13 septembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/04412
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/04412
DBV3-V-B7F-UUFQ
AFFAIRE :
S.C.P. BTSG
C/
S.C.I. NEUILLY HÔTEL DE VILLE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 2021L00857
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Corinna KERFANT
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.C.I. NEUILLY HÔTEL DE VILLE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Corinna KERFANT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19
Représentant : Me Antoine PINEAU-BRAUDEL de la SAS CABINET PINEAU-BRAUDEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0260
APPELANTE et INTIMEE (RG 21/4422)
****************
S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître [X] [T], ès qualités de liquidateur de la société LE CARREAU DE NEUILLY
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 625
Représentant : Me Patricia LE MARCHAND de la SELARL PLM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0294 et Me Florian DE COULON DE LABROUSSE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: L0294
INTIMEE et APPELANTE (RG 21/4422)
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Mai 2022, Madame Delphine BONNET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN
La SCI Neuilly Hôtel de Ville (la société NHV), bailleresse, et la SCI Le Carreau de Neuilly, (la société LCDN), locataire, qui exerce principalement une activité de sous-location, sont liées par deux baux commerciaux :
– un acte sous seing privé à effet du 1er janvier 2010 (le bail n°1), qui fait suite à un précédent bail renouvelé à plusieurs reprises, conclu pour une durée de neuf années, soit jusqu’au 31 décembre 2018; il porte sur sept locaux à usage commercial situés [Adresse 1], moyennant un loyer annuel de 238 000 euros, hors taxes et hors charges,
– un acte sous seing privé à effet du 12 juillet 2007 (le bail n°2) conclu pour une durée de neuf années à compter du 15 juillet 2007, soit jusqu’au 14 juillet 2016, moyennant un loyer annuel de 170 775 euros, hors taxes et hors charges ; il porte sur un autre local commercial que la société LCDN sous-loue à la société Sephora suivant sous-bail commercial daté du même jour.
En réponse à une demande de renouvellement signifiée par la locataire le 16 décembre 2016, par acte d’huissier du 13 mars 2017, la société NHV a signifié à la société LCDN son refus de renouvellement du bail n°2, en lui déniant le bénéfice du statut des baux commerciaux et du droit à une indemnité d’éviction. Ce refus de renouvellement a été contesté par la société LCDN.
Par acte du 10 avril 2017, la société Sephora a notifié à la société NHV une demande directe de renouvellement du sous-bail n°2.
Par acte du 17 avril 2018, la société Sephora a assigné les sociétés NHV et LCDN devant le tribunal de grande instance de Nanterre en paiement d’une indemnité d’éviction. De son côté, la société LCDN a assigné les sociétés NHV et Sephora devant le même tribunal aux fins de juger que le bail du 12 juillet 2007 est soumis au statut des baux commerciaux et qu’il s’est renouvelé le 1er janvier 2017. Les deux procédures ont été jointes.
Par ordonnance du juge de la mise en état du 6 mai 2019, la société Sephora a été autorisée à consigner les loyers sur un compte ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations, décision infirmée par arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 18 juin 2020, aux termes duquel la société Sephora a été condamnée à payer à la société LCDN les loyers des trois premiers trimestres 2019.
Par ailleurs, par acte du 12 novembre 2018, la société NHV a fait délivrer à la société le LCDN un commandement de payer le loyer du bail n°1 pour les trois premiers trimestres 2018 pour un montant total de 168 782,11 euros.
La société LCDN a contesté ce montant et a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de voir ordonner une compensation entre les créances réciproques des parties et subsidiairement obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire.
En réponse à une demande de renouvellement signifiée par la locataire le 23 octobre 2018, par acte d’huissier en date du 18 janvier 2019, la société NHV a notifié à la société LCDN son refus de renouvellement du bail n°1, acte contenant dénégation du droit au statut des baux commerciaux. La société LCDN a également saisi le tribunal judiciaire de Nanterre afin qu’il soit jugé que le bail n°1 est soumis au statut des baux commerciaux et qu’il s’est renouvelé aux clauses et conditions antérieures pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2019.
Par jugement du 5 août 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société LCDN et a désigné la Selarl El Baze [V], prise en la personne de maître [V], et la société BTSG, mission conduite par maître [T], respectivement en qualité d’administrateur et de mandataire judiciaires.
Par requête afin de constat de résiliation des baux commerciaux, datée du 6 novembre 2020 reçue au greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 9 suivant, la société NHV a demandé au juge-commissaire, au visa de l’article L.622-14 du code de commerce, de constater la résiliation des deux baux la liant à la société LCDN pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d’ouverture du 5 août 2020.
Par ordonnance du 3 mars 2021, le juge-commissaire a rejeté la demande de la société NHV de constater la résiliation des baux commerciaux au motif qu’une contestation sérieuse était pendante devant le tribunal judiciaire concernant l’existence ou non de ces baux commerciaux.
Le 15 mars 2021, la société NHV a formé un recours contre cette ordonnance devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 5 mai 2021, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire du LCDN, mis fin à la mission de l’administrateur judiciaire et nommé la SCP BTSG, prise en la personne de maître [T], en qualité de liquidateur.
Par lettre recommandée datée du 17 mai 2021, le liquidateur a notifié à la société NHV la résiliation des deux baux commerciaux.
Par jugement contradictoire du 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– dit la société NHV recevable en son recours contre l’ordonnance rendue le 3 mars 2021 ;
– infirmé l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce qu’elle a décidé de constater (sic) [rejeter] la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°2 ;
– constaté la résiliation du bail n°2 aux termes d’un acte sous seing privé à effet du 12 juillet 2007 ;
– confirmé l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce qu’elle a décidé de rejeter la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°1 renouvelé pour une durée de 9 ans jusqu’au 31 décembre 2018 ;
– donné acte à la SCP BTSG, ès qualités, qu’elle a procédé à la résiliation du bail n°1 liant la société LCDN à la société NHV par lettre du 17 mai 2021 ;
– constaté que la résiliation du bail n°1 liant la société LCDN est intervenue le 17 mai 2021 ;
– dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens à la charge du demandeur.
Par deux déclarations du 9 juillet 2021, la société NHV d’une part et la SCP BTSG ès qualités d’autre part ont chacune interjeté un appel partiel de ce jugement. Les deux instances ont été jointes.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 mai 2022, la société NHV demande à la cour de :
– déclarer recevable et fondé l’appel qu’elle a interjeté à l’encontre du jugement ;
– infirmer ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il :
* l’a dit recevable en son recours contre l’ordonnance ;
* infirmé l’ordonnance en ce qu’elle a décidé de [rejeter] sa demande de constater la résiliation du bail n° 2 ;
statuant à nouveau des chefs déférés,
– constater la résiliation des deux baux la liant à la société LCDN (bail n°1 et bail n°2 selon la dénomination employée par le tribunal dans son jugement déféré), pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d’ouverture du 5 août 2020, à effet du 6 novembre 2020, date de la requête en constat des résiliations ;
– dire la société la SCP BTSG, ès qualités, mal fondée en toutes ses demandes et par conséquent l’en débouter ;
– condamner la SCP BTSG, ès qualités, à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et dire qu’ils seront employés en frais privilégiés de procédure ;
– la condamner aux entiers dépens de la première instance devant le juge-commissaire, de la deuxième instance devant le tribunal de commerce et de la présente instance.
La SCP BTSG, ès qualités, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 mai 2022, demande à la cour de :
sur les chefs du jugement querellé relatifs au bail n°2 (conclu par acte sous seing privé du 12 juillet 2007, pour une durée de neuf ans à compter du 15 juillet 2007, soit jusqu’au 14 juillet 2016),
– déclarer recevable et bien fondé son appel ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
* infirmé l’ordonnance en ce qu’elle a décidé de [rejeter] la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°2 ;
* constaté la résiliation du bail n°2 aux termes d’un acte sous seing privé à effet du 12 juillet 2007, pour une durée de neuf années à compter du 15 juillet 2007 soit jusqu’au 14 juillet 2016 ;
* dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
et statuant de nouveau des chefs infirmés,
à titre principal,
– lui donner acte qu’elle a procédé à la résiliation du bail n°2 liant la société LCDN à la société NHV en l’informant de sa décision de ne pas continuer ce bail, par lettre du 17 mai 2021 ;
– constater que la résiliation du bail n°2 est intervenue le 17 mai 2021 ;
– dire n’y avoir lieu de statuer sur la demande de constat de résiliation du bail n°2 formée par la société NHV ;
à titre subsidiaire,
– lui donner acte qu’elle a procédé à la résiliation du bail n°2 liant la société LCDN à la société NHV en l’informant de sa décision de ne pas continuer ce bail, par lettre du 17 mai 2021 ;
– constater que la résiliation du bail n°2 est intervenue le 17 mai 2021 ;
– déclarer la société NHV irrecevable en sa demande de voir constatée la résiliation du bail n°2 ;
sur les chefs du jugement querellé relatifs au bail n°1 (conclu par acte sous seing privé du 31 janvier 2002, avec effet rétroactif au 1er janvier 2001 pour une durée de neuf ans, soit jusqu’au 31 décembre 2009, renouvelé pour une durée de neuf ans, soit jusqu’au 31 décembre 2018),
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* confirmé l’ordonnance en ce qu’elle a décidé de rejeter la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°1 ;
* lui a donné acte qu’elle a procédé à la résiliation du bail n°1 liant la société LCDN à la société NHV par lettre du 17 mai 2021 ;
* constaté que la résiliation du bail n°1 liant la société LCDN est intervenue le 17 mai 2021 ;
y ajoutant,
– à titre principal, dire n’y avoir lieu de statuer sur la demande de constat de résiliation du bail n°1 formée par la société NHV ;
– à titre très subsidiaire, déclarer la société NHV irrecevable en sa demande de constat de la résiliation du bail n°2 ;
en tout état de cause,
– débouter la société NHV de l’ensemble de ses moyens et prétentions ;
– condamner la société NHV aux entiers dépens de la première instance devant le juge-commissaire, de la deuxième instance devant le tribunal de commerce de Nanterre et de la présente instance ;
– condamner la société NHV à lui payer une indemnité de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de la première instance devant le juge-commissaire, de la deuxième instance devant le tribunal de commerce de Nanterre et de la présente instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer les appels respectifs de la société NHV et de la SCP BTSG ès qualités recevables.
A la lecture de la déclaration d’appel et en l’absence d’appel incident sur ce point, la cour n’est pas saisie du chef du jugement ayant dit la société NHV recevable en son recours contre l’ordonnance rendue le 3 mars 2021 par le juge-commissaire.
* sur la recevabilité de la requête de la société NHV
– sur le dispositif prévu à l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020
La SCP BTSG ès qualités fait valoir que la société NHV a déposé sa requête en pleine crise sanitaire. Rappelant les dispositions de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prolongation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire et celles du décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 relatives aux bénéficiaires des dispositions précitées, la SCP BTSG ès qualités prétend que la société LCDN est éligible au dispositif de protection des preneurs dans la mesure où ses sous-locataires au titre du bail n°1, sauf un, avaient cessé de régler leurs loyers et la société Sephora n’a repris le paiement des loyers courants seulement le 15 décembre 2020. Elle affirme que la société LCDN, dont l’activité est impactée par les mesures de police administrative, peut prétendre au dispositif instauré par les textes susvisés applicables à compter du 17 octobre 2020 en sorte que la société NHV ne pouvait agir contre celle-ci en sanction pour non-paiement des loyers au 6 novembre 2020, jour du dépôt de sa requête en constat de résiliation des baux.
La société NHV réplique que la loi du 14 novembre 2020 est intervenue postérieurement à l’écoulement du délai de trois mois à compter de l’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société LCDN et qu’au 6 novembre 2020, ni la loi ni le décret n’avaient été promulgués en sorte que liquidateur judiciaire ne saurait bénéficier d’une quelconque rétroactivité de la loi. Elle fait valoir au surplus que la société LCDN, qui n’exploitait aucun local commercial et n’accueillait pas du public, n’exerçant qu’une activité immobilière de sous-location, n’est pas éligible au dispositif de report des actions instauré par la loi. Elle ajoute que la société ne peut bénéficier de droits appartenant à ses sous-locataires dont elle a continué à percevoir les sous-loyers et qu’elle n’a jamais justifié d’une baisse de 50 % de son chiffre d’affaires, critères cumulatifs instaurés par l’article 1er du décret pris pour l’application de la loi du 14 novembre 2020. Elle estime en conséquence ses demandes recevables.
Pour l’application de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire qui prévoit en son paragraphe II que ‘ Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée’, le décret n°2020-1766 du 30 décembre 2020 relatif aux bénéficiaires des dispositions de cet article 14 en précise en son paragraphe I les critères d’éligibilité : ‘les personnes physiques et morales de droit privé mentionnées au I de cet article sont celles remplissant les critères d’éligibilité suivants :
1° Leur effectif salarié est inférieur à 250 salariés ;
2° Le montant de leur chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d’euros ou, pour les activités n’ayant pas d’exercice clos, le montant de leur chiffre d’affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d’euros ;
3° Leur perte de chiffre d’affaires est d’au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II’.
Force est de constater que la SCP BTSG ès qualités ne justifie nullement que la société LCDN remplissait les critères d’éligibilité précités, notamment en ce qui concerne la perte de son chiffre d’affaires. C’est donc en vain qu’elle invoque au profit de la société LCDN le bénéfice de protection des preneurs instauré par l’article 14 précité.
– sur le principe de l’estoppel
Ensuite, la SCP BTSG ès qualités invoque le principe de l’estoppel, estimant que la société NHV se contredit en demandant à la cour de constater la résiliation des baux pour non-paiement des loyers, ce qui revient de fait à soutenir qu’ils étaient encore en vigueur à l’ouverture de la procédure collective, alors que dans les multiples instances pendantes devant le tribunal judiciaire de Nanterre, elle soutient au contraire que les baux sont arrivés à échéance bien avant l’ouverture de la procédure collective et qu’elle demande la condamnation de la société LCDN à lui verser non pas des loyers mais des indemnités d’occupation, et ce en contradiction avec ses déclarations de créance. Elle soutient que la société LCDN se trouve induite en erreur puisqu’elle ne comprend plus quelle position son adversaire soutient.
Après avoir rappelé la jurisprudence relative au principe de l’estoppel qui impose que la contradiction alléguée soit de nature à induire volontairement en erreur l’adversaire, la société NHV rappelle que la fin de non-recevoir attachée à l’estoppel sanctionne un comportement empreint de déloyauté caractérisée et de mauvaise foi procédurale, ce que le liquidateur n’a jamais démontré. Elle précise qu’elle a toujours eu l’intention de mettre un terme à la relation contractuelle et met en avant la cohérence de ses demandes les unes par rapport aux autres. Elle ajoute que la présente demande de constatation de résiliation des
baux procède de la simple défense de ses intérêts, étant confrontée à la mauvaise foi chronique d’un locataire mauvais payeur, soutenu par les organes de sa procédure collective, qui multiplie les procédures judiciaires afin d’éluder ses obligations. Elle rappelle que le constat de la résiliation des baux par le juge-commissaire est automatique dès lors que les sommes dues en exécution du bail ne sont pas réglées dans le délai de trois mois de l’ouverture de la procédure collective et que ce constat est également totalement indépendant de la procédure diligentée sur le fondement de l’article L.145-41 du code de commerce et de la signification par le bailleur, avant ou après l’ouverture de la procédure collective du locataire, d’un commandement visant la clause résolutoire, nullement requis par les textes et la jurisprudence. Enfin, elle prétend qu’il n’y a pas lieu à distinguer entre ‘loyers’ ou ‘indemnité d’occupation provisionnelle’ (égale au loyer en attendant sa fixation par le tribunal judiciaire), tous deux étant fondés sur le bail, même expiré, et que le texte de l’article L.622-14 du code de commerce vise les ‘loyers’ de façon générique, comme étant toutes sommes dues en contrepartie de l’occupation des lieux.
Le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, dit de l’estoppel, interdit à une partie d’adopter des positions procédurales incompatibles, de nature à induire l’adversaire en erreur sur ses intentions.
En l’espèce, il résulte de l’acte de refus de renouvellement signifié par la société NHV à la société LCDN le 18 janvier 2019, s’agissant du bail n°1, que la société NHV a justifié son refus de renouvellement par le fait que la société LCDN était sans droit ni titre depuis le 13 décembre 2018 par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail et a exposé subsidiairement, pour le cas où la clause résolutoire ne serait pas déclarée acquise ou encore pour le cas où ses effets seraient suspendus, qu’elle entendait, par ce même acte d’huissier du 18 janvier 2019, répondre à la demande de renouvellement signifiée par la société LCDN le 23 octobre 2018, en lui déniant le droit au statut des baux commerciaux, et, partant, du droit à une indemnité d’éviction, au motif que celle-ci n’exploite aucun fonds de commerce dans les lieux loués et enfin, qu’elle lui refusait toute indemnité d’éviction, les impayés précités constituant selon elle un motif grave et légitime au sens au sens de l’article L.145-17, I, 1° du code de commerce.
S’agissant du bail n°2, le refus de renouvellement signifié à la société LCDN le 13 mars 2017 contient également la dénégation à la locataire du bénéfice du statut des baux commerciaux.
Ces refus de renouvellement de chacun des baux font l’objet d’une procédure actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
En demandant au juge-commissaire de constater la résiliation des baux, en application de l’article L. 622-14 du code de commerce, alors que d’une part dans d’autres procédures, la société NHV soutient que les baux sont résiliés soit par l’effet de la clause résolutoire soit par l’effet de son refus de non-renouvellement et d’autre part dans ses déclarations de créances elle sollicite des indemnités d’occupation, la société NHV ne fait que préserver ses droits dans le cadre de la procédure collective et ne cherche pas à induire son adversaire en erreur quant à ses intentions. Cette fin de non-recevoir doit donc être également écartée.
En conclusion de ce qui précède, la requête de la société NHV formée devant le juge-commissaire est recevable.
* sur l’application de l’article L. 622-14 du code de commerce
Le liquidateur soutient que l’article L. 622-14 du code de commerce est sans ambiguïté et ne saurait être interprété comme donnant au juge-commissaire le pouvoir de constater la résiliation d’un bail commercial pour défaut de paiement des indemnités d’occupation, ce qui suppose qu’il n’y a plus de bail commercial en sorte que le bailleur ne peut pas se prévaloir de cette disposition. Il relève que ce sont bien des indemnités d’occupation dont la société NHV reproche à la société LCDN le non-paiement, faisant observer que ces indemnités d’occupation sont appelées à titre provisoire, dans l’attente que leur montant soit définitivement fixé par le tribunal judiciaire de Nanterre.
La société NHV réplique qu’il n’y a pas lieu à distinguer entre ‘loyers’ ou ‘indemnité d’occupation provisionnelle’, tous deux étant fondés sur le bail, fût-il même comme en l’espèce expiré, prétendant que le texte de l’article L.622-14 du code de commerce vise les ‘loyers’ de façon générique, s’agissant de toutes sommes dues en contrepartie de l’occupation des lieux. Elle rappelle à nouveau le caractère autonome et indépendant du constat de la résiliation instaurée par l’article L.622-14, et consacré par la Cour de cassation et affirme qu’il suffit uniquement à la juridiction saisie de constater si les sommes dues en contrepartie de l’occupation des locaux ont été payées, ou non, à l’expiration d’un délai de trois mois suivant l’ouverture de la procédure collective. Elle soutient que les procédures pendantes devant le tribunal judiciaire saisi de la validation des congés sans offre de paiement d’indemnités d’éviction, démontrent précisément que les baux sont toujours en cours tant qu’il n’a pas été statué. Elle précise, s’agissant de la procédure en acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers dus antérieurement à la procédure collective concernant le bail n°1, qu’elle a pris, outre des conclusions de désistement d’incident, des conclusions sollicitant du tribunal, dans l’attente de la décision du juge-commissaire sur sa déclaration de la créance antérieure, qu’il prononce un sursis à statuer dès lors que les contestations que la société LCDN soulèvera devant le juge-commissaire contraindront in fine le tribunal judiciaire de Nanterre à examiner et trancher au fond la question des loyers et charges dus à l’ouverture de la procédure collective.
L’article L. 622-14 du code de commerce dispose que : ‘Sans préjudice de l’application du I et du II de l’article L. 622-13, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient dans les conditions suivantes :
[‘]
2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement.
Si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration de ce délai, il n’y a pas lieu à résiliation.
[‘]’.
Il est constant que la résiliation du bail n°1 par l’effet de la clause résolutoire n’était pas acquise au jour de la requête du 6 novembre 2020 dès lors qu’aucune décision judiciaire passée en force de chose jugée rendue à la suite du commandement de payer délivré à la locataire n’était intervenue pour la constater, l’instance introduite par la société LCDN étant en cours au jour de la procédure collective.
S’agissant des procédures relatives au refus de renouvellement de chacun des baux, il est sollicité du tribunal judiciaire par la société NHV de dire que les refus de renouvellement contenant dénégation du droit au statut signifiés à la société LCDN sont valables et bien fondés et par la société LCDN qu’elle bénéficie du renouvellement de ces baux, en sorte que dès lors qu’aucune décision judiciaire passée en force de chose jugée n’est intervenue avant le 6 novembre 2020, date de la requête devant le juge-commissaire, les baux sont considérés comme étant toujours en cours. C’est d’ailleurs ce qu’a dit le conseiller de la mise en état de la présente cour dans son arrêt du 18 juin 2020 concernant le bail n° 2: ‘la société NHV ne peut donc soutenir, avant même que le juge ait statué sur la validité de son refus de renouvellement, que le bail conclu avec la société LCDN s’est nécessairement éteint au 31 décembre 2016’. Le même raisonnement vaut pour le bail n°1. Dans ces conditions, le bailleur peut en demander le constat de leur résiliation dès lors que les conditions de l’article L. 622-14 du code de commerce sont réunies, peu important que la société NHV dans ses déclarations de créance et dans ses appels de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure qualifie les sommes réclamées ‘d’indemnités d’occupation’.
* sur les montants appelés par la société NHV
La SCP BTSG ès qualités fait valoir que la société LCDN conteste les montants réclamés par la société NHV depuis le jugement d’ouverture de la procédure collective. Elle soutient que, outre la contestation sur le montant dû au titre du bail n°1 au regard des emplacements que la société LCDN ne peut plus sous-louer, la société NHV a modifié le montant de ses appels d’indemnités d’occupation au titre du bail n°2 puisqu’elle a appelé des indemnités d’occupation égales par provision au montant du loyer du sous-bail n°2 et non pas égale au montant du loyer principal. Le liquidateur relève également que les indemnités d’occupation dont la société NHV reproche à la société LCDN le non-paiement correspondent pour partie à une période de fermeture administrative et prétend que l’impossibilité pour la société LCDN et ses sous-locataires d’exploiter les locaux durant cette période s’apparente à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil et peut, conformément à la jurisprudence être valablement opposée au bailleur. Il estime que compte tenu de la contestation sérieuse de la société LCDN sur le quantum des sommes réclamées par la société NHV il ne saurait être fait droit à sa requête en constat de résiliation des baux.
Puis, le liquidateur soutient que la société NHV ne peut sérieusement reprocher à la société LCDN de n’avoir pas réglé les loyers avant le 5 novembre 2020 au titre du bail n°2, la situation découlant de son comportement fautif résultant du fait que la société NHV avait obtenu de la société Sephora qu’elle lui verse directement entre ses mains les loyers du sous-bail.
Enfin, la SCP BTSG ès qualités allègue des manoeuvres dolosives de la société NHV pour faire échouer la procédure de sauvegarde, soutenant que la société LCDN et l’administrateur judiciaire n’ont appris l’existence de sa requête du 6 novembre 2020 en constat de résiliation des baux que par hasard et que le bailleur a par ailleurs mis en demeure les sous-locataires de lui régler directement toutes sommes dues à la société LCDN en présentant la situation locative de façon tout à fait partiale puisqu’elle a éludé les procédures pendantes devant le tribunal judiciaire de Nanterre et en les menaçant de sanctions.
La société NHV soutient qu’au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde, la société LCDN disposait de la trésorerie nécessaire pour payer les loyers et affirme que les défauts de paiement sont caractérisés. Elle prétend, s’agissant du bail n°1, qu’au 5 novembre 2020, le compte locatif se trouvait débiteur de 96 215,35 euros, ce que le tribunal devait constater alors qu’il a opéré un décompte général arrêté au premier trimestre 2021. Elle reproche également à la juridiction d’avoir réduit l’assiette des sommes dues par la société LCDN au seul prorata des surfaces effectivement sous-louées en procédant à une réfaction proportionnelle du loyer alors que l’administrateur judiciaire n’a pas voulu rendre les clefs des locaux alors même qu’il savait ne pas disposer des fonds suffisants pour continuer le bail.
S’agissant du bail n°2, la société NHV soutient que la société LCDN ne s’est acquittée d’aucune somme et que son compte locatif était débiteur au 5 novembre 2020 de 144 246,32 euros. Elle précise que c’est la société Sephora qui a demandé de payer ses sous-loyers entre ses mains.
Elle affirme que la loi ne permet pas la régularisation des défauts de paiement des loyers et charges postérieurs, après le terme du délai de trois mois de l’ouverture de la procédure collective, les paiements tardifs étant inopérants pour faire échec au constat automatique de la résiliation des baux. Elle ajoute que l’inoccupation d’une partie des locaux donnés à bail ne peut donner lieu à une baisse proportionnelle du loyer principal dû.
Elle réfute l’argument tiré de prétendues manoeuvres dolosives, soutenant que ‘la turpitude est souvent l’apanage de ceux qui prétendent la dénoncer’.
Il convient avant d’examiner la situation de chacun des baux de rappeler que, conformément à ce qu’a jugé la Cour de cassation dans ses arrêts rendus le 30 juin 2022, (notamment pourvoi n° 21-19 889) la fermeture administrative des commerces liée à la pandémie de Covid-19 ne peut être assimilée à une perte de la chose et le preneur ne peut s’en prévaloir pour s’exonérer de son obligation de payer les loyers.
– sur le bail n°1
Au 6 novembre 2020, il était dû :
– le prorata du 3ème trimestre 2020, exigible le 5 août 2020 : 50 292,76 euros
– le 4ème trimestre 2020, exigible le 1er octobre 2020 : 88 979,51 euros
soit un montant total de 139 272,27 euros, étant précisé qu’il n’y a pas lieu d’appliquer un prorata sur les espaces non loués.
La société LCDN s’est acquittée le 3 novembre 2020 de la somme de 43 056,92 euros soit un solde dû au 6 novembre 2020 de 96 215,35 euros.
La société LCDN a contesté ce montant et a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de voir ordonner une compensation entre les créances réciproques des parties et subsidiairement obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire.
En réponse à une demande de renouvellement signifiée par la locataire le 23 octobre 2018, par acte d’huissier en date du 18 janvier 2019, la société NHV a notifié à la société LCDN son refus de renouvellement du bail n°1, acte contenant dénégation du droit au statut des baux commerciaux. La société LCDN a également saisi le tribunal judiciaire de Nanterre afin qu’il soit jugé que le bail n°1 est soumis au statut des baux commerciaux et qu’il s’est renouvelé aux clauses et conditions antérieures pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2019.
Par jugement du 5 août 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société LCDN et a désigné la Selarl El Baze [V], prise en la personne de maître [V], et la société BTSG, mission conduite par maître [T], respectivement en qualité d’administrateur et de mandataire judiciaires.
Par requête afin de constat de résiliation des baux commerciaux, datée du 6 novembre 2020 reçue au greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 9 suivant, la société NHV a demandé au juge-commissaire, au visa de l’article L.622-14 du code de commerce, de constater la résiliation des deux baux la liant à la société LCDN pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d’ouverture du 5 août 2020.
Par ordonnance du 3 mars 2021, le juge-commissaire a rejeté la demande de la société NHV de constater la résiliation des baux commerciaux au motif qu’une contestation sérieuse était pendante devant le tribunal judiciaire concernant l’existence ou non de ces baux commerciaux.
Le 15 mars 2021, la société NHV a formé un recours contre cette ordonnance devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 5 mai 2021, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire du LCDN, mis fin à la mission de l’administrateur judiciaire et nommé la SCP BTSG, prise en la personne de maître [T], en qualité de liquidateur.
Par lettre recommandée datée du 17 mai 2021, le liquidateur a notifié à la société NHV la résiliation des deux baux commerciaux.
Par jugement contradictoire du 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– dit la société NHV recevable en son recours contre l’ordonnance rendue le 3 mars 2021 ;
– infirmé l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce qu’elle a décidé de constater (sic) [rejeter] la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°2 ;
– constaté la résiliation du bail n°2 aux termes d’un acte sous seing privé à effet du 12 juillet 2007 ;
– confirmé l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce qu’elle a décidé de rejeter la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°1 renouvelé pour une durée de 9 ans jusqu’au 31 décembre 2018 ;
– donné acte à la SCP BTSG, ès qualités, qu’elle a procédé à la résiliation du bail n°1 liant la société LCDN à la société NHV par lettre du 17 mai 2021 ;
– constaté que la résiliation du bail n°1 liant la société LCDN est intervenue le 17 mai 2021 ;
– dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les dépens à la charge du demandeur.
Par deux déclarations du 9 juillet 2021, la société NHV d’une part et la SCP BTSG ès qualités d’autre part ont chacune interjeté un appel partiel de ce jugement. Les deux instances ont été jointes.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 mai 2022, la société NHV demande à la cour de :
– déclarer recevable et fondé l’appel qu’elle a interjeté à l’encontre du jugement ;
– infirmer ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il :
* l’a dit recevable en son recours contre l’ordonnance ;
* infirmé l’ordonnance en ce qu’elle a décidé de [rejeter] sa demande de constater la résiliation du bail n° 2 ;
statuant à nouveau des chefs déférés,
– constater la résiliation des deux baux la liant à la société LCDN (bail n°1 et bail n°2 selon la dénomination employée par le tribunal dans son jugement déféré), pour défaut de paiement des loyers et charges postérieurs au jugement d’ouverture du 5 août 2020, à effet du 6 novembre 2020, date de la requête en constat des résiliations ;
– dire la société la SCP BTSG, ès qualités, mal fondée en toutes ses demandes et par conséquent l’en débouter ;
– condamner la SCP BTSG, ès qualités, à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et dire qu’ils seront employés en frais privilégiés de procédure ;
– la condamner aux entiers dépens de la première instance devant le juge-commissaire, de la deuxième instance devant le tribunal de commerce et de la présente instance.
La SCP BTSG, ès qualités, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 mai 2022, demande à la cour de :
sur les chefs du jugement querellé relatifs au bail n°2 (conclu par acte sous seing privé du 12 juillet 2007, pour une durée de neuf ans à compter du 15 juillet 2007, soit jusqu’au 14 juillet 2016),
– déclarer recevable et bien fondé son appel ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
* infirmé l’ordonnance en ce qu’elle a décidé de [rejeter] la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°2 ;
* constaté la résiliation du bail n°2 aux termes d’un acte sous seing privé à effet du 12 juillet 2007, pour une durée de neuf années à compter du 15 juillet 2007 soit jusqu’au 14 juillet 2016 ;
* dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
et statuant de nouveau des chefs infirmés,
à titre principal,
– lui donner acte qu’elle a procédé à la résiliation du bail n°2 liant la société LCDN à la société NHV en l’informant de sa décision de ne pas continuer ce bail, par lettre du 17 mai 2021 ;
– constater que la résiliation du bail n°2 est intervenue le 17 mai 2021 ;
– dire n’y avoir lieu de statuer sur la demande de constat de résiliation du bail n°2 formée par la société NHV ;
à titre subsidiaire,
– lui donner acte qu’elle a procédé à la résiliation du bail n°2 liant la société LCDN à la société NHV en l’informant de sa décision de ne pas continuer ce bail, par lettre du 17 mai 2021 ;
– constater que la résiliation du bail n°2 est intervenue le 17 mai 2021 ;
– déclarer la société NHV irrecevable en sa demande de voir constatée la résiliation du bail n°2 ;
sur les chefs du jugement querellé relatifs au bail n°1 (conclu par acte sous seing privé du 31 janvier 2002, avec effet rétroactif au 1er janvier 2001 pour une durée de neuf ans, soit jusqu’au 31 décembre 2009, renouvelé pour une durée de neuf ans, soit jusqu’au 31 décembre 2018),
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* confirmé l’ordonnance en ce qu’elle a décidé de rejeter la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°1 ;
* lui a donné acte qu’elle a procédé à la résiliation du bail n°1 liant la société LCDN à la société NHV par lettre du 17 mai 2021 ;
* constaté que la résiliation du bail n°1 liant la société LCDN est intervenue le 17 mai 2021 ;
y ajoutant,
– à titre principal, dire n’y avoir lieu de statuer sur la demande de constat de résiliation du bail n°1 formée par la société NHV ;
– à titre très subsidiaire, déclarer la société NHV irrecevable en sa demande de constat de la résiliation du bail n°2 ;
en tout état de cause,
– débouter la société NHV de l’ensemble de ses moyens et prétentions ;
– condamner la société NHV aux entiers dépens de la première instance devant le juge-commissaire, de la deuxième instance devant le tribunal de commerce de Nanterre et de la présente instance ;
– condamner la société NHV à lui payer une indemnité de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de la première instance devant le juge-commissaire, de la deuxième instance devant le tribunal de commerce de Nanterre et de la présente instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer les appels respectifs de la société NHV et de la SCP BTSG ès qualités recevables.
A la lecture de la déclaration d’appel et en l’absence d’appel incident sur ce point, la cour n’est pas saisie du chef du jugement ayant dit la société NHV recevable en son recours contre l’ordonnance rendue le 3 mars 2021 par le juge-commissaire.
* sur la recevabilité de la requête de la société NHV
– sur le dispositif prévu à l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020
La SCP BTSG ès qualités fait valoir que la société NHV a déposé sa requête en pleine crise sanitaire. Rappelant les dispositions de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prolongation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire et celles du décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 relatives aux bénéficiaires des dispositions précitées, la SCP BTSG ès qualités prétend que la société LCDN est éligible au dispositif de protection des preneurs dans la mesure où ses sous-locataires au titre du bail n°1, sauf un, avaient cessé de régler leurs loyers et la société Sephora n’a repris le paiement des loyers courants seulement le 15 décembre 2020. Elle affirme que la société LCDN, dont l’activité est impactée par les mesures de police administrative, peut prétendre au dispositif instauré par les textes susvisés applicables à compter du 17 octobre 2020 en sorte que la société NHV ne pouvait agir contre celle-ci en sanction pour non-paiement des loyers au 6 novembre 2020, jour du dépôt de sa requête en constat de résiliation des baux.
La société NHV réplique que la loi du 14 novembre 2020 est intervenue postérieurement à l’écoulement du délai de trois mois à compter de l’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société LCDN et qu’au 6 novembre 2020, ni la loi ni le décret n’avaient été promulgués en sorte que liquidateur judiciaire ne saurait bénéficier d’une quelconque rétroactivité de la loi. Elle fait valoir au surplus que la société LCDN, qui n’exploitait aucun local commercial et n’accueillait pas du public, n’exerçant qu’une activité immobilière de sous-location, n’est pas éligible au dispositif de report des actions instauré par la loi. Elle ajoute que la société ne peut bénéficier de droits appartenant à ses sous-locataires dont elle a continué à percevoir les sous-loyers et qu’elle n’a jamais justifié d’une baisse de 50 % de son chiffre d’affaires, critères cumulatifs instaurés par l’article 1er du décret pris pour l’application de la loi du 14 novembre 2020. Elle estime en conséquence ses demandes recevables.
Pour l’application de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire qui prévoit en son paragraphe II que ‘ Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée’, le décret n°2020-1766 du 30 décembre 2020 relatif aux bénéficiaires des dispositions de cet article 14 en précise en son paragraphe I les critères d’éligibilité : ‘les personnes physiques et morales de droit privé mentionnées au I de cet article sont celles remplissant les critères d’éligibilité suivants :
1° Leur effectif salarié est inférieur à 250 salariés ;
2° Le montant de leur chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d’euros ou, pour les activités n’ayant pas d’exercice clos, le montant de leur chiffre d’affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d’euros ;
3° Leur perte de chiffre d’affaires est d’au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II’.
Force est de constater que la SCP BTSG ès qualités ne justifie nullement que la société LCDN remplissait les critères d’éligibilité précités, notamment en ce qui concerne la perte de son chiffre d’affaires. C’est donc en vain qu’elle invoque au profit de la société LCDN le bénéfice de protection des preneurs instauré par l’article 14 précité.
– sur le principe de l’estoppel
Ensuite, la SCP BTSG ès qualités invoque le principe de l’estoppel, estimant que la société NHV se contredit en demandant à la cour de constater la résiliation des baux pour non-paiement des loyers, ce qui revient de fait à soutenir qu’ils étaient encore en vigueur à l’ouverture de la procédure collective, alors que dans les multiples instances pendantes devant le tribunal judiciaire de Nanterre, elle soutient au contraire que les baux sont arrivés à échéance bien avant l’ouverture de la procédure collective et qu’elle demande la condamnation de la société LCDN à lui verser non pas des loyers mais des indemnités d’occupation, et ce en contradiction avec ses déclarations de créance. Elle soutient que la société LCDN se trouve induite en erreur puisqu’elle ne comprend plus quelle position son adversaire soutient.
Après avoir rappelé la jurisprudence relative au principe de l’estoppel qui impose que la contradiction alléguée soit de nature à induire volontairement en erreur l’adversaire, la société NHV rappelle que la fin de non-recevoir attachée à l’estoppel sanctionne un comportement empreint de déloyauté caractérisée et de mauvaise foi procédurale, ce que le liquidateur n’a jamais démontré. Elle précise qu’elle a toujours eu l’intention de mettre un terme à la relation contractuelle et met en avant la cohérence de ses demandes les unes par rapport aux autres. Elle ajoute que la présente demande de constatation de résiliation des
baux procède de la simple défense de ses intérêts, étant confrontée à la mauvaise foi chronique d’un locataire mauvais payeur, soutenu par les organes de sa procédure collective, qui multiplie les procédures judiciaires afin d’éluder ses obligations. Elle rappelle que le constat de la résiliation des baux par le juge-commissaire est automatique dès lors que les sommes dues en exécution du bail ne sont pas réglées dans le délai de trois mois de l’ouverture de la procédure collective et que ce constat est également totalement indépendant de la procédure diligentée sur le fondement de l’article L.145-41 du code de commerce et de la signification par le bailleur, avant ou après l’ouverture de la procédure collective du locataire, d’un commandement visant la clause résolutoire, nullement requis par les textes et la jurisprudence. Enfin, elle prétend qu’il n’y a pas lieu à distinguer entre ‘loyers’ ou ‘indemnité d’occupation provisionnelle’ (égale au loyer en attendant sa fixation par le tribunal judiciaire), tous deux étant fondés sur le bail, même expiré, et que le texte de l’article L.622-14 du code de commerce vise les ‘loyers’ de façon générique, comme étant toutes sommes dues en contrepartie de l’occupation des lieux.
Le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, dit de l’estoppel, interdit à une partie d’adopter des positions procédurales incompatibles, de nature à induire l’adversaire en erreur sur ses intentions.
En l’espèce, il résulte de l’acte de refus de renouvellement signifié par la société NHV à la société LCDN le 18 janvier 2019, s’agissant du bail n°1, que la société NHV a justifié son refus de renouvellement par le fait que la société LCDN était sans droit ni titre depuis le 13 décembre 2018 par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail et a exposé subsidiairement, pour le cas où la clause résolutoire ne serait pas déclarée acquise ou encore pour le cas où ses effets seraient suspendus, qu’elle entendait, par ce même acte d’huissier du 18 janvier 2019, répondre à la demande de renouvellement signifiée par la société LCDN le 23 octobre 2018, en lui déniant le droit au statut des baux commerciaux, et, partant, du droit à une indemnité d’éviction, au motif que celle-ci n’exploite aucun fonds de commerce dans les lieux loués et enfin, qu’elle lui refusait toute indemnité d’éviction, les impayés précités constituant selon elle un motif grave et légitime au sens au sens de l’article L.145-17, I, 1° du code de commerce.
S’agissant du bail n°2, le refus de renouvellement signifié à la société LCDN le 13 mars 2017 contient également la dénégation à la locataire du bénéfice du statut des baux commerciaux.
Ces refus de renouvellement de chacun des baux font l’objet d’une procédure actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
En demandant au juge-commissaire de constater la résiliation des baux, en application de l’article L. 622-14 du code de commerce, alors que d’une part dans d’autres procédures, la société NHV soutient que les baux sont résiliés soit par l’effet de la clause résolutoire soit par l’effet de son refus de non-renouvellement et d’autre part dans ses déclarations de créances elle sollicite des indemnités d’occupation, la société NHV ne fait que préserver ses droits dans le cadre de la procédure collective et ne cherche pas à induire son adversaire en erreur quant à ses intentions. Cette fin de non-recevoir doit donc être également écartée.
En conclusion de ce qui précède, la requête de la société NHV formée devant le juge-commissaire est recevable.
* sur l’application de l’article L. 622-14 du code de commerce
Le liquidateur soutient que l’article L. 622-14 du code de commerce est sans ambiguïté et ne saurait être interprété comme donnant au juge-commissaire le pouvoir de constater la résiliation d’un bail commercial pour défaut de paiement des indemnités d’occupation, ce qui suppose qu’il n’y a plus de bail commercial en sorte que le bailleur ne peut pas se prévaloir de cette disposition. Il relève que ce sont bien des indemnités d’occupation dont la société NHV reproche à la société LCDN le non-paiement, faisant observer que ces indemnités d’occupation sont appelées à titre provisoire, dans l’attente que leur montant soit définitivement fixé par le tribunal judiciaire de Nanterre.
La société NHV réplique qu’il n’y a pas lieu à distinguer entre ‘loyers’ ou ‘indemnité d’occupation provisionnelle’, tous deux étant fondés sur le bail, fût-il même comme en l’espèce expiré, prétendant que le texte de l’article L.622-14 du code de commerce vise les ‘loyers’ de façon générique, s’agissant de toutes sommes dues en contrepartie de l’occupation des lieux. Elle rappelle à nouveau le caractère autonome et indépendant du constat de la résiliation instaurée par l’article L.622-14, et consacré par la Cour de cassation et affirme qu’il suffit uniquement à la juridiction saisie de constater si les sommes dues en contrepartie de l’occupation des locaux ont été payées, ou non, à l’expiration d’un délai de trois mois suivant l’ouverture de la procédure collective. Elle soutient que les procédures pendantes devant le tribunal judiciaire saisi de la validation des congés sans offre de paiement d’indemnités d’éviction, démontrent précisément que les baux sont toujours en cours tant qu’il n’a pas été statué. Elle précise, s’agissant de la procédure en acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers dus antérieurement à la procédure collective concernant le bail n°1, qu’elle a pris, outre des conclusions de désistement d’incident, des conclusions sollicitant du tribunal, dans l’attente de la décision du juge-commissaire sur sa déclaration de la créance antérieure, qu’il prononce un sursis à statuer dès lors que les contestations que la société LCDN soulèvera devant le juge-commissaire contraindront in fine le tribunal judiciaire de Nanterre à examiner et trancher au fond la question des loyers et charges dus à l’ouverture de la procédure collective.
L’article L. 622-14 du code de commerce dispose que : ‘Sans préjudice de l’application du I et du II de l’article L. 622-13, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient dans les conditions suivantes :
[‘]
2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement.
Si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration de ce délai, il n’y a pas lieu à résiliation.
[‘]’.
Il est constant que la résiliation du bail n°1 par l’effet de la clause résolutoire n’était pas acquise au jour de la requête du 6 novembre 2020 dès lors qu’aucune décision judiciaire passée en force de chose jugée rendue à la suite du commandement de payer délivré à la locataire n’était intervenue pour la constater, l’instance introduite par la société LCDN étant en cours au jour de la procédure collective.
S’agissant des procédures relatives au refus de renouvellement de chacun des baux, il est sollicité du tribunal judiciaire par la société NHV de dire que les refus de renouvellement contenant dénégation du droit au statut signifiés à la société LCDN sont valables et bien fondés et par la société LCDN qu’elle bénéficie du renouvellement de ces baux, en sorte que dès lors qu’aucune décision judiciaire passée en force de chose jugée n’est intervenue avant le 6 novembre 2020, date de la requête devant le juge-commissaire, les baux sont considérés comme étant toujours en cours. C’est d’ailleurs ce qu’a dit le conseiller de la mise en état de la présente cour dans son arrêt du 18 juin 2020 concernant le bail n° 2: ‘la société NHV ne peut donc soutenir, avant même que le juge ait statué sur la validité de son refus de renouvellement, que le bail conclu avec la société LCDN s’est nécessairement éteint au 31 décembre 2016’. Le même raisonnement vaut pour le bail n°1. Dans ces conditions, le bailleur peut en demander le constat de leur résiliation dès lors que les conditions de l’article L. 622-14 du code de commerce sont réunies, peu important que la société NHV dans ses déclarations de créance et dans ses appels de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure qualifie les sommes réclamées ‘d’indemnités d’occupation’.
* sur les montants appelés par la société NHV
La SCP BTSG ès qualités fait valoir que la société LCDN conteste les montants réclamés par la société NHV depuis le jugement d’ouverture de la procédure collective. Elle soutient que, outre la contestation sur le montant dû au titre du bail n°1 au regard des emplacements que la société LCDN ne peut plus sous-louer, la société NHV a modifié le montant de ses appels d’indemnités d’occupation au titre du bail n°2 puisqu’elle a appelé des indemnités d’occupation égales par provision au montant du loyer du sous-bail n°2 et non pas égale au montant du loyer principal. Le liquidateur relève également que les indemnités d’occupation dont la société NHV reproche à la société LCDN le non-paiement correspondent pour partie à une période de fermeture administrative et prétend que l’impossibilité pour la société LCDN et ses sous-locataires d’exploiter les locaux durant cette période s’apparente à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil et peut, conformément à la jurisprudence être valablement opposée au bailleur. Il estime que compte tenu de la contestation sérieuse de la société LCDN sur le quantum des sommes réclamées par la société NHV il ne saurait être fait droit à sa requête en constat de résiliation des baux.
Puis, le liquidateur soutient que la société NHV ne peut sérieusement reprocher à la société LCDN de n’avoir pas réglé les loyers avant le 5 novembre 2020 au titre du bail n°2, la situation découlant de son comportement fautif résultant du fait que la société NHV avait obtenu de la société Sephora qu’elle lui verse directement entre ses mains les loyers du sous-bail.
Enfin, la SCP BTSG ès qualités allègue des manoeuvres dolosives de la société NHV pour faire échouer la procédure de sauvegarde, soutenant que la société LCDN et l’administrateur judiciaire n’ont appris l’existence de sa requête du 6 novembre 2020 en constat de résiliation des baux que par hasard et que le bailleur a par ailleurs mis en demeure les sous-locataires de lui régler directement toutes sommes dues à la société LCDN en présentant la situation locative de façon tout à fait partiale puisqu’elle a éludé les procédures pendantes devant le tribunal judiciaire de Nanterre et en les menaçant de sanctions.
La société NHV soutient qu’au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde, la société LCDN disposait de la trésorerie nécessaire pour payer les loyers et affirme que les défauts de paiement sont caractérisés. Elle prétend, s’agissant du bail n°1, qu’au 5 novembre 2020, le compte locatif se trouvait débiteur de 96 215,35 euros, ce que le tribunal devait constater alors qu’il a opéré un décompte général arrêté au premier trimestre 2021. Elle reproche également à la juridiction d’avoir réduit l’assiette des sommes dues par la société LCDN au seul prorata des surfaces effectivement sous-louées en procédant à une réfaction proportionnelle du loyer alors que l’administrateur judiciaire n’a pas voulu rendre les clefs des locaux alors même qu’il savait ne pas disposer des fonds suffisants pour continuer le bail.
S’agissant du bail n°2, la société NHV soutient que la société LCDN ne s’est acquittée d’aucune somme et que son compte locatif était débiteur au 5 novembre 2020 de 144 246,32 euros. Elle précise que c’est la société Sephora qui a demandé de payer ses sous-loyers entre ses mains.
Elle affirme que la loi ne permet pas la régularisation des défauts de paiement des loyers et charges postérieurs, après le terme du délai de trois mois de l’ouverture de la procédure collective, les paiements tardifs étant inopérants pour faire échec au constat automatique de la résiliation des baux. Elle ajoute que l’inoccupation d’une partie des locaux donnés à bail ne peut donner lieu à une baisse proportionnelle du loyer principal dû.
Elle réfute l’argument tiré de prétendues manoeuvres dolosives, soutenant que ‘la turpitude est souvent l’apanage de ceux qui prétendent la dénoncer’.
Il convient avant d’examiner la situation de chacun des baux de rappeler que, conformément à ce qu’a jugé la Cour de cassation dans ses arrêts rendus le 30 juin 2022, (notamment pourvoi n° 21-19 889) la fermeture administrative des commerces liée à la pandémie de Covid-19 ne peut être assimilée à une perte de la chose et le preneur ne peut s’en prévaloir pour s’exonérer de son obligation de payer les loyers.
– sur le bail n°1
Au 6 novembre 2020, il était dû :
– le prorata du 3ème trimestre 2020, exigible le 5 août 2020 : 50 292,76 euros
– le 4ème trimestre 2020, exigible le 1er octobre 2020 : 88 979,51 euros
soit un montant total de 139 272,27 euros, étant précisé qu’il n’y a pas lieu d’appliquer un prorata sur les espaces non loués.
La société LCDN s’est acquittée le 3 novembre 2020 de la somme de 43 056,92 euros soit un solde dû au 6 novembre 2020 de 96 215,35 euros.
Le fait pour le bailleur d’avoir adressé aux sous-locataires du bail n°1 des lettres de mise en demeure de lui régler directement le loyer, le 6 novembre 2020, réitérées les 5 janvier 2021 et 20 avril 2021, est sans incidence sur la situation locative en sorte que l’argument du liquidateur tenant aux manoeuvres du bailleur est inopérant.
En conséquence du non-paiement à bonne date des loyers et charges afférents à l’occupation postérieure au jugement d’ouverture, la résiliation de plein droit de ce bail n°1 est encourue, ce que le juge-commissaire puis le tribunal, qui ne pouvait pas tenir compte du paiement intervenu le 19 novembre 2020, devaient constater.
Il convient par conséquent d’infirmer le jugement de ce chef et de constater la résiliation du bail n°1 au 6 novembre 2020.
– sur le bail n°2
Au 6 novembre 2020, il était dû :
– le prorata du 3ème trimestre 2020, exigible le 5 août 2020 : 51 324,38 euros
– le 4ème trimestre 2020, exigible le 1er octobre 2020 : 92 921,94 euros,
soit un montant total de 144 246,32 euros.
Aucune somme n’a été réglée par la société LCDN à ce titre et c’est vainement qu’elle invoque le fait que la société Sephora avait été autorisée par ordonnance du juge de la mise en état du 6 mai 2019 à consigner les loyers sur un compte ouvert auprès de la Caisse des dépôt et consignations dès lors que cette décision a été infirmée avant l’ouverture de la procédure collective, par arrêt du 18 juin 2020 et qu’il appartenait à la société LCDN de régler les loyers directement entre les mains de la société NHV.
C’est donc à juste titre que le tribunal a constaté la résiliation du bail n°2 ; il convient donc de confirmer la décision de ce chef mais d’y ajouter la précision ‘au 6 novembre 2020’.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine,
Déclare les appels recevables ;
Infirme le jugement en ce qu’il a confirmé l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce qu’elle a rejeté la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°1, en ce qu’il a constaté que la résiliation de ce bail n°1 est intervenue le 17 mai 2021 et en ce qu’il a mis les dépens à la charge du demandeur ;
Statuant de nouveau de ces chefs,
Infirme l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce qu’elle a rejeté la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°1 ;
Constate la résiliation au 6 novembre 2020 du bail n°1 conclu par acte sous seing privé à effet du 1er janvier 2010 ;
Confirme le jugement en ce qu’il a infirmé l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce qu’elle a rejeté la demande de la société NHV de constater la résiliation du bail n°2, constaté la résiliation du bail n°2 conclu par acte sous seing privé à effet du 12 juillet 2007 et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
y ajoutant,
Déclare la requête présentée par la société NHV devant le juge-commissaire recevable ;
Dit que le bail n° 2 s’est trouvé résilié au 6 novembre 2020 ;
Dit que les dépens devant le juge-commissaire, de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;
Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,