13 février 2023
Cour d’appel de Basse-Terre
RG n°
21/00287
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT AVANT-DIRE-DROIT
N° 80 DU 13 FEVRIER 2023
N° RG 21/00287
N° Portalis DBV7-V-B7F-DJL6
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de proximité de Saint-Martin en date du 11 janvier 2021, dans une instance enregistrée sous le n° 20/00141.
APPELANT :
Monsieur [M] [T]
[Adresse 2]
[A] [Y]
[Localité 5]
Représenté par Me Serge Bille, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
INTIMES :
Monsieur [X] [W]
[Adresse 3]
[Adresse 4]. D
[Localité 1]
Représenté par Me Alexia Mitaine, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
INTERVENANT FORCE :
Monsieur [O] [J]
[Adresse 2]
[A] [Y]
[Localité 5]
Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 799 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile jusqu’au 28 novembre 2022 10 heures.
Par avis du 28 novembre 2022 le président a informé les parties que l’affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Monsieur Frank Robail, président de chambre,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,
Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller,
qui en ont délibéré.
Par avis du greffe du même jour, les parties ont été avisées de ce que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 01 février 2023.
Le 1er février 2023, elles ont été informées de la prorogation du délibéré à ce jour.
GREFFIER lors du dépôt des dossiers et du prononcé : Mme Armélida Rayapin.
ARRÊT :
– Par défaut , prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
– Signé par M.Frank Robail, Président de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 1er mai 2016, Mme [I] [P] épouse [W] a donné à bail commercial à M. [B], pour une durée de 9 ans à comper de cete même date et moyennant un loyer annuel de 12 000 euros payable mensuellement ‘des locaux comprenant un magasin et ses dépendances’ ‘sis à [Adresse 6] ;
Par acte d’huissier de justice du 2 mars 2020, M. [X] [W], domicilié à [Adresse 7], a fait appeler M. [M] [T], domicilié au susdit local de SAINT-MARTIN, devant le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE à l’effet de voir :
– constater la nullité de ce bail commercial,
– constater que le défendeur est occupant sans droit ni titre,
– ordonner son expulsion sous astreinte,
– condamner M. [T] à lui payer une indemnité mensuelle d’occupation égale à 1 500 euros à compter du mois de septembre 2017 jusqu’à libération effective des lieux, soit 43 500 euros,
– ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde meuble désigné par lui en garantie des sommes dues,
– condamner M. [T] à lui payer les sommes suivantes :
** 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
** 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens ;
Il prétendait à ces fins que Mme [P] avait consenti audit bail en toute illégalité, puisque sans requérir l’avis du nu-propriétaire ;
M. [T] n’a pas comparu et par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2020, le tribunal de proximité de SAINT-MARTIN/SAINT-BARTHELEMY du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE :
– a constaté la nullité du bail commercial conclu le 1er mai 2016 entre Mme [P] et M. ‘[S],
– a condamné ce dernier à payer à M. [W] une indemnité mensuelle d’occupation de 1 000 euros depuis le 13 septembre 2017 jusqu’à la libération effective des locaux occupés,
– a ordonné l’expulsion de M. [T] dans le délai de 4 mois à compter de la signification dudit jugement et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
– a dit que M. [T] devra libéré les locaux sus-indiqués et enlever tout son matériel d’exploitation dans le délai de 4 mois sus-visé,
– a condamné M. [T] à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens,
– a rejeté les demandes plus amples de M. [W],
– a ordonné l’exécution provisoire de ce jugement ;
Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 8 mars 2021, M. ‘[M]’ [T] a relevé appel de ce jugement, y intimant M. [X] [W] et y visant expressément, au titre des chefs de jugement critiqués, les dispositions par lesquelles le tribunal :
– a constaté la nullité du bail commercial conclu le 1er mai 2016 entre Mme [P] et M. ‘[S],
– l’a condamné à payer à M. [W] une indemnité mensuelle d’occupation de 1 000 eruos,
– a ordonné son expulsion dans le délai de 4 mois à compter de la signification dudit jugement,
– l’a condamné à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Cet appel a été orienté devant le conseiller de la mise en état et M. [W] a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l’intimé par RPVA le 20 avril 2021;
***
Par acte d’huissier de justice du 29 mars 2022, M. [T] a fait appeler en intervention forcée dans le cadre de cette instance d’appel M. [O] [J], demeurant à [Localité 5], à l’effet de voir, au visa des articles 331 et suivants, 367, 699 et 700 du code de procédure civile :
– le déclarer recevable et bien fondé en sa demande d’intervention forcée de M. [J] et de condamnation de ce dernier à le garantir des condamnations éventuelles qui pourraient être prononcées à son encontre,
– ordonner la jonction de cette intervention forcée avec l’instance en cours sur son appel du jugement déféré,
– infirmer en toutes ses dispositions ledit jugement,
Statuant à nouveau,
– dire que le bail du 1er mai 2005 ne s’est pas éteint avec le décès de [V] [X] [W] en 2006, ni avec l’usufruit de sa veuve, [I] [P], décédée le 12 septembre 2017,
– dire ce bail valide et qu’il se poursuit jusqu’au 1er mai 2023 conformément à l’alinéa 2 de l’article 595 du code civil,
– dire que M. [X] [W] n’a fait connaître sa qualité qu’en première instance devant le tribunal de proximité,
– constater :
** que [I] [P], veuve [F] [X] [W] n’a pas donné connaissance de l’existence de son beau-fils, [X] [W], tandis qu’à la suite de son décès, son propre fils, [O] [J], percevait les loyers directement depuis 2017,
** que [X] [W] n’a intenté aucune action à l’encontre de [O] [J] pour le remboursement des loyers perçus depuis le 12 septembre 2017,
– dire et juger le défaut d’entretien des locaux par les bailleurs et l’obligation de lui rembourser les travaux réalisés à la suite du passage de l’ouragan IRMA du 6 septembre 2017 pour un montant de 11 435 euros conformément à l’article 605 du code civil,
– lui donner acte de ce qu’il met en cause M. [J] par acte séparé d’intervention forcée devant le cour,
Subsidiairement, s’il était mis fin au bail commercial du 1er mai 2005,
– le ‘déclarer (…) recevable et bien fondé à des dommages et intérêts tant à l’encontre de M. [X] [W] que M. [O] [J]’,
– vu l’article 1719 3° du code civil sur l’obligation du bailleur de ‘faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail’,
– ‘condamner solidairement M. [X] [W] ainsi que M. [O] [J] à une indemnité d’éviction de 50 000 eruos, outre les dommages et intérêts pour les préjudices subis par M. [T] d’un montant de 10 000 euros’,
– condamner M. [O] [J] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
***
L’appelant a conclu à quatre reprises, par actes remis au greffe et notifiés à l’avocat de M. [W] respectivement les 7 avril 2021, 21 novembre 2021, 6 mars 2022 et 1er mai 2022 ;
M. [W] a lui aussi conclu à trois reprises et ainsi remis et notifié ses écritures au conseil de l’appelant respectivement les 20 juillet 2021, 16 décembre 2021 et 10 juin 2022 ;
M. [J] a été assigné en l’étude de l’huissier et n’a pas comparu, si bien que le présent arrêt sera rendu par défaut ;
***
Par ordonnance du 19 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a clôturé l’instruction de l’affaire et autorisé les parties à déposer leurs dossiers au greffe avant le lundi 28 novembre 2022 à 10 heures ;
A cette date, les parties ont été informées, par message RPVA du greffe, de la fixation du délibéré au 1er février 2023, par mise à disposition au greffe.
Enfin, par un dernier avis du greffe du 1er février 2023, d’une part, le conseil de l’appelant a été invité à déposer les pièces annoncées en son bordereau de pièces dans les plus brefs délais et d’autre part, les parties ont été informées de ce que l’arrêt serait rendu, sur prorogation du délibéré, le 13 février 2023 ;
M. [T] a fait parvenir au greffe son dossier de pièces ce même 1er février 2023 ;
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
1°/ Par ses dernières écritures, M. [B] conclut aux fins de voir, au visa des articles 595, 605 et 606 du code civil :
– déclarer son appel recevable et bien fondé,
– infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
– statuant à nouveau, vu l’assignation en intervention forcée de M. [O] [J] et en garantie des condamnations éventuelles à son encontre,
– ordonner la jonction de cette assignation à la présente instance,
– dire que le bail du 1er mai 2005 ne s’est pas éteint avec le décès de [V] [X] [W] en 2006 ni avec l’usufruit de sa veuve, [I] [P], décédée le 12 septembre 2017,
– dire le bail du 1er mai 2005 valide et qu’il se poursuit jusqu’au 1er mai 2023 conformément à l’article 595 al 2 du code civil,
– dire que la lecture du relevé de propriété atteste que M. [V] [X] [W] est toujours propriétaire du bien loué,
– dire que M. [X] [W] n’a fait connaître sa qualité qu’à l’occasion de la présente procédure,
– constater :
** que [I] [P], veuve [F] [X] [W] n’a pas donné connaissance de l’existence de son beau-fils [X] [W], tandis qu’à la suite de son décès, son propre fils, [O] [J], percevait les loyers directement depuis 2017,
** que M. [X] [W] n’a intenté aucune action à l’encontre de M. [O] [J], fils de [I] [P] veuve [V] [X] [W], pour le remboursement des loyers perçus depuis le 12 septembre 2017,
** qu’il verse les loyers à M. [W] depuis le jugement critiqué via l’huissier instrumentaire,
– dire le défaut d’entretien des locaux par les bailleurs et l’obligation de lui rembourser les travaux réalisés à la suite du passage de l’ouragan IRMA du 6 septembre 2017 pour un montant de 11 435 euros, conformément à l’article 605 du code civil,
– lui donner acte de ce qu’il met en cause M. [J] par acte séparé d’intervention forcée devant la cour,
Subsidiairement, si par impossible il était mis fin au bail commercial du 1er mai 2005,
– le déclarer recevable et bien fondé à des dommages et intérêts,
Vu l’article 1719 3° du code civil sur l’obligation du bailleur ‘d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (…)’,
– dire qu’il devra s’acquitter de sa dette en 24 mois,
– condamner solidairement M. [X] [W] et M. [O] [J] à une indemnité d’éviction de 50 000 euros, outre les dommages et intérêts pour les préjudices subis par lui d’un montant de 10 000 euros,
– condamner M.[X] [W] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civiel, ainsi qu’aux entiers dépens ;
M. [T] indique par surcroît à ces fins :
– que c’est le défunt mari de Mme [P], feu M. [V] [X] [W], qui lui avait consenti un premier bail commercial sur le local litigieux, etce dès 2005,
– que, curieusement, au décès de ce bailleur, son épouse a ‘interrompu (le bail) avant son terme’, en suite de quoi elle a refait un bail daté du 1er mai 2007 avec un loyer de 12 000 euros par an, et ce au mépris du bail initial de 2005 ‘qui était toujours en cours’,
– qu’un nouveau bail a ensuite été conlu le 1er mai 206 aux mêmes termes et conditions,
– qu’il en a toujours réglé les loyers,
– qu’il a donc loué les locaux en cause pendant plus de 15 ans, alors même qu’ils n’ont jamais été entretenus,
– que le cyclone IRMA du 6 septembre 2017 les a sinistrés sans que personne n’y intervînt, le laissant procéder seul aux réparations qui lui ont coûté 5 000 euros,
– qu’il a appris l’existence du fils du bailleur originel tout récemment, celui-ci ne s’étant manifesté ni lors du décès de son père en 2005 ni lors du décès de sa belle-même en 2017, à telle enseigne que le relevé de propriété mentionne toujours feu M. [V] [X] [W] comme seul propriétaire du local commercial,
– et qu’ainsi, au décès de Mme [P] il a continué de verses les loyers, mais entre les mains de son fils [O] [J] ;
Pour le surplus de ses explications, il est expressément renvoyé à ces écritures ;
2°/ Par ses propres dernières écritures, M. [X] [W], intimé, souhaite voir quant à lui, au visa des ‘articles 754 et suivants du code de procédure civile’, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, déboiter M. [T] de toutes ses demandes et condamner celui-ci à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, ‘en ce compris les dépens de procédure à savoir : frais de la sommation interpellative du 10 mai 2012, frais de l’acte d’huissier du 11 décembre 2017, frais de sommation interpellative du 4 décembre 2018, frais de sommation de payer du 4 décembre 2018 et frais de sommation du 14 février 2019″ ;
M. [W] précise à ces fins en substance :
– qu’il produit aux débats le relevé de propriété de l’ensemble immobilier sis au [Adresse 6] qui date d’octobre 2019 et sur lequel il est mentionné que les locaux en cause appartiennent à ‘M. [V] [X] [W]’, qui est son père,
– que ce bien fait donc partie de la succession de celui-ci, décédé à [Adresse 6] le 26 juin 2006,
– qu’à ce décès, il s’est vu reconnaître la qualité de nu-propriétaire de cet ensemble immobilier, sa belle-mère, Mme ‘[R]’ [P], n’en étant qu’usufruitière, ainsi qu’il résulte d’un certificat d’hérédité du 17 juillet 2006,
– que cependant, le 1er mai 2016, celle-ci a signé un nouveau bail commercial avec M. [T],
– que Mme [P] étant décédée elle-même le 12 septembre 2012, il est devenu à cette date l’unique propriétaire du local donné à bail,
– que suivant sommation interpellative de 2012, M. [T] a reconnu être dans les lieux depuis 2005 et avoir payé les loyers à Mme [W] née [P], soit 12 000 euros par an,
– qu’en revanche, il ne paye plus les loyers depuis la mort de Mme [P],
– que c’est pourquoi, en mai 2016, en tant que propriétaire, il a saisi le tribunal pour obtenir la nullité du bail conclu hors sa présence et sans son accord de nu-propriétaire;
Pour le surplus de ses explications, il est expressément référé auxdites écritures ;
MOTIFS DE LA DECISION
1°/ Sur la recevabilité de l’appel au regard du délai d’appel
Attendu qu’il ne résulte d’aucun des éléments produits aux débats que l’appel principal relevé par M. [T] à l’encontre du jugement déféré l’aurait été hors délai ; qu’il y sera donc déclaré recevable ;
2°/ Sur la demande de jonction
Attendu qu’au détour de ses conclusions de fond M. [T] demande la jonction de l’appel en intervention forcée qu’il a diligenté à l’encontre de M.[O] [J], non comparant, avec l’instance principale résultant de son appel principal à l’encontre du jugement déféré ;
Or, attendu qu’il ressort des éléments de la procédure que l’appel en intervention forcée de M. [J] n’a pas fait l’objet d’un enrôlement distinct et a été intégré directement à l’instance d’appel n° RG 21/287 ; que la demande de jonction de M. [T] n’a donc pas d’objet et sera comme telle rejetée ;
3°/ Sur l’intervention forcée de M. [O] [J]
Attendu qu’en application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, lorsqu’en l’absence du défendeur ou de l’intimé ou de l’intervenant forcé, il est statué sur le fond des demandes du demandeur ou de l’appelant ou du demandeur à l’intervention forcée, le juge ne peut faire doit à ces demandes qu’autant qu’il les estime régulières, recevables et bien fondées ;
Attendu que l’intervenant forcé en la personne de M. [J] ne comparaît pas en appel sur l’assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée en l’étude ; qu’il appartient donc à la cour de relever d’office tout moyen susceptible de conduire au constat de l’irrégularité ou de l’irrecevabilité ou du mal fondé des demandes à son endroit ;
Attendu que toute intervention forcée en cause d’appel heurte le principe général du double degré de juridiction qui a cours en droit processuel français et en droit conventionnel, ce pourquoi l’article 555 du code de procédure civile en limite la recevabilité à la seule hypothèse d’une ‘évolution du litige (qui) implique (la) mise en cause’ de toute personne qui n’a été ni partie, ni représentée en première instance ou qui y a figuré en une autre qualité ;
Or, en droit, attendu que l’évolution du litige impliquant la mise en cause d’un tiers devant la cour d’appel au sens de cet article, en ce que ce tiers se trouve ainsi privé du droit au double degré de juridiction, doit être interprété restrictivement et n’est ainsi caractérisée que par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit née du jugement déféré ou postérieure à celui-ci, modifiant les données du litige ;
Or, en fait, attendu que si M. [T], auteur de l’intervention forcée en cause d’appel délivrée à M. [J], n’a pas comparu en première instance, d’une part, il y avait été régulièrement appelé par une assignation délivrée à sa personne et a donc fait choix sciemment de n’y point comparaître, et d’autre part et surtout, l’existence de M. [J], intervenant forcé en qualité d’héritier de la défunte bailleresse en la personne de feue Mme [P], et de bénéficiaire des loyers versés depuis 2012, date du décès de cette dernière, par M. [T] en exécution du bail argué de nullité par l’ancien nu-propriétaire des lieux et actuel propriétaire en pleine propriété, était incontestablement connue de lui puisqu’il excipe expressément du fait qu’il lui verse lesdits loyers, et ne peut par suite constituer un élément qui se serait révélé postérieurement au jugement déféré ;
Attendu qu’il semble bien ainsi que l’intervention forcée de M. [J] ne puisse être tenue pour participer de l’évolution du litige impliquant sa mise en cause en appel au sens de l’article 555 du code de procédure civile et que, dès lors, cettte intervention soit irrecevable ;
Mais attendu que cette fin de non recevoir n’était pas dans les débats avant clôture de la mise en état et n’a pas été soumise à la contradiction des colitigants, laquelle s’impose au juge comme aux parties en vertu des dispositions de l’article 16 du code de procédure civile ; qu’il y a donc lieu de rouvrir les débats et de renvoyer cause et parties à la mise en état, à l’effet de permettre à M. [T], auteur de l’intervention forcée passible d’irrecevabilité, ainsi qu’à M. [W], tous deux seuls comparants, de débattre contradictoirement du bien ou mal fondé de cette fin de non recevoir ;
Attendu que cette réouverture des débats s’impose de surcroît par la circonstance qu’à défaut pour M. [J], ès qualités d’héritier de la cocontractante de M. [T] au bail argué de nullité, d’avoir été appelé à l’action en nullité dudit bail en première instance et, le cas échéant, d’être valablement appelé en l’instance d’appel, il apparaît que cette action puisse être elle-même irrecevable ;
Attendu qu’en effet, si l’infraction à la règle impérative de l’article 595 al 4 du code civil qui prohibe les baux commerciaux à l’initiative de l’usufruitier du bien donné à bail, sans le concours du nu-propriétaire, est sanctionnée de la nullité dudit bail et si cette nullité est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le nu-propriétaire, l’action en nullité de ce dernier n’est recevable qu’autant qu’elle est dirigée contre le preneur certes, mais aussi contre le bailleur ;
Or, attendu que le bailleur ou ses héritiers n’ont pas été appelés à la première instance et, si son héritier prétendu ou l’un de ces héritiers a été appelé pour la première fois en cause d’appel, l’irrecevabilité envisagée de cette intervention forcée serait de nature à rendre irrecevable l’action en nullité de M. [W] à l’encontre du seul preneur ;
Attendu que la cour entend soulever d’office cette seconde possible irrecevabilité, ce pourquoi, en application de l’article 16 sus-rappelé, les parties sont invitées, dans le cadre de la réouverture des débats déjà envisagée, à s’exprimer sur cette fin de non recevoir ;
Attendu que les dépens et frais irrépétibles seront réservés en fin de cause ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par défaut et par arrêt avant-dire-droit au fond,
– Dit recevable l’appel formé par M. [B] à l’encontre du jugement du tribunal de proximité de SAINT-MARTIN/SAINT-BARTHELEMY en date du 11 janvier 2021,
– Avant-dire-droit au fond, rouvre les débats et renvoie cause et parties à la mise en état, audience virtuelle du 20 mars 2023 9H00,
– Invite pour cette date les parties à débattre contradictoirement le cas échéant des fins de non recevoir que la cour se propose de soulever d’office, en l’absence de comparution de l’intervenant forcé en la personne de M. [O] [J], savoir :
** l’irrecevabilité de l’intervention forcée de M. [O] [J] en application de l’article 555 du code de procédure civile,
** l’irrecevabilité subséquente de l’action de M. [X] [W] en nullité du bail commercial qui liait feue Mme [I] [P] veuve [W], bailleresse, et M. [B], preneur, en l’absence à la cause du ou des héritiers de la sus-nommée bailleresse,
– Réserve les dépens et frais irrépétibles en fin de cause.
Et ont signé,
La greffière Le président