Indemnité d’éviction : 14 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02940

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Indemnité d’éviction : 14 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02940

14 mars 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG
21/02940

ARRÊT N°

N° RG 21/02940 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IEID

EM/DO

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

01 juillet 2021

RG :F 19/00098

S.A. AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF)

C/

[R] [W]

Grosse délivrée le 14 mars 2023 à :

– Me VAJOU

– Me ARRIBEHAUTE

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 14 MARS 2023

APPELANTE :

S.A. AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY de la SELARL ELAN SOCIAL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Madame [A] [R] [W]

née le 15 Décembre 1962 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Nathalie ARRIBEHAUTE, avocat au barreau de BAYONNE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE

Mme [A] [R] [W] a été engagée par la Sa Autoroutes du Sud de la France (ASF) à compter du 1er juin 2001 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de receveuse.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions de superviseur péage polyvalent.

Par courriers des 12 et 20 septembre 2018, Mme [A] [R] [W] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 24 septembre 2018, et a un conseil de discipline fixé au 1er octobre 2018.

Suivant lettre du 19 octobre 2018, Mme [A] [R] [W] a été licenciée pour faute.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, Mme [A] [R] [W] a saisi le 14 juin 2019 le conseil de prud’hommes d’Orange pour que soit ordonnée sa réintégration à son poste de travail, ou à tout le moins, pour qu’il soit dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour condamner la Sa Autoroutes du Sud de la France à lui verser des dommages et intérêts.

Par jugement du 01 juillet 2021, le conseil de prud’hommes d’Orange a :

– condamné la SA Autoroutes du Sud de la France (ASF) à payer une amende civile pour la somme de 10 000 euros,

– dit et jugé que le licenciement est nul, pris en violation des articles 8 et 9 de la déclaration des droits de l’homme et du Citoyen du 26 août 1789 et du principe constitutionnel selon lequel ‘Nul n’est punissable que de son propre fait’,

– ordonné la réintégration de Mme [A] [R] [W] à son poste de travail, incluant une même qualification, un même lieu de travail, ainsi que toutes les conséquences de droit dont les paiements en rappels de salaires et ceux liés aux avantages sociaux (intéressement, participation) depuis le licenciement intervenu le 28 février 2019 à la réintégration effective au poste de travail initial, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à partir de la date du jugement,

– condamné la SA Autoroutes du Sud de la France (ASF), prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [A] [R] [W] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement, en application des articles du code de procédure civile et R.1454-28 du code du travail,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la SA Autoroutes du Sud de la France (ASF) aux entiers dépens de l’instance.

Mme [R] [W] a été réintégrée à son poste de travail le 26 juillet 2021.

Par acte du 28 juillet 2021, la Sa Autoroutes du Sud de la France a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Estimant que son employeur n’avait pas parfaitement exécuté le jugement de première instance, par conclusions d’incident du 21 décembre 2021, Mme [R] [W] a saisi le conseiller de la mise en état afin de solliciter la radiation du rôle de l’affaire.

Suivant ordonnance du 11 février 2022, le conseiller de la mise en état a :

– dit n’y avoir lieu de radier l’affaire,

– donné acte à la société ASF qu’elle s’engage, courant janvier 2022, à calculer et à verser à Mme [R] [W] un rappel de salaire correspondant :

* aux congés payés sur la période d’éviction du 1er mars 2019 au 26 juillet 2021,

* aux accessoires du salaire de Mme [R] [W],

– débouté pour le surplus,

– condamné Mme [R] [W] aux éventuels dépens de la procédure sur incident.

Par ordonnance du 13 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 20 décembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 03 janvier 2023 à laquelle elle a été retenue.

Aux termes de ses dernières conclusions 2022, la Sa Autoroutes du Sud de la France (ASF) demande à la cour de :

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orange en ce qu’il :

* l’a condamnée à payer une amende civile pour la somme de 10 000 euros,

* a dit et jugé que le licenciement est nul, pris en violation des articles 8 et 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et du principe constitutionnel selon lequel « Nul n’est punissable que de son propre fait »,

* a ordonné la réintégration de Mme [A] [R] [W] à son poste de travail, incluant une même qualification, un même lieu de travail, ainsi que toutes les conséquences de droit dont les paiements en rappels de salaires et ceux liés aux avantages sociaux (intéressement, participation) depuis le licenciement intervenu le 28 février 2019 à la réintégration effective au poste de travail initial, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à partir de la date du jugement,

* l’a condamnée prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [A] [R] [W] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* a ordonné l’exécution provisoire du jugement à intervenir, en application des articles du code de procédure civile et R.1454-28 du code du travail

* a débouté les parties du surplus de leurs demandes

* l’a condamnée aux entiers dépens de l’instance,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

– débouter Mme [R] [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires et appel incident,

– la condamner à lui verser une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens d’instance,

– la condamner en conséquence au remboursement de l’ensemble des sommes qu’elle a perçu de manière indue au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance,

A titre subsidiaire :

– débouter Mme [R] [W] de sa demande de nullité de son licenciement et la condamner en conséquence au remboursement de l’ensemble des sommes qu’elle a perçu de manière indue au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance,

– condamner la société au paiement de 3 mois de salaire conformément à l’article L.1235-3 du code du travail,

A titre infiniment subsidiaire,

– limiter le montant de l’indemnité d’éviction aux seuls salaires de base que Mme [R] [W] aurait dû percevoir entre le 1er mars 2019 et le 25 juillet 2021, revalorisés par les NAO en sus de la prime de 13ème mois et de son indemnité de congés payés,

– par voie de conséquence, la condamner à rembourser l’ensemble des sommes qu’elle a perçu de manière indue au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance au titre des accessoires du salaire, de la participation et de l’intéressement.

Elle soutient que :

– au visa de l’article L1231-1 du code du travail, il est parfaitement établi que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [A] [R] [W] est justifié, qu’il importe de rappeler qu’elle octroie à ses salariés un badge télépéage qui leur permet de circuler sur le réseau autoroutier en bénéficiant d’un tarif préférentiel, que l’utilisation de ce badge est strictement encadrée afin d’éviter les dérives, qu’ont été remis à tout salarié bénéficiaire d’un badge télépéage les « Conditions de délivrance et d’utilisation du badge « TIS Salarié » », afin de fixer et de porter à sa connaissance les conditions dans lesquelles tout salarié peut faire usage de cet avantage qui lui est octroyé, qu’il est notamment prévu que le badge est confié au salarié uniquement pour son propre usage et uniquement en présence du salarié dans le véhicule, que Mme [A] [R] [W] a violé ces conditions d’utilisation puisqu’elle a découvert une incohérence de trajet suite à l’utilisation du badge de la salariée le 21 juillet 2018, que le télépéage a été utilisé consécutivement à deux reprises sur le même péage et dans le même sens de circulation : le premier passage en gare de [Localité 6] à 11h15 et 13 secondes, le second passage au même endroit à 11h15 et 34 secondes, que les deux transactions ont eu lieu sur deux voies différentes avec une classe de véhicule différente, qu’il est établi que Mme [A] [R] [W] a laissé des tiers utiliser son badge télépéage, qu’il est manifeste qu’il s’agit ni plus ni moins d’une utilisation frauduleuse du télépéage, qu’au-delà de son préjudice, c’est aussi et surtout

la déloyauté dont a fait preuve Mme [A] [R] [W] qui justifie son licenciement,

– il s’agissait de sanctionner une faute qui lui était directement imputable, que même en considérant que le badge de Mme [A] [R] [W] ait été utilisé par son conjoint à son insu, cela n’est en aucun cas de nature à l’exonérer de toute responsabilité, la salariée s’étant vu remettre un badge strictement personnel qui ne pouvait en aucun cas être utilisé au profit d’un tiers, qu’en laissant un tiers se l’accaparer, Mme [A] [R] [W] a fait preuve d’une négligence fautive à son égard,

– si par impossible la cour venait à confirmer la nullité du licenciement de Mme [A] [R] [W], il conviendrait de limiter le montant de l’indemnité d’éviction comme suit : seuls les salaires de base revalorisés par les NAO pour la période du 1 er mars 2019 au 25 juillet 2021 et le 13ème mois doivent être inclus,

– les accessoires au salaire (majorations nuit/jours fériés/dimanche, prime péage, prime panier, ‘) ne lui étaient versés qu’en fonction du tour effectué et des différentes missions concrètement réalisées par la salariée sur le mois, qu’il ne s’agissait donc pas d’accessoires versés automatiquement suivant le poste de travail occupé mais bien d’accessoire variant suivant son planning, ce qui explique d’ailleurs que ceux-ci étaient variables d’un mois à l’autre, que la salariée n’ayant pas de manière effective réalisé ses fonctions de superviseur péage polyvalent pendant sa période d’éviction, elle ne peut en aucune façon prétendre à l’octroi de ces compléments de salaire, pas plus qu’aux « congés postés âgés » (APA),

– de manière totalement ubuesque, la salariée ose prétendre, dans le cadre de ses dernières écritures que la « société opère une confusion volontaire sur la base d’une jurisprudence parfaitement inopérante en l’espèce » à savoir celle visant à soustraire des rémunérations de la période d’éviction les revenus de remplacement, qu’il n’en est rien, la société n’a jamais déduit du rappel de salaire les éventuels revenus perçus par Mme [A] [R] [W] pendant son éviction,

-à titre subsidiaire, contrairement à ce que tente de prétendre Mme [A] [R] [W], sa rémunération mensuelle moyenne brute n’est pas de 3 538,33 euros, comme le confirme l’attestation Pôle Emploi de Mme [A] [R] [W] et ses bulletins de paie, celle-ci a perçu sur la période mars 2018- février 2019 une rémunération mensuelle moyenne de 3 167,69 euros (comprenant les salaires et le 13ème mois), qu’elle a simplement considéré que les accessoires ne faisaient pas partie du rappel de salaire devant être versés dans le cadre de l’indemnité d’éviction,

– faute pour la salariée de justifier d’un quelconque préjudice spécifique, celle-ci ne pourra qu’être déboutée de sa demande, étant au surplus précisé que son licenciement lui a été également notifié par lettre recommandée du 19 septembre, que la salariée se prévaut également de sa dispense de préavis rémunéré pour justifier de plus fort sa demande indemnitaire, que cependant là encore, cette justification apparaît pour le moins absurde, que cette dispense étant une faculté pour l’employeur prévue par le code du travail, celle-ci ne saurait en soit légitimer le versement de dommages et intérêts,

– en raison d’une simple anonymisation pratiquée sur le registre du personnel, le conseil de prud’hommes en a déduit non seulement qu’elle ne respectait pas ses obligations en matière de tenue du registre unique du personnel, ce qui est totalement faux et surtout ne relève pas de sa compétence, mais surtout qu’elle aurait commis « un abus de droit » qui justifierait sa condamnation au montant maximum de l’amende civile prévue par le code de procédure civile, qu’une telle motivation est parfaitement scandaleuse, que le conseil ne démontre aucune mauvaise foi de la société ni l’existence de man’uvre dilatoire ni une résistance malicieuse, qu’en réalité, aucun « abus » ne peut en l’espèce être déploré, que le conseil ne s’explique pas plus sur les raisons ayant motivé sa condamnation à l’amende maximale prévue par les textes, qu’en réalité il ne s’agit ici que d’une mesure de rétorsion à l’encontre d’un grand Groupe.

En l’état de ses dernières écritures contenant appel incident, Mme [A] [R] [W] demande à la cour de :

– confirmer la décision rendue par le conseil des prud’hommes d’orange en date du 1er juillet en ce qu’elle a :

* condamné la SA Autoroutes du Sud de la France (ASF) à payer une amende civile pour la somme de 10.000 euros,

* jugé que le licenciement est nul, pris en violation des articles 8 et 9 de la déclaration des droits de l’homme et du Citoyen du 26 aout 1789 et du principe constitutionnel selon lequel ‘Nul n’est punissable que de son propre fait’

* ordonné sa réintégration à son poste de travail, incluant une même qualification, un même lieu de travail, ainsi que toutes les conséquences de droit dont les paiements en rappels de salaires et ceux liés aux avantages sociaux (intéressement, participation) depuis le licenciement intervenu le 28 février 2019 à la réintégration effective au poste de travail initial, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à partir de la date du jugement,

* condamné la SA Autoroutes du Sud de la France (ASF), prise en la personne de son représentant légal, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l’exécution provisoire du jugement, en application des articles du code de procédure civile et R.1454-28 du code du travail,

* condamné la SA Autoroutes du Sud de la France (ASF) aux entiers dépens de l’instance.

En conséquence,

– confirmer le bien-fondé de l’ensemble des sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance,

– condamner la société Autoroutes du Sud de la France à lui payer la somme de :

* 2.546,42 euros au titre des accessoires de salaires restant dus,

* 3.351,73 euros au titre de l’intéressement restant dû,

* 400 euros au titre de l’abondement unilatéral de l’employeur de décembre 2019,

* 2.223,14 euros au titre de la part employeur sur le financement de la complémentaire santé,

– infirmer les autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

– déclarer l’appel incident recevable et bien-fondé

– condamner la SA Autoroutes du Sud de la France à lui verser la somme de 10.000,00 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,

A titre subsidiaire en cas d’infirmation de la nullité du licenciement :

– juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société ASF à verser la somme de 100.000,00 euros de dommages et intérêts pour le préjudice matériel,

En toutes hypothèses

– débouter la SA Autoroutes du Sud de la France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la SA Autoroutes du Sud de la France à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

– au visa de l’article L1235-3-1 du code du travail, des 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, des avis et de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, de la jurisprudence du Conseil d’Etat, que son licenciement a été prononcé en violation d’une liberté ou d’un droit fondamental consacré à l’article 8 susvisé selon ‘nul n’est punissable que de son propre fait’, que ce principe est applicable à toute sanction de quelque nature que ce soit, y compris en matière civile et dans le contentieux relatif au droit du travail, qu’en effet seul son compagnon a commis une utilisation frauduleuse de son badge ‘salarié’, que sa responsabilité doit être exclue dès lors qu’elle n’a participé en rien dans la commission de ces faits, que par ailleurs, elle a été licenciée pour 3,45 euros qui représentent le montant de la gratuité accordé pour les deux passages au péage d’un montant total de 11,50 euros puisque 8,05 euros lui ont été prélevés sur sa facture client télépéage, qu’il s’agit d’un fait isolé et du seul manquement de ce type en 19 ans d’ancienneté, que dans ce contexte, la nature de la sanction est totalement injustifiée, que le licenciement est d’autant moins justifié qu’elle a régularisé le montant du péage remisé avant que la procédure disciplinaire n’ait été initiée,

– il ressort de la jurisprudence constante que lorsque la nullité du licenciement est la conséquence d’une atteinte à une liberté fondamentale, le salarié a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier durant cette période, qu’en application en outre de l’article L32121-3 du code du travail, la nullité du licenciement ouvre droit au paiement du salaire de base mais également de tous les avantages et accessoires payés au salarié au regard de l’emploi qu’il occupe, comme les primes et majorations, que selon une jurispudence de la Cour de cassation, l’intéressement et la participation ont la qualité de rémunération, sont soumis à cotisations sociales, et constituent des avantages qui doivent être versés au titre de l’indemnité d’éviction, que dans le même sens, l’abondement unilatéral de l’employeur de décembre 2019 de 400 euros brut placé sur le PEG VINCI doit être pris en compte dès lors que ces sommes sont soumises à cotisations sociales, que les avantages sociaux doivent également être pris en compte de sorte que l’employeur doit être condamné à sa part sur le financement de la complémentaire santé pendant la période d’éviction,

– à titre subsidiaire, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que le préjudice financier qu’elle a dû supporter est particulièrement important puisqu’elle a basculé d’un salaire moyen brut mensuel inclus primes et accessoires de 3799 euros par mois à un indemnisation ARE d’un montant net de 1530 euros, qu’elle a dû contracter un prêt pour l’achat de sa résidence principale en 2014 qui arrivera à terme en 2035,

– son licenciement a été prononcé dans un contexte brutal et vexatoire, que le 25 octobre 2018, son employeur a attendu qu’elle se présente à son poste de travail, qu’elle salue ses collègues pour lui demander de se rendre dans un bureau attenant où le chef de service lui a remis la lettre de licenciement , que son préavis a été licencié et a dû quitter son lieu de travail sur le champ et affronter le regard de ses collègues qui étaient à l’évidence informés de ce qui venait de se produire, que rien ne justifiait qu’on lui notifie son licenciement au lieu et pendant son temps de travail, que lors de l’entretien préalable, il lui a été demandé d’adresser un courrier sous 48 heures pour qu’elle mette en cause son conjoint comme auteur des faits, que non seulement cette demande était inutile, mais elle a fragilisé déjà la cohésion familiale déjà mise à mal par la menace d’un licenciement,

– c’est justement que le conseil de prud’hommes a sollicité la production du registre du personnel dans le cadre de l’affaire puisque la communication de ce document par l’employeur constitue un préalable indispensable avant toute réintégration d’un salarié, alors que la juridiction doit s’assurer avant toute mesure de réintégration, de l’existence de postes disponibles au sein de l’entreprise dans un emploi équivalent.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

Sur le licenciement :

En l’espèce, la lettre de licenciement datée du 19 octobre 2018 qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :

« Nous vous avons convoquée, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 12 septembre 2018, à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé le lundi 24 septembre 2018 à 11 heures 30.

Le 24 septembre 2018, absente, vous avez souhaité être représentée par Monsieur [N] [Z] [X], Représentant du Personnel, au sein de l’établissement, lequel a été reçu par Monsieur [U] [P], Chef de district d'[Localité 4] et Madame [H] [T], Responsable Ressources Humaines.

Conformément au règlement intérieur de la Société, vous avez été convoquée par lettre recommandée avec avis de réception datée du 20 septembre 2018, devant le Conseil de discipline appelé à se tenir le 1er octobre 2018 à 11 heures.

Vous avez choisi de vous faire assister par Monsieur [F] [B], comme vous le permettait le règlement intérieur.

Ainsi que nous avons pu l’évoquer tout au long de la procédure, les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

– Un système de contrôle a relevé une incohérence de trajet suite à l’utilisation de votre badge « TIS Salarié » le 21 juillet 2018 :

* Premier passage en gare de [Localité 6] à 11h15 et 13 secondes

* Deuxième passage sur cette même gare à 11h15 et 34 secondes

Les deux transactions ayant eu lieu sur deux voies différentes, dans le même sens de circulation,

avec une classe de véhicule différente.

Dans un courrier établi par vos soins en date du 25 septembre 2018 et remis en main propre à Monsieur [K] [P] le 26 septembre suivant, de même que lors du Conseil de Discipline, vous avez reconnu les faits en nous indiquant :

* D’une part que votre badge avait été utilisé par votre compagnon hors votre présence dans les véhicules,

* D’autre part que vous reconnaissez expressément que votre badge « TIS salarié » dont

vous avez la propriété a été utilisé pour acquitter le passage en gare de péage de 2 véhicules

de classe différente.

Ceci étant contraire aux conditions de délivrance et d’utilisation du badge « TIS salarié », telles que vous les avez acceptées et signées en date du 16 novembre 2004 qui sont formelles :

« le badge TIS Salarié est attribué nominativement par la société aux salariés en faisant la demande, dont le contrat de travail est au moins égal à six mois continus.[‘]L’utilisation du badge est liée à la présence du salarié souscripteur dans le véhicule. Il ne peut être utilisé que dans ce cadre. La société se réserve le droit de mettre en place tout système de contrôle en la matière.[‘]L’attribution de ce badge étant destinée à faciliter les déplacements des salariés ASF, il ne peut en aucun cas être utilisé dans le cadre d’une autre activité professionnelle ou à but lucratif. Toute utilisation frauduleuse de ce badge entraînera son retrait immédiat et l’exigibilité du péage correspondant au parcours effectué, indépendamment de toute sanction qui pourrait être prise à l’encontre du titulaire.[‘] Le badge n’est pas attaché à un véhicule en particulier. Cependant il ne peut en aucun cas, être utilisé pour plusieurs véhicules qui empruntent en même temps le même péage. De plus, la location et la vente du badge sont interdites et considérées comme une fraude.[‘] »

De plus le règlement intérieur dispose qu’il est interdit d’utiliser à des fins privées et sans autorisation tous les biens appartement à la société.

Vous avez agi hors de tout respect des dispositions précitées qui pourtant s’imposaient à vous, abusant ainsi de moyens de paiement réservés caractérisant une exécution déloyale de votre part du contrat, aggravée par votre ancienneté dans la société et votre expertise péage de près de 18 ans.

Nous sommes donc contraints de prononcer à votre encontre une mesure de licenciement pour faute caractérisé par l’utilisation frauduleuse du badge TIS Salarié.

Ainsi dans ce cadre et conformément aux conditions d’utilisations du badge TIS évoquées supra, nous vous demandons de bien vouloir nous restituer immédiatement votre badge.

Votre préavis d’une durée de quatre mois que nous vous dispensons d’effectuer débutera à la date de première présentation de cette lettre à votre domicile. Il vous sera rémunéré aux échéances habituelles.’ ».

Sur les motifs du licenciement :

La Sa Autoroutes du Sud de la France prétend que le licenciement de Mme [A] [R] [W] est fondé sur une faute constituée par une utilisation frauduleuse du badge ‘salarié’ et produit à cet effet :

– un document intitulé ‘conditions de délivrance et d’utilisation’ du badge TIS Salarié notifié à Mme [A] [R] [W] le 16 novembre 2007 qui mentionne notamment : ‘l’utilisation du badge est liée à la présence du salarié souscripteur dans le véhicule. Il ne peut être utilisé que dans ce cadre. La société se réserve le droit de mettre en place tout système de contôle en la matière. (…) Toute utilisation frauduleuse de ce badge entraînera son retrait immédiat et l’exigibilité du péage correspondant au parcours effectué, indépendamment de toute sanction qui pourrait être prise à l’encontre du titulair en ; ‘Le badge n’est pas attaché à un véhicule particulier. Cependant, il ne peut en aucun cas être utilisé pour plusieurs véhicules qui empruntent en même temps le même péage. (…) Le porteur du badge doit se conformer aux règlements de police et d’exploitation en vigueur sur les autoroutes à péage. Il est seul responsable de l’utilisation du badge utilisé’,

– un accord d’entreprise relatif aux modalités générales de gestion d’un droit préférentiel de passage en gare de péage daté du 08 mars 2017 qui prévoit en son article 4 intitulé ‘substitution’ : les ‘dispositions du présent accord se substituent de plein droit à toutes dispositions d’accord ou de conventions collectives, tout usage et toute pratique antérieure à son entrée en vigueur et ayant le même objet, sans formalité complémentaire’,

– un document sur lequel sont mentionnés l’utilisation du badge de Mme [A] [R] [W] le 21 juillet 2018 avec mention des heures de passage et les gares d’entrée et de sortie, la classe du véhicule et le numéro de voie emprunté ainsi que le montant de la transaction, duquel il apparaît que deux transactions ont eu lieu ce jour sur deux voies différentes et avec des classes de véhicule différentes,

– un courrier de la salariée du 25/01/2018 dans lequel elle certifie ne pas avoir eu connaissance de l’utilisation de son badge TIS le 21 juillet 2018 : ‘ce jour là j’ai fini mon poste à 5h du matin…suite à 6 postes consécutifs à 11h30 j’avais rendez-vous chez mon cardiologue …qui m’a arrêtée jusqu’au 15/09/2018…je n’étais pas au courant que mon compagnon avait utilisé mon TIS de façon frauduleuse. En rentrant je lui a demandé les explications il m’a dit qu’il avait pris sans penser à mal ni aux conséquences. Je suis navrée et désolée de ce qui arrive…’,

– un courrier de M. [Y] [M] du 25/09/2018, le compagnon de Mme [A] [R] [W] qui confirme avoir pris le badge de télépéage de Mme [A] [R] [W] sans lui dire, sous prétexte qu’elle était malade : ‘je l’ai laissée se reposer, pensais pas faire du mal en lui prenant son télépéage, je n’étais pas conscient de la gravité que je lui cause, je suis vraiment désolé, je vous paierai les trajets …’,

– un arrêté portant agrément de Mme [A] [R] [W] agréée en qualité d’agent assermenté chargé du recouvrement des droits de péage pour le compte de la société des autoroutes du sud de la France dont il ressort qu’elle a prêté serment devant le tribunal d’instance d’Uzès le 14 février 2002,

– article 4 du Règlement intérieur de la Sa Autoroutes du Sud de la France qui stipule :’il est interdit à tout salarié…d’utiliser à des fins privées et sans autorisation, pendant et hors son temps de travail, tous biens appartenant à la société et notamment les véhicules’.

La Sa Autoroutes du Sud de la France fait par ailleurs référence à des éléments produits par la salariée, notamment un courrier du 10 mars 2017 qu’elle lui a adressé :’nous vous informons qu’à compter du 1er juin 2017 les dispositions de l’accord d’entreprise relatif aux modalités générales de gestion d’un droit préférentiel de passage en gare de péage signé le 08 mars 2017 se substituent de plein droit au régime actuel applicable aux passages en gare de péage avec un badge télépéage ‘salarié’.

Il résulte de l’ensemble des éléments produits par les parties que le badge ‘salarié’ que la Sa Autoroutes du Sud de la France a attribué à Mme [A] [R] [W] lors de son embauche a été utilisé à deux reprises le 21 juillet 2018 par au moins deux personnes différentes, sans autorisation préalable, qu’il est certain que la salariée n’a pas pu l’utiliser aux deux passages enregistrés ce jour là à 11h15 ; il est établi que M. [Y] [M] son compagnon reconnaît expressément l’avoir utilisé après l’avoir emprunté à l’insu de Mme [A] [R] [W] .

Sur la nullité du licenciement :

L’article L1235-3-1 du code du travail dispose que l’article L1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à : 1° La violation d’une liberté fondamentale (…)

Les libertés fondamentales constituent l’ensemble des droits subjectifs primordiaux de l’individu qui sont assurés dans un Etat de droit et une démocratie, représentent des libertés protégées par des textes constitutionnels ou internationaux dont la valeur est supérieure à celle de la loi dans la hiérarchie des normes ; elles sont opposables au pouvoir législatif. La fondamentalité est liée à la constitutionnalisation et à l’internationalisation des droits.

En France, un grand nombre de libertés fondamentales son garanties par la Constitution par trois sources principales, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 stipule ‘la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée’, ‘tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêt toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi’.

Le Conseil constitutionnel dans une décision n°20186773 DC du 20 décembre 2018 indique qu »il résulte de ces articles que nul n’est punissable que de son propre fait. Ce principe s’applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Appliqué en dehors du droit pénal, le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait peut faire l’objet d’adaptations, dès lors que celles-ci sont justifiées par la nature de la sanction et par l’objet qu’elle poursuit et qu’elles sont proportionnées à cet objet’.

Dans le même sens la Conseil d’Etat a rappelé dans un avis du 03 octobre 2018 (n°422290) donné consécutivement à une Question prioritaire de constitutionnalité selon lequel :’ les principes énoncés par ces articles (8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition…’ et a retenu l’application de ce principe dans un litige portant sur le bien fondé d’une sanction financière relative à une infraction à la législation du travail en matière de formation professionnelle ( 03 octobre 2018 n°422290).

Contrairement à ce que soutient la Sa Autoroutes du Sud de la France, il apparaît bien que les principes énoncés par les articles 8 et 9 susvisés sont garantis et protégés par les textes constitutionnels, qu’ils peuvent dès lors être qualifiés de liberté ou de droits fondamentaux qui, par ailleurs, selon l’avis du Conseil constitutionnel, ne s’appliquent pas exclusivement en matière pénale.

En l’espèce, la Sa Autoroutes du Sud de la France n’établit pas que Mme [A] [R] [W] soit l’auteur de l’utilisation frauduleuse du badge dont elle était en possession et que les éléments transmis par la salariée laissent à penser qu’il s’agirait de M. [M] ce que l’employeur reconnaît lui-même puisqu’il le mentionne dans la lettre de licenciement.

Il n’est pas non plus établi que Mme [A] [R] [W] ait participé d’une quelconque façon dans la commission de ces faits.

Il s’en déduit, comme le soulève justement la salariée dans ses écritures, que ‘l’exemption de sa responsabilité est ici tout à fait manifeste’ et qu’elle ne peut donc pas être punie dans le cadre d’un licenciement en raison de ces faits dès lors que l’objet poursuivi par la sanction prononcée est privé de tout fondement, peu importe la mention figurant dans le document relatif aux conditions de délivrance du badge selon laquelle son propriétaire est responsable de son utilisation.

De surcroît, la sanction paraît manifestement disproportionnée par rapport à la gravité des faits dès lors que le préjudice subi par la Sa Autoroutes du Sud de la France s’élève à 3,45 euros.

L’argument développée par la Sa Autoroutes du Sud de la France selon lequel le principe selon lequel ‘nul n’est punissable que de son propre fait’ peut être écarté par l’article 1241 du code civil qui stipule que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence, est inopérant dès lors que ces dispositions légales se rattachent à la responsabilité extracontractuelle alors que la société recherche précisément la responsabilité de la salariée dans le cadre de sa relation contractuelle de travail.

Enfin, comme le rappellent justement les premiers juges ‘avant le licenciement, il semble impératif de tenir compte de l’ancienneté du salarié ainsi que de son comportement antérieur et de prononcer une sanction proportionnelle à la faute commise ; Mme [A] [R] [W] a plus de 18 ans d’ancienneté que son comportement antérieur n’a relevé aucune anomalie ni faute, que le montant de 3,45 euros ne peut en l’espèce produire une faute grave portant préjudice à la Sa Autoroutes du Sud de la France. Les faits reprochés ne constituent pas un manquement grave aux obligations professionnelles de Mme [A] [R] [W] …que les circonstances dans lesquelles les faits reprochés ont été commis ne peuvent s’analyser en un défaut de loyauté du contrat de travail’ de sorte que ‘la violation d’une liberté fondamentale est présente dans le licenciement de Mme [A] [R] [W] ‘ et que le licenciement est entaché de nullité.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement :

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Il a été jugé que cette somme est calculée en considération des salaires bruts.

Lorsque la nullité résulte de la violation d’une liberté ou d’un droit fondamental garanti par la Constitution, l’employeur n’est pas admis à déduire de l’indemnité les revenus que le salarié aurait pu percevoir à un titre quelconque pendant la période d’éviction. L’indemnité revêt un caractère de pénalité.
Il est constant que Mme [A] [R] [W] a été réintégrée au sein de la Sa Autoroutes du Sud de la France au poste qu’elle occupait préalablement à son licenciement le 26 juillet 2021.

Le salaire mensuel moyen brut du salarié, calculé sur la période des onze derniers mois ayant précédé la rupture de son contrat de travail, soit de mars 2018 à janvier 2019 (les bulletins de salaire antérieurs à mars 2018 n’ont pas été produits aux débats) ressort à 2 930 euros.

L’intégralité du préjudice subi par Mme [A] [R] [W] doit être réparé de façon complète de sorte qu’il y a lieu de prendre en compte les accessoires au salaire de base que Mme [A] [R] [W] aurait perçus si elle n’avait pas été licenciée à tort.

Sur la base du tableau récapitulatif et détaillé que Mme [A] [R] [W] a produit aux débats et sur lequel elle a reconstitué les sommes dont la Sa Autoroutes du Sud de la France lui reste redevable au titre de l’indemnité d’éviction sur la base des salaires perçus les douze derniers mois de son licenciement, il apparaît qu’elle était en droit d’obtenir de son employeur le paiement de la somme brute de 26 035,81 euros ; après déduction des sommes déjà versées à ce titre le 31 janvier 2022 par la Sa Autoroutes du Sud de la France, Mme [A] [R] [W] est en droit de solliciter une somme complémentaire de 2 546,42 euros.

Par ailleurs, selon les éléments produits aux débats il apparaît que les sommes versées par l’employeur au titre de la participation et de l’intéressement constituent des ‘avantages afférents à la rémunération de travail’ et qu’elle doivent être prises en compte dans le calcul de l’indemnité d’éviction. A l’examen du bulletin de salaire de novembre 2021, l’employeur a procédé au versement d’une somme de 6 342,13 euros au titre de la participation et celle de 3219,71 euros au titre de l’intéressement. Mme [A] [R] [W] ne justifie pas la somme complémentaire sollicitée à ce titre.

En outre, Mme [A] [R] [W] produit aux débats un courrier de la Sa Autoroutes du Sud de la France daté du 15 novembre 2019 selon lequel il est prévu que ‘chacun de vous (salarié) bénéficiera d’ici la fin de l’année du versement d’un abondement spécial de 400 euros bruts qui sera investi en actions Vinci au travail du fonds…il s’agit…d’un abondement unilatéral’ . A défaut pour l’employeur de justifier de l’abondement de cette somme à cette date, Mme [A] [R] [W] justifie ce chef de demande.

Enfin, Mme [A] [R] [W] justifie avoir souscrit un contrat complémentaire santé de mars 2020 à février 2021 et reconnaît qu’avant son licenciement, elle avait été amenée à régler directement sur son salaire une cotisation mensuelle de 33,77 euros avant son licenciement, de sorte que son préjudice s’élève sur cette même période de douze mois à 535,62 euros.

Sur la demande relative à des dommages et intérêts pour licenciement prononcé dans des circonstances brutales et vexatoires :

Mme [A] [R] [W] ne justifie pas le caractère vexatoire et brutal du licenciement prononcé à son encontre par la Sa Autoroutes du Sud de la France, comme l’ont justement relevé les premiers juges, de sorte que la salariée sera déboutée de ce chef de demande et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande d’amende civile :

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10000 euros sans préjudice de dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Force est de constater que les premiers juges ont prononcé une amende civile à l’encontre de la Sa Autoroutes du Sud de la France sans demande préalable de la salariée et au motif que la société n’a pas déféré à l’obligation de communication du registre du personnel qu’ils avaient ordonnée et que la faute était ainsi caractérisée.

Mme [A] [R] [W] soutient que l’amende civile est justifiée dès lors que la Sa Autoroutes du Sud de la France n’a pas produit le registre du personnel qui s’avérait nécessaire pour vérifier la disponibilité de son poste dans le cadre de sa réintégration.

Outre le fait qu’il n’est pas contesté que la Sa Autoroutes du Sud de la France a produit un document anonymisé, la production de ce document ne s’avérait pas utile dans le règlement du litige soumis à la juridiction prud’homale, de sorte que contrairement à ce qu’elle a soutenu, la Sa Autoroutes du Sud de la France n’a pas commis de faute.

A défaut de rapporter un abus de droit de la part de la Sa Autoroutes du Sud de la France, l’amende civile n’est pas justifiée et le jugement sera donc infirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orange du 01 juillet 2021 en ce qu’il a :

– dit et jugé que le licenciement est nul, pris en violation des articles 8 et 9 de la déclaration des droits de l’homme et du Citoyen du 26 août 1789 et du principe constitutionnel selon lequel ‘Nul n’est punissable que de son propre fait’,

– ordonné la réintégration de Mme [A] [R] [W] à son poste de travail, incluant une même qualification, un même lieu de travail, ainsi que toutes les conséquences de droit dont les paiements en rappels de salaires et ceux liés aux avantages sociaux (intéressement, participation) depuis le licenciement intervenu le 28 février 2019 à la réintégration effective au poste de travail initial, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à partir de la date du jugement,

– condamné la SA Autoroutes du Sud de la France (ASF), prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [A] [R] [W] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement, en application des articles du code de procédure civile et R.1454-28 du code du travail,

– condamné la SA Autoroutes du Sud de la France (ASF) aux entiers dépens de l’instance,

L’infirme pour le surplus et y ajoutant,

Condamne la Sa Autoroutes du Sud de la France à payer à Mme [A] [R] [W] les sommes suivantes :

– 2 546,42 euros à titre de complément d’indemnité d’éviction,

– 400 euros au titre de l’abondement unilatéral de l’employeur en décembre 2019,

– 535,62 euros en réparation du préjudice résultant du financement de la complémentaire santé,

Condamne la Sa Autoroutes du Sud de la France à payer à Mme [A] [R] [W] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Sa Autoroutes du Sud de la France aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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