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13 juin 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/02085
GLQ/KG
MINUTE N° 23/532
Copie exécutoire
aux avocats
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 13 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/02085
N° Portalis DBVW-V-B7G-H3CA
Décision déférée à la Cour : 12 Mai 2017 par la formation paritaire du Conseil des prud’hommes de Metz
APPELANTS :
Monsieur [X] [L]
[Adresse 4] à [Localité 3]
Le Syndicat FILPAC CGT MOSELLE, syndicat des travailleurs du livre, du papier et de la communication CGT de la Moselle
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1] à [Localité 2]
Représentés par Me Guillaume HARTER, Avocat à la Cour
INTIMÉE :
S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE
prise en la personne de son représentant légal,
[Adresse 6] à
[Localité 5]
Représentée par Me Orlane AUER, Avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. PALLIERES et M. LE QUINQUIS, Conseillers.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat à durée indéterminée du 1er mars 1989, la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE a embauché M. [X] [L] en qualité d’attaché technico-commercial. A compter du 1er janvier 2012, il a été promu au poste de responsable de clientèle master, statut cadre.
M. [X] [L] a été désigné représentant syndical au comité d’entreprise pour le syndicat CGT jusqu’au 27 août 2014. Du 19 mars au 18 septembre 2015, il a par ailleurs bénéficié d’une période de protection attachée à sa candidature aux élections professionnelles sur la liste déposée par le même syndicat. Il a également été désigné représentant syndical au comité de groupe le 28 octobre 2015, postérieurement à sa convocation pour un entretien préalable à un éventuel licenciement par courriers des 19 et 21 octobre 2015.
Par courrier du 23 novembre 2015, la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE a notifié à M. [X] [L] son licenciement pour faute simple.
Le 29 janvier 2016, M. [X] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz pour contester son licenciement et obtenir le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires.
Par acte déposé le 08 février 2016, le syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT FILPAC de Moselle a déclaré intervenir volontairement à l’instance.
Par jugement du 12 mai 2017, le conseil de prud’hommes a :
– dit que la discrimination syndicale n’est pas démontrée,
– dit que les griefs du licenciement sont intervenus en dehors de la période de protection et que la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE n’avait pas à solliciter l’autorisation de licencier M. [X] [L] auprès de l’inspection du travail,
– dit que le licenciement de M. [X] [L] est un licenciement pour faute,
– dit que la convention de forfait jours est opposable au salarié,
– débouté M. [X] [L] de ses demandes,
– débouté le syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT FILPAC de Moselle de sa demande de dommages et intérêts,
– condamné M. [X] [L] aux dépens,
– débouté la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 11 février 2020, la cour d’appel de Metz a infirmé le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [X] [L] de sa demande au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur et, statuant à nouveau, a :
– dit que les faits reprochés à M. [X] [L] ont été commis pour partie pendant la période de protection,
– déclaré nul le licenciement de M. [X] [L] pour défaut d’autorisation de l’inspecteur du travail,
– ordonné la réintégration de M. [X] [L] au sein de la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE,
– condamné la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à payer à M. [X] [L] les sommes suivantes :
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de son statut protecteur,
* 121 000 euros bruts à titre d’indemnité correspondant aux salaires que l’intéressé aurait perçus entre le 24 février 2016 et le 30 avril 2019,
* une indemnité mensuelle brute de 3 186 euros à compter de la signification de l’arrêt jusqu’à la réintégration de M. [X] [L],
– déclaré la convention de forfait jours inopposable à M. [X] [L],
– condamné la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à payer à le syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT FILPAC de Moselle la somme de
1 euro à titre de dommages et intérêts,
– condamné la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE aux dépens d’appel et de première instance ainsi qu’au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 16 février 2022, la Cour de cassation a :
– cassé et annulé l’arrêt du 11 février 2020 sauf en ce qu’il a déclaré la convention de forfait jours inopposable à M. [X] [L],
– remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties en l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt,
– les a renvoyées devant la cour d’appel de Colmar.
M. [X] [L] a saisi la cour d’appel de Colmar d’une demande de reprise d’instance après cassation le 19 mai 2022.
Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 09février 2023, M. [X] [L] et le syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT FILPAC demandent à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Metz en ce qu’il a :
– dit que la discrimination syndicale n’est pas démontrée,
– dit que les griefs du licenciement sont intervenus en dehors de la période de protection et que la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE n’avait pas à solliciter l’autorisation de licencier M. [X] [L] auprès de l’inspection du travail,
– dit que le licenciement de M. [X] [L] est un licenciement pour faute,
– débouté M. [X] [L] de sa demande de paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateur pour les années 2013, 2014 et 2015,
– débouté M. [X] [L] de ses demandes,
– débouté le syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT FILPAC de Moselle de sa demande de dommages et intérêts.
Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de :
– dire que les griefs de la lettre de licenciement sont intervenus pendant la période de protection et que la société aurait dû solliciter l’autorisation de licencier M. [X] [L] auprès de l’inspection du travail,
– juger que M. [X] [L] a fait l’objet de discrimination syndicale,
– prononcer la nullité du licenciement,
– ordonner la réintégration de M. [X] [L] dans les effectifs de la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 259 052,39 euros bruts à titre d’indemnité d’éviction courant sur la période de nullité, soit du 24 février 2016 au
11 février 2020 et à compter du 1er mai 2022 jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir, outre la somme de 22 832,03 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme mensuelle de 7 414,67 euros bruts à compter de l’arrêt à intervenir jusqu’à la date de réintégration effective,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la discrimination subie.
A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de :
– juger que le licenciement notifié par la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à l’encontre de M. [X] [L] est dénué de cause réelle et sérieuse,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 177 952 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail.
En tout état de cause, ils demandent à la cour de :
– fixer le salaire mensuel de référence de M. [X] [L] à la somme 7 414,68 euros bruts,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 34 643,07 euros bruts à titre d’heures supplémentaires pour l’année 2013, outre la somme de 3 464,30 euros bruts de congés payés afférents,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 34 643,07 euros bruts à titre d’heures supplémentaires pour l’année 2014, outre la somme de 3 464,30 euros bruts de congés payés afférents,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 29 572,04 euros bruts à titre d’heures supplémentaires pour l’année 2015, outre la somme de 2 957,20 euros bruts de congés payés afférents,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 21 201,07 euros bruts à titre de repos compensateur obligatoire pour l’année 2013, outre la somme de 2 120,10 euros bruts de congés payés afférents,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 21 201,07 euros bruts à titre de
repos compensateur obligatoire pour l’année 2014, outre la somme de
2 120,10 euros bruts de congés payés afférents,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 16 130,04 euros bruts à titre de repos compensateur obligatoire pour l’année 2015, outre la somme de 1 613 euros bruts de congés payés afférents.
– à titre subsidiaire, si la cour déboute M. [X] [L] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et repos compensateur, condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé par la nullité du forfait jours,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à verser à M. [X] [L] la somme de 44 488,08 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– dire que les sommes de nature salariale porteront intérêts légaux de droit et capitalisation à compter de la saisine du conseil de prud’hommes de Metz en date du 29 janvier 2016,
– déclarer l’intervention volontaire du syndicat le syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT FILPAC de Moselle recevable et condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE à lui verser la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé aux intérêts de la profession que le syndicat défend,
– condamner la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 septembre 2022, la S.A.S.U. CLEAR CHANNEL FRANCE demande à la cour de :
– déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– à titre subsidiaire, débouter M. [X] [L] de cette demande,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– rejeter les prétentions adverses,
– à titre subsidiaire, ordonner la compensation entre les condamnations et les sommes versées au titre des JRTT dont a bénéficié M. [X] [L], soit la somme de 18 476,64 euros,
– condamner M. [X] [L] au paiement de la somme de 98 705,73 euros,
– condamner M. [X] [L] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [X] [L] en tous les dépens de première instance et d’appel, dont distraction est requise au profit de Maître Orlane AUER.
Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 20 mars 2023. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 21 mars 2023 et mise en délibéré au 13 juin 2023.
MOTIFS
Sur le licenciement
Sur la nullité du licenciement
Aux termes de l’article L. 2411-10 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement, l’autorisation de licenciement est requise pour le candidat aux fonctions de membre élu du comité d’entreprise, au premier ou au deuxième tour, pendant les six mois suivant l’envoi des listes de candidatures à l’employeur.
Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la candidature aux fonctions de membre élu du comité d’entreprise ou de représentant syndical au comité d’entreprise a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.
En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [X] [L] a exercé un mandat de représentant du syndicat FO au comité de groupe du 30 août 2011 au 28 mars 2012 puis d’un mandat de représentant du syndicat CGT au comité d’entreprise qui s’est achevé le 27 août 2014. Il a ensuite été présenté comme candidat aux élections professionnelles sur la liste du syndicat CGT qui a été communiquée à l’employeur le 18 mars 2015. N’ayant pas été élu, la période de protection attachée à cette candidature s’est achevée le 18 septembre 2015.
Il convient donc de constater que M. [X] [L] ne bénéficiait plus de la protection attachée à sa candidature aux élections professionnelles le 21 octobre 2015, date de la convocation pour un entretien préalable à un éventuel licenciement.
M. [X] [L] soutient toutefois qu’à cette date, l’employeur avait connaissance de l’imminence de sa désignation en qualité de représentant syndical au comité de groupe, désignation qui sera notifiée à l’employeur par le syndicat CGT par lettre du 28 octobre 2015. Pour justifier de cet élément, il ne produit qu’une attestation établie par M. [A] [Z], délégué syndical CGT, qui témoigne que la décision de désigner M. [X] [L] avait été prise dès le mois d’avril 2015 et qu’elle était en cours de formalisation au moment de la convocation du salarié. Le témoin ne fait en revanche pas état du fait que l’employeur aurait été informé de cette désignation avant le 28 octobre 2015, ce qui ne résulte d’aucun autre élément produit par le salarié. Il n’est dès lors pas démontré qu’à la date de sa convocation, M. [X] [L] bénéficiait déjà de la protection attachée à sa désignation au comité de groupe.
M. [X] [L] reproche par ailleurs à l’employeur de ne pas avoir obtenu l’autorisation préalable de l’inspection du travail alors qu’il lui était reproché des faits qui ont majoritairement eu lieu pendant la période de protection et dont la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE avait parfaitement connaissance.
Dans la lettre de licenciement du 23 novembre 2015, les faits reprochés à M. [X] [L] sont les suivants :
– comportement irrespectueux et humiliant à l’encontre de sa collaboratrice et de ses collègues,
– comportement entraînant tensions et stress au sein de l’agence de [Localité 2] nuisant à l’accomplissement serein et efficace du fonctionnement du service,
– persistance de comportements dégradants et irrespectueux malgré une mise à pied disciplinaire.
Plus précisément, l’employeur reproche à M. [X] [L] les comportements suivants :
– avoir tenu des propos dégradants et méprisants sur le physique de Mmes [O] [P] et [R] [I], assistantes commerciales, à l’occasion du retour de Mme [P], absente pour maladie du 21 au 23 septembre 2015, en lui disant que sa collègue « ressemblait à une valise, qu’on savait où la prendre avec ses poignées, et que (c’est) elle (qui) aurait dû avoir la gastro ». L’employeur lui reproche également, sur cette même période, d’avoir déclaré à Mme [I], en parlant de Mme [P] :
« [O], c’est le genre de personne tu lui fais boire trois coupes de champagne, tu la sautes comme tu veux » ou « regardes la avec son manteau, on dirait qu’elle fait la pute devant l’agence … ». L’employeur fait également état d’autres faits non datés, à savoir avoir déclaré à Mme [I], en citant le directeur commercial, M. [D] [J], « [D] m’a dit qu'[O] est sa came, c’est son genre de nana » et « arrête de manger, t’es pas assez grosse’ » ainsi qu’à Mme [P] qu’elle était « un tas d’os ».
– avoir systématiquement remis en cause les compétences de son assistante commerciale et de ses collègues : la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE reproche à M. [X] [L] de s’être présenté à l’agence de [Localité 2] le
1er octobre 2015, pendant ses congés et, en s’adressant à Mme [Y] [B], assistante développement, d’avoir traité Mme [P]
« d’incapable » en ajoutant « elles désormais je ne leur serre plus la main » en parlant de son assistante commerciale et de sa collègue.
– avoir ignoré Mme [I] à partir son retour de congés le 02 octobre 2015 : l’employeur reproche à M. [X] [L] de ne plus avoir salué et adressé la parole à Mme [I], en passant devant elle avec un regard méprisant en sifflant.
– avoir proféré des insultes à l’égard d’une salariée, Mme [N] [V], le 08 octobre 2015 : l’employeur explique que, ce jour-là, M. [X] [L] est arrivé très énervé dans l’ « open space » de l’agence de [Localité 2], téléphone collé à l’oreille, menant à très haute voix une conversation avec une personne qui devait être un client, perturbant le travail de ses collègues qui lui ont fait remarquer que son attitude était très désagréable pour les personnes présentes. Pour seule réponse , M. [X] [L] aurait alors traité Madame [V], assistante technique, de « connasse ».
Il résulte des attestations et des déclarations de main courante établies par les salariées [R] [I], [O] [P] et [Y] [B] que certains des faits qu’elles relatent concernent la période pendant laquelle M. [X] [L] bénéficiait de la protection attachée à son statut de candidat aux élections
professionnelles. Ainsi, dans l’attestation établie le 19 octobre 2015, Mme [I] fait état du fait que M. [X] [L] critique son physique en public depuis la mi-septembre 2015 et elle date de « l’hiver dernier » la scène rapportée par Mme [P] à qui M. [X] [L] aurait déclaré, en parlant de Mme [I] : « regardes la avec son manteau, on dirait qu’elle fait la pute devant l’agence … » Mme [P] précise quant à elle que M. [X] [L] critique ses compétences depuis son arrivée à l’agence au mois de juillet 2014.
Ces attestations font toutefois état d’un comportement récurrent de la part de M. [X] [L] et qui s’est manifestement poursuivi après le 18 septembre 2015 et la fin de la période de protection, en particulier les remarques relatives au physique dont fait état Mme [I], le fait de hurler en public ou le comportement irrespectueux décrit par les salariées.
Elles relatent également des faits datés avec précisions et qui concernent la période postérieure au 18 septembre 2015. Ainsi Mme [P] explique qu’après une absence pour maladie du 21 au 23 septembre 2015, M. [X] [L] lui a déclaré que « cette gastro, c’est [R] qui aurait dû l’avoir », qu’elle ressemblait « à une valise », qu’elle « avait des poignées » et qu’ « on savait par où la porter ». Mme [B] témoigne que, le 1er octobre 2015, il a qualifié Mme [P] d’« incapable » et déclaré sur Mme [I] que « celle-là, on ne peut jamais rien lui demander », en ajoutant « elles, désormais, je ne leur serre plus la main ». Elle ajoute que le 08 octobre 2015, il est arrivé en hurlant au téléphone dans l’ « open space » et qu’il a traité de « connasse » Mme [N] [V].
M. [X] [L] soutient par ailleurs qu’en faisant référence à la persistance d’un comportement dégradant et irrespectueux, la lettre de licenciement vise des faits qui, dans leur majorité, ont eu lieu pendant la période de protection et qui étaient parfaitement connus de l’employeur. Il apparaît toutefois que le rappel de comportements constatés en 2012 et 2013 n’a pas pour objet de sanctionner à nouveau le salarié pour ces faits plus anciens, ce que ne soutient d’ailleurs pas M. [X] [L] qui ne prétend pas qu’il aurait été sanctionné à deux reprises pour les faits qui ont motivé une mise à pied disciplinaire en 2013. La mention selon laquelle « ce comportement n’est pas nouveau » permet de considérer que ce rappel par l’employeur des faits constatés en 2012 et 2013 a uniquement pour objet de démontrer que la réitération du comportement reproché au salarié justifie son licenciement.
Par ailleurs, M. [X] [L] ne prétend pas que cette mise à pied disciplinaire aurait été retirée par l’employeur ou qu’elle aurait été annulée à l’issue d’une procédure judiciaire. Dès lors que le délai de trois ans prévu à l’article L. 1332-5 du code du travail n’était pas écoulé, la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE pouvait donc valablement s’appuyer sur cette sanction précédente sans qu’il y ait lieu de tenir compte du fait qu’elle avait été prononcée alors que le salarié bénéficiait potentiellement de la protection attachée à son mandat de représentant syndical au comité d’entreprise.
En outre, si l’employeur fait mention de propos critiques tenus à l’encontre de l’ancienne assistante du salarié, Mme [C], il ne s’agit là encore pas de faits directement sanctionnés mais d’une référence à l’attestation de Mme [B] qui se déclare choquée des propos tenus contre Mme [P] alors qu’elle avait constatée que M. [X] [L] « ne s’était pas gêné pour critiquer copieusement [Mme [C]] à plusieurs reprises devant ses collègues en la traitant d’incompétente et autres quolibets ».
Il résulte également d’une attestation de Mme [S] [H], responsable des ressources humaines, que l’ensemble de ces faits ont été portés à la connaissance de l’employeur par ces trois salariées le 16 octobre 2015, à l’occasion d’une visite de l’agence qu’elle a effectué avec le nouveau directeur des ressources humaines de l’entreprise. Si M. [X] [L] conteste la crédibilité de cette attestation, il ne produit aucun élément susceptible de démontrer que l’employeur aurait été informé de ces faits avant la date du 16 octobre 2015 ni, surtout, à une date à laquelle il bénéficiait encore de la protection attachée à sa qualité de candidat aux élections professionnelles.
Ainsi, même si une partie des faits invoqués par l’employeur pour justifier le licenciement a pu se produire avant le 18 septembre 2015 et la fin de la période de protection, la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE établit qu’elle en a été informée le 16 octobre 2015, après la période de protection dont bénéficiait M. [X] [L] en qualité de candidat aux élections professionnelles, et que la décision de licencier a été prise avant le début de la période de protection résultant de la désignation de M. [X] [L] en qualité de représentant syndical au comité de groupe. Il en résulte que la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE n’avait pas à solliciter l’autorisation de l’inspection du travail avant de procéder au licenciement de M. [X] [L] (Soc., 9 février 2012, pourvoi n° 10-19.686). Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande d’annulation pour défaut d’autorisation de l’inspection du travail et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la discrimination syndicale
En application de l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison de ses activités syndicales.
Pour caractériser une discrimination de nature syndicale, M. [X] [L] soutient que l’employeur aurait engagé la procédure de licenciement de manière précipitée pour contrer l’imminence de sa désignation en qualité de représentant syndical au comité de groupe. Il a toutefois été jugé ci-dessus que M. [X] [L] ne rapportait pas la preuve de ce que l’employeur était informé de cette désignation avant le 28 octobre 2015. Il n’est dès lors pas démontré que la procédure de licenciement engagée le 19 octobre 2015 était motivée par l’imminence de cette désignation.
Il n’est pas non plus démontré que le salarié aurait fait l’objet d’une sanction injustifiée et discriminatoire le 24 avril 2013. En effet, si le salarié a indiqué à l’employeur qu’il contestait les faits qui lui étaient reprochés dans un courrier du 11 juillet 2013, il n’a ensuite engagé aucune action pour obtenir le retrait ou l’annulation de cette sanction.
Enfin la discrimination syndicale alléguée contre M. [X] [L] ne peut pas résulter du simple fait que l’employeur a été condamné pour des faits du même ordre commis à l’encontre d’autres salariés.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la discrimination syndicale n’était pas démontrée et débouté M. [X] [L] des demandes formées à ce titre.
Sur le bien-fondé du licenciement
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
Pour justifier de la réalité des faits reprochés à M. [X] [L], l’employeur produit les attestations et les déclarations de main courante établies par Mme [I], Mme [P] et Mme [B] qui témoignent de propos et de comportements irrespectueux et insultants de la part de M. [X] [L] à l’égard de Mme [P] et de Mme [I].
Pour contester ces attestations, M. [X] [L] fait valoir que la lettre de licenciement fait référence à des faits du 1er octobre 2015, alors qu’il se trouvait à cette date au Maroc. Mmes [I] et [B] ont toutefois attesté qu’elles avaient commis une erreur de date et que les faits se sont, selon elles, produits le 08 octobre 2015, date à laquelle M. [X] [L] était revenu en France. Mme [I] précise que le 08 octobre 2015 correspondait à la veille de la reprise du travail par M. [X] [L] à l’issue d’un congé de paternité.
M. [X] [L] produit certes une nouvelle attestation établie par Mme [B] le 30 juin 2022 et dans laquelle elle revient sur l’ensemble de son témoignage précédent, daté du 26 octobre 2015. Elle y déclare notamment que M. [X] [L] était un collègue sympathique, qu’elle n’a jamais été témoin de comportements ou de propos déplacés de sa part, qu’elle n’a rien constaté s’agissant de Mme [P] et de Mme [I] qu’elle croisait tous les jours, qu’elle n’a reçu aucune alerte de leur part en qualité de délégué du personnel et que M. [X] [L] n’était pas présent à l’agence de [Localité 2] du 1er au 08 octobre 2015.
Pour justifier son changement de version, Mme [B] déclare qu’elle se serait sentie sous pression et manipulée, ne sachant pas que son témoignage servirait à licencier M. [X] [L]. Elle ne décrit toutefois pas les pressions qu’elle aurait subie de la part de l’employeur et qui l’aurait amenée à inventer de toute pièce un témoignage dénonçant le comportement de M. [X] [L] à l’égard de ses collègues. L’affirmation de Mme [B] selon laquelle elle n’aurait pas eu conscience à l’époque que son témoignage pouvait être utilisé dans une procédure de licenciement apparaît en outre peu crédible s’agissant d’une salariée exerçant les fonctions de déléguée du personnel. Cette affirmation se trouve en outre contredite par le fait que Mme [B] a confirmé son premier témoignage dans une attestation du 17 mai 2016, postérieure au licenciement de M. [X] [L] (pièce n°14 de l’employeur). Son témoignage a également été confirmé par Mme [I] qui a attesté que Mme [B] lui avait rapporté des propos tenus par M. [X] [L] sur Mme [P]. Au vu de ces éléments, il convient de considérer que la troisième attestation établie par Mme [B] le 30 juin 2022, plus de six ans après le licenciement, n’a pas de caractère probant.
Enfin l’absence d’enquête diligentée suite aux faits dénoncés par Mmes [I], [P] et [B], la position différente adoptée par l’employeur dans des situations similaires ou le fait que d’autres salariés déclarent n’avoir été témoins d’aucun comportement répréhensible de la part de M. [X] [L] ne sont pas des éléments de nature à remettre en cause la réalité des faits reprochés à M. [X] [L] dans la lettre de licenciement et qui apparaissent établis au vu des pièces produites.
En outre, la gravité des propos et des comportements adoptés par le salarié à l’égard de ses collègues ainsi que le fait qu’il avait déjà été l’objet d’une sanction disciplinaire pour des propos déplacés et agressifs le 24 avril 2013 permet de considérer que la faute imputable au salarié justifie son licenciement. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était un licenciement pour faute et débouté M. [X] [L] de sa demande tendant à dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, l’inopposabilité à M. [X] [L] de la convention de forfait jours a été tranchée définitivement dès lors que la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt du 11 février 2020 sauf sur ce point.
A l’appui de sa demande, M. [X] [L] produit un décompte quotidien de ses heures de travail pour la période de janvier 2014 à octobre 2015 duquel il résulte qu’il aurait effectué 567 heures supplémentaires en 2014 et 484 heures supplémentaires en 2015 ainsi que des attestations établies par des collègues de travail et des clients de l’entreprise. Ces éléments apparaissent suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement pour la période concernée. En revanche, s’agissant des heures supplémentaires que M. [X] [L] soutient avoir effectuées au cours de l’année 2013, le salarié se borne à indiquer qu’il estime avoir accompli une durée équivalente à celle de l’année 2014 mais ne fournit aucun élément précis permettant à l’employeur de répondre utilement pour cette période.
L’employeur oppose au salarié la règle applicable dans l’entreprise et qui prévoit que, pour constituer une heure supplémentaire, toute heure accomplie au-delà de la durée conventionnelle hebdomadaire de travail doit faire l’objet d’une demande expresse préalable du manager. Cette règle figure dans une note de service intitulée « Temps de travail et heures supplémentaires, complémentaires et au taux normal » datée du 11 décembre 2014 dont M. [X] [L] ne soutient pas qu’elle n’aurait pas été portée à sa connaissance. L’employeur n’établit pas en revanche que cette règle était déjà en place pour la période du 1er janvier au 11 décembre 2014. Il en résulte qu’avant cette date, les heures supplémentaires effectuées par le salarié avaient au moins implicitement été acceptées par l’employeur qui ne justifie de la mise en place d’aucun dispositif de contrôle du temps de travail du salarié.
En revanche, dès lors que la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE a exigé un accord express et préalable à la réalisation d’heures supplémentaires, il appartient au salarié de démontrer soit que l’employeur ne s’est pas opposé à la réalisation d’heures supplémentaires dont il avait connaissance, soit que leur accomplissement était rendu nécessaire en raison de la nature ou de la quantité des tâches à accomplir.
A ce titre, M. [X] [L] ne produit aucun élément susceptible d’établir que, suite à la diffusion de la note de service du 11 décembre 2014, les heures supplémentaires qu’il soutient avoir effectuées correspondaient à une demande de l’employeur ni que ce dernier pouvait avoir connaissance du fait que le salarié réalisait des heures supplémentaires, étant rappelé que M. [X] [L] n’était pas soumis à des horaires de travail fixes. Par ailleurs, pour démontrer que les heures supplémentaires étaient nécessaires compte tenu de sa charge de travail, le salarié cite deux passages d’un rapport d’expertise réalisé en 2015 à la demande du CHSCT et qui ferait état selon lui du fait que les commerciaux seraient « contraints de réaliser des objectifs augmentant mécaniquement, disposant de ressources et de réseaux dégradés, les services supports étant insuffisants, les commerciaux sont contraints d’intensifier fortement leur activité ». Cette observation d’ordre générale ne permet toutefois pas de démontrer qu’à compter du 11 décembre 2014, la charge de travail de M. [X] [L] rendait nécessaires les heures supplémentaires qu’il soutient avoir effectuées.
Pour contester la demande de M. [X] [L] pour la période du 1er janvier au 11 décembre 2014, l’employeur fait valoir que le décompte qu’il a établi ne précise pas ses heures de travail exacts et qu’il ne produit aucun élément pour justifier qu’il aurait effectivement accompli ces horaires.
Il ne peut toutefois pas être reproché au salarié de ne pas avoir produit un relevé détaillé de ses heures de travail qui n’est pas non plus produit par l’employeur alors que pèse sur ce dernier l’obligation de contrôler les heures de travail effectuées. La S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE ne peut davantage invoquer l’existence d’une convention de forfait jour qui a été déclarée inopposable à M. [X] [L] du fait de la carence de l’employeur dans le contrôle de la charge de travail. Il y a lieu en revanche de prendre en compte le fait que le décompte produit par le salarié n’a manifestement pas été établi à partir des relevés précis de ses heures de travail mais d’une évaluation réalisée par le salarié a posteriori, sur la base de la semaine type qu’il décrit dans ses conclusions. L’employeur fait également valoir à juste titre que le relevé ne mentionne pas si les temps de pause du salarié sont pris en compte.
La S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE ajoute que M. [X] [L] ne peut prétendre bénéficier du paiement des heures supplémentaires sur la base d’une rémunération d’un cadre au forfait jour et qu’il a par ailleurs bénéficié à ce titre de 18 jours de récupérations par an. Il sera relevé à ce titre que, si le salarié fait apparaître dans le calendrier qu’il produit les jours de récupération pour lesquels il a manifestement été rémunéré, aucun élément ne permet de considérer que les heures récupérées à ce titre auraient été déduites du total des heures supplémentaires effectuées.
Il résulte de ces éléments que M. [X] [L] rapporte la preuve de l’accomplissement d’heures supplémentaires implicitement acceptées par l’employeur pour la période du 1er janvier au 11 décembre 2014. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté M. [X] [L] de sa demande au titre des heures supplémentaires et du droit au repos compensateur. Au vu de l’ensemble des
éléments invoqués par les parties, la créance de M. [X] [L] à ce titre peut être évaluée à un montant de 10 000 euros bruts et la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE sera condamnée au paiement de cette somme qui produira intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2016, date de la saisine du conseil de prud’hommes.
Par ailleurs, si la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE sollicite à titre subsidiaire la compensation entre le montant mis à sa charge au titre des heures supplémentaires et le montant versé à M. [X] [L] au titre des jours de repos payés, il convient de constater que l’employeur ne demande pas la condamnation de M. [X] [L] au paiement des dites sommes, étant relevé au surplus que ces jours de repos rémunérés ont été pris en compte pour évaluer le montant de la créance de M. [X] [L] au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur. La S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE sera donc déboutée de cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait
M. [X] [L] soutient que, du fait de l’annulation de la convention de forfait, il aurait subi un préjudice résultant du fait qu’il était soumis à un régime de durée du travail ne lui permettant pas de bénéficier des temps de repos nécessaires.
Il ne produit toutefois aucun élément susceptible de justifier d’un préjudice distinct de celui résultant des heures supplémentaires non rémunérées que l’employeur est condamné à lui payer dans le cadre du présent arrêt. Il convient donc de le débouter de cette demande.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Vu les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail,
Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,
Vu l’article 564 du code de procédure civile,
La S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE oppose l’irrecevabilité de la demande formée pour la première fois devant la cour d’appel de renvoi. Il convient cependant de constater que la saisine du conseil de prud’hommes est intervenue le 29 janvier 2016, avant l’entrée en vigueur du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 qui a abrogé l’article R. 1452-6 du code du travail, lequel reste applicable aux instances introduites avant le 1er août 2016 et qui dispose que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance.
Il en résulte que la demande d’indemnité pour travail dissimulé n’est recevable que dans le cadre de la présente instance et qu’elle peut donc être formulée pour la première fois à hauteur d’appel. Cette fin de non-recevoir sera donc rejetée.
La S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE soulève par ailleurs la prescription de la demande formulée pour la première fois dans des conclusions transmises le 19 juillet 2022.
En application de l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
La demande d’indemnité pour travail dissimulé étant une demande portant sur l’exécution du contrat de travail et ne présentant pas un caractère salariale, elle est soumise au délai de prescription de deux années. S’agissant du point de départ du délai de prescription, il convient de constater qu’à la date de la rupture du contrat de travail, le salarié avait connaissance des heures supplémentaires effectuées et du fait qu’elles n’avaient pas été payées. Il ne soutient d’ailleurs pas que le délai de prescription aurait commencé à courir après la date de la rupture du contrat de travail, intervenue le 23 février 2016 à l’issue du délai de préavis de trois mois.
La demande d’indemnité pour travail dissimulé ayant été formée pour la première fois dans les conclusions transmises le 19 juillet 2022, soit plus de six ans après la rupture du contrat de travail, il convient de constater que cette demande est prescrite. Elle doit donc être déclarée irrecevable.
Sur la demande reconventionnelle au titre d’un trop-perçu de salaire
La S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE sollicite à titre reconventionnelle une somme de 98 705,73 euros correspondant à un trop-perçu de salaire.
Il apparaît toutefois que l’employeur sollicite en fait le remboursement des sommes versées à M. [X] [L] en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Metz suite à l’arrêt de la Cour de cassation. Il appartient donc à l’employeur d’utiliser les voies de droit qui lui sont ouvertes pour faire exécuter cette décision, le juge de l’exécution étant par ailleurs seul compétent pour statuer en cas de litige sur ce point, conformément à l’article L. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution. Il convient donc de débouter la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE de cette demande.
Sur l’intervention volontaire du syndicat CGT de la Moselle
Vu l’article 2132-3 du code du travail,
Dès lors que le licenciement n’a pas été déclaré nul et que l’existence d’une discrimination pour appartenance syndicale n’a pas été retenue, le syndicat CGT de la Moselle ne justifie d’aucun préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs de la profession et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [X] [L] aux dépens. Il sera confirmé en ce qu’il a débouté la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de l’issue du litige et dès lors que chacune des parties succombe partiellement en ses demandes, il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens qu’elle aura exposés au titre de l’ensemble de la procédure et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dans la limite de la saisine par renvoi après arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2022,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Metz du 12 mai 2017 en ce qu’il a :
– débouté M. [X] [L] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateur,
– condamné M. [X] [L] aux dépens ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant
CONDAMNE la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE à payer à M. [X] [L] la somme de 10 000 euros bruts (dix mille euros) à titre de rappel d’heures supplémentaires et de repos compensateur, avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2016 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
DÉBOUTE M. [X] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité du forfait jours ;
DÉBOUTE la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE de sa demande de compensation entre les sommes mises à sa charge au titre du paiement des heures supplémentaires et la rémunération perçue par M. [X] [L] pendant ses jours de repos ;
DÉCLARE irrecevable du fait de la prescription la demande d’indemnité pour travail dissimulé ;
DÉBOUTE la S.A.S. CLEAR CHANNEL FRANCE de sa demande en paiement d’un trop-perçu de salaire ;
LAISSE les dépens à la charge de la partie qui les aura exposés ;
REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffière.
La Greffière, Le Président,