Indemnité d’éviction : 15 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/11472

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Indemnité d’éviction : 15 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/11472
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15 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/11472

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 15 JUIN 2023

N° 2023/ 205

Rôle N° RG 22/11472 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4KW

S.A.S. SAGEC MEDITERRANEE

C/

[N] [O]

[M] [X] épouse [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexandra MONDINI

Me Jean-marc SZEPETOWSKI

Me Valérie BOISSET-ROBERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection d’ANTIBES en date du 02 Juin 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1121000656.

APPELANTE

S.A.S. SAGEC MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Jean-marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [N] [O]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alexandra MONDINI de la SELARL CABINET DELMAS CALVINI MONDINI, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Madame [M] [X] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 7], demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Valérie BOISSET-ROBERT de la SCP CABINET ROBERT & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Depuis le 1er février 1989, Mme [M] [U] née [X] louait aux consorts [S]/[B] un appartement dans un ensemble immobilier situé [Adresse 4].

Les consorts [S]/[B] ont consenti une promesse de vente à la SAS SAGEC MEDITERRANEE concernant le bien susvisé.

Dans le cadre de ce projet immobilier nécessitant la libération de ces lieux, un protocole d’accord a été signé, le 13 octobre 2014, avec Mme [U] née [X] selon lequel la société s’engageait à lui verser une indemnité d’éviction de 10000 euros au jour de l’acquisition de l’immeuble et à prendre en charge son déménagement.

Il était prévu également la prise en charge de l’intégralité du loyer du logement provisoire pendant toute la durée de l’occupation correspondant à la durée du chantier de la future opération et à la prise de possession du futur logement désigné par Mme [U].

De même, la société s’engageait à reloger cette dernière dans la future opération.

En exécution de ce protocole d’accord, M. [N] [O] a donné à bail, par acte sous seing privé du 15 octobre 2014, à la société SAGEC MEDITERRANEE un appartement à usage d’habitation pour y loger Mme [M] [U], situé [Adresse 9], moyennant un loyer mensuel révisable de 930 euros et une provision sur charges de 84 euros.

Par lettre du 30 juillet 2020, la société SAGEC MEDITERRANEE a donné congé pour le 30 août 2020 en application de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.

Les lieux n’ayant pas été libérés, M. [N] [O] a fait signifier, par acte d’huissier du 6 août 2021, à la société SAGEC MEDITERRANEE, un commandement de payer les loyers de novembre 2020 à août 2021 pour la somme principale de 10951,10 euros.

Par acte du 17 septembre 2021, M. [N] [O] a dénoncé ce commandement à Mme [M] [U].

Par acte du 27 octobre 2021, M. [N] [O] a fait citer la société SAGEC MEDITERRANEE et Mme [M] [U] aux fins de voir principalement, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, constater la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire, à compter du 7 octobre 2021, ordonner leur expulsion, avec une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard une fois écoulé le délai de deux mois visé à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, condamner la société SAGEC au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du dernier loyer et charges, de la somme de 13117,47 euros au titre de la dette locative et des indemnités d’occupation due au 8 octobre 2021, outre la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 2 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Antibes a statué ainsi :

– Constate la résiliation judiciaire de plein droit du bail d’habitation par le jeu de l’acquisition de la clause résolutoire à compter du 7 octobre 2021 ,

– Dit que la société SAGEC MEDITERRANEE et Madame [M] [U] sont sans droit ni titre du bien occupé, sis, [Adresse 9] à [Localité 8],

– Ordonne à défaut de départ volontaire, l’expulsion de la société SAGEC MEDITERRANEE et de Madame [M] [U] ainsi que de tous les occupants de leur chef de l’appartement loué sis [Adresse 9] à [Localité 8] sans qu’il apparaisse justifié de réduire le délai légal de 2 mois à compter de la signification du commandement de quitter les lieux des articles L. 4-11-1 et L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution et à l’exclusion des dispositions de l’article L. 421-1 du Code des procédures civiles d’exécution relatif aux astreintes,

– Dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution ;

– Condamne la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Monsieur [N] [O], la somme de 19 904,25 euros arrêtée au 12 avril 2022, à titre de loyers, charges et indemnités d’occupation assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent jugement,

– Condamne la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Monsieur [N] [O], une indemnité d’occupation d’un montant mensuel égal au montant du dernier loyer et charges soit la somme de 1 102,13 euros à compter du mois de novembre 2021 étant précisé qu’à compter de ce même mois, l’indemnité se substitue au paiement du loyer et des charges et ce jusqu’à la libération effective des lieux et remise des clés ;

– Dit que en cas de remise des clés au cours du mois, l’indemnité sera calculée au prorata temporis du nombre de jours d’occupation sans droit ni titre ;

– Déboute la SAGEC MEDITERRANEE de toutes ses prétentions ;

– Accorde d’office à Madame [M] [U], un délai supplémentaire de 18 mois à compter du prononcé du présent jugement pour libérer volontairement les lieux ;

– Ordonne, passé ce délai, son expulsion et celle de tous les occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique en vertu des articles L. 153-1 et L. 153-2 du Code des procédures civiles d’exécution ;

– Rappelle que les délais accordés par le juge sont renouvelables, la demande en renouvellement de délai de grâce constituant l’exercice d’un droit ;

– Dit que SAGEC MEDITERRANEE prendra à sa charge les loyers, charges et indemnités d’occupation dus au titre du logement actuellement occupé par Madame [M] [U], situé [Adresse 9] à [Localité 8] et ce à compter du mois de novembre 2020 jusqu’à son départ définitif des lieux ;

– Condamne la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Madame [M] [U], la somme de 10 000 euros au titre de l’indemnité d’éviction qui produira intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2020 ,

– Déboute Madame [M] [U] de ses autres prétentions ;

– Condamne la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Monsieur [N] [O], la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure Civile ;

– Condamne la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Madame [M] [U], la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure Civile ;

– Condamne la société SAGEC MEDITERRANEE aux entiers dépens de l’instance en ce compris le coût du commandement de payer, de la dénonce à Madame [M] [U] de l’assignation et de sa dénonciation à la préfecture ;

– Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit ;

– Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

– Dit qu’en application de l’article R. 412-2 du Code des procédures civiles d’exécution, le présent jugement sera transmis, par les soins, du greffe, au préfet du-département, en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées prévu par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en ‘uvre du droit au logement.

Le premier juge retient que la société SAGEC MEDITERRANEE a failli dans le respect de ses obligations contractuelles issues du protocole d’accord en date du 13 octobre 2014 en vertu desquelles elle s’engageait notamment à verser à Mme [U] une indemnité d’éviction de 10000 euros au moment de l’acquisition de l’ensemble immobilier situé [Adresse 4], à [Localité 8]; que Mme [U] avait le droit de refuser le logement proposé au sein de la résidence TERRACOTTA ; que d’autres propositions de relogement lui ont été faites mais en dehors du site de cette résidence et ne répondant pas aux critères du protocole de 2014 ; que la responsabilité de la société SAGEC est engagée faute d’avoir respecté les termes de ce protocole d’accord ; que la locataire est de bonne foi, qu’elle est retraitée et âgée de 78 ans ; que la société SAGEC n’étant plus propriétaire de la résidence TERRACOTTA, elle ne peut exécuter l’obligation de la reloger dans cette résidence.

Selon déclaration du 9 août 2022, la SAS SAGEC MEDITERRANNEE a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a condamné la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Monsieur [N] [O] la somme de 19 904,25 euros arrêtée au 12 avril 2022, à titre de loyers, charges et indemnités d’occupation assortie des intérêts au taux légal, l’a condamnée verser à Monsieur [N] [O] une indemnité d’occupation d’un montant mensuel égal au montant du dernier loyer et charges soit la somme de 1 102,13 euros jusqu’à la libération effective des lieux et remise des clés, l’a déboutée de toutes ses prétentions, a accordé à Mme [M] [U] un délai supplémentaire de 18 mois pour quitter les lieux, a dit qu’elle prendra à sa charge les loyers, charges et indemnités d’occupation à compter du 20 novembre 2021 jusqu’au départ effectif des lieux de Mme [U], l’a condamnée à lui verser la somme de 10000 euros au titre de l’indemnité d’éviction, l’a condamné au paiement de sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a déboutée de ses demandes de ce chef.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, l’affaire a été fixée à bref délai.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 novembre 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS SAGEC MEDITERRANNEE demande de voir :

– Reformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

‘ Débouté la concluante de ses prétentions,

‘ Accordé d’office à Madame [U] un délai de 18 mois pour libérer les lieux,

‘ Condamné la concluante à prendre à sa charge les loyers, charges et indemnités d’occupation dus au bailleur à raison de l’occupation par Madame [U] jusqu’à son départ définitif des lieux,

‘ Condamné la concluante à la somme de 10 000 euros outre intérêts ainsi qu’à la somme de 600 euros au profit de Madame [U] et aux entiers dépens,

– Prononcer l’annulation de la condition purement potestative octroyant à Mme [U] le choix discrétionnaire d’accepter ou de refuser un logement conforme aux caractéristiques figurant au protocole,

– Débouter Madame [U] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins et prétentions, – Condamner Madame [U] à relever et garantir la société SAGEC MEDITERRANEE de l’ensemble des condamnations prononcées au profit de Monsieur [O] au titre des loyers et indemnités d’occupation concernant le logement qu’elle occupe,

– la condamner sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir d’avoir à libérer les lieux et à les restituer en bon état de réparations locatives à Monsieur [O],

– Condamner Madame [U] à payer à la société SAGEC MEDITERRANEE la somme de 33 965,86 euros correspondant aux loyers et charges déjà réglés par la SAGEC depuis le mois d’avril 2018 jusqu’au mois d’octobre 2020,

– Condamner Madame [U] a régler à la société SAGEC MEDITERRANEE les indemnités d’occupation réglées depuis octobre 2020 jusqu’à la date à laquelle la concluante aura été libérée d’une telle obligation,

– Condamner Madame [U], au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, distraits au profit de Me J.M. SZEPETOWSKI, Avocat, sous sa due affirmation d’en avoir fait l’avance.

La SAS SAGEC MEDITERRANEE fait essentiellement valoir qu’elle a respecté son engagement de relogement jusqu’à l’issue des opérations de construction de l’immeuble, achevé en 2018, et de proposition d’un logement de remplacement dès le mois d’avril 2018 ; que la société ERILIA, devenue propriétaire des locaux édifiés, a confirmé avoir proposé à Mme [U], dès le mois d’avril 2018, un T3 au sein de l’immeuble de 73,60 m2, avec un balcon de 9,45 m2 ; que cette dernière a refusé pour des motifs subjectifs ; qu’elle bénéficie ainsi depuis 2014 d’un appartement dont le coût est pris en charge par l’appelante ; qu’elle est de mauvaise foi, ayant refusé toutes les propositions de relogement qui lui ont été faites ; qu’elle ne peut prétendre qu’elle ignorait que l’appelante ne restait pas propriétaire des biens construits ; qu’elle ne peut la reloger de ce fait.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2023, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [N] [O] demande de voir:

– CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de la condamnation de première instance au titre des loyers impayés qui sera actualisée ;

– CONDAMNER la société SAGEC MEDITERANNEE à payer à Monsieur [N] [O] la somme de 6263,67 euros au titre des loyers, provisions sur charges et indemnités d’occupation arrêtée au 1 er mars 2023,

– CONDAMNER la société SAGEC MEDITERANNEE à payer à Monsieur [N] [O] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– CONDAMNER la société SAGEC MEDITERANNEE aux entiers dépens d’appel.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [M] [U] demande de voir :

– A titre principal,

– CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Madame [M] [U] de sa demande de condamnation de la SAGEC MEDITERRANEE à la reloger et à titre subsidiaire à lui verser à titre d’indemnité la somme de 72.000 euros pour tenir compte de la différence de loyer et charges (500 € / mois) qu’elle sera amenée à devoir régler pour un appartement de même type, et de son espérance de vie (12 ans) ;

– CONDAMNER la SAGEC MEDITERRANEE à la reloger, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, dans un appartement répondant aux mêmes critères que celui résultant dudit protocole ;

– A titre subsidiaire,

– CONDAMNER la SAGEC MEDITERRANEE à verser à Madame [U] le somme de 500 euros par mois correspondant à de la différence entre le loyer de 600 €/mois charges comprises résultant du protocole du 13/10/2014 et le loyer que Madame [U] sera amenée à devoir régler pour se loger pour un appartement de même type, et de son espérance de vie, soit la somme de 72.000 euros ;

– En tout état de cause,

– DEBOUTER la SAGEC MEDITERRANEE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– CONDAMNER la SAGEC MEDITERRANEE à payer à Madame [M] [U] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER la SAGEC MEDITERRANEE aux entiers dépens de 1 ère Instance et d’Appel.

Mme [M] [U] fait essentiellement valoir que la société SAGEC ne peut demander la nullité de la condition potestative dans la mesure où elle n’est potestative que de la part de celui vers qui l’obligation est contractée ; que cette condition ne dépend pas que de la seule volonté de la SAGEC mais aussi de la survenance d’un évènement quelconque ou de la volonté d’un tiers ; que la société SAGEC ne l’a pas informée qu’elle avait revendu l’immeuble à des tiers et ne lui a pas versé l’indemnité d’éviction ; que la société ERILLIA ne lui a adressé que le 22 mai 2018 un dossier de demande de logement et ne lui a fait visiter qu’un seul appartement ; que la seconde visite concernait une autre résidence ; qu’elle avoit le droit de refuser ces propositions selon le protocole d’accord ; que l’appelante n’a jamais rendu opposable aux bailleurs sociaux le protocole d’éviction amiable ; que c’est elle-même qui a rendu l’exécution de son obligation impossible.

La procédure a été clôturée à l’audience.

MOTIVATION :

A titre liminaire, il convient de préciser que les dispositions du jugement déféré portant sur le constat de la résiliation judiciaire de plein droit du bail et sur le prononcé de l’expulsion de la société SAGEC MEDITERRANEE et de Mme [M] [U] née [X] des lieux loués à M. [N] [O] ne font pas l’objet de la déclaration d’appel et ne sont pas contestées par l’ensemble des parties.

Sur la condamnation aux loyers, charges et indemnités d’occupation de la SAS SAGEC MEDITERRANEE au profit de M. [N] [O] :

En vertu de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

En l’espèce, il résulte des débats, que le premier juge a fixé la créance locative de M. [O] à la somme de 19904,25 euros, déduction faite des frais d’huissier et de majoration de clause pénale, arrêtée au 12 avril 2022.

Il a justement fixé le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 1102,13 euros due à compter de la date de résiliation du bail, soit le mois de novembre 2021, en précisant que cette indemnité se substitue au paiement du loyer et des charges jusqu’à la libération effective des lieux.

Il motive cette dernière disposition par le caractère délictuel de l’indemnité d’occupation en raison de la faute commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux et par la nécesssité de réparer l’entier préjudice résultant pour le propriétaire de la privation de son bien, l’indemnité présentant à la fois un caractère compensatoire et indemnitaire.

Par conséquent, alors qu’il n’est pas formé appel principal ou incident sur cette disposition et sur le montant de l’indemnité d’occupation fixée par le jugement déféré à la somme de 1102,13 euros dues à compter du mois de novembre 2021 en lieu et place du loyer et des charges, M. [O] est mal fondé à solliciter une actualisation de sa créance locative en y intégrant les revalorisations annuelles du loyer et le montant des taxes des ordures ménagères 2021 et 2022.

Ainsi, il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu’il condamne la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Monsieur [N] [O] la somme de 19904,25 euros arrêtée au 12 avril 2022, à titre de loyers, charges et indemnités d’occupation assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent jugement, condamne la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Monsieur [N] [O] une indemnité d’occupation d’un montant mensuel égal au montant du dernier loyer et charges soit la somme de 1102,13 euros à compter du mois de novembre 2021 étant précisé qu’à compter de ce même mois, l’indemnité se substitue au paiement du loyer et des charges et ce jusqu’à la libération effective des lieux et remise des clés, dit qu’en cas de remise des clés au cours du mois, l’indemnité sera calculée au prorata temporis du nombre de jours d’occupation sans droit ni titre.

Sur la demande de la société SAGEC MEDITERRANNEE de voir condamner Mme [U] à la relever et garantir de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre et au paiement des loyers et charges réglés entre le mois d’avril 2018 et octobre 2020 et des indemnités d’occupation à compter de cette date :

En vertu de l’ancien article 1134 du code civil, applicable aux faits de l’espèce vu la date du protocole d’éviction amiable, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’ancien article 1174 du code civil dispose que toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition postestative de la part de celui qui s’oblige.

En l’espèce, un protocole d’éviction amiable a été signé, le 13 octobre 2014, entre la société SAGEC et Mme [U] née [X] selon lequel la société s’engageait à :

– lui verser une indemnité d’éviction de 10000 euros au jour de l’acquisition de l’immeuble,

– prendre en charge son déménagement (aller/retour),

– la reloger dans la future opération, dans un appartement de 3 pièces d’une superficie minimum de 65 m2 avec parking situé au 1er sous-sol et dont le montant total maximum de loyer sera de 600 euros par mois charges comprises ; l’emplacement de l’appartement sera au choix de Mme [U] (sauf angle 3ème et 4ème étage)

– prendre en charge l’intégralité du loyer du logement n°404 et son parking sis [Adresse 9] pendant toute la durée de l’occupation correspondant à la durée du chantier de la future opération et à la prise de possession du futur logement désigné par Mme [U],

– en cas de non réalisation, la société s’engage à prendre en charge le réaménagement dans le logement actuel sis [Adresse 4].

Il est prévu une prise de possession du logement dans la future résidence en mars 2017.

Il résulte de cette convention que Mme [U] est la créancière de la société SAGEC, qui est la seule débitrice.

Ainsi, il est prévu que Mme [U] peut choisir librement l’appartement situé dans la future opération immobilière menée par la société SAGEC, que cet appartement doit répondre aux caractéristiques décrites dans le protocole, cette dernière étant tenue de la reloger sous ces conditions.

Par conséquent, il apparaît bien que l’obligation contractée par l’appelante n’est pas une condition purement postative au sens de l’article 1174 du code civil et qu’elle ne peut donc en demander l’annulation.

Si l’ensemble immobilier situé [Adresse 4] a fait l’objet de ventes en l’état futur d’achèvement le 22 mars 2016 et le 2 février 2017 par la société TERRACOTTA dont le gérant est la société SAGEC au profit d’une part, de la Société Nationale Immobilière et d’autre part, de la société ERILIA, il n’est pas établi par la société SAGEC que ledit protocole a été rendu opposable à ces sociétés, ni que Mme [U] était informée que la SAGEC vendait ce bien à des tiers.

En effet, si la société SAGEC indique que la fin de la construction prévue initialement en mars 2017 a eu lieu en 2018, elle ne produit aucune pièce en ce sens.

D’ailleurs, ainsi que l’a relevé le premier juge, elle a informé, par courriel du 13 juin 2017, la société ERILIA que la livraison de l’immeuble était prévue pour la fin du mois de novembre 2017 et qu’il convenait de tenir compte de la situation de Mme [U] qui devait être relogée mais qu’elle ne donne aucune explication sur l’absence de toute proposition de relogement à compter de 2016 voire du mois de mars 2017 ou du mois de novembre 2017 alors qu’il est constant que ce n’est qu’à compter du mois d’avril 2018 que des propositions ont été formulées à Mme [U].

Il ressort également de la procédure d’appel que des propositions n’ont été faites qu’à compter d’avril 2018 et si un appartement répondant aux caractéristiques décrites par le protocole a bien été proposé à cette date à Mme [U], celle-ci avait le droit de le refuser puisqu’en vertu de ce même protocole, elle avait le choix de son emplacement.

De plus, il résulte du courriel du 17 juillet 2020 que si trois propositions de logement ont été faites par la société ERILIA à Mme [U], ils ne remplissaient pas les critères prévus par le protocole et n’étaient pas notamment situés dans la résidence TERRACOTTA.

Il en est de même du logement proposé dans la résidence Domaine de Valauria de type 2 de 47m2, selon lettre du 17 septembre 2020.

Par conséquent, il ne peut être reproché à Mme [U] d’avoir usé de sa faculté de choix de l’emplacement de son nouveau logement et d’avoir refusé des biens qui ne correspondaient pas aux critères retenus par le protocole.

Il convient donc que la société SAGEC MEDITERRANEE, qui a manqué à son obligation de relogement notamment ne permettant pas à Mme [U] d’être relogée dans les conditions contractuellement prévues, de supporter les conséquences de son inexécution, à savoir la prise en charge définitive du coût des loyers, charges ou indemnités d’occupation du logement attribué provisoirement où l’intimée réside encore du fait de cette inexécution.

Par conséquent, il convient de débouter la société SAGEC MEDITERRANNEE de toutes ses demandes formées à l’encontre de Mme [U] et ainsi de confirmer sur ces points le jugement déféré.

Sur les délais pour quitter les lieux octroyés à Mme [U] :

Il résulte des articles L. 412-3, L. 412-4 et R. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution que le juge peut même d’office, chaque fois que le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales, décider d’un sursis à l’exécution de la décision de justice ayant ordonné l’expulsion, par l’octroi de délais compris entre 3 mois minimum et 3 ans maximum et ainsi différer le début des opérations d’expulsion. Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, le juge appréciera notamment les situations respectives du locataire et du propriétaire, leur âge, leur état économique, la bonne foi du demandeur, ses diligences accomplies en vue de trouver un nouveau logement, le caractère décent du logement ou les conditions atmosphériques en cours.

En l’espèce, seule la société SAGEC MEDITERRANNEE demande l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a accordé d’office à Mme [U] un délai supplémentaire de 18 mois à compter du prononcé du présent jugement pour libérer volontairement les lieux, ordonné, passé ce délai, son expulsion et celle de tous les occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique en vertu des articles L. 153-1 et L. 153-2 du Code des procédures civiles d’exécution et rappellé que les délais accordés par le juge sont renouvelables, la demande en renouvellement de délai de grâce constituant l’exercice d’un droit.

De plus, il constant que Mme [U], âgée de 79 ans, n’a pas encore trouvé à se reloger du fait du non respect par la société SAGEC de son engagement issu du procole signé le 13 octobre 2014, que le propriétaire ne remet pas en cause sa bonne foi et que la dette locative incombe non à Mme [U] mais à la société SAGEC.

Mme [U] produit, comme elle l’avait fait en première instance, sa déclaration de revenus 2019 faisant état d’un montant total de 10724 au titre de sa pension de retraite annuelle.

Par conséquent, c’est à bon droit que le premier juge lui a accordé d’office un délai de 18 mois pour quitter les lieux à compter du prononcé du jugement déféré.

Il convient donc de rejeter la demande de la SAGEC de la condamner sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision d’avoir à libérer les lieux et à les restituer en bon état de réparations locatives.

Ainsi, le jugement déféré sera confirmé sur l’ensemble des points susvisés.

Sur les demandes reconventionnelles de Mme [U] :

Sur l’indemnité d’éviction :

En application de l’ancien article 1134 du code civil, selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, il convient de rappeler que la société SAGEC s’est engagée, selon le protocole amiable du 13 octobre 2014, à payer à Mme [U] une indemnité d’éviction de 10000 euros au jour de l’acquisition de l’immeuble situé [Adresse 4].

Il est constant que cette indemnité n’a jamais été versée à Mme [U] alors même que le bien a fait l’objet de plusieurs ventes en l’état future d’achèvement au profit de sociétés tierces.

Par conséquent, la société SAGEC MEDITERRANEE a manqué à son obligation contractuelle et sera donc condamnée à l’exécuter en payant à Mme [U] la somme de 10000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 29 juillet 2020.

Ainsi, il sera fait droit à la demande de cette dernière et le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.

Sur sa demande de relogement sous astreinte :

Il est constant que l’ensemble immobilier situé [Adresse 4] a été vendu en l’état futur d’achèvement par la société TERRACOTA, dont la société appelante est gérante, le 22 mars 2016 et le 2 février 2017 et que cette dernière n’est plus propriétaire de ce bien.

Elle ne peut donc exécuter la demande de relogement faite par Mme [U] et ce alors que les sociétés acquéreurs ne sont pas dans la cause.

Par conséquent, il convient de rejeter la prétention de l’intimée et de confirmer sur ce point le jugement déféré.

Sur le paiement d’une indemnité compensatrice de 72000 euros :

Si Mme [U] bénéficie d’un délai de 18 mois qui court à compter du prononcé du jugement déféré, elle n’a pas vocation à rester dans les lieux à l’expiration de ce délai alors que le logement de M. [O] consistait pour cette dernière en une solution temporaire de relogement, le temps de la réalisation immobilière par la société SAGEC.

En outre, si la société SAGEC est condamnée à prendre à sa charge l’intégralité des loyers, charges et indemnités d’occupation dus à M. [O] jusqu’au départ définitif des lieux de Mme [U], cela résulte de sa propre carence dans l’exécution des obligations mises à sa charge par le protocole d’éviction amiable du 13 octobre 2014.

Il ressort des débats que l’appelante n’a pas respecté son obligation de relogement et que l’exécution de cette obligation en nature est rendue désormais impossible du fait qu’elle a vendu l’immeuble où Mme [U] devait être relogée selon les conditions fixées par le protocole précité, sans s’assurer que ledit protocole soit rendu opposable aux sociétés acquéreurs.

Il convient donc qu’elle indemnise le préjudice subi par Mme [U] qui se retrouve expulsée de l’appartement appartenant à M. [O], sans solution de relogement.

Celle-ci produit différentes pièces qui font état d’un prix de loyer de 1100 euros en moyenne pour un appartement équivalent à celui qui lui avait été promis par la société SAGEC, soit un logement de 65 m2 situé à [Localité 8].

Or, si le société SAGEC avait respecté son engagement de relogement tel que prévu par le protocole amiable, Mme [U] aurait dû payer un loyer initial maximum de 600 euros par mois, charges comprises.

En outre, âgée de 79 ans, elle justifie pouvoir atteindre une espérance de vie de 12 années.

Ainsi, elle est bien-fondée à demander la prise en charge par la société SAGEC MEDITERRANEE de la différence entre le montant du loyer mensuel de 600 euros et celui qu’elle devra régler suite à la libération de l’appartement de M. [O] sur une durée de 12 années, soit la somme totale de 72000 euros.

Ainsi, la société appelante sera condamnée à lui payer la somme de 72000 euros comme demandée.

Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La société SAGEC MEDITERANNEE, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance en ce compris le coût du commandement de payer, de la dénonce à Mme [M] [U] de l’assignation et de sa dénonciation à la préfecture.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

L’appelante, partie succombante, sera condamnée à payer, en cause d’appel, à Mme [M] [U] née [X] une somme qu’il est équitable de fixer à 2500 euros et à M. [N] [O] une somme qu’il est équitable de fixer à 2500 euros, la décision déférée étant confirmée en ce qu’elle a condamné la société SAGEC MEDITERRANEE à verser à Mme [M] [U] et à M. [N] [O] la somme de 600 euros à chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré rendu le 2 juin 2022 par le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité d’Antibes sauf en ce qu’il a débouté Mme [M] [U] née [X] de sa demande d’indemnité à hauteur de 72000 euros ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :

CONDAMNE la SAS SAGEC MEDITERRANEE à payer à Mme [M] [U] née [X] la somme de 72000 euros à titre d’indemnité pour pouvoir se reloger ;

CONDAMNE la SAS SAGEC MEDITERRANEE à payer à M. [N] [O] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;

CONDAMNE la SAS SAGEC MEDITERRANEE à payer à Mme [M] [U] née [X] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;

CONDAMNE la SAS SAGEC MEDITERRANEE aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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