Indemnité d’éviction : 14 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06629

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Indemnité d’éviction : 14 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06629
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14 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/06629

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06629 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDONO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 10/01587

APPELANTES

S.A. CICOBAIL Société Anonyme immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 722 004 355, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée de Me Jean-pierre BLATTER de la SCP BLATTER SEYNAEVE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0441

S.A.S. WILSON FINANCE Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de PARIS sous le n°410 532 170, en son nom et au surplus, venant aux droit de SC SQUARE ensuite de la fusion absorption du 2 Novembre 2020, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par Me Jean-pierre BLATTER de la SCP BLATTER SEYNAEVE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0441

INTIMEE

S.A.R.L. SDN MONTMARTRE immatriculée au RCS de STRASBOURG sous numéro 387 632 599 prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualitéau siège social:

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Xavier DROUIN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de STRASBOURG, toque : 174

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 4 Avril 2023, en audience publique, devant Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et M. Douglas BERTHE, Conseiller, rapport ayant été fait par M. Douglas BERTHE, conformément aux articles 804, 805 et 907 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

Douglas BERTHE, Conseiller

Emmanuelle LEBÉE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Mme Laurène BLANCO, Greffier présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 12 octobre 1992, les consorts [J] ont donné à bail commercial à la société Olympic, dénommée Cristal à partir du 7 mai 2004, divers locaux commerciaux à usage de « liquoriste et snack bar » ainsi qu’un appartement et une chambre, dépendant d’un immeuble sis à [Localité 13] [Adresse 10] à effet rétroactif du 1er avril 1992, pour neuf années expirant le 31 mars 2001. Ces locaux ont ensuite été cédés par les consorts [J] aux sociétés Wilson Finance et Institut Européen de Gestion Immobilière (IEGI), le 5 juillet 2000.

Par acte d’huissier du 29 octobre 2001, la société Olympic, a sollicité des sociétés Wilson Finance et IEGI, le renouvellement du bail précédemment consenti dans les conditions de l’article L.145-10 du code de commerce.

Par acte d’huissier du 29 janvier 2002, les sociétés Wilson Finance et IEGI lui ont fait signifier leur refus de renouvellement sans indemnité d’éviction aux motifs que la chambre de service serait occupée par une tierce personne, que des plaintes seraient déposées au commissariat de police pour bruits et tapages nocturnes et qu’il y aurait des plaintes des copropriétaires auprès du syndic.

Par acte d’huissier du 7 février 2002, la société L’Olympic a saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une procédure en contestation du refus de renouvellement. Sa demande principale tendait à voir reconnaître la nullité du refus du renouvellement de bail signifié le 20 janvier 2002 et juger que le bail avait été renouvelé pour une durée de 9 années à compter du 1er janvier 2002. À titre subsidiaire, la société demanderesse sollicitait la désignation d’un expert, dans l’hypothèse où le refus de renouvellement eût été valablement notifié, afin de procéder à une estimation de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la perte du fonds. Un expert a été désigné par le juge de la mise en état le 2 juillet 2003 mais cette désignation a été frappée de caducité faute de consignation de la provision sur honoraires de l’expert.

Par licitation du 1er juillet 2005, la société Wilson Finance est devenue la seule propriétaire de l’immeuble qui a ensuite été mis en copropriété de sorte que les lieux donnés en location ont été divisés en deux lots distincts : les lots 1 et 13.

Le 25 juillet 2006, la société Wilson Finance a cédé à la société Cicobail le lot n°1 du règlement de copropriété, à savoir la boutique et les caves en dépendant compris dans le bail du 12 octobre 1992. Le même jour, la société Cicobail a elle-même consenti un contrat de crédit-bail à la SCI Square. Cette dernière ayant levé l’option, est devenue propriétaire du lot n°1 le 23 juillet 2018. En revanche, la société Wilson Finance est demeurée propriétaire du lot n°13 à savoir l’appartement du 5e étage et la chambre du 6e étage.

Par jugement du 21 février 2008, le tribunal de commerce de Paris a ordonné la cession du fonds de commerce en cause exploité par la société Cristal en liquidation judiciaire au profit de la société Kalank, laquelle a ensuite cédé ce fonds à la société SDN Montmartre, par acte sous seing privé en date du 28 juillet 2008. Ce transfert de droits portait notamment sur les instances en cours, telle que la présente procédure.

La société SDN Montmartre était locataire de la société SC Square pour le lot n°1 et de la société Wilson Finance pour le lot n°13.

Par acte sous seing privé du 1er janvier 2012, la société SDN Montmartre a donné son fonds en location gérance à la société SWN, qui a exploité sous l’enseigne Wazawok.

Par jugement du 4 juin 2013 rectifié par décision du 29 avril 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

– mis hors de cause maître [S], ès-qualités d’administrateur judiciaire de l’indivision entre la société IEGI et la société Wilson Finances ;

– débouté la société SDN Montmartre de sa demande tendant à déclarer le jugement commun à Me [D] ;

– rejeté la demande de nullité de l’acte d’huissier de justice refusant le renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction ;

– dit que les infractions invoquées, ne peuvent justifier un refus d’indemnité d’éviction faute d’avoir été précédées d’une mise en demeure préalable ;

– dit que le refus de renouvellement notifié le 29 janvier 2002 met fin au bail à compter de cette date et ouvre droit au profit de la société SDN Montmartre à une indemnité d’éviction et au profit de la société Wilson Finance, la société Cicobail et la SCI Square à une indemnité d’occupation statutaire ;

– débouté la société Wilson Finance, la société Cicobail et la SCI Square de leur demande d’expulsion ;

– prononcé le relevé de caducité de la désignation de M. [V] [R], expert, nommé par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 2 juillet 2003 en vue de l’évaluation de l’indemnité d’éviction ;

– dit que l’expert accomplira sa mission de fixation de l’indemnité d’éviction due à la société SDN Montmartre, en application de l’ordonnance juge de la mise en état sus visée ; dit que l’expert aura également pour mission de déterminer le montant de l’indémnité due par le locataire pour l’occupation des lieux, objet du bail depuis le 1er janvier 2002 jusqu’à leur libération effective, sur les bases utilisés en matière de fixation des loyers de renouvellement, abattement pour précarité en sus.

Sur l’appel interjeté par les bailleresses, par arrêt du 30 septembre 2015, la cour d’appel a confirmé ce jugement et débouté les parties de leurs autres demandes.

Parallèlement, par acte d’huissier du 30 décembre 2013, la société SDN Montmartre a sollicité auprès de ses bailleresses le renouvellement de son bail à compter du 1er janvier 2014.

Par acte d’huissier du 4 février 2014, les sociétés Wilson Finance, Cicobail et SC Square ont signifié leur refus de renouvellement et d’indemnité d’éviction s’il n’était pas mis fin dans le délai d’un mois aux infractions visées à cet acte. Cet acte contenait également une sommation visant la clause résolutoire du bail de mettre fin à différentes infractions de ce bail.

Par assignation du 30 juillet 2014, les bailleresses ont assigné la société SDN Montmartre aux fins notamment, de voir constater qu’elles ne renoncent pas au bénéfice de leur refus de renouvellement avec refus d’indemnité d’éviction en réponse au congé reçu pour le 31 décembre 2001, constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail par l’effet de la sommation délivrée le 4 février 2014, ordonner l’expulsion de la locataire et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’éviction. Les instances ont été jointes.

La locataire a quitté les lieux le 10 février 2016.

L’expert a déposé son rapport le 19 janvier 2018 concluant à une indemnité d’éviction totale de 137 900 euros et une indemnité d’occupation annuelle de 21 712 euros avant abattement, soit pour la période du 1er janvier 2002 au 10 février 2016 après indexation et abattement pour précarité : 305 000 euros.

Par jugement du 04 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

– rejeté la demande de la société Cicobail tendant à voir prononcer sa mise hors de cause ;

– constaté que la demande de renouvellement signifiée par la société SDN Montmartre le 30 décembre 2013 et le refus de renouvellement signifié par les bailleresses le 4 février 2014 sont sans objet puisque le bail a déjà pris fin le 31 décembre 2001 par l’effet du refus de renouvellement signifié le 29 janvier 2002 ;

– débouté les bailleresses de leurs demandes tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail le 4 mars 2014 et à voir dire que la société SDN Montmartre aurait été sans droit ni titre sur les locaux situés [Adresse 10] à [Localité 14] depuis le 5 mars 2014 jusqu’à son départ ;

– débouté les bailleresses de leurs demandes tendant à voir dire que la société SDN Montmartre a commis des infractions au bail constituant des motifs graves et légitimes de lui refuser le paiement de l’indemnité d’éviction ;

– condamné solidairement la société Wilson Finance et la société SC Square à payer à la société SDN Montmartre une indemnité d’éviction globale de 178.750 euros, comprenant l’indemnité principale et les indemnités accessoires suivantes :

indemnité principale : 120 000 euros ;

indemnité de remploi : 12 000 euros ;

frais de déménagement : 1 230 euros ;

trouble commercial : 15 520 euros ;

indemnité de réinstallation : 30 000 euros ;

– condamné la société SDN Montmartre à payer aux sociétés SC Square, Wilson Finance et Cicobail, la somme de 305 000 euros à titre d’indemnité d’occupation pour la période du 1er janvier 2002 au 10 février 2016, et ce, en deniers et quittances, les sommes d’ores et déjà versées provisionnellement au titre de l’indemnité d’occupation devant être déduites ;

– débouté les bailleresses de leurs demandes tendant à voir condamner la SDN Montmartre au paiement d’une indemnité d’occupation de droit commun d’un montant mensuel de 6 000 euros indexé outre les charges et taxes à compter du 5 mars 2014 jusqu’au 10 février 2016 ;

– condamné la société SDN Montmartre à payer aux sociétés Wilson Finance et SC Square la somme de 2 000 euros au titre des réparations locatives ;

– rejeté le surplus des demandes formées au titre de la remise en état des locaux ;

– rappelé que la compensation est de droit ;

– condamné solidairement les sociétés Wilson Finance et SC Square à payer à la société SDN Montmartre la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les autres parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– rejeté les autres demandes ;

– condamné les sociétés Wilson Finance et SC Square aux entiers dépens, qui comprendront notamment le coût de la sommation et de l’expertise judiciaire, avec distraction au profit de maître Del Rio, avocat en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La société SC SQUARE a été absorbée par la société WILSON FINANCE à la date du 7 septembre

2020 et radiée du registre du commerce et des sociétés le 2 novembre 2020.

Par déclaration du 07 avril 2021, la société Cicobail et la société Wilson Finance ont interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 03 septembre 2021, la société SDN Montmartre a interjeté appel incident partiel du jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 2 avril 2023, par lesquelles la société Wilson Finance et la société Cicobail, appelantes à titre principal et intimée à titre incident, demandent à la Cour de :

À titre principal,

– juger que la demande de la société SDN Montmartre sur la prétendue nullité de la clause résolutoire est irrecevable ;

– Débouter la société SDN MONTMARTRE de sa demande au titre du réputé non écrit de la clause d’acquisition de son fonds de commerce,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la demande de la société Cicobail d’être mise hors de cause ;

– juger que la société Cicobail sera mise hors de cause, et la déclarer comme telle ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la demande de renouvellement du bail du 30 décembre 2013 était sans objet et que le bail a pris fin le 31 décembre 2001 ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a décidé que la réponse à la demande de renouvellement pouvait contenir un commandement ou une sommation visant la clause résolutoire et les articles L. 145-17 du code de commerce et L. 145-41 ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que l’acte du 4 février 2014 rappelait les dispositions de l’article L. 145-28 du code de commerce et les obligations contractuelles et manquements reprochés, et qu’il n’était pas ambigu et informait valablement son destinataire des manquements reprochés ;

– en conséquence, juger que la société SDN Montmartre n’a pas droit au paiement d’une indemnité d’éviction, à raison des motifs graves et légitimes de refus de renouvellement sans indemnité d’éviction ;

– en tout état de cause, infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le bailleur de sa demande de constatation d’acquisition de la clause résolutoire ;

– juger que la société SDN Montmartre n’a pas mis fin à l’infraction visée dans la sommation du 4 février 2014 ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que les travaux étaient des améliorations et non des transformations interdites par le bail ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que les interventions du locataire constituaient l’exécution de son obligation d’entretenir la devanture ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que l’obligation d’assurance était satisfaite ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a décidé que la bailleresse ne démontrait pas que les locaux comprenaient un chauffage central susceptible de faire l’objet d’un contrat d’entretien ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a décidé que la bailleresse ne précisait pas de quelle façon la locataire devait justifier du bon entretien ;

– juger que l’acquisition de la clause résolutoire doit être constatée à la date du 4 mars 2014 ;

– en conséquence, juger que la société SDN Montmartre a occupé sans droit ni titre les locaux du [Adresse 1] du 5 mars 2014 au 10 février 2016 ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé d’office, sans réouverture des débats et en l’absence de demande adverse en ce sens, que la clause résolutoire du bail encourait la nullité ;

– juger en tout état de cause que toute demande en ce sens aurait été prescrite par application de l’article L. 145-60 du code de commerce ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a retenu la nullité de la clause résolutoire du bail pour rejeter la demande de résiliation de plein droit formulée par le bailleur ;

– condamner la société SDN Montmartre à payer à la société Wilson Finance une indemnité d’occupation de 3 500 euros par mois à compter rétroactivement du 5 mars 2014 jusqu’au 10 février 2016 ;

– juger que cette indemnité d’occupation sera indexée au 5 mars 2015, sur l’indice trimestriel du coût de la construction publié par l’INSEE, l’indice de base étant le dernier indice paru à la date du 5 mars 2014, soit l’indice du 3e trimestre 2013 ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu le principe de la condamnation pécuniaire au titre des réparations locatives ;

– infirmer le jugement sur la condamnation de la société SDN Montmartre à hauteur de 2.000 euros au titre des réparations locatives ;

– condamner la société SDN Montmartre à payer à la société Wilson Finance la somme de 95 575,02 euros au titre de la remise en état ;

À titre subsidiaire,

– pour le cas où par impossible, la cour confirmait le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la société SDN Montmartre avait droit au paiement d’une indemnité d’éviction ;

– juger que l’indemnité d’éviction correspondant à la valeur du fonds de commerce appréciée en valeur de droit au bail, ne peut être supérieure à 70 085,40 euros ;

– juger qu’il n’y a pas lieu à allouer de frais de remploi à la société SDN Montmartre ;

– juger que les frais de déménagement doivent être fixés à la somme de 1 230 euros ;

– juger qu’il n’y a pas lieu à frais de réinstallation ;

– juger en tout état de cause que si la cour devait allouer une indemnité au titre des frais de remploi et des frais de réinstallation, cette indemnité serait consignée pendant un délai d’une année, à l’expiration duquel il appartiendra à la société SDN Montmartre de rapporter la preuve de sa réinstallation à [Localité 13], faute de quoi la somme ainsi consignée devra être restituée à la société Wilson Finance ;

– désigner le service séquestre de l’Ordre des avocats à la cour d’appel de Paris pour recevoir la consignation ;

– juger que l’indemnité pour trouble commercial ne peut être supérieure à la somme de 7 760 euros ;

– fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 32 752 euros et juger qu’il n’y a pas lieu à abattement pour précarité ;

– juger que si la société SDN Montmartre entend soutenir que doivent être déduites des sommes dont elle sera jugée débitrice au titre de l’indemnité d’occupation qu’il lui appartient de justifier par des documents comptables ayant force probante des sommes qu’elle prétend avoir payées pour son occupation du 1er janvier 2002 au 10 février 2016 et juger qu’à défaut la société SDN Montmartre sera débitrice de la totalité des indemnités d’occupation mises à sa charge ;

– sous cette réserve, débouter la société SDN Montmartre de son appel incident ;

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Wilson Finance aux dépens, en ce compris le coût de la sommation et de l’expertise judiciaire et à payer à la société SDN Montmartre la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– condamner la société SDN Montmartre aux dépens de première instance, en ce compris le coût de la sommation et de l’expertise judiciaire et aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés par maître Frédérique Etevenard, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et à payer aux sociétés Wilson Finance et Cicobail, la somme de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 30 mars 2022, par lesquelles la société SDN Montmartre, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

Sur appel principal,

– débouter les appelants de leur appel, le dire mal fondé ;

En conséquence,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Wilson Finance, la SCI Square et la société Cicobail solidairement à payer à la société SDN Montmartre la somme de 178.750 euros au titre de l’indemnité d’éviction de son fonds de commerce ;

Y ajoutant,

– condamner la société Wilson Finance et la société Cicobail à payer à la société SDN Montmartre la somme complémentaire de 60 000 € au titre de l’indemnité d’éviction ;

– condamner la société Wilson Finance et la société Cicobail à payer à la société SDN Montmartre la somme de 6 6111,56 € au titre du remboursement du dépôt de garantie ;

– débouter la société Wilson Finance et la société Cicobail de toutes leurs autres demandes ;

Sur appel incident,

– dire et juger que la société SDN Montmartre n’est redevable des indemnités d’occupation que pour la période allant du 21 juillet 2008 au 10 février 2016 ;

– dire et juger que la société SDN Montmartre s’est déjà acquittée de la somme de 171 370,87 € sur cette période ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SDN Montmartre à payer aux sociétés SC Square, Wilson Finance et Cicobail, la somme de 305 000 euros à titre d’indemnité d’occupation pour la période du 1er janvier 2002 au 10 février 2016 et ce en deniers et quittance, les sommes d’ores et déjà versées devant être déduites ;

Statuant à nouveau,

– donner acte à la société SDN Montmartre qu’elle reconnaît être redevable de la somme de 26 852,60 euros au titre de l’indemnité d’occupation ;

– débouter les sociétés Wilson Finance et Cicobail de toute autre demande ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SDN Montmartre à verser la somme de 2 000 euros au titre des réparations locatives ;

Statuant à nouveau,

– débouter la société Wilson Finance et la société Cicobail de toutes leurs demandes au titre des réparations locatives ;

– rappeler que la compensation est de droit ;

– condamner la société Wilson Finance et la société Cicobail solidairement à payer à la société SDN Montmartre la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 ;

– les condamner aux entiers frais et dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile, y compris aux frais d’expertise d’un montant de 6.137,76 euros, qui pourront être recouvrés directement par Maître Fromantin, conformément aux dispositions de l’article 699.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.

Sur la mise hors de cause de la société Cicobail,

La société Wilson Finance et la société Cicobail, appelantes, exposent que la société Cicobail doit être mise hors de cause dès lors qu’elle n’est plus crédit-bailleresse, depuis le 23 juillet 2018, la société SC Square, crédit-preneuse, ayant levé l’option dont elle disposait.

Sur la demande formulée pour la première fois en cause d’appel de la nullité de la clause résolutoire,

La société Wilson Finance et la société Cicobail, appelantes, exposent que la société SDN MONTMARTRE invoque l’irrégularité de la clause résolutoire du bail, dès lors qu’elle ne prévoit pas un délai d’un mois, mais un délai de quinze jours pour la sommation d’exécuter, que cette demande est nouvelle et formulée pour la première fois en appel et sera donc rejetée sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile.

La société SDN Montmartre, intimée, expose ne pas avoir formé une prétention nouvelle mais un soutenu un moyen nouveau, soit un fondement juridique additionnel, pour contester en défense l’acquisition de la clause résolutoire.

Sur le refus de renouvellement du bail et l’acquisition de la clause résolutoire,

Les appelantes exposent qu’un acte de refus de renouvellement du 4 février 2014 peut contenir concomitamment un commandement ou une sommation visant la clause résolutoire et les dispositions des articles L. 145-17 et L. 145-41 du code de commerce, la mise en demeure et le congé pouvant être signifiés par le même acte, que l’acte du 4 février 2014 rappelait bien les dispositions de l’article L. 145-28 du code de commerce, qu’il énumérait les obligations contractuelles et les manquements reprochés et qu’il faisait sommation d’exécuter différentes obligations pour remédier à ces manquements, impartissant un délai d’un mois pour ce faire et précisant qu’il se réservait le droit de solliciter le bénéfice de la clause résolutoire, que la société SDN Montmartre n’a pas déféré à la sommation visant à libérer les lieux du 4 février 2014, que cette occupation devait prendre fin par application de la clause résolutoire et que la locataire n’a quitté les lieux que le 10 février 2016, que de nombreuses infractions ont été commises par la locataire à savoir :

l’absence de justification du consentement exprès et écrit du bailleur pour la réalisation des travaux en façade, notamment et la dépose de la terrasse couverte,

l’absence de remise en état du local commercial dans son état initial, en particulier la devanture, le store et la terrasse dans leur état d’origine,

l’absence de justification du paiement des primes ou cotisations d’assurance contre l’incendie et les explosions, l’absence d’assurance contre les dégâts des eaux et les bris de glaces,

l’absence de justification de l’entretien de la chaudière de chauffage central,

l’absence de justification du maintien en parfait état des canalisations intérieures et des robinets d’eau et de gaz,

l’absence de déclaration immédiate à sa compagnie d’assurance du dégât des eaux produits sur l’appartement d’un voisin.

que ces infractions ont continué à exister plus d’un mois après la signification de l’acte du 4 février 2014, que toute infraction commise entre la date d’effet du congé et le jugement est de nature à faire perdre au locataire le droit au paiement de l’indemnité d’éviction et le maintien dans les lieux (Cass. 3e civ. 19 déc. 2001, n° 00-14425, CA Paris, 16e ch. B, 7 mai 1999, SCI [Adresse 4]), que la suppression de la terrasse modifie la devanture au regard de sa déclaration préalable de travaux le 12 mai 2011, et constitue des travaux de transformations, étant précisé qu’aucune terrasse n’a été rétablie ; que la déclaration du 12 mai 2011 ne pouvait qu’être rempli par le propriétaire, ce qui démontre la nécessité de son accord.

sur le libellé de la clause résolutoire du bail, que le tribunal a relevé un moyen d’office de nullité de la clause résolutoire, désormais soutenu à hauteur d’appel par la preneuse, sans inviter les parties à s’en expliquer conformément aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile, que le régime du réputé non écrit ne saurait s’appliquer, que l’action tendant à voir prononcer la nullité de cette clause, était prescrite par l’expiration du délai de deux ans prévu à l’article L. 145-60 du code de commerce, puisque, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le point de départ du délai est la date de signature du bail, soit en l’espèce, le 12 octobre 1992, que lorsqu’un occupant occupe des locaux sans droit ni titre, il est alors débiteur d’une indemnité d’occupation ayant le caractère d’une indemnité d’occupation de droit commun (Cass. 3ème civ., 18 janvier 2012, n° 10-26340), que cette indemnité peut donc être supérieure à la valeur locative (Cass. 3 e civ. 16 fév. 1983, X c/ HLM Logirel), que le moyen de nullité de la clause résolutoire est nouveau dès lors qu’il a été formulée pour la première fois en appel, et doit ainsi être jugé irrecevable.

La société SDN Montmartre, intimée, expose :

sur l’absence de mise en demeure visant la clause résolutoire, que la demande de renouvellement du bail du 30 décembre 2013 et le refus de renouvellement du 4 février 2014 qui l’a suivie sont devenus sans objet par l’effet de l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 30 septembre 2015 s’opposant à la poursuite du bail, que l’acte du 4 février 2014 est ambigu et opère systématiquement une confusion entre le fait de savoir si le bailleur entend refuser le renouvellement du bail ou faire sommation en vue de bénéficier de la clause résolutoire, qu’il n’apparaît pas ainsi clairement si le bailleur entend se prévaloir, pendant la période postérieure à la résiliation du bail intervenue par le refus de renouvellement du 29 janvier 2002, d’un refus de renouvellement ou de la clause résolutoire du bail résilié, qu’il n’y a donc pas eu de sommation valablement délivrée.

sur l’exception en défense perpétuelle de la nullité de la clause résolutoire du bail, que la jurisprudence autorise le défendeur à l’action à opposer, de façon perpétuelle, comme exception en défense, la nullité de la clause (Cass. com. 13-12-1976 n° 75-11.349), y compris à l’époque des faits, qu’il s’agit d’un nouveau moyen en défense tendant à la même fin que celles soumises au premier juge puisqu’elles visent à démontrer que la sommation n’a pas été valablement délivrée.

sur les griefs allégués pour justifier la mise en oeuvre de la clause résolutoire du bail, que par courrier du 29 mars 2012, en réponse à un courrier RAR de demande de justification du 12 mars 2012, le conseil de la société SDN Montmartre a transmis copie des contrats d’assurance de la Swiss Life pour le local du rez-de-chaussée ainsi que copie du contrat d’assurance de la compagnie GAN pour l’appartement, que par le courrier du 14 janvier 2015, un compte-rendu du 31 décembre 2014 établit que la fuite d’eau est imputable à la copropriété dès lors qu’elle est issue de la colonne d’eau froide de l’immeuble et donc des installations des parties communes, que les bailleurs ne démontrent pas l’existence d’un chauffage central dans son local, qu’elle a sollicité les intentions des bailleresses à propos de la terrasse, que la terrasse ne touchant pas la façade et n’existant pas au bail de 1992, il n’est pas démontré que sa suppression en cours de bail constituait une modification de la devanture d’origine.

Sur le coût de la remise en état des locaux,

Les appelantes exposent que l’appartement du cinquième étage et la pièce du sixième étage, tous deux compris dans l’assiette du bail commercial, n’ont pas été entretenus par la locataire en violation des articles 1728 et 1732 du code civil, qu’un devis établit le montant des réparations à 95 575,02 euros TTC, que la jurisprudence considère que « le juge ne peut pas refuser d’examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d’une partie, dès lors qu’il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d’autres éléments de preuve » (Cass. 3 ème civ., 5 mars 2020, n° 19-13509).

L’intimée expose qu’aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires au sens de l’article 1755 du code civil dès lors qu’elles sont occasionnées par la vétusté ou un cas de force majeure (Cass 3ème civile, 5 avril 2011, n° 10-14.877), qu’elle ne peut être tenue d’assurer la réparation des locaux loués dès lors qu’ils sont devenus vétustes.

Sur le calcul de l’indemnité d’éviction,

L’Expert a retenu une indemnité de 137.900 euros alors que le Tribunal l’a fixée à 178.750 euros.

Sur l’indemnité principale,

Les appelantes exposent que la troisième zone doit faire l’objet d’un coefficient s’échelonnant entre 0,40 et 0,60 par application de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière, soit 0,50 ; que le prix du marché au mètre carré est excessif compte tenu de références incomparables entre elles, que la valeur de marché ne saurait être supérieure à 650 euros ,que le coefficient de situation de 6 proposé par l’expert doit être retenu.

L’intimée expose que le coefficient de 0,60 pour la troisième zone est conforme aux exigences de la charte de l’expertise en évaluation immobilière conduisant à une surface de 30,80 m² pondérés, que tous les éléments proposés par l’expert sont comparables à la situation du fonds de la société concluante, particulièrement, par exemple celui du [Adresse 3], à 992 euros le mètre carré pondéré, semblable en sa surface, sa proximité (distant de 220 mètres), et son activité, que la somme de 900 euros le m² retenue par l’expert devra donc être retenue.

Sur les indemnités accessoires,

L’expert a évalué les frais de remploi à 8 910 euros en retenant, d’une part, des droits d’enregistrement à hauteur de 2 910 euros et des frais de négociation à hauteur de 5 % du nouveau loyer pour 6 000 euros, soit un total de 8 910 euros. Le tribunal a fixé les frais de remploi à 10 % de l’indemnité principale, soit 12 000 euros.

Les appelantes exposent :

sur les frais de remploi, qu’aucun frais de remploi ne peut être alloué à la société SDN Montmartre à défaut de réinstallation avérée, qu’ayant quitté les lieux depuis le mois de février 2016 et transféré son siège social à [Localité 7] où aucune activité n’est menée, la société SDN Montmartre doit être considérée comme ne se réinstallant pas (Cass. 3ème Civ., 17 nov. 2016, n° 15-19741).

sur l’indemnité de déménagement, que la somme retenue par l’expert à hauteur de 1 230 euros devra être retenue.

sur les frais de réinstallation, que les frais retenus à hauteur de 30 000 euros par le Tribunal sont arbitraires et ne sont nullement justifiées par des devis.

sur le trouble commercial, que dès lors qu’il a été établi que le fonds était donné en location-gérance, le temps passé à gérer la procédure d’éviction par le locataire, n’a en rien nui au travail du fonds de commerce exploité par un autre, que le trouble ne pouvait excéder la somme retenue par l’expert à hauteur de 7 760 euros.

L’intimée expose :

sur l’indemnité de remploi, qu’elle a été dans l’impossibilité d’entreprendre une démarche en vue de trouver un nouveau fonds ou un nouveau bail en l’absence de paiement de son indemnité d’éviction, que la Cour de cassation rappelle de manière constante que les frais de réinstallation et de remploi sont dus même en cas de perte du fonds et qu’il appartient au bailleur de prouver l’absence de réinstallation s’il veut échapper à l’indemnisation (Cass. 3e civ., 18 décembre 2012, n° 11-23.273), que ni l’absence de réinstallation du preneur ni le fait que la société ait cessé son activité ne sont suffisants pour démontrer qu’elle n’entend pas se réinstaller une fois l’indemnité d’éviction réglée (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 3, Arrêt du 7 mars 2018, Répertoire général nº 16/11009), qu’elle est fondée à demander le versement de l’indemnité de remploi, fixée selon les usages par le tribunal judiciaire, à 10 % de l’indemnité principale d’éviction et correspondant donc à 12 000 euros.

sur l’indemnité de déménagement, que l’indemnité est devra être fixée à 1 230 euros.

sur l’indemnité de réinstallation, qu’il a été jugé de façon constante que même en cas de perte du fonds, l’indemnité de réinstallation est due (Cass. 3e civ. 21-3-2007 n° 06-10.780 FS-PB), qu’il ressort d’une attestation du 5 février 2018 que la valeur nette comptable du poste « agence et installation » n’était pas en réalité de 1.290 euros suite à une cession, mais de 59.740 euros, et que ce n’est que pour des raisons purement comptables de régularité de la clôture des comptes au 31 décembre 2015, alors que l’activité avait été arrêtée début 2016 à la suite de la remise des clés, que cette valeur est passée comptablement de 59.740 euros à 1.290 euros, que les frais d’installation sont estimés à la somme de 96.040,67 euros ;

sur l’indemnité pour trouble commercial, que le trouble commercial subi est très important dès lors que, ainsi que cela a été exposé, le bailleur, depuis 2002, a tout entrepris pour empêcher une exploitation sereine du fonds de commerce, que le bailleur s’est systématiquement opposé à tout renouvellement du bail, qu’il a interdit toute sous-location de l’appartement du 5ème étage, qu’il a refusé de faire une démarche auprès de la copropriété afin d’autoriser son locataire à faire passer un câble par l’escalier pour obtenir des mises aux normes de sécurité, qu’il a fait traîner la procédure d’expertise et a engagé la procédure de référé alors que la fuite se situait dans les parties communes comme elle le lui avait indiquée.

Sur le calcul de l’indemnité d’occupation,

Les appelantes exposent que l’indemnité sera fixée selon deux régimes juridiques différents successifs, que dans l’hypothèse où, comme il a été demandé, la cour ferait droit à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire à compter du 5 mars 2014, elle dirait qu’à compter de cette date, jusqu’au départ des lieux, le 10 février 2016, l’indemnité d’occupation doit être fixée en application des règles du droit commun à la valeur de marché, laquelle ne saurait être inférieure à la somme annuelle de 32 752 euros, que quant à la période courue du 1er janvier 2002 au 4 mars 2014, l’indemnité devra être fixée en application de l’article L. 145-28 du code de commerce à la somme annuelle de 21 712 euros, en outre indexée comme l’a suggéré l’expert, et ce n’est que pour le cas où la cour ne ferait pas droit à la demande tendant à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire au 4 mars 2014 que cette indemnité, déterminée en application de l’article L. 145-28 du code de commerce, continuerait de courir jusqu’à la date du 10 février 2016 dans les conditions proposées par l’expert et retenue par le tribunal, que la preneuse actuelle est débitrice au même titre que son auteur, la société Kalank, qui lui a cédé son fonds, que cette solidarité résulte de l’acte d’acquisition du fonds qui prévoit que le vendeur, la société Kalank, supportera « intégralement tous rappels de loyer, charges et accessoires, qui pourraient être dus par suite de révision amiable ou judiciaire et qui s’appliqueraient à une période antérieure au jour de l’entrée en jouissance de l’acquéreur, à supporter également tous les frais de procédure, d’expert ou d’avocat exposés pour arriver à cette révision, le coût de tous actes qui seraient dressés pour la constatation, ainsi que les droits d’enregistrement s’appliquant aux loyers antérieurement à l’entrée en jouissance de l’acquéreur », que la société SDN Montmartre qui a acquis le fonds en pleine connaissance de la nécessaire précarité de son occupation ne peut à ce titre prétendre à un abattement pour précarité (CA Paris, ch. 5-3, 24 nov. 2010, n° 09/06004), que le document dénommé « estimation du loyer avant SDN suivant les indices + loyers effectivement payés » est dépourvu de toute valeur probante.

L’intimée expose que l’abattement vient compenser la précarité induite par le non-renouvellement du bail qui empêche une planification à long terme (CA Paris, 16e., sect. A, 24 mai 2006, Arc c/ De [Localité 11] [Localité 12]), que l’abattement pour précarité doit être fixé à hauteur de 20 %, conformément aux préconisations de l’expert, compte tenu de la longueur de la procédure, que la société SDN est devenue locataire et débitrice des loyers à compter de l’entrée en jouissance du fonds, conformément à l’article « loyers. Charges » de la cession de fonds du 28 juillet 2008, que l’acte d’acquisition du fonds de commerce stipule que le vendeur, et non l’acquéreur, supportera « intégralement tous rappels de loyers, charges et accessoires », que la société SDN Montmarte n’est redevable des indemnités d’occupation qu’à compter du 28 juillet 2008, qu’au sens de l’article L.641-12 3° second alinéa, lequel énonce que « le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent. En ce cas, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite », qu’ainsi toute clause de solidarité de l’acquéreur ‘ inexistante en l’espèce ‘ aurait été réputée non écrite pour la période située avant la cession du fonds par le liquidateur de la société Cristal à la société Kalank, soit avant le 4 juillet 2007, que les indemnités d’occupation ne sont dues que pour la période allant du 28 juillet 2008 au 10 février 2016, qu’elle est bien fondée à déduire les indemnités d’occupation versées à titre provisionnel durant la période où elle s’est maintenue dans les lieux, étant observé qu’elle s’est acquittée depuis la cession du bail, des loyers transformés en indemnité d’occupation.

Sur la restitution du dépôt de garantie,

L’intimée expose qu’elle est en droit d’obtenir la restitution de son dépôt de garantie d’un montant de 6 611,56 euros, laquelle est recevable sur le fondement de l’article 566 du code de procédure civile dès lors que cette demande est le complément des demandes liées à la restitution des lieux et au paiement de l’indemnité d’éviction.

Motifs de l’arrêt :

Sur l’irrecevabilité de la « demande de nullité de la clause résolutoire » :

Il ne résulte pas du dispositif des dernières conclusions de la SARL SDN MONTMARTRE que celle-ci sollicite la nullité de la clause résolutoire du bail. Bien au contraire, cette dernière confirme dans ses conclusions qu’elle entend opposer aux bailleresses l’exception en défense perpétuelle de nullité de la clause sur laquelle se fonde la sommation du 4 février 2014. Il s’agit donc d’un nouveau moyen au soutien de la contestation de l’acquisition de la clause résolutoire, soutenue par elle dès la première instance.

La fin de non-recevoir sera donc rejetée.

Sur la demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire :

L’acte d’huissier du 4 février 2014 comporte cumulativement une réponse à la demande de renouvellement du bailleur comportant un refus de renouvellement et une sommation d’avoir à se conformer aux clauses du bail en visant la clause résolutoire qu’elle reproduit.

En premier lieu, il n’est pas contesté par les parties que la réponse à la demande de renouvellement du bailleur comportant un refus de renouvellement est devenue sans objet en ce que, par arrêt du 30 septembre 2015 sur appel du jugement du tribunal de grande instance de de Paris du 4 juin 2013, la cour d’appel de Paris a confirmé que le bail avait pris fin et qu’à défaut de démonstration de motifs graves et légitimes au refus de renouvellement, ce congé ouvrait droit au principe d’une indemnité d’éviction.

En second lieu, l’acte tente de rectifier unilatéralement l’irrégularité de la clause d’acquisition de la clause résolutoire en déclarant que le délai de 15 jours prévu par la clause « est porté à un mois ».

Il en résulte que la sommation que contient l’acte se fonde sur une clause du bail contraire aux dispositions d’ordre public des articles L145-41 et L145-15 ancien du code de commerce et ne peut donc avoir d’effet utile. La décision de première instance sur le rejet de la demande de constatation l’acquisition de la clause résolutoire sera donc confirmée, étant observé que la résiliation judiciaire du bail aux vus des manquement du preneur, bail qui a en tout état de cause pris fin le le 29 février 2002 n’est pas sollicitée.

Sur la mise hors de cause de la SA CICOBAIL :

La SA CICOBAIL est bailleresse du lot n°1 depuis le 25 juillet 2006. La SARL SDN MONTMARTRE est preneuse depuis le 28 juillet 2008. L’arrêt, aujourd’hui définitif, du 30 septembre 2015 de cette cour a confirmé que le refus de renouvellement du 29 janvier 2002 des bailleresses a ouvert le droit au principe d’une indemnité d’éviction. La SA CICOBAIL a pris l’initiative d’assigner en première instance la SARL SDN MONTMARTRE le 30 juillet 2014. La locataire a quitté les lieux le 10 février 2016. Ce n’est que le 23 juillet 2018 que le lot n° 1 de la SA CICOBAIL a été transmis à la société SC Square. Dans le cadre de cette instance, la preneuse sollicite la condamnation solidaire de la SA CICOBAIL au paiement solidaire de l’indemnité d’éviction et au remboursement du dépôt de garantie outre l’indemnisation de ses frais irrépétibles. Si la SA CICOBAIL, à hauteur d’appel, ne forme plus aucune demande à l’encontre de la SARL SDN MONTMARTRE qu’elle a assigné en première instance, elle s’abstient de démontrer que la SC SQUARE s’est engagée, outre à acquérir le lot n° 1 à reprendre les actions dettes et obligations y étant liées ; la question du principe du droit à une indemnité d’éviction au profit de la SARL SDN MONTMARTRE ayant été tranchée avant cette cession, étant précisé que le droit de repentir de la la SA CICOBAIL s’était éteint depuis le 10 février 2016. En effet, l’acte de vente entre la SA CICOBAIL et la SC SQUARE n’est pas produit à hauteur d’appel.

Le jugement entrepris, qui rejette la demande de mise hors de cause de la SA CICOBAIL sera ainsi confirmé sur ce point.

Sur le refus de renouvellement du bail :

Le bail initial expirait le 31 mars 2001. Le refus de renouvellement, en réponse à la demande de renouvellement formée par le locataire en période de tacite prolongation, a été donnée le 29 janvier 2002 et doit prendre effet dans le mois suivant aux termes de l’article L 145-17 du code de commerce. Il en résulte que le bail a pris fin le 29 février 2002, aucune option n’ayant été exercée par les bailleresses. Dès lors que les bailleresses sont déboutées de leur demande tendant a voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail et le bail ayant pris fin, l’arrêt, aujourd’hui définitif, du 30 septembre 2015 de cette cour a confirmé que le refus de renouvellement du 29 janvier 2002 des bailleresses a ouvert le droit au principe d’une indemnité d’éviction au bénéfice du preneur.

Sur la fixation de l’indemnité d’éviction :

Selon l’article L 145-14 du code de commerce, le refus de renouvellement signifié par le bailleur met fin au bail mais ouvre droit au profit du locataire à une indemnité d’éviction.

L’indemnité d’éviction a pour objet de compenser le préjudice qui résulte pour le locataire de la perte de son droit au bail. Si 1e fonds n’est pas transférable, l’indemnité principale correspond à la valeur du fonds, est dite de remplacement et comprend la valeur marchande du fonds, déterminée selon les usages de la profession, la valeur plancher étant 1e droit au bail. Si le fonds est transférable, l’indemnité principale correspond a la valeur du droit au bail, élément incorporel majeur du fonds de commerce.

La perte du fonds n’est pas discutée par les parties non plus que son évaluation selon la méthode du droit au bail, plus élevé que la valeur du fonds calculée par le chiffre d’affaires.

La cour se reporte au descriptif pertinent du jugement entrepris en ce qui concerne la description des locaux et l’appréciation de sa situation.

En ce qui concerne la surface pondérée du local, il résulte des constatations de l’expert judiciaire que « le petit dégagement » du rez-de-chaussée en 3e zone était explicitement dédié à l’accueil de la clientèle en ce qu’elle comprenait six tabourets hauts dans un espace aménagé « mange-debout ». Dès lors, il ne s’agit pas d’un simple couloir de desserte mais d’un espace à usage commercial. Dans cette mesure, le coefficient de 0,60 donné par l’expert judiciaire est conforme à la charte de l’expertise en évaluation immobilière et adapté à la spécificité du local. La surface pondérée retenue sera donc de 30,80 m²P.

Il n’est pas contesté par les parties que si le bail avait été renouvelé, le loyer serait resté plafonné et se serait élevé au montant de 21 071,10 € à la date de l’éviction.

En ce qui concerne le prix de marché du local commercial évalué à 900€ du m² par l’expert judiciaire, les bailleresses ne produisent pas d’expertise amiable ni de références pour s’opposer à cette estimation de l’expert qui sera retenue par la cour. Au total la valeur locative, qui prend en compte le local commercial (30,80m²B x 900 €), l’appartement (38m²B x 23,80 €/m²) et la « chambre » (2400 €/mois x 12), s’élève au total au montant annuel de 40 972,80 €. Il résulte dès lors un différentiel de 19 901,70 € entre la valeur locative et le prix du bail renouvelé, soit une valeur du droit au bail de 119 410,20 € dans la mesure où les parties s’accordent sur le coefficient multiplication de situation de 6 à appliquer. Par commodité, la valeur du droit au bail sera arrondie à la somme de 120 000 € et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les indemnités accessoires :

Sur les frais de remploi :

Ces frais comprennent les frais et droits que doit supporter le locataire évincé pour retrouver notamment un nouveau local.

S’il est exact que le preneur ne s’est pas réinstallé, les bailleresses font elles-mêmes valoir qu’elles ont obtenues du premier président de cette cour la suspension de l’exécution provisoire du jugement du 4 mars 2021 au motif que la société SDN MONTMARTRE affiche un compte courant débiteur. Dans cette mesure, le moyen selon lequel la reprise de l’activité du preneur est nécessairement conditionnée par le retour en sa possession du capital lui étant dû, soit l’indemnité d’éviction, apparaît dans ce cas d’espèce justifié et pertinent. Dès lors, il ne convient pas de priver le preneur de la jouissance de son capital par une nouvelle consignation.

Tout comme le premier juge et selon sa motivation pertinente, à laquelle il conviendra de se reporter, il y a lieu, conformément aux usages, de fixer cette indemnité à 10% du montant de l’indemnité principale, soit 12 000 €.

Sur les frais de déménagement :

L’indemnité pour frais de déménagement a pour objet d’indemniser le preneur des frais exposés pour libérer les locaux dont il est évincé.

Les parties s’accordent sur un montant de 1 230 € qui sera retenu.

Sur les frais de réinstallation :

Les frais de réinstallation sont ceux que supporte le locataire évincé pour mettre en place dans ses nouveaux locaux des aménagements semblables à ceux qu’il perd. Ils ne sont dus que s’il est démontré que le preneur doit faire face à des frais d’installations spécifiques ou qu’il a dû supporter des frais d’installation non amortis. Cette indemnité doit en outre concerner la partie du local accessible à la clientèle.

En l’espèce, la preneuse justifie de frais d’agencement spécifiques (enseigne, comptoir, logo…) engagé fin 2011 pour un montant total de 11 823,19 €. Sur la base d’un amortissement annuel au taux d’usage de 10% durant quatre années d’utilisation effective, la preneuse ayant quitté les locaux début 2016, ces aménagements présentaient une valeur de 7 757,19 € qui seront arrondis par commodité à 7 760 €. Là encore, il ne convient pas de priver la preneuse de la jouissance de son capital par une nouvelle consignation et l’indemnité de réinstallation sera donc fixée à la somme de 7 760 € et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le trouble commercial :

Cette indemnité compense le moindre investissement dans l’activité commerciale à raison de l’éviction et le temps qui sera nécessaire pour la recherche d’un nouvel emplacement à l’exclusion des autres postes de préjudices allégués par la preneuse qui n’entrent pas dans la cadre de l’indemnité pour trouble de jouissance.

Il n’est pas contesté que le fonds était en location gérance, que la preneuse présentait un résultat déficitaire et qu’elle n’exerce plus aucune activité commerciale depuis sa sortie des lieux. Dès lors, l’évaluation à 7 760 € de cette indemnité proposée par l’expert judiciaire et correspondant à 15 jours de chiffre d’affaires moyen sur 300 jours d’ouverture apparaît pertinente et sera retenue par la cour.

Il ressort de1’ensemble des éléments ci-dessus exposés que l’indemnité d’éviction totale due à la SARL SDN MONTMARTRE s’élève à la somme de :

indemnité principale : 120 000 €,

frais de remploi : 12 000 €,

frais de réinstallation : 7 760 €,

trouble commercial : 7 760 €,

frais de déménagement : 1 230 €,

TOTAL : 148 750 €.

La SA CICOBAIL est bailleresse de la la SARL SDN MONTMARTRE depuis le 25 juillet 2006 et à ce titre débitrice d’une indemnité d’éviction acquise depuis le 29 janvier 2002. L’acte de vente entre la SA CICOBAIL et la SC SQUARE n’étant pas produit à hauteur d’appel, la SA CICOBAIL s’abstient de démontrer que son acquéreur s’est engagé, outre l’acquisition du lot n° 1 à reprendre les dettes et obligations y étant liées, la question du principe du droit à une indemnité d’éviction au profit de la SARL SDN MONTMARTRE ayant été tranchée avant la cession et étant précisé que son droit de repentir s’était éteint depuis le 10 février 2016, elle reste codébitrice de l’indemnité d’éviction. La SA CICOBAIL sera donc condamnée solidairement avec la SAS Wilson Finance au paiement de l’indemnité d’éviction.

Sur l’indemnité d’occupation :

Il résulte de l’article L.145-28 et R 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d’appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernent des locaux équivalents. En outre il résulte de l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. En outre, il convient de déduire du montant de la condamnation au paiement de l’indemnité d’occupation judiciairement fixé la somme des loyers effectivement versés par le preneur au titre du loyer.

Par l’effet du congé, le bail commercial liant les parties a pris fin le 29 février 2002 et le preneur a quitté les lieux le 10 février 2016.

L’expert judiciaire estime la valeur locative au sens des textes susvisés à 380 € du m²B pour les locaux commerciaux, 18 € du m² pour l’appartement et 1 800 € par an pour la « chambre ». Il en infère une indemnité d’occupation brute annuelle de 21 712 €. Il propose l’indexation de cette indemnité d’occupation et un abattement de 20% pour précarité du fait que depuis 2002, la locataire n’a plus de bail. À ce stade, il convient de préciser que l’indexation d’une indemnité d’occupation statutaire n’étant pas de droit ni prévue par les dispositions susvisées, elle ne sera pas retenue par la cour.

Les bailleresses ne justifient d’aucun titre à l’encontre à la preneuse concernant la période antérieure à la cession du droit d’occupation au profit la SARL SDN MONTMARTRE et ne peuvent lui réclamer, sur un fondement délictuel, aucune indemnité d’occupation pour une période antérieure à son entrée en jouissance contractuelle, faute d’occupation effective des lieux par cette dernière. La SARL SDN MONTMARTRE tient en effet ses droits de la SARL Kalank au regard d’une convention de cession de fonds de commerce du 28 juillet 2008 à laquelle étaient présentes l’ensemble des bailleresses. Plus précisément, les clauses « Bail » et « jouissance » de la convention stipulent que le droit d’occupation des locaux est cédé à la SARL SDN MONTMARTRE à compter de la signature de l’acte, soit le 28 juillet 2008. Au regard de la clause «Loyers», la SARL SDN MONTMARTRE s’engage donc à s’acquitter uniquement des loyers des locaux dont le droit de jouissance est cédé à compter du jour de l’entrée en jouissance. Dans la clause « déclaration du vendeur », la SARL Kalank s’engage en outre à garantir la SARL SDN MONTMARTRE en supportant intégralement tous les rappels de loyers qui s’appliqueraient à une période antérieure au jour de l’entrée en jouissance de l’acquéreur. Il en résulte clairement que la SARL SDN MONTMARTRE est redevable de l’indemnité d’occupation statutaire à compter de son entrée en jouissance, soit le 28 juillet 2008, et ce jusqu’à son départ effectif des lieux, soit le 10 février 2016. En outre, la charge de la preuve des sommes dont les précédents preneurs se sont acquittés n’incombe pas à la SARL SDN MONTMARTRE.

Les parties ne contestent pas la valeur locative retenue par l’expert à l’expiration du bail, soit 21 712 €. Il en résulte une occupation par la SARL SDN MONTMARTRE, de sept années, six mois et 13 jours, soit sur la base de la valeur locative suscitée une indemnité d’occupation totale due de 163 576,61 € qui sera arrondie par commodité à 163 577 €. En revanche, il résulte clairement de la convention de cession de fonds de commerce du 28 juillet 2008 que le bail commercial était frappé d’un refus de renouvellement aux torts du preneur sans droit à indemnité d’éviction invoqué par les bailleresses. Dès lors, la preneuse a par conséquent accepté ab initio l’aléa et la précarité résultant de son acquisition du seul droit d’occupation. Il n’y a donc pas lieu à l’application d’un abattement pour précarité.

Au visa de l’attestation du commissaire au compte [C] [L] du 23 juin 2021 produite à hauteur d’appel, les bailleresses ont reçu à titre d’indemnité d’occupation provisionnelle la somme de 171 370,87 € entre le 4 juillet 2007 et le 31 décembre 2015. Les bailleresses indiquent par ailleurs dans le corps de leurs conclusions « qu’il sera tenu compte » de cette attestation. Toutefois, ces paiement ne concernent la SARL SDN MONTMARTRE que depuis le 28 juillet 2008. Doivent donc donc être retranchés de ce montant de 171 370,87 € la somme de 8908,44 € perçu en 2007. Par ailleurs, il résulte de cette attestation qu’en 2008, 18 473,12 € ont été reçu par les bailleresses, soit mensuellement 3 694,62 €. Cependant, la preneuse n’était redevable en 2008 que d’une occupation de 5 mois et 3 jours, soit 4 052,17 € au total (loyer mensuel de 3694,52 € x 5 et de 119,18 € x 3 jours en juillet) et seule cette somme pourra être prise en compte à titre de paiement. Les paiements concernant le reste de l’année où elle ne jouissait pas des locaux, soit 14 420,95 € ne sera donc pas pris en compte au titre de ses paiements (18 473,12 € – 4 052,17 €). Dès lors, il résulte des débats que la preneuse s’est libérée à hauteur de 148 041,48 € (171 370,87 € – (8908,44 € +14 420,95 €) et reste redevable d’un reliquat indemnité d’occupation de 15 535,14 € (163 576,61 € dus ‘ 148 041,48 € payés) qu’elle sera donc condamnée à verser, au titre de l’indemnité d’occupation, à la société Wilson Finance, seul bailleur actuel et seul à solliciter l’indemnité d’occupation.

Sur les dégradations des locaux :

Il résulte des articles 1731, 1732 et 1755 code civil que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute, que s’il n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire mais que toutefois, aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

En outre, le bail prévoit en son l’article II que le locataire doit prendre les lieux dans l’état où ils se trouvent, les rendre en bon état de toutes réparations locatives et les maintenir en bon état d’entretien.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les bailleresses n’ont effectué aucun travaux dans les lieux depuis l’entrée en vigueur du bail le 1er avril 1992. La preneuse quant à elle justifie avoir exécuté d’importants travaux dans le local commercial fin 2011 pour un montant de 90 500 €.

Les photographies de l’expert annexées à son rapport révèlent des locaux dans un état correct en ce qui concerne le local commercial et des locaux abandonnés et fortement vétustes en ce qui concerne l’appartement et la pièce du 6e étage. La preneuse ne peut utilement faire valoir que ces derniers locaux auraient été illégalement occupés par des tiers dans la mesure où elle avait la responsabilité de ces locaux. Les devis produits par les bailleresses et concernant les locaux font état d’un entier ré-agencement et selon un nouveau concept du local commercial et de remises à neuf et aux normes eu égard à la vétusté s’agissant de l’appartement du 5e et de la chambre du 6e.

Il résulte cependant du constat d’huissier du 10 février 2016 réalisée à la demande de la locataire que l’appartement du 5 e étage présentait les dégradations suivantes :

– un bloc serrure inutilisable ;

– un montant de porte arraché ;

– des traces de dégât des eaux affectant les plâtrerie ;

– des carreaux de fenêtres cassés ;

et que la porte de la chambre du sixième étage se trouvait hors d’usage et fermée par une vis.

Il résulte du devis produit par les bailleresses un coût de la porte neuve entière pour la pièce au 6e étage de 1 188 €. En ce qui concerne l’appartement du 5 e étage, la réfection de l’ensemble des plâtrerie est quant à elle chiffrée à 893,33 €. Les postes correspondant aux autres dégradations ne sont pas chiffrés. Dès lors, l’estimation réalisée par les premier juge est justifiée et sera confirmée.

La preneuse sollicite la restitution du montant de son dépôt de garantie s’élevant à 6 611,56 € (43 369 Frs). Le jugement étant confirmé et la preneuse restant par ailleurs condamnée au paiement à la bailleresse d’une somme de 2 000 €, il n’y aura donc pas lieu de déduire spécifiquement du dépôt de garantie restitué cette somme, une demande de compensation étant par ailleurs formée.

Sur la demande de compensation :

Les bailleresses ne s’opposent pas à la demande de la preneuse sur ce point. La SAS Wilson Finance et la SARL SDN MONTMARTRE étant créancières l’une de l’autre, il y a lieu de constater que la compensation entre l’ensemble de leurs créances réciproques s’opère de plein droit à hauteur de la somme la plus faible.

Sur les demandes de « donner acte », « juger » et « dire » :

Par application de l’article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « donner acte », « dire » ou « juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens. Les bailleresses succombant à hauteur d’appel, il conviendra également d’autoriser Me  Fromantin, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile. En outre, il apparaît équitable de condamner solidairement la SAS Wilson Finance et la SA Cicobail à payer à la SARL SDN MONTMARTRE à la somme de 15 000 € en indemnisation de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS 

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la fin de non-recevoir présentée par la SAS Wilson Finance et la SA CICOBAIL ;

INFIRME le jugement du 4 mars 2021 du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

– condamné solidairement la société Wilson Finance et la société SC Square à payer à la société SDN Montmartre une indemnité d’éviction globale de 178.750 euros, comprenant l’indemnité principale et notamment les indemnités accessoires suivantes :

trouble commercial : 15 520 euros ;

indemnité de réinstallation : 30 000 euros ;

– condamné la société SDN Montmartre à payer aux sociétés SC Square, Wilson Finance et Cicobail, la somme de 305 000 euros à titre d’indemnité d’occupation pour la période du 1er janvier 2002 au 10 février 2016, et ce, en deniers et quittances ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur ces chefs,

CONDAMNE solidairement la SAS Wilson Finance et la SA CICOBAIL à payer à la SARL SDN MONTMARTRE la somme totale de 148 750 € au titre de l’indemnité d’éviction qui se décompose comme suit :

indemnité principale : 120 000 € ;

indemnités accessoires :

frais de remploi : 12 000 € ;

frais de réinstallation : 7 760 € ;

trouble commercial : 7 760 € ;

frais de déménagement : 1 230 € ;

CONSTATE que l’indemnité d’occupation due par la SARL SDN MONTMARTRE du 28 juillet 2008 jusqu’au 10 février 2016 s’élevait à un montant total de 163 577 € ;

CONDAMNE la SARL SDN MONTMARTRE à payer à la SAS Wilson Finance la somme de 15 535,14 € au titre du reliquat d’indemnité d’occupation dû ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes de consignation formées par la SAS Wilson Finance et la SA CICOBAIL ;

CONDAMNE la SAS Wilson Finance à payer à la SARL SDN MONTMARTRE la somme de 6 611,56 € au titre de la restitution du dépôt de garantie ;

Dit que la compensation s’opère de plein droit entre l’ensemble des créances réciproques de la SAS Wilson Finance et de la SARL SDN MONTMARTRE, à hauteur de la somme la plus faible ;

CONDAMNE la SAS Wilson Finance et la SA CICOBAIL aux dépens de l’appel et autorise Me Fromantin, avocat, à recouvrer directement ceux dont il a été fait l’avance sans recevoir de provision en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Wilson Finance et la SA CICOBAIL à payer à la SARL SDN MONTMARTRE la somme de 15 000 € au titre de l’article 70 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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