15 décembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/03305
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 34F
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 DECEMBRE 2022
N° RG 22/03305 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VGJB
AFFAIRE :
S.A.R.L. COGETIS
C/
[E] [J]
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 21 Avril 2022 par le Président du TJ de Versailles
N° RG : 21/01613
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 15.12.2022
à :
Me Benoît MONIN, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Olivier AMANN, avocat au barreau de VERSAILLES,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.R.L. COGETIS
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 451 406 730
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentant : Me Benoît MONIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 397 – N° du dossier 22085
APPELANTE
****************
Monsieur [E] [J]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 13] (Charente-Maritime)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 10]
S.A.S. E3M
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 790 244 420
[Adresse 4]
[Localité 8]
S.C.I. EMN INVESTISSEMENT
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 535 319 966
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentant : Me Olivier AMANN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 116
Assistés de Me Frédéric GROSHENNY, avocat plaidant au barreau de Paris
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nicolette GUILLAUME, Président chargé du rapport et Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
La SARL Cogetis et la SAS E3M sont associées pour moitié chacune dans la SCI EMN Investissement dont M. [E] [J] est le gérant.
La SCI EMN Investissement a contracté en 2011 un prêt auprès de la SBE dont le capital restant dû s’élevait à environ 643 000 euros au 31 décembre 2019. Ce prêt a servi à financer l’acquisition par la SCI des murs d’un restaurant sis [Adresse 5] [Localité 7]. Ces murs étaient donnés à bail à un restaurateur.
En 2012, la SCI a refusé le renouvellement du bail commercial et a lancé une procédure d’éviction à l’encontre de son locataire. Un jugement a été rendu le 12 décembre 2019 qui fixe l’indemnité d’éviction à 1 761 588 euros et le montant de l’indemnité d’occupation à 102 130 euros annuelle, avec exécution provisoire.
Par acte d’huissier de justice délivré le 29 novembre 2021, la société Cogetis a fait assigner en référé la société EMN Investissement, M. [J] et la société E3M aux fins d’obtenir principalement, que soit nommé un administrateur judiciaire en qualité de mandataire ad hoc de la société EMN investissement, pour une durée de trois mois renouvelable, avec pour mission de :
– se faire remettre les relevés d’opérations par tout établissement de crédit ou tout établissement de paiement pour 2018, 2019 et 2020,
– se faire assister d’un expert-comptable de son choix afin de faire établir les comptes ou de vérifier ceux qui ont été établis,
– solliciter tout tiers afin de se faire remettre les justificatifs qui font défaut,
– faire un point comptable de la trésorerie disponible pour l’exécution du jugement du 12 décembre 2019,
– établir un rapport sur la situation financière de la société.
Par ordonnance contradictoire rendue le 21 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :
– dit n’y avoir lieu à annulation de 1’assignation (introductive d’instance),
– déclaré la société Cogetis recevable,
– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de désignation d’un administrateur judiciaire,
– déclaré la demande reconventionnelle irrecevable,
– condamné la société Cogetis à payer à la société EMN Investissement la somme de 700 euros au titre de1’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Cogetis à payer à M. [J] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Cogetis à payer à la société E3M la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Cogetis au paiement des dépens,
– rappelé que l’ordonnance est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 16 mai 2022, la société Cogetis a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à annulation de 1’assignation, l’a déclarée elle-même recevable et a déclaré la demande reconventionnelle irrecevable.
Dans ses dernières conclusions n°2 déposées le 30 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Cogetis demande à la cour, au visa des articles 1845 et 1846 du code civil, de :
– réformer l’ordonnance de référé du 21 avril 2022 en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
à titre principal,
– nommer tel administrateur judiciaire qu’il plaira en qualité d’administrateur provisoire de la société EMN, société civile immobilière au capital de 1 000 euros dont le siège est à [Localité 10] (78) [Adresse 2], immatriculée au registre du commerce de Versailles sous le numéro Siren 535.319.966, avec mission de représentation de la société ;
à titre subsidiaire,
– nommer tel administrateur judiciaire qu’il plaira en qualité de mandataire ad hoc de la société EMN ;
pour une durée de trois mois renouvelable,
avec pour mission :
– se faire remettre les relevés d’opérations par tout établissement de crédit ou tout établissement de paiement pour 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022 ;
– se faire assister d’un expert-comptable de son choix afin de faire établir les comptes ou de vérifier ceux qui ont été établis ;
– solliciter tout tiers afin de se faire remettre les justificatifs qui font défaut ;
– faire un point comptable de la trésorerie disponible pour l’exécution du jugement du 12 décembre 2019 ;
– établir un rapport sur la situation financière de la société ;
– autoriser ce mandataire ad hoc à se faire assister de toute personne compétente de son choix ;
– dire qu’en cas d’empêchement, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;
– dire que les frais de mission de l’administrateur désigné seront à la charge de la société EMN ;
– condamner la société EMN, M. [J] et la société E3M à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société EMN, M. [J] et la société E3M aux dépens.
Dans leurs dernières conclusions comportant incident de nullité de la déclaration d’appel, faisant réponse au fond sur l’appel et faisant appel incident, déposées le 27 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société EMN, la société E3M et M. [J] demandent à la cour, au visa des articles 502, 835, 901 et 905-1 du code de procédure civile et L. 611-3 du code de commerce, de :
1/ in limine litis :
– juger la déclaration d’appel nulle ;
et subsidiairement,
– caduque en raison du défaut de signification de la déclaration d’appel du greffe ;
en conséquence,
– débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes, fins, prétentions ;
2/
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré recevable la société Cogetis en ses demandes ;
en conséquence, statuant à nouveau :
– la déclarer irrecevable en sa demande et l’en débouter ;
3/
– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré l’assignation régulière du fait de la mention des dispositions des articles 1845 et 1846 du code civil ;
en conséquence, statuant à nouveau :
– prononcer la nullité de l’assignation ;
4/ concernant la demande de nomination d’un mandataire ad hoc et d’un administrateur,
– confirmer l’ordonnance entreprise sur ce point ;
en conséquence,
– rejeter de telles demandes ;
5/ sur la demande de restitution de pièces comptables,
– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande visant à la restitution par la société Cogetis de l’original des pièces comptables justificatives ;
en conséquence, statuant à nouveau :
– condamner la société Cogetis à restituer l’original des pièces comptables justificatives à compter de l’exercice 2016 soit celles à partir du 1er janvier 2016, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
en tout état de cause
– condamner la société Cogetis à leur payer à chacun la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner en tous les dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la procédure
sur la nullité de la déclaration d’appel
La société EMN, la société E3M et M. [J] sollicitent la nullité de la déclaration d’appel en l’absence d’effet dévolutif, sur le fondement des articles 542 et 901 du code de procédure civile, au motif que le recours à l’annexe qui y est jointe n’est pas justifiée au regard du nombre de caractères requis pour son emploi.
La société Cogetis soutient au contraire que l’annexe comportant les chefs de jugement critiqués étant bien mentionnée et communiquée avec la déclaration d’appel, cette déclaration d’appel ne peut donc être frappée de nullité.
Sur ce,
Selon l’article 901 du code de procédure civile tel que modifié par Décret n°2022-245 du 25 février 2022 – art. 1 :
‘La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.’
Une déclaration d’appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l’absence d’empêchement technique, de sorte qu’aucune nullité n’affecte celle établie par l’appelant le 16 mai 2022, contrairement aux allégations des intimés.
Sur la caducité de la déclaration d’appel
La société EMN, la société E3M et M. [J] sollicitent la caducité de l’appel sur le fondement de l’article 905-1 du code de procédure civile au motif que l’appelant n’a pas notifié le récépissé de la déclaration d’appel du greffe mais sa propre déclaration d’appel et que ‘la déclaration d’appel du greffe’ n’a pas été signifiée.
L’appelant réplique que l’absence de signification du récépissé du greffe n’est pas une cause de caducité.
Sur ce,
Selon l’article 905-1 du code de procédure civile : ‘Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables’.
Il résulte de la consultation du message déposé sur le RPVA le 13 juin 2022, que le 7 juin 2022 ont été signifiés aux intimés la déclaration d’appel datée du 16 mai 2022 et l’avis de fixation daté du 3 mai 2022, de sorte que sans en ajouter à ce texte, aucune caducité ne peut être relevée, la demande à ce titre étant rejetée.
Sur la nullité de l’assignation
La société EMN, la société E3M et M. [J] soulèvent comme en première instance, la nullité de l’assignation au motif qu’en contravention avec l’article 56 du code de procédure civile, le fondement juridique des demandes formées par la société Cogetis n’y serait pas précisé, ce qui lui causerait un grief. Elles demandent l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a jugé de ce chef.
La société Cogetis sollicite au contraire la confirmation de l’ordonnance, précisant fonder ses demandes sur la construction prétorienne qui résulte des articles 1845 et 1846 du code civil.
Sur ce,
Il résulte de l’ordonnance attaquée que l’assignation vise les articles 1845 et 1846 du code civil, peu importe à ce stade du raisonnement que la demande soit fondée ou mal fondée. Aucune infraction à l’article 56 du code de procédure civile ne sera retenue et l’ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu’elle a jugé à ce titre.
Sur la qualité pour agir
La société EMN, la société E3M et M. [J], ce dernier étant gérant, soulèvent comme en première instance, le défaut de qualité pour agir de la société Cogetis sur le fondement des articles 1845 et 1846 du code civil.
Ils relèvent que la société Cogetis qui n’est pas débitrice, n’a pas non plus qualité pour agir sur le fondement de l’article L. 611-3 code de commerce.
La société Cogetis indique fonder ses demandes sur les articles 1845 et 1846 du code civil et sur la construction prétorienne qui en résulte.
Elle indique aussi que la désignation d’un administrateur provisoire d’une société est possible en référé au visa de l’urgence. Elle soutient que l’action est ouverte à toute personne démontrant un intérêt à agir, ce qu’elle prétend en raison de la solidarité financière qui peut s’imposer à elle en tant qu’associée.
Elle sollicite la confirmation de l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a jugé à ce titre.
Sur ce,
Selon l’article 1845 du code civil : ‘ Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toutes les sociétés civiles, à moins qu’il n’y soit dérogé par le statut légal particulier auquel certaines d’entre elles sont assujetties.
Ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n’attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet.’
Selon l’article 1846 du même code : ‘ La société est gérée par une ou plusieurs personnes, associées ou non, nommées soit par les statuts, soit par un acte distinct, soit par une décision des associés.
Les statuts fixent les règles de désignation du ou des gérants et le mode d’organisation de la gérance.
Sauf disposition contraire des statuts, le gérant est nommé par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales.
Dans le silence des statuts, et s’il n’en a été décidé autrement par les associés lors de la désignation, les gérants sont réputés nommés pour la durée de la société.
Si, pour quelque cause que ce soit, la société se trouve dépourvue de gérant, tout associé peut demander au président du tribunal statuant sur requête la désignation d’un mandataire chargé de réunir les associés en vue de nommer un ou plusieurs gérants.’
Il est constant que M. [E] [J] est toujours le gérant de la SCI EMN Investissement. Il résulte de cette observation que le dernier alinéa de ce texte ne peut directement recevoir application.
Néanmoins, il n’est pas davantage contesté que la société Cogetis est associée de la SCI EMN Investissement. Il ressort de ses conclusions que si elle cite ces deux textes, elle se prévaut également d’une mésentente entre les associés, de dysfonctionnements, des manquements du gérant et d’un risque encouru par elle en sa qualité d’associée résultant de sa solidarité financière avec la SCI face à un péril imminent, de sorte que l’irrecevabilité soulevée sera rejetée, l’appelante ayant qualité pour agir et demander la nomination d’un administrateur judiciaire ou d’un mandataire ad hoc.
L’ordonnance doit donc être confirmée en ce qu’elle a ainsi jugé.
Sur la nomination d’un administrateur provisoire
La société Cogetis, appelante, en qualité d’associée de la SCI estime avoir un intérêt à agir puisque le gérant ne lui communique aucune information alors que la société est sous la menace de l’exécution d’une décision judiciaire pouvant la mettre en péril sur laquelle le gérant est taisant quant à son exécution.
Elle indique qu’elle a, en outre, un important compte courant au sein de la SCI et qu’elle peut légitimement s’inquiéter de la capacité de la SCI à la rembourser.
Elle fait état des manquements du gérant par rapport :
– aux obligations fiscales de la SCI EMN Investissement qui n’aurait pas rempli correctement les déclarations de TVA des années 2016 à 2019, et qui n’aurait pas régulièrement payé la taxe foncière, comportement de nature à entraîner des pénalités de retard,
– au paiement irrégulier ou lacunaire des factures de la SCI EMN Investissement (facture de Maître [O] relatives à ses honoraires dans le cadre de la procédure d’éviction, factures de charges de copropriété du cabinet Saint-Eustache, facture du cabinet d’expert comptable Berson),
– au remboursement d’un emprunt immobilier souscrit par la SCI EMN Investissement auprès de la SBE avec un arriéré arrêté au 30 septembre 2022 de 55 285,56 euros, à l’absence de remboursement du solde de 662 447,10 euros malgré l’encaissement de la somme de 516 457,53 euros le 2 juillet 2019 et à la résiliation de l’assurance concernant ce prêt,
– à des mouvements anormaux sur ses comptes :
. compte SBE : virements de 15 000 et 10 0000 euros suspects au bénéfice de la société Lalyke Investissements gérée également par M. [J] et dont la société E3M est associée, virement de 3 000 euros au bénéfice de la société E3M, virement de 1 500 et 4 500 euros au bénéfice de la société Gocardless,
. compte Qonto : virements de 9 000 euros au bénéfice de la société E3M, virement de 3 663,98 euros au bénéfice de M. [K] [T], et surtout débit d’u montant de 460 443,76 euros apparaissant sous l’appellation ‘EMN OPERATION EPARGNE’ au bénéfice du compte étranger de la banque lettonne SEB Bankaas sur lequel apparaît le nom de l’épouse du gérant,
– à la gestion de ses actifs :
. refus de vente du bien immobilier sis [Adresse 5] à [Localité 7] malgré les deux offres qui ont été reçues,
– au défaut d’approbation de ses comptes notamment 2020 et 2021, années d’exercice des incidents de gestion signalés.
Elle précise que le gérant refuse d’apporter des réponses à ses questions (sa pièce 28) et que depuis la délivrance de l’assignation en référé, le gérant a supprimé son accès au site des impôts.
Selon l’appelante, la désignation d’un administrateur provisoire d’une société est possible en référé au visa de l’urgence, même s’il s’agit d’une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement de la société et la menaçant d’un péril imminent.
Elle entend caractériser un péril imminent outre par les manquements du gérant décrits ci-dessus, par le jugement rendu le 12 décembre 2019 condamnant la SCI au paiement d’une indemnité d’éviction dont l’appel est éventuellement hors délai.
Elle fait état de plusieurs condamnations pécuniaires de la société E3M et de M. [J] et de procédures collectives ouvertes au bénéfice de la société Kalyke Investissements ou d’autres sociétés dont il est aussi le gérant.
Elle précise enfin que la demande de nomination d’administrateur provisoire était formée devant le juge initialement saisi qui a omis de se prononcer.
La société EMN, la société E3M et M. [J] sollicitent au contraire la confirmation de l’ordonnance attaquée qui a retenu que la société Cogetis qui fonde ses demandes sur les articles 1845 et 1846 du code civil, ne caractérise pas la condition d’urgence requise ou l’existence de circonstances rendant impossible fonctionnement de la société et la menace d’un péril imminent.
Ils indiquent que la société Cogetis a toujours eu accès aux documents comptables et/ou sociaux. Pour preuve, elle a accès au logiciel de l’expert-comptable et aux comptes bancaires de la société et il est répondu à ses interrogations.
Au besoin, ils entendent défendre la gestion du gérant en indiquant que :
– les déclarations de TVA sont à jour mais qu’effectivement l’accès de la société Cogetis au site des impôts lui a été retiré le 10 décembre 2021 en raison du contexte procédural,
– la société E3M comme la société Cogestis a été amenée à régler des factures de la SCI,
– un report d’échéance a été obtenu de la SBE pendant la période de crise sanitaire, mais ce report n’a pu être finalisé en l’absence de retour de la société Cogetis ; aucun incident concernant le remboursement de ce prêt ne peut être constaté au 7 décembre 2021 et le solde du compte SBE est positif,
– un appel a été interjeté du jugement rendu le 12 décembre 2019,
– un traitement diligent a été fait des offres d’achat du bien situé [Adresse 5],
– les procès-verbaux d’assemblées générales annuelles on été adressés à la société Cogetis qui n’a pas retiré les lettres recommandées et la comptabilité est établie par M. [A] lui-même, gérant de la société Cogetis, l’expert comptable se contentant d’une mission de supervision des comptes, sa mission se limitant à l’établissement de la liasse fiscale ; les intimés s’expliquent plus précisément année par année.
Sur ce,
L’article 1833 du code civil dispose que : « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés.
La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose rapporter la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent.
Il appartient à celui qui sollicite la désignation d’un administrateur provisoire, de justifier que ces deux conditions sont remplies en l’espèce.
Au sens de l’article 835 précité, le dommage imminent ou péril imminent dont la preuve de l’existence incombe à celui qui l’invoque, s’entend du ‘dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer’.
Il s’ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le premier juge a statué, et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage ou d’un préjudice sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, un dommage purement éventuel ne pouvant être retenu pour fonder l’intervention du juge des référés. La constatation de l’imminence du dommage suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets.
La seule menace de recouvrement d’une indemnité d’éviction au paiement de laquelle la SCI a été condamnée par un jugement qui est cependant frappé d’appel, ce qui n’est pas contesté, cette cour n’étant pas juge de la recevabilité de l’appel, n’apparaît pas suffisante pour caractériser le péril imminent.
Au cas présent, la cour relève aussi que la SCI est toujours propriétaire d’un bien immobilier situé dans le 1er arrondissement de Paris.
Reste qu’il est établi qu’au 1er février 2020 (cf pièce 20 de l’appelante), la SCI disposait d’un solde sur son compte Qonto, de 460 460,97 euros, et que le 29 février 2020 ce solde n’est plus que de 6,41 euros après une ‘transaction sortante’ d’un montant de 460 454,56 euros intitulée ‘EMN OPERATION EPARGNE’ ; il n’est pas démenti par les intimés que le 9 juillet 2019 le produit de la vente d’un bien immobilier de 510 617,55 euros ainsi que l’indique l’appelante, avait été versé sur ce compte Qonto et que la somme de 460 454,56 euros a été versée sur un compte bancaire dans une banque lettonne sur un compte ouvert au nom de Mme [N] [W], qui serait l’épouse de M. [J], gérant de la SCI.
L’appelante verse également aux débats une lettre datée du 13 juin 2022 adressée par l’expert comptable à la SCI dans les termes qui suivent, concernant un virement de 460 443,76 euros le 15 février 2020 vers la banque lettonne SEB Banka : ‘Nous vous prions de bien vouloir nous préciser l’objet de ce virement et nous communiquer le document justificatif de référence’.
Dès lors, est retenu par la cour, un risque de disparition de cette somme, fait constitutif de péril imminent.
Il s’y ajoute aux termes de cette même lettre :
– un retard de 13 mois dans l’établissement de la comptabilité,
– un impayé de taxe foncière au 31 décembre 2020 de 8 900 euros et un impayé de TVA sur les encaissements de loyers à la même date de 98 941,81 euros,
– un solde impayé de 1 003,80 euros au 13 juin 2022 sur le compte de la SCI,
autant de faits qui sans explication suffisante du gérant, justifient selon l’expert comptable qu’il soit mis fin à sa propre mission.
Les conditions requises étant réunies, à la fois de péril imminent qui apparaît suffisamment caractérisé et de fonctionnement anormal de la société tel que décrit par l’expert comptable, il est justifié de faire droit à la demande de la société Cogetis de nomination d’un administrateur avec une mission de représentation de la SCI ainsi qu’il sera dit au dispositif. L’ordonnance attaquée sera donc infirmée.
Au regard de la nomination d’un administrateur judiciaire faisant droit à la demande de l’appelante, il n’y a pas lieu d’examiner celle tendant à la nomination d’un mandataire ad hoc ; celle de l’intimée tendant à la restitution des pièces comptables par la société Cogetis fondée sur les dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, une contestation sérieuse étant dès lors retenue, sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
L’ordonnance sera également infirmée en ce qu’elle a jugé sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Requérante à la mesure, la société Cogetis conservera cependant la charge des dépens de première instance.
Perdant en appel, la société EMN, la société E3M et M. [J] seront condamnés aux dépens et l’équité justifie de les condamner in solidum au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Rejette la demande de nullité de la déclaration d’appel,
Rejette la demande de caducité de l’appel,
Infirme l’ordonnance rendue le 21 avril 2022 sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à annulation de 1’assignation (introductive d’instance) et déclaré la société Cogetis recevable,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Désigne la Selarl FHB prise en la personne de Mme [B] [Z], [Adresse 3] [Localité 11] [Courriel 12] en qualité d’administrateur provisoire de la société EMN, société civile immobilière au capital de 1000 euros dont le siège est à [Localité 10] (78) [Adresse 2], immatriculée au registre du commerce de Versailles sous le numéro Siren 535.319.966, avec mission de représentation de la société pour une durée d’un an,
Y ajoutant,
Condamne la société EMN, la société E3M et M. [J] in solidum à payer à la société Cogetis la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette toute autre demande,
Dit que la société EMN, la société E3M et M. [J] supporteront in solidum la charge des dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,