dans l’intervalle, que le bailleur a constaté l’extinction de tout arriéré en précisant même que le compte était créditeur au profit de la locataire de la somme de 110,46 euros au 28 juillet 2022, que les loyers courants à compter du terme d’août 2022 ont tous été réglés.
Elle considère que la société Immobilière DP a commis un abus en lui faisant signifier l’ordonnance du 29 juillet 2022 et en menaçant de l’exécuter.
Prétentions et moyens de la société Immobilière DP
Dans ses conclusions remises le 21 décembre 2022, elle demande à la cour de:
– confirmer l’ordonnance rendue le 29 juillet 2022 par le président du tribunal judiciaire de Vienne en ce qu’elle a :
* condamné la société Carrosserie Michel à payer à la société Immobilière DP à titre provisionnel la somme de 1 456,97 euros à valoir sur les loyers échus au 30 juin 2022,
* constaté que le bail du 5 juin 2014 se trouve résilié par l’effet de la clause résolutoire depuis le 8 mars 2022,
* condamné la société Carrosserie Michel à payer à la société Immobilière DP la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Carrosserie Michel aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer,
– la réformer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
– ordonner l’expulsion immédiate de la société Carrosserie Michel avec, le cas échéant, l’appui de la force publique,
– condamner la société Carrosserie Michel à payer à la société Immobilière DP la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Carrosserie Michel aux entiers dépens de la procédure d’appel.
Elle fait valoir qu’au 8 mars 2022, la société Carrosserie Michel n’ayant pas réglé les sommes dues au titre du commandement, celui-ci a produit ses effets à cette date; que depuis deux ans la locataire paye de façon systématique ses loyers en retard; que contrairement à ce que soutient la société Carrosserie Michel, la société Immobilière DP n’a jamais accepté de tenir les causes éteintes et la décision du juge des référés sans effet ; que depuis l’ordonnance du juge des référés aucun loyer n’a été réglé à bonne date ; qu’il n’y a aucune exécution abusive de l’ordonnance du 29 juillet 2022.
Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction de la procédure a été clôturée le 16 mars 2023.
Motifs de la décision
Selon les stipulations du bail, celui-ci se trouve résilié de plein droit à défaut de paiement à son échéance d’un seul terme du loyer, un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré sans effet.
Un tel commandement visant la clause résolutoire a été délivré le 8 février 2022 à la société Carrosserie Michel sans que cette-dernière ne se soit acquittée de sa dette dans le délai d’un mois de sorte que la résiliation du bail pourrait être constatée.
Toutefois, en application de l’article L. 145-41 du code de commerce, le juge saisi d’une demande de délais peut, en accordant ceux-ci, suspendre la réalisation et les effets d’une clause résolutoire, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, ce qui est le cas en l’espèce.
Ainsi, il peut être accordé au locataire, à jour du paiement de ses loyers, des délais suspendant les effets de la clause résolutoire, et ce de manière rétroactive, par le constat de l’acquittement de la dette.
En l’espèce, il ressort d’un courrier du conseil de la société Immobilière DP en date du 21 juin 2022 qu’il a bien reçu le règlement par chèque de la somme réclamée à hauteur de 4.370,91 et correspondant à trois mois de loyers.
Il ressort aussi du tableau récapitulant le paiement des loyers établi par le bailleur que le loyer de juin 2022 a été réglé par chèque du 23 juin 2022 et qu’au 30 juin 2022, jour de l’audience du juge des référés, le locataire était à jour de l’ensemble des loyers dus.
Dès lors, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, aucune somme n’était due au titre des loyers échus au 30 juin 2022.
Par ailleurs, les loyers postérieurs ont été réglés par le locataire.
Au regard de ces éléments, il convient d’accorder rétroactivement des délais de paiement à la société Carrosserie Michel jusqu’au 30 juin 2022 pour s’acquitter des causes du commandement de payer, de suspendre les effets de la clause résolutoire et de constater qu’à cette date, la société Carrosserie Michel s’étant acquittée du montant visé au commandement, la clause résolutoire est dépourvue d’effets.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Carrosserie Michel au paiement d’une provision et a dit que la clause résolutoire sera définitivement acquise et qu’il sera procédé à son expulsion en cas de non respect des délais pour le paiement de la provision ou du défaut de paiement du loyer courant à bonne date.
La société Immobilière DP sera donc déboutée de sa demande en paiement d’une provision, en constat de la résiliation du bail et en expulsion.
Le seul fait d’avoir fait signifier l’ordonnance du 29 juillet 2022 ne peut être considéré comme étant déloyal et abusif et la société Carrosserie Michel sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel.
En équité, les parties seront déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l’ordonnance de référé du 29 juillet 2022 en ce qu’elle a condamné la société Carrosserie Michel aux dépens comprenant le coût du commandement de payer et à payer à la société Immobilière DP la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’infirme dans le surplus des dispositions soumises à la cour.
Statuant à nouveau,
Suspend les effets de la clause résolutoire.
Accorde à la société Carrosserie Michel des délais de paiement rétroactifs jusqu’au 30 juin 2022 pour s’acquitter des causes du commandement de payer du 8 février 2022.
Constate qu’à la date du 30 juin 2022, la société Carrosserie Michel s’étant acquittée du montant visé à cet acte, la clause résolutoire est dépourvue d’effet.
Déboute la société Immobilière DP de sa demande en paiement d’une provision, en constat de la résiliation du bail et en expulsion.
Déboute la société Carrosserie Michel de sa demande de dommages et intérêts.
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel.
Déboute les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente