Indemnité d’éviction : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06570

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Indemnité d’éviction : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/06570

15 décembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG
21/06570

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 21/06570 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U2AI

AFFAIRE :

S.A.R.L. YBFM

C/

[R] [G]

S.A.S FONCIERE NORAM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Septembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 20/03072

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 15.12.2022

à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Arnaud JAGUENET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. YBFM

N° Siret : 525 031 183 (RCS Paris)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 253/21 – Représentant : Me Rachid LE ASRI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [R] [G]

né le 04 Août 1953 à [Localité 7] (Egypte)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Arnaud JAGUENET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 536 – N° du dossier 2020/7

INTIMÉ

****************

S.A.S FONCIERE NORAM

N° Siret : 901 833 194 (RCS Paris)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Arnaud JAGUENET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 536 – N° du dossier 2020/7

PARTIE INTERVENANTE FORCÉE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller et Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon acte sous seing privé en date du 1er février 2009, M. [G] a consenti à la société Zeralda un bail commercial portant sur des locaux sis [Adresse 1] ( 92), pouvant être affectés à tous commerces, dont la restauration, se terminant le 31 janvier 2018, et moyennant un loyer annuel hors taxes de 8 400 euros, net de charges, taxes et impôts, payable par mois d’avance.

Ce bail contient une clause résolutoire, qui prévoit, notamment, qu’à défaut de paiement à son échéance d’un seul terme de loyer, y compris de l’indexation, et un mois après un simple commandement de payer ou une mise en demeure adressée par acte extrajudiciaire resté sans effet, et exprimant la volonté du bailleur de se prévaloir de cette clause, le bail sera résilié immédiatement et de plein droit.

Par acte d’huissier du 15 janvier 2018, M. [G] a signifié à la société YBFM ( nom commercial Fafa Pizza), désormais titulaire du bail, un congé avec offre de renouvellement à effet au 30 septembre 2018, avec un nouveau loyer à compter du 1er octobre 2018.

L’acte stipulait un nouveau loyer annuel de 1 800 euros en principal, hors taxes et hors charges.

Par acte d’huissier du 10 octobre 2019, la société YBFM a déclaré consentir au principe du renouvellement de bail selon les termes du congé signifié le 15 janvier 2018, soit pour une période de 9 années à compter du 1er octobre 2018, et moyennant un nouveau loyer annuel de 1 800 euros en principal hors taxes et hors charges.

Le 17 octobre 2019, M. [G] a signifié à la société YBFM un ‘acte rectificatif de l’erreur matérielle figurant au congé avec offre de renouvellement signifié en date du 15 janvier 2018″, indiquant qu’il confirmait le renouvellement du bail, mais qu’en revanche, le loyer n’était pas de 1 800 euros annuels, comme indiqué en suite d’une erreur matérielle, mais de 1 800 euros mensuels, soit 21 600 euros annuels hors taxes et hors charges.

Par acte du 26 février 2020, M. [G] a fait signifier à la société YBFM un commandement de payer la somme en principal de 11 146 euros, correspondant aux loyers des mois d’octobre 2018 à février 2020 inclus, calculés sur la base d’un loyer de 1 800 euros par mois, partiellement ou totalement impayés, et visant la clause résolutoire insérée au bail.

Par acte du 22 mai 2020, M. [G] a fait assigner la société YBFM devant le tribunal judiciaire de Nanterre, lequel, par jugement réputé contradictoire rendu le 6 septembre 2021, a :

constaté la résiliation du bail opérée de plein droit,

dit que la société YBFM devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef les lieux qu’elle occupe [Adresse 1], dans un délai d’un mois à compter de la signification [de son ] jugement,

dit que faute pour la société YBFM de quitter les lieux dans le délai et celui-ci passé, M. [G] pourra faire procéder à son expulsion avec l’assistance de la force publique si besoin est,

rappelé que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,

condamné la société YBFM à payer à M. [G] :

16 455 euros au titre des loyers et charges impayés au mois de mai 2020 inclus,

une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer indexé et des charges, jusqu’à la libération des lieux et remise des clés,

rappelé que l’exécution provisoire est de droit,

condamné la société YBFM aux dépens qui comprendront le coût du commandement du 26 février 2020, le coût de l’extrait K bis, le coût de la levée des états de nantissement et des privilèges et le coût de l’assignation et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le 19 octobre 2021, la société Foncière Noram a fait signifier à la société YBFM une attestation notariée du 5 août 2021, concernant la vente, à son profit, du local loué.

Le 28 octobre 2021, la société YBFM a relevé appel du jugement susvisé.

Par ordonnance rendue le 20 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 9 novembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société YBFM demande à la cour de :

la déclarer bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et l’y recevant,

En conséquence,

infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 6 septembre 2020, en ce qu’il a constaté la résiliation du bail opérée de plein droit// dit que la société YBFM devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef les lieux qu’elle occupe [Adresse 1], dans un délai d’un mois à compter de la signification [de son ] jugement // dit que faute pour la société YBFM de quitter les lieux dans le délai et celui-ci passé, M. [G] pourra faire procéder à son expulsion avec l’assistance de la force publique si besoin est // condamné la société YBFM à payer à M. [G] : 16 455 euros au titre des loyers et charges impayés au mois de mai 2020 inclus et une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer indexé et des charges, jusqu’à la libération des lieux et remise des clés // condamné la société YBFM aux dépens qui comprendront le coût du commandement du 26 février 2020, le coût de l’extrait K Bis, le coût de la levée des états de nantissement et des privilèges et le coût de l’assignation et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

A titre principal : sur la nullité du commandement délivré le 26 février 2020,

juger que le commandement à elle délivré le 26 février 2020 par M. [G] [est] nul et de nul effet,

débouter M. [G] et la société Foncière Noram de leurs demandes,

A titre subsidiaire : sur l’absence d’effet de la clause résolutoire et sur le règlement des loyers et charges par compensation

juger le commandement à elle délivré le 26 février 2020 par M. [G] sans effet,

débouter M. [G] et la société Foncière Noram de leurs demandes,

A titre très subsidiaire : sur la demande de délai de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire

lui accorder un délai de 6 mois pour le règlement de toute somme qu’elle pourrait devoir à M. [G] et à la société Foncière Noram, en 6 versements égaux, l’échéancier commençant à courir dans les conditions fixées par la décision à intervenir ;

juger que les effets de la clause résolutoire insérée dans le bail du 1er février 2009 seront suspendus pendant l’échéancier de paiement,

En tout état de cause : sur la demande en résiliation judiciaire

juger que la demande en résiliation judiciaire du bail formulée M. [G] et la société Foncière Noram nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile est sans fondement,

En conséquence,

juger irrecevable la demande en résiliation judiciaire du bail formulée par M. [G] et la société Foncière Noram,

Au surplus,

juger que la société Foncière Noram et M. [G] ne justifient d’aucun motif grave ou légitime à obtenir la résiliation judiciaire du bail,

En conséquence,

débouter M. [G] et la société Foncière Noram de leur demande en résiliation judiciaire du bail,

condamner solidairement M. [G] et la société Foncière Noram à lui rembourser le trop-perçu de loyers et charges pour un montant de 12 345 euros, selon le décompte arrêté au 1er septembre 2022, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

débouter M. [G] et la société Foncière Noram de l’ensemble de leurs demandes,

condamner solidairement M. [G] et la société Foncière Noram à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

condamner solidairement M. [G] et la société Foncière Noram à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement M. [G] et la société Foncière en tous les dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 1er septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [G] et la société Foncière Noram, intimés, demandent à la cour de :

les déclarer bien fondés en leurs moyens et conclusions,

confirmer le jugement rendu le 6 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Et à défaut, statuer à nouveau,

prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail de la société YBFM pour défaut d’assurance et défaut d’exploitation des lieux loués,

prononcer l’expulsion de la société YBFM ainsi que de tout occupant de son chef, des lieux situés [Adresse 1], et ce avec l’assistance de la force publique requise et d’un serrurier, à défaut de départ volontaire,

condamner la société YBFM au paiement de la somme de 16 455 euros au titre des loyers impayés arrêtés provisoirement au mois de mai 2020,

condamner la société YBFM au paiement d’une indemnité d’occupation fixée au montant du loyer, soit la somme de 1 800 euros à compter du mois de juin 2020 et ce jusqu’à parfaite libération des lieux,

ordonner la séquestration des biens et objets mobiliers en tout lieu qu’il plaira à la cour de désigner et ce au frais de la société YBFM,

condamner la société YBFM aux paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront le coût du commandement de payer, le coût de l’extrait K bis, le coût de la levée des états de nantissement et des privilèges.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 15 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, sur l’étendue de la saisine de la cour

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu’elle ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Elle rappelle également que les « dire et juger » et les « constater » qui sont des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions.

Sur le montant du loyer

Pour que puissent être tranchées les demandes qui sont soumises à la cour, il convient, en premier lieu, de déterminer quel était le montant du loyer applicable au bail liant les parties, point sur lequel celles-ci s’opposent.

La société YBFM soutient que, à compter du 1er octobre 2018, le montant du loyer était de 1 800 euros par an, soit le montant proposé par le bailleur, et accepté par elle, et qui procède de l’accord des parties. Soulignant qu’un congé ne peut être rétracté par son auteur, sauf accord de son destinataire, elle dénie tout effet à la ‘rectification’ notifiée par le bailleur. Celle ci n’aurait en effet été possible qu’avec son consentement exprès, or elle n’y a jamais donné son accord, et d’ailleurs, elle l’a ignorée jusqu’à la signification du jugement de première instance, l’acte rectificatif n’ayant pas été porté à sa connaissance, faute de signification régulière à l’adresse de son siège social. Compte tenu de la rencontre parfaite des consentements, le bailleur est lié par les mentions de son congé, même en cas d’erreur matérielle, ou de mauvaise exécution du mandat par l’huissier de justice, dit-elle.

Elle conteste, par ailleurs, que le loyer applicable puisse être celui de 1 800 euros par mois revendiqué par le bailleur, celui-ci l’ayant fixé unilatéralement, en violation du bail, de l’accord des parties et du formalisme des articles R.145-23 et suivants du code de commerce.

Selon la partie intimée, l’erreur qui figure dans l’acte du 15 janvier 2018 est une erreur matérielle, et il ne pouvait y avoir aucun doute, dans l’esprit du locataire, qui n’a adressé un acte d’acceptation du congé que le 10 octobre 2019, que le nouveau loyer proposé, de 1 800 euros, devait s’entendre comme un loyer mensuel et non pas annuel. C’est de mauvaise foi, selon elle, que le locataire, en se rendant compte de l’erreur de plume figurant dans l’acte, a fait délivrer un acte d’acceptation du renouvellement du bail, après un délai de 10 mois ( sic), espérant tirer profit de l’erreur intervenue, alors qu’il sait parfaitement que ce loyer ne correspond pas au prix du marché.

Ceci étant exposé, la société YBFM ne peut, sans mauvaise foi, prétendre que le bailleur aurait effectivement entendu lui proposer un loyer de 1 800 euros par an, soit 150 euros par mois au lieu des 1 303 euros par mois réglés avant le renouvellement. Elle ne produit aucun élément objectif allant en ce sens, et d’ailleurs, elle y a si peu cru elle-même qu’elle a continué, du mois d’octobre 2018 au mois de décembre 2019, soit pendant quinze mois, à s’acquitter d’un loyer de 1 303 euros par mois, au lieu d’en réduire le montant à 150 euros dès cette date.

Elle ne peut davantage se prévaloir, à son profit, de l’erreur à l’évidence matérielle qui figure dans l’acte du 15 janvier 2018, du seul fait qu’elle a accepté l’offre du bailleur avant que celui-ci ne se rende compte de cette erreur. Le fait qu’un congé ne puisse, en principe, être rétracté sans l’accord de la partie à laquelle il a été délivré n’a pas pour effet de lier le bailleur sur le montant proposé pour le renouvellement du bail, dès lors que comme en l’espèce, il procède d’une erreur matérielle manifeste, bien comprise comme telle par le destinataire de l’acte.

Aucun accord des parties n’est donc intervenu sur un loyer de 1 800 euros par an, nonobstant ce qu’affirme l’appelante, de sorte que la société YBFM n’est pas fondée à en revendiquer l’application.

Pour autant, quand bien même la société YBFM ne pouvait ignorer que le loyer de 1 800 euros par an proposé dans l’acte du 15 janvier 2018 procédait d’une erreur matérielle, le bailleur ne démontre en rien que les parties se sont accordées sur un loyer de renouvellement de 1 800 euros par mois. Ce montant ne peut donc pas plus être retenu que celui de 1 800 euros par an.

Faute d’accord des parties sur le montant du loyer, et de fixation de celui-ci conformément aux règles prévues par le code de commerce, aucune des parties n’ayant pris l’initiative d’une telle procédure, c’est le montant du loyer jusqu’alors appliqué par les parties qui est resté en vigueur, soit 1 303 euros par mois, hors taxes et hors charges.

C’est en considération de ce montant que seront examinés les moyens des parties.

Sur la nullité du commandement de payer

La société appelante soutient que le commandement de payer visant la clause résolutoire est nul et de nul effet au motif, tout d’abord, que le décompte des sommes sollicitées est sans fondement, abusif et entièrement erroné. Elle fait valoir :

que l’indication dans le décompte joint au commandement d’une somme due de 11 146 euros est intrinsèquement erronée, et entièrement infondée, dès lors qu’elle procède de la fixation unilatérale et abusive par le bailleur du montant du loyer à 1 800 euros par mois,

que le décompte annexé au commandement est imprécis et incompréhensible mathématiquement, ce qui rend le commandement litigieux totalement illisible, le preneur n’ayant pas la possibilité de savoir si la somme de 1 800 euros appliquée s’entend hors charges et taxes ou charges et taxes comprises,

qu’en tout état de cause, elle n’a pas donné son accord pour un loyer de 1 800 euros, qu’il soit entendu hors charges ou charges comprises,

que le paiement des loyers postérieurs au 1er janvier 2020 étant intervenu par compensation à la suite de l’acceptation du loyer proposé à hauteur de 1 800 euros par an, le décompte et le commandement n’ont aucun cadre légal ni fondement, et ne se trouvent justifiés par aucun manquement du preneur à ses obligations financières,

qu’en outre, le commandement de payer n’a pas été délivré à l’adresse de son siège social, ce qui lui cause un grief supplémentaire.

Elle fait valoir, d’autre part, qu’il a été délivré de mauvaise foi par le bailleur, qui l’a délivré à l’adresse des locaux loués, et non du siège social, sur la base du loyer retenu unilatéralement et de manière abusive en violation du bail, de l’accord des parties et du formalisme des articles R.145-23 et suivants du code de commerce, et ce, en réalité, pour le contraindre à quitter les locaux loués sans avoir à payer d’indemnité d’éviction, afin de poursuivre son projet de vente au profit de la société Foncière Noram. Et surtout alors qu’elle n’était débitrice d’aucune somme, puisque les loyers étaient payés par compensation, en suite d’un trop perçu de loyers et charges, ce que le bailleur savait parfaitement.

M. [G] et la société Foncière Noram contestent toute confusion dans les sommes réclamées, qui consistent exclusivement en des loyers ; en effet, dès lors que le bail du 1er février 2009 mentionne que le loyer perçu par le bailleur est net de charges, taxes et impôts, c’est logiquement que le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré sur la seule considération des loyers. Ils contestent également toute mauvaise foi : la société YBFM, assignée à son siège, tel que figurant à l’extrait K bis de l’époque, et destinataire, à la demande du juge de la mise en état, de deux courriers envoyés l’un à l’adresse du siège, qui est revenu avec la mention ‘inconnu à cette adresse’, l’autre dans les lieux loués, qui est revenu avec la mention ‘pli avisé non réclamé’, ne s’est en effet manifestée à aucun moment de la procédure, et, alors qu’il en ressort qu’elle ne relève pas son courrier ni ne le fait suivre, ne peut valablement tenter de masquer ses propres défaillances en cherchant à faire accroire que le bailleur aurait agi par malice et mauvaise foi.

Le commandement litigieux a été signifié à la société YBFM en son établissement sis [Adresse 1] (92) , soit l’adresse des lieux loués.

La société YBFM, qui pour s’opposer à la demande subsidiaire de résiliation pour défaut d’exploitation des lieux loués formulée par la partie intimée, fait valoir ( page 24 de ses conclusions) que les lieux loués étaient effectivement exploités, ne conteste pas utilement que la pizzeria ‘Fafa Pizza’ constituait bien un établissement.

Dans ces conditions, la notification faite à cette adresse est conforme aux prescriptions de l’article 690 du code de procédure civile, et le fait que la signification du commandement n’ait pas été faite au siège social de la société YBFM n’est pas cause de nullité de celui-ci.

Au surplus, la société YBFM évoque que cette notification, faite dans de telles conditions, lui cause un grief, mais s’abstient d’indiquer lequel, et a fortiori d’en justifier.

Le commandement, délivré pour paiement d’une somme en principal de 11 146 euros, comporte un décompte, qui indique, pour chaque terme de loyer argué d’impayé, le mois concerné ( d’octobre 2018 à février 2020), le montant du loyer dû ( 1 800 euros) et le montant du règlement du locataire ( 1 303 euros d’octobre 2018 à décembre 2019, puis 0 euro pour les mois de janvier et février 2020).

Nonobstant ce que prétend la société YBFM, ce décompte est tout à fait clair et compréhensible, et il permet parfaitement à son destinataire de savoir que sont concernés des loyers, et non pas des charges ou des taxes, la mention générale ‘je vous fais commandement de payer les loyers et charges impayés selon décompte annexé aux présentes’ qui figure en tête de l’acte renvoyant expressément au décompte visé ci-dessus, qui est parfaitement clair sur le fait qu’il s’agit de ‘loyers’, ce à quoi s’ajoute le fait que, dans les stipulations du bail, le loyer a toujours été prévu net de charges et de taxes, de même que dans l’acte de congé avec offre de renouvellement signifié le 15 janvier 2018.

Enfin, s’il résulte de ce qui précède que le bailleur ne pouvait prétendre au paiement d’un loyer de 1 800 euros par mois, faute d’accord des parties sur ce montant, il reste, d’une part, que sa mauvaise foi n’est pas démontrée, puisque le bailleur avait adressé un acte rectificatif, stipulant un tel loyer, et d’autre part, qu’un commandement qui est délivré pour un montant erroné n’en demeure pas moins valable, dès lors qu’il existe un solde restant dû.

Or à cet égard, c’est à tort que la société YBFM prétend qu’aucune somme n’était due à son bailleur, alors qu’elle n’a procédé à aucun règlement pour le mois de janvier 2020 et le mois de février 2020, et que, comme dit ci-dessus, elle ne peut avoir cru de bonne foi que le montant de son loyer était passé de 1 303 à 150 euros par mois, de sorte qu’elle ne peut être suivie dans son argumentation tenant au fait qu’elle aurait payé par compensation avec l’excédent qu’elle aurait versé entre le mois d’octobre 2018 et le mois de décembre 2019.

A la date de la délivrance du commandement, il était dû au bailleur, au titre des loyers, une somme de 2 606 euros, que la société YBFM ne prétend pas, ni ne justifie, avoir réglée.

La mauvaise foi du bailleur, eu égard à ce qui a été indiqué ci-dessus, ne saurait résulter du seul constat que le commandement a été délivré à l’adresse des lieux loués, qui était bien celle de l’établissement du locataire, sur la base d’un loyer qui certes n’avait pas été accepté par le locataire, mais qui n’avait fait non plus, de la part de celui-ci, l’objet d’une contestation effective, pas plus que d’une saisine du juge des loyers commerciaux.

Enfin, la société YBFM n’apporte pas d’éléments objectifs venant étayer son affirmation selon laquelle M. [G] a cherché en réalité à faire pression sur elle pour l’évincer sans payer l’indemnité afférente, afin de pouvoir vendre ses locaux

Il n’y a donc pas lieu à annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire.

Sur l’effet du commandement de payer  visant la clause résolutoire

L société YBFM fait valoir que la clause résolutoire ne peut produire effet, dès lors que les loyers postérieurs au 1er janvier 2020 ont été payés par compensation à raison d’un loyer de renouvellement à la baisse, avec le loyer acquitté depuis la date d’effet du renouvellement, soit 1 303 euros entre le 1er octobre 2018 et le 30 décembre 2020 ( en réalité 2019), le bailleur détenant encore, au 1er mai 2022, un trop-perçu de loyer de 12 945 euros. Elle soutient, par ailleurs, que le commandement du 26 février 2020 est sans effet en raison de la prorogation des délais échus pendant la période juridiquement protégée liée à l’état d’urgence sanitaire, conformément aux dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020. En application des articles 1 et 4 de cette ordonnance, le délai d’un mois prévu par l’article L.145-41 du code de commerce est réputé ne pas avoir couru entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, et par le jeu du report, il ne pouvait produire effet que le 8 juillet 2020, et pas le 27 mars 2020 comme l’a retenu à tort le jugement déféré, qui au surplus l’a, de manière contradictoire, condamnée au paiement des loyers jusqu’en mai 2020.

Outre leur argumentation, précédemment examinée, concernant le montant du loyer, M. [G] et la société Foncière Noram font valoir que le bailleur n’a reçu aucun paiement de la part de la société YBFM, même du montant qu’elle estime devoir, depuis le mois de décembre 2019. S’agissant de la suspension des délais liée à l’état d’urgence sanitaire, ils objectent que, plus de deux mois après la fin de cette période de suspension, les 9 novembre et 4 décembre 2020, ils ont adressé des courriers à la défenderesse, sur injonction du juge de la mise en état, à son siège social, puis à l’adresse des lieux loués, pour qu’elle constitue avocat, et que la clôture de l’instruction a été prononcée le 29 janvier 2021 pour plaidoirie au 25 mai 2021, de sorte que la demande d’acquisition de la clause résolutoire a été sollicitée après la fin de la période de suspension, le 25 mai 2021, date de l’audience , et déclarée acquise dans un jugement prononcé le 6 septembre 2021.

La cour ayant tranché comme elle l’a fait la question du montant du loyer applicable, l’argumentation de la société YBFM concernant le paiement des loyers par compensation est inopérante. Le montant du loyer étant resté à 1 303 euros, en l’absence d’accord effectif des parties sur un autre montant, la société YBFM, qui s’est acquittée de cette somme de 1 303 euros jusqu’au mois de décembre 2019 inclus, n’a réglé aucune somme indue lui permettant d’opposer valablement la compensation dont elle se prévaut.

En vertu de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, le délai d’un mois dont disposait la société YBFM pour s’acquitter des causes du commandement de payer, à la suite de la signification de celui-ci le 26 février 2020, a été interrompu entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, pour recommencer à courir le 24 juin 2020 pour la durée restante, soit jusqu’au 8 juillet 2020.

Toutefois, si l’assignation devant le tribunal judiciaire a été délivrée le 22 mai 2020, avant l’expiration du délai ainsi prolongé, force est de constater que la clôture de la procédure n’est intervenue que le 29 janvier 2021, soit après l’expiration du délai d’un mois fixé par le commandement, et qu’en outre, la société YBFM ne prétend pas, ni a fortiori ne justifie, qu’elle se serait acquittée des causes du dit commandement avant le 8 juillet 2020, ni même après cette date, puisqu’elle ne fait valoir aucun paiement postérieur à celui du mois de décembre 2019.

En conséquence, les conditions d’acquisition de la clause résolutoire se trouvaient bien réunies, et ce depuis le 8 juillet 2020, lorsque le premier juge a constaté la résiliation du bail par l’effet de cette clause.

Sur la demande de délais  et la demande d’expulsion

La société YBFM sollicite six mois de délais, suspensifs de la résiliation du bail, pour pouvoir s’acquitter des sommes qu’elle resterait devoir au bailleur.

Cette demande ne saurait toutefois prospérer, en l’absence de tout justificatif, par la société YBFM, de ce qu’elle serait en mesure de s’acquitter de sa dette locative dans ce délai. Surtout alors qu’il résulte des éléments produits par les parties que, en exécution provisoire du jugement déféré, l’expulsion a été effectivement diligentée, le 30 mai 2022, de sorte que la société YBFM, qui ne dispose plus des lieux qu’elle occupait, et qui n’exploite donc plus son fonds depuis cette date, ne produit aucun élément quant aux ressources dont elle dispose désormais.

Le bail étant résilié depuis le 8 juillet 2020, le jugement sera confirmé en ce qu’il ordonne l’expulsion de la société YBFM des lieux loués à M. [G].

Le jugement est également confirmé en ce qu’il met à la charge de la société YBFM une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer indexé, majoré des charges, jusqu’à la libération des lieux et la remise des clés, étant toutefois précisé que le montant du loyer à prendre en considération est 1 303 euros par mois.

Sur les demandes en paiement

La société YBFM demande que le bailleur soit condamné à lui payer une somme de 12 345 euros, suivant décompte arrêté au 1er septembre 2022, représentant le trop perçu versé par ses soins.

M. [G] et la société Foncière Noram sollicitent quant à eux la confirmation du jugement déféré, qui a condamné la locataire au paiement d’une somme de 16 455 euros au titre des loyers et charges impayés au mois de mai 2020 inclus.

Comme indiqué ci-dessus, le loyer applicable entre les parties est de 1 303 euros par mois, et non pas de 1 800 euros par mois.

Au 31 mai 2020, tenant compte de ce montant, et du fait que, selon les dires concordants des parties, aucun paiement n’est intervenu depuis le dernier versement effectué au mois de décembre 2019, la somme due par la société YBFM au titre de son arriéré locatif s’élevait, par conséquent, à 6 515 euros.

La société YBFM est donc condamnée, par infirmation du jugement en ce sens, au paiement de cette somme de 6 515 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La demande indemnitaire de la société YBFM ne peut prospérer, dès lors que la partie intimée voit ses prétentions, fût-ce en partie seulement, admises par la cour.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aucune considération d’équité ni tirée des situations économiques respectives des parties ne justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque. Les demandes des parties sont donc rejetées.

Les dépens de la présente procédure d’appel sont à la charge de la société YBFM qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 6 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre, sauf en ce qu’il a condamné la société YBFM à payer à M. [G] 16 455 euros au titre des loyers et charges impayés au mois de mai 2020 inclus ;

Statuant à nouveau de ce chef, et y ajoutant,

Condamne la société YBFM à payer à M. [R] [G] la somme de 6 515 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au mois de mai 2020 inclus ;

Précise que le montant du loyer initial à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité d’occupation due par la société YBFM est de 1 303 euros par mois ;

Déboute M. [R] [G] et la société Foncière Noram du surplus de leur demande en paiement ;

Déboute la société YBFM de sa demande d’octroi de délais suspensifs de la clause résolutoire du bail ;

Déboute la société YBFM de sa demande en paiement au titre d’un trop-perçu de loyers et charges et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société YBFM aux dépens de l’appel.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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