15 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
23/56392
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/56392 –
N° Portalis 352J-W-B7H-C2MZW
N° : 8-CB
Assignation du :
24 Juillet 2023
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 février 2024
par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSES
La S.A. BPCE LEASE IMMO
[Adresse 4]
[Localité 6]
La SCI 88
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentées par Maître Vincent LOIR, avocat au barreau de PARIS – #E0874
DEFENDERESSE
La société PM SA
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître Eric VIGY, avocat au barreau de PARIS – #C0109
DÉBATS
A l’audience du 11 Janvier 2024, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente, assistée de Clémence BREUIL, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Aux termes d’un acte sous seing privé signé le 31 janvier 2013, la société NATIXIS LEASE IMMO, désormais dénommée BPCE LEASE IMMO, a consenti à la société MADE IN POST PROD, aux droits de laquelle vient la société PM SA, un contrat de bail portant sur des locaux commerciaux à usage de bureaux situés [Adresse 2], moyennant le paiement d’un loyer annuel en principal de 39.500 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement d’avance.
Par acte authentique du 22 janvier 2019, la société BPCE LEASE IMMO a consenti un crédit-bail immobilier à la SCI 88 portant sur les locaux objets du bail commercial signé le 31 janvier 2013.
Aux termes de ce contrat de crédit-bail, la SCI 88 s’est vue transférer la jouissance des locaux, ainsi que le droit de percevoir les loyers.
La signature de ce contrat de crédit-bail a été notifiée à la société PM SA par courrier du 30 janvier 2019.
Le contrat de bail commercial, venu à expiration le 3 février 2022, s’est poursuivi par tacite reconduction en application des dispositions de l’article L.145-9 du code de commerce.
Par exploit des 30 et 31 mars 2023, la SCI 88 agissant en qualité de mandataire et au nom et pour le compte du crédit bailleur, a signifié à la société PM SA un congé avec refus de paiement et offre d’une indemnité d’éviction pour l’échéance du 30 septembre 2023.
Des loyers étant demeurés impayés à compter du 1er trimestre 2023, le bailleur a fait délivrer au preneur, le 2 février 2023, une mise en demeure de payer la somme de 19.033,15 euros au titre des loyers et charges impayés à cette date.
Une seconde mise en demeure a été délivrée au preneur le 12 avril 2023.
Par exploit des 30 mai et 6 juin 2023, la SCI 88 agissant en qualité de mandataire de la société BPCE LEASE IMMO a fait délivrer à la société PM SA un commandement de payer la somme en principal de 41.043 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 31 mars 2023, 1er trimestre 2023 inclus, le commandement visant la clause résolutoire.
Se prévalant de l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail, la SCI 88 et la société BPCE LEASE IMMO ont, par exploit délivré le 24 juillet 2023, fait citer la société PM SA devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :
– constater l’acquisition au profit de la société BPCE LEASE IMMO de la clause résolutoire prévue au bail du 31 janvier 2023 ;
– ordonner l’expulsion de la défenderesse et de tout occupant de son chef, avec si besoin est le concours de la force publique et d’un serrurier ;
– condamner à titre provisionnel la société PM SA à payer à la SCI 88 la somme de 59.616,05 euros correspondant aux loyers, charges et taxes impayés au 3ème trimestre 2023 inclus, avec intérêts de droit sur la somme de 41.597,72 euros depuis le 30 mai 2023, date du commandement ;
– condamner à titre provisionnel la société PM SA au paiement d’une indemnité d’occupation d’un montant de 6.991,93 euros par mois, à compter du 7 juillet 2023 et jusqu’à libération effective des lieux ;
– condamner la société PM SA à payer à la société BPCE LEASE IMMO et à la SCI 88 la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire que l’exécution de l’ordonnance de référé à intervenir aura lieu au seul vu de la minute ;
– condamner la société PM SA aux entiers dépens, dont le coût du commandement de payer des 30 mai et 6 juin 2023, soit la somme totale de 554,27 euros.
L’affaire a été appelée pour la première fois à l’audience du 21 septembre 2023 et a fait l’objet d’un renvoi d’office en raison du mouvement de grève des greffiers.
A l’audience du 11 janvier 2024, les demanderesses, représentées, indiquent que la société PM SA a libéré les locaux loués le 11 septembre 2023, et actualisent leur demande de provision à la somme de 41.073,41 euros. Elles sollicitent pour le surplus le bénéfice de leur assignation et exposent qu’en vertu de la clause résolutoire stipulée à l’article A.15 du bail, le dépôt de garantie doit rester acquis au bailleur.
La société PM SA, représentée, sollicite la déduction de la somme de 11.244,22 euros, correspondant au dépôt de garantie versé, de la provision à valoir sur l’arriéré locatif, en faisant valoir qu’elle a quitté les lieux avant le constat de l’acquisition de la clause résolutoire.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux notes d’audience.
La décision a été mise en délibéré au 15 février 2024.
MOTIFS
Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes
L’article 834 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du Code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail.
L’article L. 145-41-du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l’espèce, le contrat de renouvellement de bail stipule une clause résolutoire prévoyant notamment qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer ou de remboursement de frais, charges ou prestations qui en constituent l’accessoire, ou d’exécution de l’une ou l’autre des conditions du bail, et trente jours après un commandement resté infructueux, le bail sera résilié de plein droit.
La mention, dans cette clause résolutoire, d’un délai de trente jours, soit une durée inférieure à un mois, après commandement resté infructueux pour que la clause joue, tient en échec les dispositions d’ordre public susvisées et caractérise une contestation sérieuse ayant pour effet de faire échec au jeu de la clause résolutoire invoquée dans le commandement délivré le 30 mai 2023.
Dès lors, il n’y a pas lieu à référé sur la demande tendant à constater l’acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes tendant à l’expulsion du preneur et à sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.
Sur la provision
L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile prévoit que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
La SCI 88 justifie, par la production du bail, du commandement de payer et du décompte, que son locataire a cessé de payer ses loyers et charges et reste lui devoir au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnité d’occupation une somme de 41.073,41 euros, arrêtée au 18 septembre 2023 (mois de septembre 2023 inclus).
La société PM SA sera par conséquent condamnée au paiement de la somme non sérieusement contestable de 41.073,41 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d’occupation échus au 18 septembre 2023, terme de septembre 2023 inclus.
La défenderesse sollicite que la somme de 11.244,22 euros, correspondant au dépôt de garantie qu’elle a versé, lui soit restituée.
Les demanderesses s’y opposent en faisant valoir les termes de la clause » A-15- Clause résolutoire » qui stipule qu’en cas de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, » le dépôt de garantie ainsi que tout loyer payé d’avance resteront acquis au BAILLEUR à titre de première indemnité de résiliation, sans préjudice de tous dommages intérêts à la charge du preneur (…) « .
Cependant, il résulte des éléments exposés ci-dessus que la clause résolutoire mentionne un délai de trente jours, et non d’un mois, pour s’acquitter des causes du commandement de payer visant la clause résolutoire, ce qui fait obstacle au constat de l’acquisition de la clause résolutoire en l’espèce.
Or, en l’absence d’un tel constat, il n’y a pas lieu de faire application des prévisions contractuelles relatives à la conservation du dépôt de garantie par le bailleur.
Il sera par conséquent enjoint aux demanderesses de restituer la somme versée par la locataire à titre de dépôt de garantie, sous réserve de la déduction des sommes qui resteraient dues au titre des réparations locatives dues après la restitution des locaux loués.
Sur les autres demandes
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, succombant à l’instance, la société PM SA sera condamnée au paiement des dépens, qui n’incluront pas le coût des commandements de payer.
Il n’apparaît pas inéquitable de condamner la société PM SA au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, aucun élément ne justifie de déroger aux dispositions de l’article 503 alinéa 1er du code de procédure civile et de dire que la présente ordonnance sera exécutoire au seul vu de la minute.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,
Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés :
Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes d’expulsion, de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation, de séquestration des meubles et de conservation du dépôt de garantie ;
Condamnons par provision la société PM SA à payer à la SCI 88 la somme de 41.073,41 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d’occupation échus au 18 septembre 2023, terme de septembre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2023, date du commandement ;
Ordonnons aux sociétés BPCE LEASE IMMO et SCI 88 de restituer à la société PM SA les sommes qu’elle a versées à titre de dépôt de garantie, sous réserve du montant des réparations locatives restant éventuellement dues après la restitution des locaux ;
Condamnons la société PM SA aux dépens, qui ne comprendront pas le coût des commandements de payer ;
Condamnons la société PM SA à verser aux sociétés BPCE LEASE IMMO et SCI 88 la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;
Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 15 février 2024.
Le Greffier,Le Président,
Clémence BREUILEmmanuelle DELERIS