Indemnité d’éviction : 14 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/13027

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Indemnité d’éviction : 14 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/13027

14 septembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG
19/13027

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022

(n° ,10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/13027 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGYE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/13102

APPELANTE

La SARL COFIMA venant aux droits de la sociéte BUCINVEST

RCS de PARIS N°: 530 150 226

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075, avocat postulant

assistée de Me Virginie HEBER-SUFFRIN avocat au barreau de PARIS, toque : D1304 avocat plaidant, substitué par Me Markus VAN DEN BOOGAARD, avocat au barreau de PARIS, toque D1304, avocat plaidant

INTIMEE

SAS DE NEUVILLE

RCS de MEAUX N°:337 957 328

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

assistée de Me Jean-François MONIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J82, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Sandrine GIL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Gilles BALAY, Président de chambre

Madame Sandrine GIL, Conseillère

Madame Emmanuelle LEBEE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionelles

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Gilles BALAY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 22 décembre 2006, la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, aux droits de laquelle vient la S.C.I. Bucinvest, a donné à bail commercial en renouvellement à la société Cacao & Chocolat, aux droits de laquelle vient la société De Neuville, des locaux sis [Adresse 5] pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2007. Elle y exerçait une activité de vente de chocolat, salon de thé.

Par acte du 29 juin 2015, la société Bucinvest a délivré à la société De Neuville un congé à effet au 31 décembre 2015 avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction.

Par ordonnance de référé du 1er décembre 2015, rectifiée le 27 janvier 2016, une mission d’expertise afin de donner des éléments de calcul des indemnités d’éviction et d’occupation a été ordonnée et confiée à M. [M].

La société De Neuville a restitué les locaux le 17 mai 2016 et, par acte du 20 juillet 2016, elle a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Bucinvest aux fins de voir pour l’essentiel, constater que le refus de renouvellement entraînait la perte du fonds de commerce, fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 1.364.970€ et l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 76.000€.

M. [M] a déposé son rapport le 8 septembre 2016, qu’il a complété le 1er février 2017 concluant à une indemnité d’éviction d’un montant de 1.165.900€ et à une indemnité d’occupation annuelle d’un montant de 75.300€.

Par ordonnance en date du 25 septembre 2017, le juge de la mise en état, saisi d’un incident par la société Bucinvest, a :

– rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise de M. [M] présentée par la société Bucinvest,

– rejeté la demande de désignation d’un nouvel expert,

-ordonné à la société Bucinvest de communiquer à la société De Neuville l’intégralité du contrat de mise à disposition signé le 24 juin 2016 avec les sociétés PopUP Immo et Toupy,

– condamné la société Bucinvest à payer à la société De Neuville la somme de 100.800€ à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’éviction,

– rappelé que la présente ordonnance est, de plein droit, exécutoire à titre provisoire,

– réservé les dépens et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état.

Par jugement en date du 13 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a:

– Dit que le congé avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction délivré le 29 juin 2015 par la société Bucinvest a mis fin à compter du 31 décembre 2015 au bail la liant à la société De Neuville, portant sur les locaux sis [Adresse 5] ;

– Condamné la société Bucinvest à payer à la société De Neuville une indemnité d’éviction, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et capitalisation des intérêts échus depuis une année entière;

– Fixé à la somme globale de 976.589,69€ le montant de l’indemnité d’éviction due par la société Bucinvest à la société De Neuville qui se décompose ainsi :

– indemnité principale : 822.800€,

– indemnités accessoires :

– pour frais de remploi : 82.280€,

– pour trouble commercial : 10.000€,

– pour frais de réinstallation : 56.300€,

– pour frais administratifs : 2.000€,

– pour frais de licenciement : 3.209,69€;

-Condamné la société De Neuville à payer à la société Bucinvest une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2016 jusqu’au 17 mai 2016,

– Fixé le montant de cette indemnité d’occupation à la somme annuelle de 75.300€, hors taxes et charges;

– Dit que la compensation entre le montant de l’indemnité d’éviction et celui de l’indemnité d’occupation s’opérera de plein droit;

– Débouté la société Bucinvest de ses demandes de séquestre et en restitution;

– Condamné la société Bucinvest aux dépens, en ce inclus les frais d’expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– Condamné la société Bucinvest à payer à la société De Neuville la somme de 6.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire;

– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

****

Par déclaration du 13 juin 2019, la société Bucinvest a interjeté appel de ce jugement.

Au terme d’une opération de fusion-absorption, la société Bucinvest a été absorbée par la société Cofima. Cette dernière, qui vient aux droits de la société Bucinvest, est intervenue volontairement dans le cadre de la présente instance.

Dans ses dernières conclusions d’intervention volontaire et récapitulatives notifiées par le RPVA le 25 novembre 2020, la société Cofima, venant aux droits de la société Bucinvestdemande à la Cour de :

– Recevoir la société Cofima en son intervention volontaire ainsi qu’en ses moyens, fins et conclusions;

– Réformer la décision du tribunal de grande instance du 13 juin 2019;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– Fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 100.800 €;

– Fixer l’indemnité de remploi à 4.320 €;

– Débouter la société De Neuville de sa demande d’indemnité pour trouble commercial, de frais de réinstallation et de frais divers;

A titre subsidiaire,

– Fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 408.800 €;

– Fixer l’indemnité de remploi à 4.320 €;

– Débouter la société De Neuville de sa demande d’indemnité pour trouble commercial, de frais de réinstallation et de frais divers;

En tout état de cause,

– Fixer l’indemnité d’occupation des lieux due à compter du 1er janvier 2016 à la somme de 81.900€ HT/HC/AN;

– Condamner la société De Neuville au paiement de ladite indemnité d’occupation pour la période du 1er janvier 2016 au 17 mai 2016;

– Débouter la société De Neuville de l’ensemble de ses moyens et prétentions;

– Condamner la société De Neuville à rembourser à Cofima le trop-perçu sur le montant de l’indemnité d’éviction et des indemnités accessoires;

– Condamner la société De Neuville au paiement d’une somme de 10.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société De Neuville aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Fertier conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 novembre 2021, par lesquelles la société De Neuville demande à la Cour de:

– Déclarer la société Cofima, venant aux droits de la société Bucinvest mal fondée en son appel;

-L’en débouter;

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 13 juin 2019 en ce qu’il a :

– Dit que le congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction délivré le 29 juin 2015 par la société Bucinvest aux droits de laquelle vient la société Cofima a mis fin, à compter du 31 décembre 2015, au bail la liant à la société De Neuville, portant sur les locaux sis [Adresse 5],

-Condamné la société Bucinvest aux droits de laquelle vient la société Cofima à payer à la société De Neuville une indemnité d’éviction comprenant une indemnité principale et des indemnités accessoires pour frais de remploi, trouble commercial, frais de réinstallation, frais administratifs et frais de licenciement,

– Débouté la société Bucinvest aux droits de laquelle vient la société Cofima de sa demande de mise sous séquestre et de restitution des indemnités accessoires à défaut de réinstallation de la société De Neuville dans un délai de 6 mois à compter de la décision à intervenir, la Cour n’ayant été saisie par la société Bucinvest aux droits de laquelle vient la société Cofima d’aucun moyen de réformation et le jugement n’étant plus critiqué de ce chef,

– Condamné la société Bucinvest aux droits de laquelle vient la société Cofima à supporter les dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et à verser à la société De Neuville la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance,

– Recevoir la société De Neuville en son appel incident,

Y faisant droit,

– Infirmer la décision entreprise sur le quantum des condamnations.

Et, statuant à nouveau,

– Fixer l’indemnité d’éviction revenant à la société De Neuville :

– à la somme de 1.353.924€,

– subsidiairement, à la somme de 1.289.970€ ,

– plus subsidiairement, à la somme de 1.266.050€,

– Condamner la société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest au paiement de cette indemnité, déduction faite de la provision versée,

– Assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de restitution des locaux intervenue le 17 mai 2016 en application de l’article 1153-1 (1231-7 nouveau) du code civil et ordonner la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière en application de l’article 1154 (1343-2 nouveau) du Code Civil,

– Fixer l’indemnité d’occupation exigible pour la période du 1er janvier 2016 au 17 mai 2016, date de restitution des locaux évincés, à la somme annuelle de 75.300€ (sur la base dune surface pondérée de 64,40 m² B), et subsidiairement si la Cour venait à reprendre la pondération de 63,50 m² B retenue par le tribunal de grande instance, à la somme annuelle de 74.250€,

– Condamner la société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest à restituer toute somme trop versée à titre d’indemnité d’occupation,

– Débouter la société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest de l’ensemble de ses moyens et prétentions plus amples ou contraires,

En tout état de cause,

– Condamner la société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest à verser à la société De Neuville la somme de 10.000,00€ au titre des frais irrépétibles en appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Eric Allerit conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 janvier 2022.

MOTIFS

Sur l’indemnité d’éviction

Il est usuel de mesurer les conséquences de l’éviction sur l’activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l’indemnité d’éviction prend le caractère d’une indemnité de transfert ou si l’éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l’indemnité d’éviction une valeur de remplacement. Si le fonds n’est pas transférable, l’indemnité principale correspond à la valeur du fonds ; si la valeur du droit au bail est supérieure à la valeur marchande du fonds, le locataire évincé doit se voir allouer une indemnité égale à la valeur du droit au bail.

1. l’indemnité principale

La société De Neuville exerce une activité de chocolatier-confiseur salon de thé dont la clientèle se compose selon l’expert judiciaire sans que preuve contraire n’en soit rapportée, essentiellement d’une clientèle locale ou de passage constituée de particuliers. Il est admis que l’éviction entraîne la perte du fonds de commerce dont la clientèle dépend de l’emplacement.

Les parties ne discutant pas que la valeur marchande du fonds est inférieure à la valeur du droit au bail, l’indemnité principale doit être fixée à la valeur du droit au bail, les parties étant en désaccord sur son montant.

Il est de principe que la valeur du droit au bail se calcule par la différence entre le montant de la valeur locative de marché et le loyer qui aurait été perçu si le bail avait été renouvelé, cette différence étant elle-même affectée d’un coefficient multiplicateur dit de situation.

S’agissant de la pondération des locaux, la société Cofima soutient, contrairement à l’expert et au jugement entrepris, que le sas d’entrée ne peut pas être inclus dans la surface de vente et doit être pondéré à 0,4 ; que la pondération totale s’établit à 63m²B. Elle fait valoir que le différentiel de loyer doit se calculer en tenant compte d’un loyer qui aurait été déplafonné en raison de la modification notable des obligations respectives des parties, à savoir l’autorisation pour les commerces d’ouvrir le dimanche dans la zone où sont situés les locaux et le droit de préférence accordé au preneur suite à la loi du 18 juin 2014 et applicable en l’espèce, en cas de vente du local commercial. La société De Neuville se prévaut également de la modification notable de divers facteurs locaux de commercialité, reprochant notamment à l’expert d’avoir limité son analyse à la seule [Adresse 5]. Elle ajoute que l’augmentation de la fréquentation du musée [Y] [R] situés à 110 mètres témoigne de l’augmentation du flux touristique, tout comme l’augmentation du chiffre d’affaires des hôtels ; que la fréquentation du restaurant brasserie, voisin du local expertisé a augmenté ainsi que deux autres café situés à proximité immédiate ;que la valeur des cessions de droit au bail ou de fonds de commerce ne peuvent qu’être la conséquence de la modification des facteurs locaux de commercialité. Elle considère que l’absence de déplafonnement retenu par jugement du bail renouvelé portant sur le local contigu est sans incidence s’agissant d’une autre activité et que l’influence du chiffre d’affaires de la locataire est inopérante, la mauvaise gestion du locataire ne pouvant faire échec au déplafonnement du loyer.

S’agissant des valeurs locatives de marché, elle se prévaut des références de M. [J] son expert amiable et de M. [T]. Elle considère que les références de M. [H] interrogé par la locataire ne sont pas pertinente s’agissant d’activités différentes ou dans un environnement commercial différent.

L’intimée réplique que la pondération est de 64,40 m²B tel que retenue par l’expert judiciaire critiquant la pondération de la zone 3 opérée sans explication par le jugement entrepris et relevant une erreur dans le calcul de la pondération de la zone 2.

S’agissant du déplafonnement, elle réfute que le droit de préférence soit générateur de charges nouvelles que le bailleur aurait été tenu d’assurer au cours du bail expiré et elle réfute les divers facteurs locaux de commercialité dont se prévaut la locataire. Elle précise que tant M. [H] que M. [J], experts amiables des parties, ont calculé la valeur du droit au bail à partir du montant du loyer plafonné ; que l’expert judiciaire a procédé à une analyse exhaustive de l’évolution de la commercialité et a conclu sans ambiguïté à l’absence de motifs de déplafonnement dans le rapport d’expertise qu’il a complété à la demande du juge au vu des observations complémentaires des parties. Enfin elle fait valoir que la baisse constante de son chiffre d’affaires, et ce dans des proportions importantes, corrobore l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité. S’agissant de la valeur locative de marché, qui doit intégrer le montant des loyers décapitalisés, elle considère que celle-ci s’établit à 2 400 euros/m²B.

Il résulte de l’expertise judiciaire et des photographies y figurant que les locaux, disposant d’une bonne visibilité grâce à un linéaire de façade de 9 m, sont situés dans un immeuble ancien de belle facture, sur deux niveaux reliés entre eux par un escalier intérieur, ils comprennent des aménagements soignés et ils sont climatisés. Les locaux sont situés dans un quartier central et très touristique de [Localité 9] dans une rue bénéficiant d’un important achalandage dans laquelle les commerces alimentaires sont bien représentés, il s’agit ainsi d’une excellente situation pour l’activité exercée.

Le coefficient de pondération retenu par le jugement entrepris, suivant les préconisations de l’expert judiciaire, sera entériné pour ce qui concerne la pondération de la zone 1 en ce inclut le sas d’entrée, par renvoi à sa motivation. En revanche, si des coefficients de pondération distincts dans les locaux du sous-sol peuvent être retenus en fonction de leurs avantage sur le commerce exploité comme y a procédé le jugement entrepris, il n’y a pas lieu de s’écarter, au regard de la configuration des locaux du coefficient proposé par l’expert judiciaire pour la zone 3 du rez-de chaussée, à savoir 0,55 au lieu de 0,50 alors que ce coefficient de 0,55 est conforme à la charte de l’expertise immobilière, soit une surface pondérée de 5,66m²B. Par ailleurs il convient de relever une erreur de calcul du jugement affectant la pondération de la zone 2 qui est de 8m²x0,7, soit 5,60 m²B et non 5,50 m²B comme indiqué de manière erronée par le jugement.

Il s’ensuit que la surface totale pondérée est de 64, 11 m²B.

La cour renvoie à la motivation pertinente du jugement entrepris s’agissant de l’analyse des facteurs locaux de commercialité au regard de l’expertise judiciaire ainsi que des expertises amiables. M. [M] a, à raison, indiqué dans sa note complémentaire, que chaque [Adresse 7], qui inclut la [Adresse 5], bénéficie d’une commercialité qui lui est propre et que l’évolution de la commercialité de la [Adresse 5] ne met pas en évidence une augmentation du flux de chalands significative. Le fait que le chiffre d’affaires de cafés dans la rue ait pu augmenter est inopérant pour démontrer une évolution notable des facteurs locaux de commercialité, étant relevé qu’à l’inverse le chiffre d’affaire de la locataire a baissé, tout comme est sans incidence l’augmentation de la fréquentation du musée [Y] [R], dont la fréquentation reste modeste, ou des hôtels alentours dans le secteur [Localité 9], dans un contexte d’absence de changement majeur de la commercialité du quartier, et en particulier de la [Adresse 5]. Le fait que le cas échéant le prix des cessions ait augmenté n’établit pas une modification notable des facteurs locaux de commercialité, celle-ci dépendant d’autres mécanismes et notamment de l’offre et de la demande dans un secteur qui a toujours bénéficié d’une bonne commercialité.

Par conséquent il n’est pas établi de modification notable des facteurs locaux de commercialité, pris ensemble ou isolément.

S’agissant de la modification des obligations respectives des parties, le jugement sera confirmé par renvoi à sa motivation en ce qu’il a rejeté les moyens, repris en appel, du bailleur de ce chef.

S’agissant des termes de comparaison, il est renvoyé au jugement entrepris qui a relevé des références locatives de marché figurant dans l’expertise judiciaire mais également proposées par M. [H] consulté amiablement par la locataire et par MM. [J] et [T] consultés amiablement par la bailleresse.

Il n’y a pas lieu d’écarter certaines des références aux motifs qu’elles seraient localisés hors [Adresse 5], dans la mesure où peu de références en sont issues, ou concerneraient des activités différentes, la valeur locative des locaux expertisés tenant compte des différences pouvant affecter les termes de comparaison qui ne sont qu’un élément de la valeur locative. Enfin si les loyers décapitalisés, reconstitués artificiellement, ont une valeur indicative, les loyers faciaux prévalant.

Les références relevés par l’expert judiciaire pour des locaux situés [Adresse 5], [Adresse 6] et [Adresse 8] des Arts s’établissent entre 729 euros et 2085 euros/m²B et des loyers décapitalisés entre 1472 et 4 199 euros/m² B entre 2000 et 2012, la vingtaine de locations nouvelles indiquée par M [H] pour des baux conclus entre 2008 et 2014 sont compris entre 1916 euros et 3 309 euros du m²B, hors loyers capitalisés, et pour les loyers décapitalisés entre 1000 euros et 3 689 euros, M. [J] a relevé des nouvelles locations entre 800 euros et 1965 euros du m²B et pour les loyers décapitalisés entre 1068 euros et 2 604 euros du m²B entre 2010 et 2015 et M. [T] des nouvelles locations entre 710 euros et 1682 euros/m²B entre 2010 et 2015.Le bail ‘Toupy’ étant une mise à disposition et non un contrat de bail commercial, il ne peut être retenu.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, tenant notamment compte des termes de comparaison, de la situation des locaux, de leurs caractéristiques, des obligations respectives des parties, de la destination contractuelle, la valeur locative de 2100 euros/m²B retenue par le jugement est justifiée.

Il s’ensuit que la valeur locative de marché est de (64,11 m²B x 2100 euros) 134 631 euros.

Il résulte des éléments précités que le prix du bail aurait été plafonné si le bail avait été renouvelé le 1er janvier 2016 et aurait été fixé à la somme de 30 545,51 euros, par application des indices ILC, arrondie à la somme de 30 546 euros, la loi du 18 juin 2014 ayant supprimé l’ICC comme indice de référence pour calculer le plafonnement du loyer des baux renouvelés depuis le 1er septembre 2016 tel que retenus par le jugement à l’instar de l’expert judiciaire, étant relevé que le montant du loyer indexé proposé par le bailleur, qui a procédé à un calcul sur la base de l’ICC supprimé, ne peut pas être retenu.

Compte tenu de l’excellente situation des locaux pour l’activité exercée, le coefficient 8,5 qui a été proposé par l’expert judiciaire est approprié, le jugement entrepris n’ayant pas précisément indiqué les raisons pour lesquelles il s’en écartait alors qu’il a qualifié l’emplacement d’excellent.

La valeur du droit au bail s’établit à la somme de 884 722,50 euros, arrondis à 884 723 euros [(134 631euros – 30 546 euros) x 8,5] arrondie le jugement étant ainsi infirmé sur le montant de l’indemnité principale.

2. les indemnités accessoires

Les frais de remploi

La société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest, soutient que l’indemnité due au titre de remploi doit être fixée à la somme de 4.320 euros correspondant aux montants réellement exposés par la société De Neuville qui a acquis un nouveau fonds [Adresse 2].

Comme l’indique à bon droit la société De Neuville, les frais de remploi doivent permettre au locataire évincé de faire face à des frais lui permettant d’acheter un fonds d’une valeur équivalente à celui qu’il a perdu. Tel n’est pas le cas en l’espèce du fonds sis [Adresse 1] qui ne bénéficie pas d’un emplacement d’aussi bonne qualité et il n’est pas établi que la société De Neuville ne souhaite pas se réinstaller sur un emplacement d’une qualité équivalente à celui qu’elle perd du fait de l’éviction.

Par conséquent l’indemnité due au titre de frais de remploi sera fixé à 10% conformément au usages en la matière, soit 88 472,30 euros, arrondis à 88 472 euros.

Le trouble commercial

La cour renvoie à la motivation du jugement qui a retenu la somme de 10 000 euros à ce titre.

Les frais de réinstallation

La société De Neuville a le droit d’être indemniser des frais de réinstallation dans une nouvelle boutique ayant des caractéristiques semblables à celles qu’elle occupait comportant des aménagements spécifiques correspondant à son concept. Le jugement sera approuvé en ce qu’il a retenu, aux termes d’une motivation pertinente, la somme de 56 300 euros.

Les frais divers

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a fixé forfaitairement à la somme de 2 000 euros le montant des frais de formalités prévisibles générées par l’éviction de la locataire dont il n’est pas établi qu’elle ne se réinstallera pas.

Les frais de licenciement accordés par le jugement à hauteur de 3 209,69 euros ne sont pas critiqués.

Les indemnités accessoires sont donc de 159 981,69 euros arrondis à 159 982 euros

(88 472 euros + 10 000 euros + 56 300 euros + 2 000 euros + 3 209,69 euros).

L’indemnité d’éviction est donc de 1. 044 705 euros. Le jugement sera donc infirmé sur le montant de l’indemnité d’éviction.

Sur l’indemnité d’occupation

Les parties ne contestent pas la valeur locative unitaire en renouvellement retenue par l’expert judiciaire et le jugement entrepris, à savoir 1 300 euros /m²B le désaccord portant sur la surface pondérée. Celle-ci ayant été fixée précédemment à 64,11m²B, la valeur locative est de 83 343 euros (64,11 m²B x 1300 euros) à laquelle il convient d’appliquer un coefficient de précarité de 10% conforme aux usages, soit une indemnité d’occupation de 75 008,70 euros, arrondie à la somme de 75 009 euros/an.

Il n’y a pas lieu de prononcer de condamnation de la société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest, à restituer toute somme trop versée à titre d’indemnité d’occupation, la cour ne disposant d’aucun élément à ce titre, les parties devant faire les comptes après compensation.

Sur les demandes de séquestre et de restitution

Le jugement doit être approuvé par renvoi à sa motivation en ce qu’il a débouté la société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest, de ses demandes de séquestre et de restitution des sommes en cas de non réinstallation du locataire étant relevé qu’il n’est pas établie que la société De Neuville ne se réinstallera pas dans un fonds peu ou prou équivalent.

Sur les autres demandes

La compensation est de droit comme l’a précisé le jugement entrepris.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest, à payer à la société De Neuville une indemnité d’éviction avec intérêt à taux légal à compter du jugement, outre capitalisation des intérêts à échoir. Il le sera également sur les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

En cause d’appel , l’équité commande de condamner la société Cofima venant aux droits de la société Bucinvest, à régler la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la société Cofima, venant aux droits de la société Bucinvest, succombant, elle sera condamnée aux dépens de l’appel dont distraction au profit de l’avocat postulant par application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement,

Par arrêt contradictoire

INFIRME le jugement entrepris sur le montant de l’indemnité d’éviction et sur le montant de l’indemnité d’occupation ;

Le confirme en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

FIXE à la somme globale de 1. 044 705 euros le montant de l’indemnité d’éviction due par la société Cofima, venant aux droits de la société Bucinvest, à la société De Neuville qui se décompose ainsi :

– indemnité principale : 884 723 euros

– indemnités accessoires : 159 982 euros

CONDAMNE la société Cofima, venant aux droits de la société Bucinvest, au paiement de l’indemnité d’éviction précitée ;

FIXE l’indemnité d’occupation due par la société De Neuville à la société Cofima, venant aux droits de la société Bucinvest, pour la période du 1er janvier 2016 au 17 mai 2016, date de restitution des locaux évincés, à la somme annuelle de 75 009 euros et la condamne au paiement de cette indemnité ;

CONDAMNE la société Cofima, venant aux droits de la société Bucinvest, à payer à la société De Neuville la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Cofima, venant aux droits de la société Bucinvest, aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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